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Je me demandais comment vous présenter
ce grand conférencier que nous avons aujourd’hui.
À cette heure-ci vendredi prochain, je voyagerai au Ghana et donc, il y a quelques jours, j’étais
pris entre mes responsabilités pour le congrès, courant d’un bord à l’autre. Je revenais tout juste de chez le médecin pour avoir
mes vaccinations
pour mon voyage au Ghana
et j’étais encore pressé, courant sur la rue vers mon bureau
quand mon téléphone a sonné. J’ai
répondu, en essayant de reprendre mon souffle,
et l’homme sur la ligne m’a dit: « Bonjour James, c’est John Githongo. »
J’ai alors presque lâché le téléphone
à cet instant, ce qui était probablement dû
en partie au fait que j’étais épuisé d’avoir tant couru, mais aussi car j’avais vraiment hâte
d'avoir la chance de le rencontrer personnellement, et pour nous tous d'avoir la chance
d'entendre cet homme.
John est quelqu’un qui, je crois, transcende
un rôle qui est
à la fois
confiné au gouvernement ou
au secteur des ONG ou un de ces domaines uniques, et il est quelqu’un
qui est réellement
un patriote
pour son pays, quelqu’un qui s’est engagé à s’assurer que le futur du Kenya
et que le futur de l’Afrique, dans un sens plus large, soit dirigé par les gens
qui viennent du pays, qui connaissent le lieu, à qui la place appartient.
Et je pense que c’est quelque chose de vraiment phénoménal.
Et c'est un grand leader. Il est présentement le PDG de Inuka Trust
Kenya,
un mouvement implanté au Kenya,
qui est réellement impliqué dans la
mobilisation du peuple à prendre en charge leur propre vie, leur communauté
et à construire un futur
plus empreint de paix et de respect mutuel.
C’est un pays qui a fait face à plusieurs luttes,
des batailles depuis l’indépendance et bien avant, évidemment,
et plus récemment avec certaines
situations politiques et de violences depuis l’élection de 2008. Et John est
quelqu’un qui a été très utile
en aidant à débattre de ces problématiques et à construire un certain appui à l’intérieur du pays pour un meilleur futur.
Remarquable. De nombreuses personnes ont peut-être entendu parler de lui
en raison du fait que,
en 2003,
lorsqu’un nouveau gouvernement a été amené au pouvoir après
plus de vingt
ans de règne du
dernier président,
monsieur Githongo
a été nommé comme
secrétaire permanent
du bureau du président du Kenya. Il s’est attaqué plus spécifiquement à la problématique de
la corruption et des détournements de fonds,
une problématique qui
jouait un rôle déterminant dans le pays depuis plusieurs années
et qui a été une raison centrale de l’élection de ce gouvernement avec autant
d’appuis.
Et dans son rôle en tant que secrétaire permanent, il a révélé un
scandale grave
d’environ un milliard de dollars de corruption dans son pays, provenant de gens
de l’intérieur de son propre gouvernement;
il a fini par
être un dirigeant moral incroyable sur ces problématiques, et en dénonçant certaines personnes, il a même dû
fuir son propre pays
et vivre en exil pour un certain temps
en réponse aux menaces de mort qu'il a subies. Et vraiment, c’est une personne que
nous avons le privilège d’avoir avec nous,
c’est une personne exceptionnelle. Et donc, sans plus attendre, j’inviterais monsieur Githongo à venir se présenter.
Merci James. Vous êtes trop aimable.
Et merci
à Ingénieurs
sans frontières de m’avoir invité ici aujourd’hui.
Comme on dit en Afrique de l’Est : « Asante Sana » - « Merci beaucoup ».
Au début, lorsque j’ai reçu cette invitation d'Ingénieurs sans frontières, je dois admettre
que James et moi avons eu des échanges.
J’avais l’impression que je
m'adresserais à une salle remplie d’individus
...
en habits noirs,
en chemises blanches et cravates,
et je ne me sentais réellement pas à la hauteur de la tâche.
Et puis, j’ai fait un peu de lecture et je me suis dit : « OK, c’est mon type de groupe. »
...
En écoutant simplement
George Roter, Jennifer Hiscock
et Josh,
et ce qu’ils viennent de dire
à propos de l’esprit
qui imprègne le développement,
c’est ce dont je voulais vous parler donc je pense qu’ils m’ont plutôt volé
la vedette. J’avais préparé une jolie petite anecdote pour commencer, mais
je crois que les leurs sont beaucoup mieux que les miennes.
...
Au moment où l’on se parle,
le peuple du Sud-Soudan
votent
pour ou contre
la séparation d'avec le Nord.
Et lorsqu’on regarde les statistiques
cela peut sembler irrationnel.
Et j’ai vu beaucoup d’articles
publiés, particulièrement dans la dernière semaine,
disant : « Et bien, sommes-nous témoins de la naissance d’un autre État africain voué à l’échec? »
La majorité de ces huit millions de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour,
avec un taux d'alphabétisation de quinze pour cent,
vous avez une population qui a été traumatisée par plus de vingt et un ans de guerre civile.
Et pourtant,
lorsqu'on
écoute les habitants du Sud-Soudan - nous avons
au Kenya
été l’hôte de
dizaines de milliers d'entre eux
au cours des deux ou trois dernières décennies, et l'accord de paix qui a conduit au
vote qui se passe présentement a été signé au Kenya en 2005 –
lorsqu'on les rencontre
l’excitation
est palpable :
ils vont être libres,
...
ils définissent leur propre réalité pour la première fois.
Ce n’est pas une belle réalité,
ce n’est pas une réalité facile,
ce sera extrêmement difficile,
mais c’est la leur.
Durant le scrutin,
vous votez « Oui »
pour l’unité
et le signe est ceci [geste de main] de sorte que vous cochez à côté de ce symbole.
Et si vous votez « Non » à l’unité, et pour la séparation,
c’est une main comme ça [geste de main].
Ayant rencontré des amis sud-soudanais le dimanche avant mon arrivée ici, à Nairobi – parce qu’ils votaient
à Nairobi, à un endroit,
près d’un endroit, près d'un lieu où nous tenions une réunion -
j’étais impressionné par
les amis sud-soudanais,
qui ne se serraient pas la main.
Vous leur tendiez votre main
et ils se retiraient, et tout le monde faisaient des « tope-là ».
Et ils m’ont dit quelque chose
sur la signification du développement:
c'est une histoire très particulière d'oppression, de racisme
et de ce que nous appelons en swahili « madharau »,
« de détester, de mépriser »,
qui a informé
la façon dont toute une population pense d’elle-même, de leur nation
et de ce que le développement signifie pour eux.
Et ceci me pousse à
faire valoir que
la dignité vient avant le développement.
Donc, d'abord la dignité,
puis le développement.
Dans des jeunes nations très hétérogènes,
traumatisées par les conflits
et l’occupation
et parfois maudites par la richesse,
le développement signifie l’écoute
d’abord.
C'est le software d’abord, le hardware ensuite. J’ai dit
que dans un pays comme le mien, le Kenya…
la Côte d’Ivoire
était similaire au Kenya
il y a de ça dix ou quinze ans:
un pays développé, stable,
prospère
et vu comme un bastion
du développement dans sa sous-région.
Toutefois, les échecs de gouvernance
ont mené à un effondrement
que je décrirais comme
un échec du software.
C’est comme avoir un tout nouvel
ordinateur Dell – et vous êtes tous ingénieurs,
vous savez ce que ça signifie – c’est un tout nouvel ordinateur
avec un logiciel MS-Dos.
Il va planter!
L’écran bleu de la mort
apparaît occasionnellement
dans des pays, et c’est ce qui est arrivé au Kenya en 2007.
C’est arrivé en Côte d’Ivoire. Ça arrivera dans quelques autres pays d’Afrique dans les
5 à 6 prochaines années, parce que nous passons à travers une transition très importante qui
sera volatile.
Mais je crois qu’elle est aussi remplie d'extraordinaires possibilités.
L’expérience kényane fut unique. Nous avions tout le hardware nécessaire.
Durant ces cinq années, à travers la violence dont James a parlé, en 2007-2008,
le cours de la bourse avait crû de quatre cent pour cent,
la croissance de l’économie avait été en moyenne de cinq virgule cinq pour cent par an.
Dans les
trois premiers mois au pouvoir en 2003,
un virgule trois million
d’enfants qui n’étaient jamais allés à l’école sont allés à l’école primaire pour la première fois.
En 2006, le nombre
d’écoliers
inscrits à l’école primaire avait doublé
depuis 2003.
Ce sont des développements majeurs. Nous avions un boom de l’immobilier en cours, un boom des infrastructures.
Et cependant, nous avons vécu l'effondrement que nous avons connu en 2007
au Kenya. J’en ai parlé,
je l’ai décrit aux gens
comme un échec du software.
Et souvent
nous mettons trop d’emphase sur...
trop sur le hardware
et pas assez sur le
software.
Je vais vous conter une petite anecdote à propos
d’un vieil homme. Lorsque je suis retourné au Kenya en 2008, j’ai passé un an
à voyager à travers le pays,
à vivre dans des villages avec des gens ordinaires, à les écouter, juste à écouter
leur perspective par rapport à ce qui se passait dans le pays et
comment ils se sentaient par rapport
au pays, à propos du Kenya et de leur place au sein du Kenya.
Et...
J’ai été frappé par ce que m'a dit un vieil homme :
« Laisse-moi te dire que
dans cette
région où nous habitons,
même si le gouvernement goudronnait toutes les routes,
apportait de l’eau à chaque maison,
des médicaments dans tous les hôpitaux,
nous ne voterions jamais pour lui. »
Et ça, ça m’a pris de court!
Et, encore, ça
m’a rappelé l’importance
des problèmes de software :
les problèmes nationaux que nous mettons souvent en arrière-plan
et assumons
qu’un pays peut se tirer lui-même hors de ses problèmes de software,
que la croissance seule
peut résoudre
les problèmes de polarisation ethnique
et d’autres divisions qui peuvent affliger une société, que ça soit au Soudan, au Kenya ou quel que soit le lieu.
Cela signifie que la polarisation ethnique – les divisions
régionales, religieuses -
peut mener des gens à voter, et je cite, « contre »
le développement.
Car on doit se poser la question, et c’est ce que je crois être la perspective
de George, Jennifer et Josh :
Est-ce que le développement affirme notre humanité,
particulièrement dans des contextes hautement hétérogènes?
Est-il inclusif
d’un point de vue régional, religieux, ethnique
et par sexe?
Ce sont des questions importantes
que l’on doit poser avant
de s'engager dans quelconque situation.
Cela veut dire que, de la perspective africaine, le développement est
souvent mesuré par les succès et les échecs de l’industrie du développement, et l’on
doit faire face au fait que
le développement,
ou l’industrie de l’aide,
est devenu juste ça : une industrie.
Et si c’était une usine de croustilles,
en Afrique
elle aurait dépensé des centaines de milliards de dollars
sur ce qui semble être au final comme peu de croustilles,
et pas si comestibles que ça,
dans de nombreux endroits.
Le développement orthodoxe n’a pas tenu parole,
que l'on parle des théories de modernisation,
du capital humain et des théories des besoins de base,
du nouveau consensus de Washington qui s'est terminé en 2004,
et des nouvelles notions d’agences citoyennes.
Comme je l'ai dit,
lorsque j'ai passé un an à voyager à travers le Kenya,
j’ai été frappé par l’angoisse
malgré le développement,
par la volatilité élevée
et par la polarisation.
Finalement, comme je l’ai dit,
le développement donne de la dignité aux gens dans leurs circonstances.
Alors, le développement le plus réussi
que j’ai vu,
en termes de software et de hardware,
est fait par des gens qui
font ce que vous faites en tant qu'Ingénieurs sans frontières :
ils sont bénévoles.
Cet esprit -
qu'ils soient ingénieurs ou journalistes -
vous communiquez un esprit,
un sentiment collectif de progrès
qui transcende le bitume des routes et le béton des gratte-ciels.
C’est pour cela que c’est fantastique de voir que – je lisais – neuf cents bénévoles ont rendu ce congrès possible
en amenant même des voyageurs difficiles comme moi ici.
Alors je dis : merci,
merci, et merci encore. C’est cet esprit qui
vient en premier
avant que l'on parle de développement. Et nous apprenons à la dure, par les leçons
des projets à travers le continent africain.
C’est l’esprit d'abord, le développement ensuite.
La dignité avant le développement.
Je vais conclure avec
deux réalités. Je les nomme les réalités de la « tempête parfaite »
pour le développement
qui peuvent être exploitées,
et devraient être exploitées,
mais qui comportent aussi certains risques.
Premièrement,
plus de technologies mobiles,
de technologies radio FM,
les réseaux sociaux ont explosé en Afrique.
En 2007, je me rappelle avoir donné un discours à un groupe
où
le chiffre que j'ai réussi à sortir d'un
certain rapport rédigé par 0:14:57.040,0:14:58.710 soit la Banque mondiale soit l'ONU
était un taux de pénétration de la téléphonie cellulaire
d’environ 25 pour cent en Afrique.
Au Kenya récemment,
lorsqu'ils ont fait une enquête sur le sujet,
on a constaté que la pénétration, juste en termes du nombre de téléphones cellulaires que les gens ont sur place,
allait atteindre jusqu'à 50 pour cent.
Vous pouvez imaginer
ce que cela veut dire en termes de transfert
d’information, d’idées, d’aspirations
et de globalisation, particulièrement pour la jeunesse.
Et je ne voudrais pas être
méchant envers mes amis du Canada et des États-Unis…
Je trouve que nous sommes capables de faire des choses en Afrique avec nos téléphones cellulaires que vous ne pouvez pas faire au Canada,
que vous ne pouvez pas faire aux États-Unis.
...
Je peux envoyer de l’argent à ma grand-mère d’ici, de mon cellulaire à son cellulaire.
Elle peut prendre son téléphone, aller au marché public
avec ces crédits et acheter des tomates avec ceux-ci.
Elle peut transiger sur la Bourse avec son téléphone.
Elle peut connaître le prix des tomates sur ce même téléphone.
Il y a des choses qui se passent
en Afrique qui nous permettent de passer du tiers monde au monde développé.
Mais ça arrive d’une manière qui est -
comme tout développement -
assez désordonnée, assez chaotique. C’est très déroutant pour l’industrie du développement et de l’aide
parce que c’est difficile à mettre dans un moule.
C’est très difficile d’avoir des indicateurs objectifs et vérifiables.
Et vous le savez, c’est très difficile de créer ces derniers.
Mais je crois que tout ce développement se ressemble vraiment,
et la structure et l’esprit qui sont transmis par ce groupe
exprime une compréhension
de cette réalité.
Donc c'est une réalité puissante.
Ça connecte
les gens à d’autres gens.
C’est nouveau,
c’est un peu fou, ce n’est pas prévisible,
mais c’est le futur.
Même moi, j’ai un compte Twitter.
Je suis très fier de ça.
Je ne sais pas comment l’utiliser, il y a quelqu’un au bureau…
Mais je suis très fier d’avoir un compte Twitter.
C’est important,
et ça revient à la question du développement
et de la discussion du software-hardware.
Le fait que nous ayons ces technologies de réseaux sociaux maintenant qui permettent de connecter
les gens autour du monde,
de personne à personne,
d’une manière qui n’a pas de précédent dans l’histoire humaine – que c’est possible,
que je suis capable de recevoir des messages d’individus venant
de l’Inde,
du Brésil, me posant des questions sur ce qui se passe au Kenya -
ça, pour moi, c’est extrêmement motivant.
Et je peux écrire à quelqu’un et lui demander ce qui se passe avec les inondations qui
ont lieu au Brésil et qui sont le sujet de ma lecture.
Il y a une autre
réalité, plus difficile celle-là :
depuis le début du vingtième siècle,
quand on considère la diaspora africaine ici en Occident,
et les Africains formés ici, qui sont retournés à la maison
et qui travaillent maintenant dans le secteur privé, dans la société civile et au gouvernement -
et ceci mon argument, j’aimerais bien qu’on me prouve le contraire,
je pourrais me tromper complètement;
ceci est mon observation personnelle -
nous avons maintenant une foule
d’Africains
qui vous comprennent,
en Occident.
Nous vous connaissons mieux que vous nous connaissez.
Quand il y a une mission d’aide
arrivant du Canada jusqu’au ministère des Finances du Ghana, du Kenya,
ils savent quoi dire.
Ils savent quel genre de présentation, de rapport
va plaire à l'ACDI.
Ils peuvent en produire un en deux minutes, ce n’est pas un problème.
Il y a une masse critique qui est là.
Et je suis un peu cynique en disant ça, mais je crois que c’est une opportunité
qui
devrait être utilisée.
En même temps, quelqu’un doit prendre note que
l’Afrique est en train de rétablir
ses relations – surtout de notre côté de l’Afrique,
sur la côte Est -
nous sommes en train de rétablir les relations avec l’Extrême-Orient, avec la Chine,
avec l’Inde,
avec les pays du Golfe
qui datent du douzième siècle.
Et cela change encore une fois comment le développement doit se faire et ce que la gouvernance signifie dans notre
contexte.
Et je crois que cela offre de grandes promesses
et aussi des risques.
J’ai parlé de la technologie
et
vers où elle se dirige en Afrique.
Je veux aussi parler d’un autre sujet qui,
une fois combiné,
pourrait produire la tempête parfaite du développement qui propulsera l’Afrique vers le prochain
millénium
en tant qu’une
région à la fine pointe
du développement.
Et c’est le fait que
nous avons une masse imposante de jeunes partout en Afrique.
Et je donnerai l’exemple du Kenya
où nous avons 78.4 pour cent de la population qui a moins de 34 ans,
avec 80 pour cent qui sont employés par le secteur qu’on appelle « informel. »
Ces chiffres sont de 2006.
Seulement 20 pour cent sont dans le secteur formel : les banques et autres... Mais la plupart d’entre eux
sont dans le secteur « informel. »
Le secteur « informel » signifie que vous êtes un fermier,
vous êtes... vous savez...
vous vous débattez
pour votre survie.
Vous utilisez votre savoir-faire pour vous en sortir.
En 1986,
80 pour cent de l’emploi se trouvait dans le secteur formel.
En 2006, c'est exactement l'inverse.
Ce changement est d’une ampleur sismique.
Il a un effet majeur sur
la façon dont le développement va se produire
en Afrique, car il est plein de jeunes
et cette jeunesse est bien informée
et interconnectée,
à plusieurs endroits
elle est même confiante;
cette information rend leurs aspirations globales
et leurs attentes du gouvernement sont aussi globales.
Regardez ce qui est arrivé récemment en Tunisie,
où nous avons eu quelques
protestations :
un gouvernement avec une solide emprise
sur sa situation politique
dit qu’un
nombre X de personnes ont été tuées durant ces protestations.
Alors que YouTube dit autrement. À l’instant même.
Alors, nous vivons dans un monde très
différent.
Je vais conclure
sur une note de prudence, mais
remplie – ou son contenu à tout le moins - pour moi, c’est un message rempli d’espoir,
une note d’espoir.
Il y a deux mois,
dans
une région du Kenya qui a toujours été reconnue comme étant très
paisible
et qui n’a jamais été impliquée dans beaucoup
de cette violence politique qui est rapportée dans les journaux à tous les cinq ans,
une région appelée Taita,
des jeunes de cette région
se sont regroupés
et ils ont décidé de protester
parce que le gouvernement promettait depuis vingt ans
qu’il construirait
et qu’il réparerait la route
qui va de Taita jusqu’en Tanzanie.
Les Tanzaniens avaient fait leur part, car ils avaient construit une route jusqu’à la frontière du Kenya, mais le coté kényan n’avait jamais
vraiment été fait,
ou réparé. Par contre, l’argent avait été alloué, mais parfois l’argent fait un détour...
vers des poches parfois, mais...
La communauté locale...
D’ailleurs, une nouvelle constitution a récemment été adoptée au Kenya
en août
dernier.
Nous sommes tous très enthousiastes. Ce sera de haute lutte,
mais nous sommes tous emballés.
Il faudra bon nombre d’efforts pour qu’elle fonctionne, mais
nous sommes prêts
à la rendre possible.
Et des gens ordinaires de Taita ont dit : « Nous ferons une manifestation pacifique
pour que le gouvernement répare la route. »
Ces gens ont bloqué la route.
Oui, ils ont bloqué la grande route de camion qui va de la côte, Mombasa,
à Nairobi,
en Ouganda,
au Rwanda
au Burundi
à l’Est du Congo
pendant quarante-huit heures.
Et,
quand le gouvernement a cherché les responsables, ils n’ont pas trouvé, ils ne pouvaient pas deviner.
Des hommes d’affaires, des fermiers
apportaient de l’eau et des vivres aux manifestants.
Ce fut une manifestation unique,
des gens ordinaires
qui se sont levés pour dire : « Nous réparerons cette route. »
Un homme
est arrivé. Les locaux l’appellent « gouverneur » - c’est ce qu’il serait
dans le contexte canadien.
Les gens lui ont dit: « Non, nous ne voulons pas que tu t’adresses à nous. » Ils l’ont mis dans un petit
taxi,
l’ont conduit sur la route endommagée
et lui ont dit de revenir.
Il était sous le choc, donc il est rentré directement à ses bureaux.
J’étais là, j’étais là
il y a trois semaines environ – à Noël, en fait, l’autre jour -
et c’était beau à voir : même pendant les Fêtes, le gouvernement travaille extrêmement
fort pour restaurer cette route après vingt ans.
Et quand j’ai parlé…
Je vois que mon temps est écoulé, mais…
J’ai parlé aux gens ordinaires
dans les villages.
J’étais avec eux - des hommes, des femmes, des jeunes - ils me disaient:
« Vous savez quoi?
Nous sommes très fiers
de ce qu’on a accompli cette fois-là.
Regardez, ils réparent la route.
Mais surtout,
le président de l’Ouganda connaît notre existence maintenant.
Nous sommes une petite communauté, mais il sait que nous sommes là :
son pétrole est resté bloqué ici pendant quarante-huit heures.
Le président du Rwanda
a pris le téléphone pour demander ce qui se passait, le président du Congo sait qui nous sommes.
Le président de la Tanzanie, aussi, sait qui nous sommes. »
C’est une fierté qui
m’a touché moi aussi
à ce moment.
Ce récit doit vous mettre en garde
au sujet de la
corruption,
parce que la corruption défait tout le reste.
La pauvreté n’est pas le plus grand défi dans beaucoup de pays africains. Ce n’est pas la pauvreté.
C’est l’inégalité.
L’inégalité, qui se régionalise aisément,
qui est ethnicisée.
Elle crée des divisions,
et entraîne la militarisation. On le voit à présent en Côte d’Ivoire, on l’a vu au Kenya, on l’a vu
aussi au Nigéria;
cette situation provient des inégalités, qui proviennent de la corruption et de la consommation
effrénée qui s’en suit.
Dans de tels contextes, vous pouvez poser une question, et dire : « Oui, mais l’économie est en croissance. »
Et les gens demandent : « Pour qui l’économie est-elle en croissance? »
Habituellement,
elle ne croît que pour une infime minorité.
C’est encore pire dans les pays qui possèdent
des ressources
minières. 0:26:19.350,0:26:20.710 Je suis très…
Je me mets toujours dans le trouble quand
je remercie Dieu d’avoir fait en sorte que le Kenya ne trouve jamais de pétrole.
C’est une bénédiction
que nous n’ayons jamais trouvé de pétrole.
Je vais m’arrêter ici et je vous remercie de m’avoir invité à partager sur ce sujet avec vous.
La dignité passe avant le développement,
et le software est aussi important
que le hardware.
Cela a été pour moi un réel honneur de venir et de parler devant les membres d’Ingénieurs sans frontières.
Je peux vraiment sentir votre esprit positif
et vous avez rendu mon travail ici beaucoup plus agréable.
Et je suis vraiment enchanté de voir que je ne m’adressais pas à un groupe
de gens en vestons-cravates.
Cela aurait été beaucoup plus difficile.
Je suis vraiment content d’avoir été présent aujourd’hui et j’espère avoir l’occasion de discuter avec vous dans les prochains jours. Merci beaucoup.
Donc je voulais seulement
remercier rapidement
monsieur Githongo de sa présence ici.
Lorsque l’on pense à
qui l’on voudrait inviter à ce genre d’événement, ce nom nous vient en tête immédiatement. Et en fait je crois
que le travail qu’il fait au Kenya est quelque chose qui… La raison pour laquelle il
devrait être présent ici n’est pas seulement parce qu’il est quelqu’un qui peut discuter des problématiques
qui sont spécifiques à l’Afrique ou
au processus de développement dans son propre pays, mais il y a des choses qu’il fait,
ainsi que des personnes avec qui il collabore, qui mobilisent
les citoyens et qui créent réellement un sentiment d’urgence autour des gens qui sont en charge de leur
propre vie, de leur communauté et de leurs politiques. C’est une leçon qui
a une grande valeur pour nous ici, dans le travail que nous faisons au Canada, et dans les sujets que
nous tentons de faire avancer et d'influencer dans notre propre pays, où nous essayons d’encourager les citoyens
à participer eux-mêmes, en sortant et en étant les porte-voix pour le genre
de problématiques qui les préoccupent.
Je crois que nous avons beaucoup de leçons à tirer de cet exemple de monsieur Githongo,
à appliquer dans notre propre pays. Il sera avec nous pour les prochains jours donc
s’il vous plaît, approchez-le et parlez-lui des problématiques qui vous intéressent.