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Un téléphone sonne.
-La Tribune, j'écoute.
*-M. Paul Kerjean, s'il vous plaît.
-De la part de qui ? *-C'est personnel.
-Ne quittez pas.
*-Vous êtes en communication avec La Tribune,
l'hebdomadaire de l'actualité, des arts et des lettres.
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...
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Nous vous remercions de votre appel.
Veuillez patienter
quelques instants.
...
-Ici Paul Kerjean.
Qui est à l'appareil ? *-Peu importe mon nom,
M. Kerjean.
Crissement de pneus
...
Arrêtez là.
Restez à cette place pendant tout notre entretien.
-J'ai passé l'âge de jouer à Fantômas, c'est grotesque.
-Kerjean,
Je dois me protéger et vous allez comprendre pourquoi.
-Je vous écoute.
-Que savez-vous sur Jacques Benoît-Lambert ?
-Je croyais que c'était vous qui renseigniez.
-Ne m'agacez pas.
Répondez. -D'accord.
C'est un homme élégant, riche, de bonne famille,
et super-star politique.
Sports favoris : le golf et la natation.
Ca vous suffit ?
-Le peu que vous savez est partiellement inexact.
-Qu'est-ce qui est inexact ?
-Vous le dites de bonne famille et riche.
-Il n'est pas de bonne famille ? -Si, mais riche, non.
Il ne l'est plus.
Il a besoin de 750 millions d'ici la fin de l'année, il est aux abois.
-C'est donc un homme fini ?
-Ces 750 millions, je ne vous ai pas dit qu'il ne les avait pas trouvés.
-Et comment a-t-il trouvé
cette somme ? -Nous en reparlerons.
Moteur
-Je ne me suis jamais autant amusé depuis que j'ai fêté mes sept ans.
-Attendez ici 5 minutes, je ne veux pas être suivi.
Si vous me filez, ce sera terminé.
-Pourquoi me donnez-vous tous ces renseignements à moi ?
-Car je vous adore.
...
Bribes de conversations
...
-Bayen, nos rapports sont toujours bons
avec la préfecture de police ?
-Nous avons des rapports... normaux, sans plus.
Vous avez des ennuis ?
-Non, je voudrais savoir le nom et l'adresse
du propriétaire de cette voiture.
-Je ferai le nécessaire.
Un accident ?
-Non, un informateur mystérieux
qui m'a fait venir dans un parking pour me faire des révélations.
-Des révélations sur qui ?
-Sur gros... très, très gros.
-Jacques Benoît-Lambert ?
-Oui, J.B.L. en personne.
-Il est inattaquable, sur tous les plans.
Et votre informateur est un dingue.
-C'est très possible.
...
-Je te rappelle.
-Bonjour, ma petite Arlène.
Comment vont les amours, la famille, le travail, la vie ?
-Paul, t'es sûr que tu vas bien ?
-Alors, là, tu es vraiment l'ingratitude en personne.
Je prends simplement de tes nouvelles.
-Mon petit, les amours, j'en parle au passé, j'ai pas de famille,
et j'en ai ras-le-bol
du boulot. -Tu connais ?
-Oui, c'est J.B.L.
-Parle-moi de lui, côté coeur et côté fesses, bien entendu.
-Il vit avec la même depuis cinq ans.
Elle s'appelle Laura Weber.
Aucune photo : on n'a jamais pu les pincer ensemble.
On sait vaguement qu'elle a la trentaine.
Belle, intelligente, célibataire, beaucoup de classe.
Ca le change de sa poivrote de femme.
Ah, en revanche,
des photos d'elle, j'en ai autant que t'en veux, hein.
-Il est toujours marié ?
-Oui, il vit séparé de sa femme, elle lui refuse le divorce.
A la dernière réception de l'ambassade des Etats-Unis,
elle s'est soûlée.
Il a voulu l'emmener, elle est devenue mauvaise.
Petit scandale, un incident entre mille.
Ah, signe particulier : très grosse fortune personnelle.
-C'est le monsieur que vous attendiez, madame.
-Entrez, monsieur.
Rappelez-moi votre nom. -Paul Kerjean, madame.
Merci de m'avoir reçu. -Asseyez-vous là,
que je vous voie bien.
Ah non, là.
Les fleurs m'empêchent de vous voir.
Prenez un verre, servez-vous.
Vous avez l'air charmant.
C'est très gentil à vous d'être venu me voir.
Je suis si seule
dans cette grande maison.
Personne ne se préoccupe plus de moi.
Personne à qui parler, c'est dur, vous savez.
-Je vous comprends, madame.
-Vous savez, j'imagine, que mon mari et moi...
Nous vivons séparés depuis quelque temps.
Nous avons fourni assez de matière aux commérages, ces derniers temps.
-Je sais.
-Non, non.
Je préfère me servir toute seule.
-Concernant les commérages, ce n'est pas la spécialité de mon journal.
-Oui, je sais.
C'est d'ailleurs à cause de ça que j'ai accepté de vous recevoir.
Je vous trouve tout à fait charmant.
Vous savez sans doute que mon mari vit avec une... une...
Oh, cette sordide petite histoire personnelle
n'a sûrement rien à voir avec l'objet de votre venue.
-Absolument rien, madame.
Je dois faire un article sur votre mari.
Nul ne peut le connaître mieux que vous,
n'est-ce pas ?
-Ah ça, oui !
Nous nous sommes mariés en octobre 41,
pendant la guerre.
Il venait juste de terminer son droit.
Il s'est engagé dans les Forces libres.
Je suis allée le rejoindre à Londres.
Mais... nous nous sommes assez peu vus
jusqu'à la Libération.
-Et... après la guerre ?
-Oui...
Après la guerre ?
Nous sommes allés nous installer en province, à Rouen.
Il avait un cabinet d'avocat qui marchait très fort.
Et puis il s'est présenté aux élections législatives.
Il a été élu.
Ce fut le début de la réussite.
-Une réussite totale, due d'ailleurs à une intelligence exceptionnelle,
une habileté et un charme incontestables,
une compétence dans les affaires...
Bien qu'il y a peu,
il paraîtrait qu'il avait des ennuis financiers,
mais ce doit être des commérages de jalousie.
Il n'a eu aucun ennui financier, ces derniers temps ?
-Ca, c'est à lui qu'il faut le demander.
Je sais juste qu'il a diminué ma pension.
Je possède une fortune personnelle,
mais elle ne doit pas me servir pour vivre.
N'est-ce pas ? -Mais non.
Quand vous étiez ensemble, vous parlait-il de son travail ?
-Oh... Non.
Il ne s'occupait pas de moi.
Il ne me sortait du placard que pour faire une photo.
Au moment des élections, par exemple.
Ou quand il avait besoin d'amener une épouse
à une réception officielle.
Et puis,
un jour...
Un jour, il m'a... complètement laissée dans le placard.
Et puis il y a eu ces voyages mystérieux,
pour voir des messieurs mystérieux.
-Quels voyages ?
Quels hommes ?
-Je ne le sais pas.
Si je le savais, ils ne seraient plus mystérieux.
Vous pensez bien que je ne l'ai pas suivi.
-Ces voyages et ces messieurs
mystérieux ne s'appelleraient pas Mlle Laura Weber ?
-Non.
Toux
Pas exclusivement. -Vous le savez
sans avoir suivi votre mari ?
-Je trouve que vos questions
deviennent de plus en plus personnelles.
-Madame... -Je n'ai pas suivi mon mari !
-Jamais je n'ai pensé qu'une femme de votre classe et de votre rang
puisse s'abaisser à filer un mari dans ses sorties nocturnes.
Je pensais à un détective privé, peut-être.
Dans votre pénible situation, je trouverais ça tellement normal.
-Vraiment ? -Tout à fait.
-Je ne devrais pas vous dévoiler mes petits secrets,
mais vous êtes si gentil, si compréhensif.
Il est temps que vous partiez.
Bonsoir, monsieur.
Je vous prie de m'excuser de ne pas vous raccompagner.
Oubliez tout ce que je vous ai dit.
C'était tout à fait entre nous.
...
...
-M. Walter, vous m'avez été recommandé par Mme Benoît-Lambert.
Vous avez pris son mari en filature, je crois, pendant un certain temps,
la nuit en particulier.
-C'est possible.
-Elle m'a dit que vous aviez pris des clichés.
-C'est possible.
-Pouvez-vous m'indiquer les dates où vous les avez pris ?
-Je n'ai pas dit que j'en avais pris.
J'ai dit que c'était possible.
-Bien sûr.
C'est sûrement quelqu'un d'autre
qui a imprimé votre nom au verso des photos.
-Ecoutez... Que voulez-vous au juste ?
-Voir ces photos.
-Vous plaisantez ?
-Non, je connais vos tarifs, je vous ai préparé un chèque.
Vous avez déjà été payé pour ça.
...
De quand datent ces photos ?
-J'ai dû les prendre au cours des deux derniers mois.
J'ai fait ça avec un téléobjectif, depuis ma voiture.
C'est pas mal, hein ?
-Là, je vois J.B.L. sans sa maîtresse, mais avec des inconnus.
Qui sont-ils ?
-Alors ça, j'en sais rien.
Mme Benoît-Lambert voulait des preuves pour son divorce.
Le reste ne m'intéressait pas, je les ai donc pas fait tirer.
-Alors, pourquoi les avoir prises ?
-Pour prouver à ma cliente que je travaillais.
-Pourquoi ?
La question se pose ?
-Quelquefois.
-Bon, j'aimerais vous emprunter ces négatifs pour 24 heures.
Je vous les retournerai. -Pour quoi faire ?
-Pour mon album personnel. -Ca, c'est pas possible.
Je ne donne mes clichés
qu'aux clients qui m'ont engagé pour une filature.
Les clichés font partie du dossier complet.
-Eh bien, c'est simple : je vous ai engagé pour une filature
de M. Benoît-Lambert avec photos à l'appui.
Satisfait de votre travail, je vous ai payé, j'emporte mon dossier.
Sonnerie
...
-Bonjour,
monsieur.
Cette voiture n'est pas à vendre.
-Bonjour, madame. M. Bronsky est là, s'il vous plaît ?
-Je suis Mme Bronsky.
Qui êtes-vous ?
-Paul Kerjean, journaliste.
C'est au sujet d'une enquête.
-Je suis sûre que vous vous trompez d'adresse.
-Je ne crois pas, et je désire toujours rencontrer M. Bronsky.
Mme Bronsky m'assura que la voiture garée devant sa maison
n'avait pas bougé de son garage depuis des semaines.
Quant à son mari,
il vivait en Amérique et elle était divorcée depuis plusieurs années.
-Eric !
Voilà le seul M. Bronsky que je peux vous fournir.
-Bonjour, monsieur. -Bonjour.
Je n'ai pas cru ce qu'elle disait,
et je laissais à tout hasard,
à l'intention de ce mystérieux M. Bronsky,
le numéro de téléphone du restaurant où je serais joignable.
Salut.
Tu vas bien ?
-Ca va.
-Comment va Bastien ? -L'angine habituelle.
C'est fini.
Tu le prends samedi ?
-Ecoute... En ce moment...
Tu peux le garder ce week-end ?
Je suis sur une grosse affaire.
-Un gros scandale en vue ?
-Oui, si tout va bien.
-Si tout va bien pour qui ?
Pour toi, pour tes lecteurs, pour le scandale ?
Pauvre Paul, tu auras passé ta vie à courir derrière un cas Dreyfus.
Seulement, tout le monde n'a pas le pot de Zola.
On court derrière Dreyfus, on tombe sur Mesrine.
-Hélène, ne recommence pas.
On a raté notre mariage, essayons de réussir notre divorce.
-M. Kerjean, au téléphone.
-Oui.
Allô ?
*-Paul Kerjean ? -Oui.
*-Je croyais vous avoir dicté les règles du jeu.
-Eh bien, je les change.
Je refuse d'attendre que vous agitiez le grelot.
Voyons-nous vite si vous voulez que je continue de jouer le jeu.
*-Bon.
J'accepte pour cette fois.
Je vous attends dans une demi-heure au Martin's.
C'est au Pavillon Royal.
Ecoutez-moi bien et faites ce que je vous dis.
Vous vous installerez
dans un fauteuil, face au bar.
Vous avez bien compris ?
Ne vous retournez jamais durant l'entretien.
Vous voulez me voir pour quoi ?
Soyez bref.
-Je serai bref.
J'en ai assez de ces mystères ridicules.
Vous voulez, c'est évident, que mon journal démolisse Benoît-Lambert.
Mais mon article ne paraîtra pas
sans preuves solides justifiant vos accusations.
Je veux savoir qui vous êtes et d'où vous tenez vos informations.
Sans cela, c'est pas la peine de continuer.
-Kerjean,
au fond, vous sentez bien que cette affaire, c'est de la dynamite,
mais vous ignorez par quel bout la prendre.
Vous êtes énervé car vous piétinez.
Vous n'êtes pas à la hauteur de cette enquête.
-Alors, trouvez quelqu'un d'autre.
-Ecoutez-moi, Kerjean.
C'est à vous de continuer l'enquête.
pour sauver de la faillite la SCOVIM,
et, indirectement, Jacques Benoît-Lambert.
Depuis ce soir, je sais qui est derrière cet acheteur.
La société multinationale G.T.I.
-Et vous tenez cette révélation, bien sûr, d'une source sérieuse.
-On ne peut pas dire que mes sources soient du plus haut niveau,
mais le renseignement est indiscutable.
Tout ça commence de la façon la plus banale.
Benoît-Lambert et sa maîtresse sont pris en filature par un détective
engagé par Mme Benoît-Lambert.
Prises de clichés classiques,
vengeance d'une épouse jalouse
qui veut faire basculer le dossier divorce à son avantage.
Mais il arrive à J.B.L. de sortir sans sa maîtresse...
pour rencontrer d'autres personnes.
Cet homme, par exemple.
Pour justifier son salaire, le privé continue à prendre des clichés,
sans valeur pour le dossier divorce.
Ces négatifs, non développés, j'ai pu les avoir.
Le service photo m'a remis les tirages ce soir.
-Vous connaissez cet homme ?
-Oui.
Il y a trois mois,
vous m'avez envoyé à Bruxelles pour la convention annuelle G.T.I.
-Oui, nous avons même ri à cause de l'heure de l'invitation.
4 heures du matin, je crois.
-C'est exact.
Je suis donc arrivé à l'Hôtel de la Cité à 4 heures du matin.
Et cet homme m'a reçu.
-Je suis Fred Gritt.
Ravi, M. Kerjean.
Merci d'avoir répondu à notre invitation.
-Je vous en prie.
-Depuis que je suis directeur des relations publiques de G.T.I.,
vous êtes le seul journaliste invité à notre convention.
-Je suis très flatté de cette invitation exceptionnelle, mais...
Pourquoi à 4 heures du matin ?
-Mais il n'est que 21 heures pour G.T.I.
Notre président voyage énormément.
Lundi, il était à Hong-Kong, mercredi à notre filiale de Bombay,
jeudi après-midi à Moscou,
vendredi à un conseil à New York et aujourd'hui avec nous.
Aucun homme ne peut résister à tant de décalages horaires,
alors, la compagnie a supprimé les heures locales
et tout fonctionne à l'heure de New York,
et il est en ce moment 21 heures à New York.
-Ah, ce qui veut dire que, lorsqu'il arrive quelque part,
on se lève à l'heure du souper et on se couche
à 15 heures ?
-Oui, question d'habitude.
Nos montres sont réglées à l'heure de New York.
C'est plus facile pour appeler notre siège central.
*Enumération de chiffres en anglais
...
Le président va faire son speech dans 15 min.
Il est toujours bref.
Je vous présenterai après.
This is Paul Kerjean of La Tribune.
I leave him in your hands.
-Vittorio Horta. Piacere.
-Michel Saint-Claude, G.T.I. Europe.
Que voulez-vous boire ?
-J'hésite entre un grand verre de whisky
et un café au lait avec des croissants.
Et voici la photo la plus importante.
J.B.L. a rencontré quelque part
le président de G.T.I.
C'est un cerveau redoutable et féroce en affaires.
Il a su créer un véritable patriotisme pour sa firme.
Pendant cette soirée de la convention,
j'ai entendu son discours.
Tintements
...
Rires
Bip Applaudissements
...
-Sir, may I introduce monsieur Paul Kerjean of La Tribune ?
-Delighted.
-Il m'a serré la main et j'ai senti passer le froid de l'acier.
Mais, dans ce cas, cette poignée de main
vaut 1 milliard 750 millions.
Dès lors, tout s'enchaîne.
Benoît-Lambert a des liens familiaux et financiers
avec la SCOVIM qui a de grosses difficultés,
mais J.B.L. est aussi le président intègre et intransigeant
de l'Electronique de France.
Malheureusement, on ne peut recevoir près de 2 milliards d'un côté
et continuer à rester intransigeant de l'autre.
-Bien sûr... Mais on ne peut dire à G.T.I. :
"On accepte votre argent, mais restez chez vous, on fera le reste."
C'est trop commode de rendre les multinationales responsables
de toutes les difficultés économiques du monde.
Pourquoi souriez-vous ?
-Parce qu'à cette soirée de la convention,
le P.D.G. de G.T.I. m'a dit la même chose.
-Delighted.
So, Mr Kerjean...
Pardon.
Alors, M. Kerjean, votre journal fait-il partie
de ceux qui pensent que les sociétés comme G.T.I.
sont responsables des malheurs de l'Europe ?
-Oh... Ce sont les économistes qui disent ça,
mais dans des livres compliqués, lus que par d'autres économistes.
Ca ne va pas plus loin.
-Et vous, M. Kerjean, vous lisez ces livres ?
-J'en ai lu quelques-uns, mais, j'avoue, j'ai pas tout compris.
C'est plein de courbes, de tableaux de croissance, d'investissements,
de pénétrations de marchés.
Il y a quand même... 3 ou 4 chiffres que j'ai notés et qui m'ont fasciné.
Il y a, paraît-il, dans le monde, si on exclut les pays socialistes,
trente sociétés, dont la vôtre, qui totalisent
un chiffre d'affaires annuel de mille milliards de dollars.
-Et alors ?
-Une puissance aussi colossale concentrée dans si peu de mains,
ça fait peur.
Mille milliards de dollars :
un tiers de la richesse annuelle des Etats-Unis.
Mille milliards de dollars, c'est 10% de la richesse annuelle du monde
pour un club de 30 personnes.
-De quoi vous plaignez-vous ?
Il reste encore
90% pour les autres.
-Pas tout à fait, car, si on élargit votre club de 30 à 200 sociétés,
là, vous contrô*** 20% de la production mondiale
en utilisant seulement 0,5% de cette population.
Evidemment, vous pouvez toujours me répondre qu'il en reste encore 80%
pour les 4 milliards d'individus peuplant le reste du monde.
-Dans ce monde où nous vivons, il faut grandir ou mourir.
Nous avons décidé de grandir.
Pas d'objection ? -Aucune.
D'ailleurs, un petit chef d'industrie a déclaré un jour :
"Quand une multinationale se pointe sur votre marché national,
vous vous vendez à elle ou vous fermez boutique."
-Il devait traverser une dépression nerveuse.
Ca arrive souvent, mais ça s'arrangera.
-Ca s'est arrangé pour lui : il a vendu son affaire à G.T.I.
-Voilà un homme avisé et malin.
Il pourra partir en vacances toute l'année.
Tous ses soucis sont pour nous désormais.
-Vous ne seriez pas communiste sur les bords ?
-Si j'étais communiste, je ne le serais pas sur les bords.
Et serais-je journaliste à La Tribune ?
-Soit, mais gare à vos propos.
-Fred Gritt m'a appelé le lendemain pour s'assurer que votre article
serait... moins violent que vos propos.
-Et il le fut, mon cher Bayen. -C'est vrai.
-Et cela malgré, comme on dit, un incident diplomatique
que nous avons frôlé de justesse.
C'était, je crois, le directeur G.T.I. pour la Belgique
qui a dit, en s'asseyant à ma table...
-Je crois que cette animosité contre les multinationales
vient de ce que l'opinion publique européenne, surtout en France,
est ancrée dans le nationalisme.
Elle n'est pas prête à accepter la mondialisation
et elle admet mal la concurrence étrangère.
-La concurrence étrangère, c'est venir dans un pays pour lui dire :
"Mon produit est meilleur et moins cher que le vôtre."
-C'est ce que nous faisons. -Non.
Vous vous installez dans le pays,
vous absorbez celui qui fait le même produit et imposez le vôtre.
Vous n'espérez tout de même pas
que ces gens vous embrassent ?
-Vous avez raison.
Ils ne nous embrassent que quand nous venons vous libérer
de l'occupation nazie.
-Ca, monsieur, c'est ce qu'on appelle un coup bas.
Je n'ai jamais pensé
que vous nous aviez libérés d'une occupation militaire
pour y substituer une occupation économique.
-Messieurs, je crois que M. Kerjean sera d'accord avec moi
pour admettre que l'on a fait deux plaisanteries de très mauvais goût.
Nous vous promettons de ne plus recommencer.
Applaudissements
-C'est à ce moment-là
que quelqu'un m'a glissé un papier.
Je n'ai jamais su qui, mais c'était
sûrement le seul à qui j'étais sympathique.
Sur une serviette en papier,
il avait griffonné trois chiffres ahurissants.
-Concernant qui et à propos de quoi ?
-En 1968, pour faire un chiffre d'affaires annuel
de mille milliards de dollars,
il fallait prendre les 6 000 premières sociétés du monde.
En 1978, elles n'étaient plus que 50.
Aujourd'hui, elles sont 30.
Demain, elles seront 5, peut-être.
Et, à la limite, pourquoi pas une ?
-Dans quels termes avez-vous quitté le président ?
-Nous nous sommes séparés
dans une parfaite et mutuelle incompréhension.
Je n'oublierai jamais la dernière image que je garde de lui.
J'avais rencontré pas mal d'illuminés dans ma vie :
des mystiques de la religion,
des sectes de la révolution, de l'idéologie, du terrorisme.
Lui, c'était un mystique du profit.
Les yeux rivés sur une autre planète,
il a levé son verre...
-A G.T.I.
A vous.
Quant à moi, j'ai demandé par testament
que l'on grave sur ma tombe deux dates,
celles de ma naissance et de ma mort, parce que ça se fait.
Et, en lettres d'or,
un seul chiffre :
le cours de l'action G.T.I. le jour de ma mort.
Je veux que mes successeurs viennent sur ma tombe une fois par an.
Et je serai encore là
pour vérifier s'ils ont fait grimper cette action.
Roulement des machines
...
Sonnerie
Bribes de conversations
...
-Et voilà, c'est parti !
Rentrez chez vous et décrochez le téléphone.
Vous allez être assailli par les radios, la TV, par tous.
-Non, je pars, pour deux-trois jours.
-Entre nous, où peut-on vous joindre ?
-Chez le vieux, mais qu'en cas d'urgence.
-Le retour aux sources. -Oui.
Allez, salut.
-Au revoir.
Roulement de machines
...
-Paul !
Ca fait plaisir de te voir.
Ca fait au moins... -Oh là là, plus que ça !
Le vieux est pas là ? -Il est dans son bureau.
-Salut, Michel. -Bonjour.
-Ca va, Louis ? -Salut.
-Charles-Henri.
-On t'attendait par le train de 11 h.
-Mon cher Sylvestre, j'ai pris l'aéroplane.
L'aéroplane.
Vroum...
-Dis-moi, mon petit Paul, mais que fais-tu
les bras en l'air ?
-Il simule un aéroplane.
-Tu aurais dit que tu avais pris l'avion, on aurait compris.
Voilà, il nous prend pour des débiles, car il ne sait pas encore.
Dis-lui, Sylvestre.
-Eh bien, Le Courrier de Vesons va être distribué
à Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse.
On passe à l'échelon national. -Mon petit Paul !
Je vais téléphoner à Germaine.
-Donc, dans tous les kiosques de France, on ne dira plus
"donnez-moi La Tribune, Le Figaro ou Le Matin",
on dira "donnez-moi Le Courrier de Vesons, je vous prie".
-Eh ben, je n'ai que deux mots à te dire : bra-vo.
-Allô, Germaine ?
Oui, il vient d'arriver.
On t'a livré la dinde ?
Ah, tout de même.
Dis-lui que mon estomac ne fonctionne pas
au calendrier.
La dinde de Noël,
le foie gras du jour de l'an, le poisson du vendredi, la poule
au pot du dimanche.
Oui... Oui... Ah non !
Non, tu vois, on a encore frôlé la catastrophe.
Tu n'ajoutes le hachis
que lorsque tes oignons émincés sont bien dorés, bien blonds.
Et badigeonne la dinde avec la moitié du mélange.
Et l'autre moitié... Voilà, oui.
Je t'embrasse.
Vous autres, allez vous décrasser,
et tous à la maison dans une heure.
-Paul, tu devrais venir nous voir plus souvent.
-Tu te rappelles notre engueulade ?
Tu voulais titrer "Paul
"Kerjean : oui à M. le maire,
mais pour cause de mariage seulement".
Tu étais déjà pour les titres accrocheurs.
Comment ça va, de ce côté ?
-Nous divorçons.
-Et Bastien ?
-Je l'ai tous les week-ends et on partage les vacances.
-Et ça ne peut pas s'arranger ? -Non.
J'ai tout essayé.
Madame ne veut plus vivre dans l'ombre de Paul Kerjean.
Elle veut exister.
Dès qu'on sort, il y en aurait que pour moi.
Si on vient me parler de mon dernier article ou de mon dernier livre,
je réponds.
Mais il y a toujours un connard de service
qui vient susurrer des mots comme :
"Je vous trouve très intelligente, chère madame."
Car elle lui a dit : "Auriez-vous la gentillesse de me passer le sel ?"
"Vous savez que vous êtes belle ?"
Et voilà le mot suprême lâché.
Des mots.
Des mots, voilà ce qu'elles veulent.
-Vous êtes malades de la ville, Paul.
Allez, viens.
-Bravo pour votre article,
M. Guérande,
sur la taxe professionnelle.
Et pour ces saloperies de tours à construire ?
-Dans le prochain numéro.
Merci, Julien.
Avoue que le "bravo pour votre article",
tu as cru que ça s'adressait à toi.
-C'est vrai.
-Vous vous imaginez tous, à Paris, que vous êtes le centre du monde,
mais, ici, ils se foutent de vos scandales parisiens, mon vieux.
Paul, un de ces jours, tu recevras peut-être un petit mot.
"Le vieux est mort."
Dis-toi que je serai parti avec ce printemps
plein les yeux, plein les oreilles et plein le ventre.
Je serai enterré ici, près des tiens,
et on gravera sur ma tombe : "Ci-gît un vieux con heureux."
-Je ferai plutôt graver : "Il parlait d'une planète inaccessible."
-"Inaccessible", parce que j'ai déconné avec l'odeur du printemps ?
Mes printemps sont simples.
Mon printemps d'aujourd'hui, c'est ta visite
et une superbe dinde, farcie comme je l'aime, et qui nous attend.
Germaine !
Déclic photo
-A quelle heure a-t-on trouvé
le corps ?
-Un marinier l'a découvert ce matin vers 6 h 15.
Aucun doute possible : c'est un suicide.
M. Benoît-Lambert s'est tiré une balle dans la tête.
On a trouvé ça près de lui, sur la banquette avant.
Bribes de conversations
-M. Kerjean, M. Bayen vous attend dans le bureau de M. Hartmann.
...
Petits coups
-Entrez.
Asseyez-vous.
Soupir
Ce suicide confirme votre article.
Mais n'ayons pas l'air de triompher.
On n'y est pour rien, mais, si on continue, on agacera tout le monde.
D'autant qu'on nous reproche déjà d'avoir causé sa mort.
-Ce n'est pas mon avis. -Mais d'autres le pensent.
-Je crois qu'il faut continuer.
On ne peut se permettre de laisser tomber cette affaire
comme si on regrettait d'avoir allumé un pé***.
Allons jusqu'au bout, il reste des questions sans réponse.
-Quelles questions ?
-J.B.L. ne pouvait pas à lui seul brader l'Electronique de France.
En trouvant tous les autres, ça peut nous mener loin et haut.
La réponse est peut-être dans ces photos.
Un soir sur deux, J.B.L. se rendait là, 16 rue Cisco.
Ces photos font partie de la série que Walter, le privé
engagé par Mme Benoît-Lambert, a prise dans ses filatures.
A la fin, comme ça ne pouvait pas servir au divorce,
il ne l'a plus photographié.
-Il devait aller chez sa maîtresse.
-Non, monsieur, elle n'habite pas là.
Et puis il y a celle-ci,
avec cet homme de dos,
le seul que je n'aie pas encore identifié.
-On ne pouvait imaginer que J.B.L. emploierait ce moyen
pour sortir du pétrin.
Il est mort et la suite appartient à la justice et à l'histoire.
Pour moi, c'est terminé.
Je vous remercie.
Claquement
On sonne à la porte.
...
-Je viens voir M. Walter.
-Attendez, M. Walter est en rendez-vous.
-M. Kerjean... Vous allez me faire le plaisir de sortir de ce bureau.
Je n'ai rien à vous dire.
Je vous ai dit tout ce que je savais lors de notre entretien.
Je n'ai rien à ajouter.
Je vous prie de sortir.
Ecoutez, Kerjean, j'ai pas le temps, je suis très pressé.
Faut que je parte pour une fila... Euh... Pour une enquête.
Vous pouvez comprendre ça, n'est-ce pas ?
Allez, soyez gentil.
Laissez-moi. -J'en ai pour dix petites minutes.
-Mais j'ai pas le temps. -Prenez-le.
-Y a aucune raison !
-Si, il y en a une.
Je vais écrire des articles sur les détectives privés,
notamment sur l'agence Walter.
Après, vous ne vous ferez plus de souci pour vos clients.
Vous aurez tout votre temps, pour me recevoir, par exemple.
-Mais... vous me menacez.
-Non, je vous propose un choix.
-Bon.
Mais juste dix minutes.
-Chez qui allait Benoît-Lambert, au 16 de la rue Cisco ?
-Chez qui ?
J'en sais rien.
Au rez-de-chaussée,
un cabinet dentaire.
Au premier, un jeune ménage, deux enfants.
Ils sont toujours en voyage.
Le mari enseigne aux Etats-Unis six mois par an.
M. et Mme Chatillon.
Au deuxième, ce sont des bureaux d'experts en assurance.
Au troisième,
un couple de retraités : M. et Mme Holstein.
Voilà tout, vous êtes content ?
-Et ça ?
-Benoît-Lambert
et Laura Weber.
-Faites pas l'imbécile.
L'homme qui est de dos,
qui est-ce ?
-Je n'en ai aucune idée.
On ne me payait pas pour le suivre.
Je filais Benoît-Lambert et Laura Weber.
C'est tout. -Ca a duré jusqu'à quand ?
-A peu près jusqu'au dernier jour.
-Parce qu'on vous a retiré l'affaire ?
-Non.
-Et vous n'êtes pas resté jusqu'au bout ?
-J'y étais.
-Vous étiez là... quand il s'est suicidé ?
-Vous voulez ma peau ou quoi ?
-J'essaie de comprendre.
Par conséquent, le dernier soir,
vous avez vu J.B.L. monter dans sa voiture et vous l'avez suivi.
-Mais non. -Vous venez de me le dire !
-Non, j'ai pas dit ça.
Ce soir-là, Benoît-Lambert est sorti de chez lui
en compagnie de deux hommes.
L'un d'eux est monté à l'arrière avec lui,
l'autre s'est installé au volant.
Alors que je me mettais en route pour les filer, un camion
a démarré, a masqué la voiture.
Quand le camion a dégagé,
leur voiture avait disparu.
Sachez que je n'en ai pas parlé dans mes rapports.
J'ai dit que ce soir-là, malade, je n'ai pu le filer.
Je déclarerai ça devant un tribunal
si l'affaire en arrive là.
-Sous serment ? -Oui.
Je n'étais pas là, je n'ai rien vu. -Qui étaient
ces deux hommes ?
-J'en sais rien du tout et je ne veux pas le savoir.
A quoi ressemblaient-ils ?
Décrivez-les-moi.
-Ni grands ni petits, ni trop gros ni trop maigres.
Ils avaient des chaussures,
des pantalons et des imperméables, parce qu'il pleuvait.
Ca vous suffit ? -Vous avez vu leurs visages ?
-Ah, vous voudriez une photo.
Eh non, j'ai rien vu.
J'étais garé à une certaine distance, il faisait nuit.
Maintenant, pour l'amour de Dieu, allez-vous-en, Kerjean.
Pour vous prouver que je ne vous en veux pas,
je vais vous donner un vrai conseil d'ami.
Laissez tomber cette affaire, oubliez Benoît-Lambert,
prenez des vacances, quittez cette ville.
-Très bien.
Pour l'instant, ça ira. -Ni pour l'instant,
ni pour plus ***.
Ne m'appelez pas, ne revenez pas, je ne serai plus là.
-Alors, Bastien... Ca va bien ? -Ouais.
-Rémi est pas venu ? -Non.
...
Papa, qu'il est beau, ce bateau !
Comment il s'appelle ? -L'Océan.
Viens.
-Ca, c'est le Chebba.
-Voilà.
-Oh là là...
-Bastien...
Va jusqu'au bout de la galerie, reviens par l'autre côté.
Tu viens pas ? -Si, je te rejoins.
Vas-y.
Mlle Laura Weber ? -Oui, monsieur.
-Je vous remercie d'être venue.
-Car vous êtes un ami intime de Jacques Benoît-Lambert.
De quoi s'agit-il ?
-Je ne suis pas un ami de M. Benoît-Lambert.
J'avais besoin de vous parler.
-Mais qui êtes-vous ?
-Paul Kerjean.
-Votre culot m'écoeure.
Vous n'avez pas fait assez de mal ?
Vous cherchez aussi à salir sa vie privée ?
Eh bien, allez-y.
Je m'appelle Laura Weber et je l'aimais profondément.
-Mademoiselle...
Je comprends votre antipathie.
Il ne s'agit pas de sa vie privée.
Accordez-moi un instant et gardez votre calme.
-Garder mon calme ?
Mais vous n'avez aucune idée du mépris que je vous porte.
Vous êtes un être immonde.
Entre deux mots croisés, vous étalez la vie des autres,
ne supportant pas d'être moins important que ces gens.
-Papa !
-Ne partez pas.
-C'est le bateau de Napoléon !
-On ne crie pas dans un musée !
-Pourquoi ? -Regarde et tais-toi !
Excusez-moi. -C'est ignoble.
Amener un gosse pour m'attendrir !
-Personne ne cherche à vous attendrir.
On peut être un journaliste et un papa qui emmène son fils au musée.
Pour le reste, j'ai rempli un devoir professionnel.
-Non, vous avez soigné votre carrière,
mais vous manquez de cran pour l'avouer.
Vous n'y êtes pour rien, c'est ça ? -Mlle Weber...
Il se peut que M. Benoît-Lambert ne se soit pas suicidé.
-On l'aurait tué ?
-Ca paraît possible.
-Ce qui vous fait dire ça ?
-Des choses troublantes, mais je peux encore rien dire.
Ca vous paraîtra absurde, mais j'ai besoin de votre aide.
-Si c'est pour vous aider à écrire encore un bel article, vous rêvez.
-Calmez-vous.
Y aura pas d'article.
Ou, si un jour il y en a un, ça sera pour dénoncer ses assassins.
-Mais je vois pas en quoi je peux vous aider.
-Vous a-t-il laissé entendre qu'il se croyait en danger ?
-Je lui ai parlé l'après-midi de sa mort.
Il m'a dit qu'il avait décidé de contre-attaquer,
qu'il ferait éclater un scandale qui le dépassait,
mais qui concernait tout un monde,
et que je serais fière de lui avoir fait confiance.
-Ce fut votre dernier contact ?
-Non, il m'a rappelée vers 20 h, 20 h 30.
Il m'a dit qu'il était chez lui et qu'il passerait chez moi
pour me raconter ce qu'il comptait faire.
Il m'a dit "j'arrive dans 30 min", il était très ***.
Je l'ai attendu.
-Qui vous a prévenue ?
-Personne.
C'est horrible d'apprendre la mort de l'homme qu'on aime à la télé,
par quelqu'un pour qui ce n'est qu'un incident comme les autres,
entre la météo et le reste.
Voilà, vous pouvez continuer à lancer des flèches en l'air
sans chercher à savoir où elles tombent.
-Si autre chose vous revenait,
vous m'appelleriez ?
-Il y a fort peu de chances que je vous appelle.
...
*-Kerjean,
J.B.L. est mort.
Qu'il repose en paix.
Laissez tomber.
Vous avez bien compris ?
Laissez tomber.
Bips
*-Ici Bayen.
On vous a pas vu depuis deux jours !
Hartmann demande ce que vous devenez.
Faites-vous toujours partie du journal ?
Alors, votre présence ici nous rassurerait
et vous éviterait un risque de licenciement.
Bonsoir !
Bips
*-Paul, c'est Hélène.
Je suppose que tu vas dîner avec Bastien.
Sois gentil de ne pas le ramener avant 22 h 30.
Je sors.
-Bastien...
Ce soir, on fait la fête.
On va au restaurant et, après, un film.
"Bambi", ça te va ?
-Je l'ai vu deux fois. -Ben voyons !
-Un film avec des cow-boys et de la bagarre.
-Arrête... "Shane", "L'Homme des vallées perdues".
Le petit garçon te plaira.
-Ca finit bien ?
-Ca dépend pour qui.
-Papa, quand je serai grand, je veux être docteur pour les enfants.
Ca s'appelle être un...
Pédi... pédicure...
C'est pas pédicure.
C'est...
-Pédiatre. -C'est ça.
Il paraît que c'est un bon métier.
-Allez, on s'en va.
-Je peux emporter ma bicyclette chez maman ?
-Mais bien sûr !
-Et où il est, ton restaurant ?
Vacarme
...
-Allô, la maison Elevator ?
Ici l'immeuble de la rue de la Convention, au 128.
Vous avez envoyé vos ouvriers pour entretenir l'ascenseur.
Ils viennent de partir, la porte du rez-de-chaussée est bloquée
et il y a eu un bruit dans la cage.
Oui, au 128.
Vous n'avez envoyé personne ?
Je suis quand même pas folle.
...
Sonnerie
-Tu n'as pas eu mon message ? -Si.
-Il était convenu que nos rapports...
-"Se borneraient à Bastien."
Il s'agit de lui.
Indirectement, mais je suis là pour lui.
-Mais qu'as-tu ?
Dis-moi, mon Bastien.
-Maman, j'ai cassé ma bicyclette.
-Oh, mais c'est rien, mon chéri.
Tiens, c'est un cadeau pour toi.
Tu es fou.
Pour une bicyclette, tu viens ?
-Je t'expliquerai la situation dès que ton toubib sera parti.
-Va jouer dans ta chambre.
On peut savoir qui t'a dit ?
-Tout gosse de divorcés hésite entre le métier de son père
et celui de l'amant de sa mère.
N'étant pas médecin, conclure était facile.
-Paul, va-t'en.
-Hélène, je suis vraiment désolé de jouer les trouble-fêtes,
mais ta fiesta est sérieusement compromise.
C'est très, très grave.
-Cesse donc de parler par énigmes.
-Bastien et moi avons échappé à un attentat.
-Comment ça, un attentat ?
On a essayé de vous tuer ? -Oui.
-Mais pourquoi ?
Qu'a à voir Bastien ?
-Rien, mais, à travers Bastien, c'est moi qu'ils visent.
-Mais qui, "ils" ?
-Je sais pas, je suis sur une enquête qui peut déplaire.
-Sur Benoît-Lambert ?
-Oui.
-Il s'est suicidé, ce qui prouve que ce que tu disais était vrai.
-Il ne se serait pas suicidé.
Mon article a servi à maquiller un assassinat en suicide.
-Pourquoi ?
-Pour qu'il parle pas.
Car il allait parler.
-Et tu sais ce qu'il aurait dit ?
-Pas du tout.
Mais voilà, ils ne le savent pas.
Hélène...
Emmène Bastien loin d'ici pendant quelque temps.
-Je suppose que ça ne servirait à rien
si je te demandais de laisser tomber.
-Non, à rien.
-Bien.
Où je dois aller ?
-Je te remercie.
Hélène...
J'avais eu
bien raison de t'épouser.
M. Guérande, c'est Paul Kerjean.
Non, ça va pas bien, mais je vous expliquerai.
M. Guérande, il faut me rendre un service.
Pourriez-vous héberger Hélène et Bastien ?
Oui.
Non... Disons des vacances forcées.
Vous les prendrez à la gare ?
Par le train du soir, oui.
M. Guérande, merci.
Et embrassez très fort Germaine.
...
-Pardonnez-moi encore, Pierre.
Je vous rappellerai.
-Je ne peux rien faire pour vous ?
-Non, mais ne vous inquiétez pas.
Et merci encore.
Porte
-Je te demande pardon.
J'espère qu'il n'a pas pris mon intrusion
pour une vulgaire scène de jalousie.
C'était...
très important pour toi ?
-Rien ne l'est plus que Bastien.
Bribes de conversations
...
-M. Kerjean.
On ne vous voit pas souvent.
Je fais quoi du courrier ? -En résumé ?
-Ca, c'est la pile "insultes".
Je résume : "Vous mangez une vie, vous racontez la vie d'un autre,
"froidement, caché derrière votre profession.
"Vous êtes
un remueur de merde."
Etc., etc.
-Et ça, c'est quoi ?
-Un monsieur qui vit à la campagne et qui vous écrit
que le papier hygiénique y étant rare,
votre article finira sous cette forme.
Il ajoute le célèbre mot d'Henri Jeanson :
"Je vous ai lu ce matin, monsieur, d'un derrière distrait."
Et, ça, c'est la pile "j'ai beaucoup aimé votre article",
"j'ai apprécié, bravo pour votre courage",
"c'est avec intérêt...".
Etc., etc. -Rien d'autre ?
-Une jeune femme est venue vous voir trois fois, sans laisser son nom.
-Bayen est dans son bureau ? -Oh oui, lui, il y est toujours.
Bribes de conversations
...
-On évite les préliminaires d'usage.
"Voilà un revenant.
Faites-vous encore partie du journal ?"
Je rentre dans le vif du sujet.
Un,
j'ai échappé à un attentat.
On a voulu me tuer,
moi et mon fils.
Deux, je suis certain que Benoît-Lambert ne s'est pas suicidé
et qu'on l'a tué.
Trois, tous ceux qui fouillent dans cette affaire sont en danger.
Quatre, je fouille.
Cinq, vous me couvrez, ou alors, je démissionne.
-Comment vous couvrir ?
-Pas un mot à Hartmann.
Officiellement, vous me confiez une enquête
du genre "la crise du cinéma", sujet que j'ai abordé.
-Paru l'année dernière.
-Vous changez quelques virgules, ça marche toujours.
Officieusement, je continue mon enquête.
En cas de pépin, vous n'êtes au courant de rien.
Ca vous va ? On frappe à la porte.
-Entrez. -M. Kerjean, elle est là.
-Qui ça ?
-La dame qui est venue trois fois.
Propos non audibles
...
-Je dois être stupide de faire confiance à quelqu'un comme vous...
-Mlle Weber, c'est une question à régler entre vous et vous.
J'ai pas le temps de vous persuader que vous vous trompez,
que vous pouvez vous confier à moi, etc.
Alors, ou vous parlez ou vous partez.
-Je viens d'être cambriolée.
Tout mon appartement a été fouillé, les moquettes arrachées.
-On vous a volé
quoi ? -Rien, absolument rien.
-C'est donc pas un cambriolage, on a cherché quelque chose en vain.
-Evidemment.
Mais... à votre avis, je dois prévenir la police ?
-Que voulez-vous leur dire ?
Qu'on ne vous a rien volé ?
Répondez-moi
franchement.
Avez-vous une idée de ce que vos visiteurs cherchaient ?
-Aucune, vraiment.
-Alors, un bon conseil :
vous ne risquez plus rien, mais il vaut mieux que vous quittiez Paris.
-Je pars chez ma soeur, en province, demain.
-C'est une bonne décision.
-Bon.
-Et merci de m'avoir fait confiance.
-Mlle Weber, une dernière question.
Vous rappelez-vous de cet homme avec qui vous avez dîné un soir ?
-Oui, c'est Michel Saint-Claude, un ami de Jacques.
-Et que fait-il dans la vie ?
-Il est président d'une grosse boîte pour l'Europe, je crois.
-M. Kerjean, vous vous intéressez toujours à l'empire G.T.I., je vois.
Vous ne vous souvenez pas ?
On s'est rencontrés à la convention de Bruxelles.
Il était 4 h et on faisait comme s'il était 21 h.
Que voulez-vous boire, M. Kerjean ?
-J'hésite entre un grand verre de whisky et un bon café au lait
avec des croissants.
-Vous m'aviez beaucoup plu.
Vos arguments étaient un peu naďfs, mais pleins de bon sens.
Oser tenir tête au président fut un spectacle à ne pas manquer.
-Le petit papier
glissé dans ma poche... c'était vous.
-C'était moi, au péril de ma situation.
Asseyez-vous.
Un whisky ?
-M. Saint-Claude, vous étiez très lié avec Jacques Benoît-Lambert ?
Vous étiez des amis ?
-Nous le sommes devenus, lentement.
J'aimais beaucoup Jacques.
Et il me le rendait bien.
-Vous lui glissiez des papiers ? -En quelque sorte.
Mais, cette fois, ça m'a coûté ma place.
-Que s'est-il passé ?
-Vous savez...
Pour comprendre ce qui se passe dans une multinationale comme G.T.I.,
il faut avoir assisté à une de ces conférences-marathons
qui commencent à 10 heures pour finir à minuit.
Une fois par mois, le président quitte New York dans son Boeing
avec 40 de ses collaborateurs.
Il débarque à Bruxelles.
Là, au 18e étage du building G.T.I.,
les directeurs des filiales passent sur la sellette.
C'est une épreuve terrifiante,
un spectacle surnaturel.
-Good morning, gentlemen. -Good morning.
-All right, Steve.
-"Texlico : annual operations report.
"Despite very high expenditures
"by Texlico in research and development this year,
"nearly 74 million dollars, rates of turnover,
"especially rates of profits were disappointing.
"Diverting these funds into developing new products
"and improving existing ones to maintain their position
"in a highly competitive market
"did not result in achieving the goals set.
First, in relation to projected estimates..."
-On examinait ce matin-là les comptes annuels d'une filiale :
la Texlico.
Les résultats étaient décevants : les chiffres de la colonne "real",
à savoir les résultats enregistrés réellement dans l'année,
comparés à ceux de la colonne "forecast",
à savoir les prévisions,
montraient que les objectifs n'étaient pas atteints.
La flèche accusatrice indiquait que les ventes avaient baissé de 2.60%.
Et cela malgré près de 74 millions de dollars
investis pour la recherche et le développement.
Les frais généraux avaient augmenté de 8.60%.
Les bénéfices
accusaient une baisse de 36 millions de dollars,
c'est-à-dire 29.41% de moins que le chiffre prévu.
-Durant ces réunions, le monarque, qui règne sur notre compagnie,
vérifie si ses directeurs sont bien rivés au système.
Il veut les voir présenter leurs comptes.
Certains sortaient au bord de l'évanouissement,
d'autres se soûlaient durant 24 heures.
J'étais un cadre endurci et c'est
avec calme que j'attendais l'attaque.
-Nous ne sommes américains qu'avec les Américains.
Nous avons toujours su être européens avec les Européens
et français avec les Français.
Nous ne sommes là que pour coordonner
et faire profiter ces filiales de notre structure mondiale.
-Vous fatiguez pas, Neil.
La presse explique ça très bien aux Français.
Pour eux, nous sommes une entreprise étrangère
qui veut s'implanter en France pour échapper aux barrières douanières
et bénéficier des avantages réservés aux entreprises françaises.
-Mais qu'est-ce qu'une campagne de presse ?
Deux jours, une semaine ?
Un bout d'Afrique ou du Moyen-Orient qui bouge,
une annexion en perspective et puis c'est fini.
-Je vous ai parlé tout à l'heure de deux raisons majeures.
La deuxième, c'est le P.D.G. de l'Electronique de France.
Benoît-Lambert est un obstiné, il ne cédera pas.
-Nous avons acheté cet homme.
-Non, pour l'instant, vous n'avez acheté que son gendre.
-Nous avons acheté une société pourrie qui s'appelle SCOVIM
et qui est représentée par "gendre + Benoît-Lambert".
Le gendre ne valant pas un sou, il est évident pour tout le monde que,
si nous avons versé 1 milliard 750 millions,
c'est pour Benoît-Lambert.
Il est condamné à une certaine réciprocité
dans l'affaire qui nous intéresse.
S'il bouge,
c'est le scandale.
-Il bougera.
-M. Saint-Claude, pour acheter un homme qui détient un pouvoir,
il faut trois conditions.
Un, s'assurer s'il est achetable et y mettre le prix.
Deux, lui assurer la discrétion absolue et totale.
Trois, lui supprimer tout remords éventuel
en lui suggérant très habilement qu'il a agi
dans l'intérêt de son pays.
En général, ils sont très ouverts à ce genre de suggestions.
On a exécuté les deux premières conditions.
Vous avez raté la troisième.
-Les gens qu'on achète savent qu'ils n'agissent pas par intérêt national.
Ils font semblant de le croire.
Benoît-Lambert refuse de tricher.
Il représente une quatrième condition qui vous a échappé.
L'entretien avait commencé par "mon cher Michel"
et s'est terminé par "M. Saint-Claude".
Ce qui, en langage G.T.I., voulait dire que j'étais viré.
-Comment expliquez-vous que Benoît-Lambert
ait touché un énorme pot-de-vin pour un service qu'il refuse de rendre ?
-Pour mieux dénoncer le scandale, avec preuves à l'appui.
-Votre compagnie l'a pris de vitesse.
Ils m'ont utilisé pour détruire la réputation de Benoît-Lambert.
Et ils l'ont fait supprimer, pour l'empêcher de parler.
-Vous allez un peu vite, je crois.
La compagnie l'a devancé pour que le scandale change de camp, soit,
mais de là à aller jusqu'au meurtre, non.
G.T.I. n'est pas la Mafia.
-Cet immeuble vous dit quelque chose ?
C'est le 16 de la rue Cisco.
Au rez-de-chaussée, le cabinet dentaire
du Dr Riéra.
Au premier, famille Chatillon.
Au deuxième, un expert en assurances, Robert Duroc.
Au troisième, M. et Mme Holstein.
-Non, tout ça ne me dit rien du tout.
-Tant pis.
Je vous remercie.
-Attendez.
Il me semble qu'il y avait un Holstein à G.T.I.
Il était directeur pour l'Autriche.
Ca devait être dans les années 35.
Mais ça n'a sûrement aucun rapport.
-Merci.
-Je m'appelle Joachim Holstein
et j'ai bien été directeur de G.T.I. pour l'Autriche, de 1930 à 1938.
Je ne vois pas en quoi je puis vous être utile.
-Vous connaissiez Jacques Benoît-Lambert ?
-J'ai lu ce nom dans les journaux, mais je ne le connaissais pas.
-M. Holstein, cet homme que vous dites ne pas connaître,
a été photographié au moins dix fois entrant dans votre immeuble.
-Il y a un cabinet dentaire et un autre d'expertise dans cette maison.
Il défile beaucoup de monde.
-Les Chatillon sont absents depuis cinq mois.
Le cabinet dentaire ferme à 19 h, celui d'expertise à 18 h.
Or, M. Benoît-Lambert a été photographié chaque fois
entrant dans cette maison vers 21 h, sortant vers minuit.
-Vous devez avoir de bonnes raisons pour éclaircir ce mystère,
mais, je le répète, nous ne sommes pas concernés par votre problème.
A part mon fils et ma belle-fille, nous ne recevons personne.
-Bien.
Alors, pardonnez-moi de vous avoir importuné.
M. Holstein...
Je crois que vous savez quelque chose et que vous refusez de parler.
Je n'ai aucun moyen de vous prouver ma bonne foi,
et vous n'avez aucune raison de me croire, mais, voyez-vous,
de très grandes choses ont souvent été réalisées parce que deux hommes,
face à face, se sont regardés
et ont su saisir cette seconde indéfinissable
qui est la confiance,
sans raison, sans logique.
Je crois que nous avons raté cette seconde.
-C'est très joli, ce que vous venez de dire,
mais ça concerne les grands hommes.
Moi, je suis un tout petit homme qui va bientôt mourir.
M. Kerjean, voulez-vous remonter, j'aimerais vous dire un mot.
Ma femme.
-Monsieur. -Madame.
Ma fameuse seconde indéfinissable a joué à retardement ?
-Non, ma vue est trop basse pour déceler une seconde aussi subtile.
Je suppose simplement que,
si vous aviez appartenu au clan de ceux qui ont supprimé Jacques,
vous ne seriez pas reparti sans, disons, quelques violences.
-Je vois que votre cerveau est resté alerte.
-Ca va bien de ce côté, merci.
Alors, voilà...
Ils l'ont tué une heure trop tôt.
Il venait chez moi pour prendre un dossier important.
Ils ont cru qu'il l'avait déjà.
-Mais qui, "ils" ? -Je n'en sais rien.
-Ceux qui sont concernés par ce dossier.
-Je ne le crois pas, en tout cas, pas directement.
Asseyez-vous.
Déclics
...
Ce dossier, M. Kerjean,
c'est l'histoire, pendant la Deuxième Guerre mondiale,
d'un gigantesque empire économique qui s'appelle G.T.I.
Ce petit bout du passé vous éclairera le présent.
Venez près de moi.
"'New York Times', 4 août 1933.
"Hitler reçoit pour la première fois
une délégation d'hommes d'affaires américains à Berchtesgaden."
En fait
de délégation, Hitler venait de recevoir le président de G.T.I.,
Arnold C. Adams.
Regardez.
"Pressé de questions par la presse sur cette fameuse entrevue,
"Adams répond : 'Tout ce que je puis
"'vous dire, c'est que M. Hitler s'habille d'une façon impeccable
et que c'est un vrai gentleman.'"
La véritable raison de ce voyage de Adams chez les nazis,
nous l'apprendrons après la guerre, en 1946,
durant un interrogatoire du général SS Kurt von Schroeder,
pourvoyeur des fonds
de la Gestapo.
-Two witnesses that will be called today,
Kurt von Schroeder and Gerhardt Kramer,
have already appeared on the charge.
Traduction simultanée en allemand
Traduction simultanée en russe
-"Aux côtés de nazis.
-Kurt von Schroeder, from 1933...
-"Kurt von Schroeder, de 1933 à la déclaration de la guerre,
"on vous trouve à la tête du conseil d'administration
"de la société américaine G.T.I.
Qui vous a nommé à ce poste ?"
Propos en allemand
"Le président de la G.T.I.,
M. Arnold Adams."
Propos en anglais du procureur
"En quoi consistaient vos fonctions ?"
Propos en allemand
"Développer les affaires G.T.I. en Allemagne,
"réorganiser les filiales,
et signer de nouveaux contrats d'armement."
Propos en anglais
"De 1933 à 1939, grâce à vous,
"G.T.I. bénéficie d'un traitement de faveur des nazis,
"contrairement à toutes les autres sociétés étrangères
"qui furent expropriées.
"Pourquoi la société américaine G.T.I.
échappe-t-elle à ces nationalisations ?"
Propos en allemand
"En nationalisant G.T.I., nous héritions juste de quelques usines.
"En conservant ces usines comme des filiales allemandes de G.T.I.,
"nous recevions tous les brevets américains et mondiaux
de haute technologie, dont nous avions grand besoin."
Propos en anglais
"Très vite, les bilans de G.T.I. Allemagne
"montrent des bénéfices colossaux.
Que devenaient ces bénéfices ?"
Propos en allemand
"Dès 1934, je proposai à M. Adams
"de transférer, d'une façon ou d'une autre, ces bénéfices en Amérique.
"Il me répondit qu'il préférait les réinvestir
"dans d'autres entreprises d'armement allemand.
C'est ce que j'ai fait."
Propos en anglais "Soyez plus précis."
Propos en allemand
"Nous avons construit de nouvelles usines
"avec une partie de ces bénéfices et investi le reste en achetant
32% des actions de Focke-Wulf."
Propos en anglais
"Il faut préciser que Focke-Wulf
était l'usine qui fabriquait les bombardiers allemands."
Propos en anglais du procureur
"D'après vous, M. Schroeder,
"pourquoi G.T.I. investissait ses bénéfices
dans la machine de guerre nazie ?"
Propos en allemand
"Il était clair que G.T.I. et son président Adams
croyaient à la victoire allemande."
En anglais
"Je vous remercie."
-Doctor Gerhardt Kramer.
Propos en anglais
-"Dr Kramer, vous avez été le directeur
"de toutes les usines G.T.I. en Allemagne et dans les pays occupés,
de 1933 jusqu'à la fin de la guerre."
En allemand "Oui."
"En 1938, après l'Anschluss, l'Allemagne envahit l'Autriche.
"G.T.I. tombe sous le coup de la loi
"de l'expropriation des compagnies étrangères
et de la confiscation des biens."
Propos en anglais du procureur
"Les usines G.T.I. sont encore épargnées.
Pourquoi ?"
Propos en allemand
"J'ai suggéré de faire bénéficier les usines G.T.I.
de la nationalité allemande."
"En plein accord avec le président Adams ?"
En allemand "Oui, bien sûr."
Propos en anglais
"G.T.I. devient donc usine allemande
"et vous licenciez son directeur, Joachim Holstein,
parce qu'il est juif."
En allemand
"Ce n'est pas moi qui ai licencié Joachim Holstein.
En anglais
"Joachim Holstein est parmi nous aujourd'hui.
Nous allons entendre son témoignage."
-Mr Holstein.
-Je fus licencié en deux minutes.
Arnold Adams est entré dans mon bureau, je l'ai regardé en face.
Il avait pour la première fois le regard fuyant.
Il m'a dit :
"Mon cher Joachim, je suis vraiment navré de ce qui vous arrive,
"mais, que voulez-vous, ce n'est pas la faute de G.T.I.
"si le monde se divise en deux camps.
"En traitant avec Hitler, je protège les intérêts de nos actionnaires
"et j'évite qu'on nationalise nos filiales.
Je suis sûr que nous nous retrouverons très bientôt."
Je ne l'ai plus revu.
Propos en anglais
-"Merci, M. Holstein, de votre témoignage.
"Dr Kramer,
"après l'entrée de l'Amérique dans la Deuxième Guerre mondiale,
"vous continuez à recevoir en Allemagne
"du matériel de guerre G.T.I.
et des matières premières ?"
En anglais "Dr Kramer, répondez !"
En allemand
"Excusez-moi, c'était une question ?"
En anglais "C'était une question."
En allemand "Ma réponse est oui."
En anglais
"Comment receviez-vous ce matériel ?"
En allemand
"Ce matériel était fabriqué dans la filiale G.T.I. en Espagne,
qui nous l'expédiait."
En anglais
"Une dernière question personnelle, Dr Kramer.
...
"Que pensez-vous du comportement de la société G.T.I.
pendant la guerre ?"
En allemand
"Je crois que M. Kurt von Schroeder
est mieux placé que moi pour vous répondre."
...
"Puis-je me permettre de vous rappeler, monsieur,
"que nous ne sommes pas américains, mais allemands.
"Votre question suggère sans doute que G.T.I. trahissait son pays.
Il servait le nôtre et cela nous suffisait."
-Ainsi, des bombardiers allemands, fabriqués
dans les usines Focke-Wulf avec des investissements G.T.I., bombardent
les navires alliés, navires que G.T.I. fournit
en appareils de détection surnommés Huff-Duff, pour les protéger
contre les sous-marins
allemands.
Mais la position de ces navires
leur était signalée grâce aux câbles installés par G.T.I.
Explosions
-A ce niveau, ce ne sont plus des affaires, c'est du surréalisme.
-Le président Adams était tout ce que vous voulez, mais pas un poète.
Quand il vit que la victoire alliée était inéluctable,
il changea de camp.
Il mit G.T.I. exclusivement au service de la cause alliée.
Et c'est en uniforme de colonel
qu'il suivit l'armée victorieuse à travers l'Europe de l'Ouest
jusqu'en Allemagne, et veilla au redémarrage de ses usines.
-Mais enfin,
après la guerre, aucune voix ne s'est élevée pour dénoncer...
-Mais il y en eut plusieurs.
Le département de la Justice établit un acte d'accusation
qui rassemblait de lourdes charges.
L'acte d'accusation,
daté du 10 mars 1947, ne fut jamais signé
et le procès n'eut jamais lieu.
Là, ce n'est plus du "surréalisme", mais le monde de Kafka.
En 1967,
le gouvernement américain versa 27 millions de dollars
au titre des dommages de guerre
subis par les usines G.T.I. d'Allemagne,
et 5 millions de dollars pour les usines de bombardiers Focke-Wulf
sous prétexte qu'elles étaient des propriétés américaines
détruites par les bombardements alliés.
-Et le président Adams n'a jamais été inquiété ?
-Arnold Adams est mort en 1963, dans son lit.
Décoré de la plus haute distinction américaine,
la France l'avait fait grand officier de la Légion d'honneur,
et la Belgique, commandeur de l'ordre de Léopold.
Voilà.
J'ai mis 40 ans pour réunir toutes ces pièces.
Il y a là-dedans tous les numéros des brevets
et les plans qui ont servi à la fois les Allemands et les Alliés,
750 témoignages, toutes les minutes des plus petits procès,
la comptabilité de G.T.I. durant la guerre,
tous les pots-de-vin retrouvés, cernés.
-Personne ne sait que vous avez ce dossier ?
-Non, puisque Benoît-Lambert est mort.
Il est à vous.
Lisez-le attentivement
et vous y trouverez la clé du mystère que vous voulez percer,
mais méfiez-vous des conclusions trop rapides.
-Je vous remercie de votre confiance.
-Oh, c'est un cadeau empoisonné.
Il faut que vous sachiez, avant de le prendre,
que tant que ce dossier n'éclatera pas au grand jour,
tant qu'il ne sera pas publié, vous serez en danger de mort,
ou milliardaire.
-Raisonnablement et en toute logique,
que croyez-vous que je vais faire ?
Vous hésitez à répondre ?
-Non, je regarde.
Comment disiez-vous déjà ?
"Cette seconde indéfinissable qu'est la confiance,
"sans raison
et sans logique."
...
-Je suppose que je dois lever les mains en l'air.
Ca se fait dans ce genre de situation.
-Exactement.
Asseyez-vous là-bas.
...
Quelle honte.
Voilà des mois qu'une organisation de professionnels
cherche à savoir ce que Benoît-Lambert mijotait,
quelle était cette bombe qu'il voulait faire exploser,
et c'est un amateur, un petit journaliste, qui découvre la vérité.
-Dites que vous l'avez découvert, car je suppose que vous me tuerez.
-Bien sûr.
-Je peux savoir qui vous êtes ?
Vous me devez bien ça. -Je m'appelle Stan Hankins.
-Oui, si on veut... Ma question était stupide.
-Comme vous dans cette affaire.
-Je sais.
Vous m'avez utilisé tout d'abord pour abattre J.B.L. moralement
et le placer dans une situation de suicide.
Mon rôle devait cesser là.
-Exact.
Vous avez voulu rallonger ce rôle et vous ne faites pas le poids.
Vous allez disparaître sans rien avoir compris.
-Ah si.
Depuis quelques minutes, j'ai reconstitué le puzzle.
Un,
pourquoi un empire comme G.T.I. veut absorber l'Electronique de France
quand il a les mêmes usines chez lui et en mieux ?
Car les lois de son pays l'empêchent de traiter un énorme marché
avec un Etat,
que nous appellerons X.
Il cherche donc un pays n'ayant aucun problème avec cet Etat X,
d'où il fournira son client
en toute tranquillité.
Ce pays, c'est la France.
L'usine existe déjà : l'Electronique de France qui servira de couverture.
Deux, le processus habituel "pots-de-vin" ne suffit pas.
Alors G.T.I. dit à son client X : "Je peux vous fournir,
mais il y a un obstacle que je ne peux pas franchir."
Et trois,
l'Etat X en question charge ses services secrets,
ou une organisation similaire, de gommer cet obstacle.
Et...
un homme, qui s'appellera Hankins pour cette opération,
débarque en France.
Et cet Etat X... c'est ?
-Deuxième question stupide.
-Dommage.
Un petit trou restera dans mon puzzle.
-Depuis deux jours, nous avions perdu votre trace,
à cause d'une erreur technique.
-Non, j'ai semé vos suiveurs.
L'immeuble des Champs-Elysées où je suis entré avait deux sorties.
-Peu importe.
Or, c'est durant ces deux jours que vous avez obtenu ce dossier.
Qui vous l'a transmis ?
-Ah... Ah bon.
Je comprends maintenant pourquoi vous n'avez pas été plus expéditif.
-Restez où vous êtes.
Qui vous a donné ce dossier ?
-Puis-je vous demander comment se porte votre petite soeur ?
-Vous ne voulez donc pas répondre.
-Voilà, je n'ai plus le monopole des questions stupides.
-Vous avez tort, M. Kerjean, nous pouvons négocier.
-Négocier quoi ?
-Votre vie,
contre un nom et une adresse.
-Et la seule garantie que vous m'offrez, c'est votre parole ?
-Vous n'êtes pas en position d'exiger autre chose.
Ceci dit, réfléchissez deux secondes.
Vous vous doutez bien que l'homme que vous allez désigner
va avoir quelques petites histoires, disons, désagréables.
Dès lors, vous ne représentez plus aucun danger pour nous.
Vous ne vous vanterez pas d'avoir échangé votre vie ?
-Si je disparais, je suis pas seul.
J'enquête pour mon journal, ils voudront savoir ce qui s'est passé.
-Nous avons pensé à tout ça.
Il y a là une lettre
qui explique tout.
Vous êtes un homme à bout, dépressif,
qui a inventé des informations, falsifié des documents,
qui vit mal sa responsabilité dans la mort de Benoît-Lambert.
Ce sont vos aveux sur votre machine à écrire, avant...
-Avant mon suicide.
-C'est ça.
Alors ?
-J'arriverai jamais à le dire.
J'accepte.
Je vais vous l'écrire.
...
Tirs
Le téléphone sonne.
...
-Allô ?
*-Allô, Bayen ?
Ici Paul Kerjean.
-Moi qui m'étais enfin couché tôt, vous exagérez !
Cette semaine, où étiez-vous passé ?
-Ecoutez, c'est urgent, je peux pas parler longtemps.
Je dois quitter Paris pour quelque temps.
-Qu'y a-t-il ?
*-J'ai tué un homme. -Mais qui ça ?
Où ? *-Je vous raconterai.
Pour ce soir, sachez simplement que je tiens un dossier explosif
et la vérité sur l'affaire Benoît-Lambert.
Il me faut 6 pages dans le numéro de lundi.
Voyez ça avec Hartmann.
-Ce sera prêt quand ?
-Je tâche d'écrire mon article cette nuit.
Après, j'accepte la police, les tribunaux, mais d'abord l'article.
-Mais où je peux vous appeler ?
-Je vous appellerai.
Bonsoir.
Sonnerie
...
-Allô ?
*-M. Guérande, c'est Paul.
-Paul, mais nous sommes sans nouvelles de toi.
*-Vous appeler vous aurait mis en danger.
Bastien va bien ?
-Très bien.
Il est déjà au lit.
-Remerciez Hélène pour sa grande patience.
Elle pourra rentrer dans quelques jours.
-Et toi, ça va ?
-Oui, ça va aller.
Rendez-moi un dernier service.
Je serai à l'Hôtel de la Sirène, à Saint-Paul-le-Village, à 2 h.
C'est à 30 km de Vesons, je crois.
-35 exactement. *-C'est ça.
Il me faut une machine à écrire, beaucoup de papier.
Non, j'aurai pas la force de taper. Vous avez un magnétophone ?
-La machine que tu m'as offerte l'an dernier.
Mon petit Paul, j'ai honte, je ne m'en suis jamais servi.
-Parfait.
Vous pouvez demander à quelqu'un du journal de m'apporter tout ça
avec dix cassettes ?
-Oui, bien sûr.
Mais que se passe-t-il ?
-Je vous raconterai tout.
N'oubliez pas : Hôtel de la Sirène, à Saint-Paul-le-Village.
Et un litre de café, beaucoup de café.
Merci.
...
Ronflement
...
Je voudrais une chambre.
-Pour combien de nuits ?
-Trois ou quatre.
-Le 26, au deuxième.
-La chambre 17 ne serait pas libre, par hasard ?
-Oui, mais elle est pour deux.
Ca ne fait rien ? -C'est très bien.
Dans 30 min, on va m'apporter un paquet.
Dites que... -Oui, on vous attend là-bas.
-Ma pauvre Hélène, décidément, je t'aurai emmerdée jusqu'au bout.
-Paul, je t'en prie.
Pourquoi tu as choisi cet hôtel ?
-Parce qu'il me fallait un bled paumé, assez loin de Paris,
et pas trop près de vous pour vous éviter des ennuis.
C'est tout.
-Paul, que se passe-t-il ?
-Je vais passer la nuit à écrire un très long article.
Tu sauras tout en lisant La Tribune.
-C'est tout ce que tu peux me dire ?
-Oui, parce que c'est très compliqué,
et je reviens de si loin.
Deux heures sonnent.
-Tu attends quelqu'un ?
-J'espère bien que non.
-La chambre 17, c'est aussi un hasard ?
-Ah ça, tout à fait.
-Je vais rester avec toi ce soir.
-Ecoute, Hélène... -Mais je ne te dérangerai pas.
Tu verras même pas que je suis là.
Je vais pas apprendre ce qui t'arrive par le journal.
-Titre en caractères gras : "Mille Milliards de Dollars."
Je m'appelle Paul Kerjean.
Profession : grand reporter.
Un titre pompeux que l'on nous donne,
car nous sommes là où le monde bouge, là où les hommes se battent
et meurent.
Ce soir, je suis un rescapé de la plus impitoyable des guerres,
la guerre économique,
où les généraux sont en costume rayé de bonne coupe,
et leur arme, un attaché-case de bon goût.
Derrière trois initiales discrètes,
une lettre, un point, une lettre, un point, une lettre, un point,
se cache la plus gigantesque machine à broyer les frontières,
les Etats, les intérêts collectifs,
dans le seul but de produire plus, créer sans cesse des marchés,
et vendre.
Je me suis cogné la tête
contre ce défi lancé au monde.
*Si le dynamisme et la mondialisation des affaires
est dans la nature des choses, il est difficilement supportable
qu'ils s'exercent au profit de 30 firmes dans le monde.
C'est aux Etats et à leurs gouvernements
qu'il appartient de les contrôler, les prévoir, les définir
et les dominer.
Devant l'absence de cette politique et le manque de volonté,
ces empires économiques nous regardent,
dans la légalité et du haut de leur gigantisme.
Ils nous regardent, avec nos petits drapeaux,
nos frontières, nos grosses bombes, nos patriotismes,
nos idéologies, nos querelles et nos folklores,
tandis qu'apparaît en bas de leurs bilans annuels :
mille milliards de dollars.
...
Chants d'oiseaux
...
...
Tu sais,
la chambre 17, c'était pas un hasard.
-Tu te souviens ?
-Tout.
Notre départ après la cérémonie, ta joie de découvrir Venise,
notre panne à 35 kilomètres de Vesons,
nos 3 kilomètres à pied jusqu'à Saint-Paul,
l'Hôtel de la Sirène,
la chambre 17.
Soupir
L'ampoule grillée, le déballage de nos affaires,
ton fou rire quand je te cherchais dans le noir.
T'as tout tapé ?
-Paul... Mais qu'est-ce qui nous est arrivé ?
-M. Guérande m'a dit un jour
que nous étions malades de la ville.
La Tribune ? *-Oui.
-M. Bayen de la part de M. Kerjean.
*-Ici Bayen. -Bayen...
Mon article est terminé.
*-Où êtes-vous ?
-Je vous le ferai déposer ce matin.
*-Mais dites-moi où vous êtes.
Vous vous méfiez de moi ? -Du téléphone.
Hartmann publiera bien mon article lundi ?
-Ecoutez, Kerjean, je suis avec M. Hartmann.
Vous lui posez des problèmes.
Vous devez venir le voir.
*-Je ne reviendrai pas à Paris tant que mon article ne paraîtra pas.
Si Hartmann veut me parler, passez-le-moi.
-Pourquoi refusez-vous de venir ?
*-Par mesure de sécurité.
-Paul, vous êtes fatigué, surmené, cette enquête vous a épuisé.
Vous imaginez des dangers, des tireurs, des meurtres.
Vous n'avez rien à craindre.
Venez, nous parlerons et vous verrez que vous n'avez rien à craindre.
-Mais vous me traitez de fou, là ?
-Non, j'ai parlé de surmenage.
Vous expliquez ça très bien dans la lettre qu'on a trouvée chez vous
dactylographiée.
-Mais dites donc, si vous avez trouvé cette lettre,
vous avez trouvé mort l'homme venu pour me tuer.
Allô !
-Mon petit Paul,
nous avons appelé la police et Bayen est allé chez vous.
-Vous voyez !
*-Mais il n'y avait pas de cadavre chez vous, pas de sang
et aucun désordre, par contre, ils ont trouvé
votre lettre. *-D'autres
ont dû faire le ménage.
-Oui, bien sûr, bien sûr.
*-M. Hartmann,
écoutez-moi bien.
Dans cette enquête, j'ai failli y laisser ma peau,
et tant que cet article ne paraîtra pas, je reste en danger.
Je vous expliquerai plus ***, mais je vous demande de me croire.
J'ai un dossier explosif de 700 pages prouvant tout ce que je dis.
-Apportez-le avec votre article.
Je demanderai à un de vos confrères, disons, plus calme, de tout vérifier
et j'aviserai, mais votre article ne paraîtra pas lundi.
-Très bien, je le donnerai ailleurs !
-A votre place, je ne ferais pas ça.
Tout le monde se demandera pourquoi vous avez fait ce choix.
Ils vérifieront votre dossier.
Ils voudront procéder de la même façon que moi.
Non, croyez-moi, apportez-nous tout ça.
Et, surtout, partez vous reposer, vous en avez bien besoin.
-Dites, vous êtes sûr qu'il n'y a pas dans La Tribune
un petit bout de G.T.I. ?
-Question stupide et insultante !
-Et voilà.
Hélène,
je suis fichu.
-Moi, je te dis
qu'ils publieront ton article.
-Arrête, c'est inutile.
Personne voudra se mouiller comme ça, tout de suite.
-Promets de rester ici tant que je ne t'aurai pas appelé.
Je ne te demande que ça.
-Hélène...
Tu vas te lancer au milieu d'un cyclone.
-Laisse-moi essayer.
Que risque-t-on ?
Reste ici, je te téléphone.
Minuit sonne.
...
Le téléphone sonne.
-Allô ?
*-Paul, c'est Hélène. -Mais t'es folle ou quoi ?
T'es partie à 9 h ce matin, que t'est-il arrivé ?
*-Ton article sera dans tous les kiosques de France lundi,
en 400 000 exemplaires.
-Attends, me dis pas le titre du journal.
Laisse-moi deviner.
400 000 exemplaires, c'est...
-Non, tu n'y es pas.
Non plus.
Ah non, alors là, tu n'y es pas du tout.
Non...
Ne te fatigue pas, tu trouveras jamais.
Ecoute quelque chose qui te mettra sur la voie.
Roulement des machines
...
*...
-Le Courrier de Vesons.
Mais tu m'as dit en 400 000 exemplaires.
-Guérande a mis son stock de papier
de 14 mois dans ce numéro et ne publie que ton article.
Tu es heureux ?
-Hélène, tu es...
Tu es géniale.
Pauvre M. Guérande qui voulait se démarquer des journaux parisiens...
-Germaine, file, tu gênes.
-Ecoute-le.
-Plus vite, Sylvestre !
-Je peux pas, je suis au maximum. -Il s'amuse bien.
Je te le passe ?
-Non, parce que... je saurais pas quoi lui dire.
Il me sort d'un tel pétrin.
-A tout de suite... Non, attends.
Ne raccroche pas.
Tu es avec quelqu'un ?
-Non, voyons, je suis à l'hôtel.
-Non, je veux dire... Tu as quelqu'un dans ta vie ?
-Non.
Mais, vu ce qui m'arrive, même si j'avais quelqu'un,
elle m'aurait déjà laissé tomber.
-Tu pourrais peut-être rester un peu avec nous.
Ca ferait tellement plaisir à Bastien.
-Ah, alors, si c'est pour faire plaisir à Bastien, c'est d'accord.
-Et après, Paul, tu as une idée de ce que tu veux faire ?
Allô, tu es toujours là ?
-Oui, je suis toujours là.
Je réfléchissais à ta question.
Après...
Après, je crois que je vais essayer de rejoindre la race des humains.
Viens vite.
...
Sous-titrage télétexte ST' 501