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Bonjour, je m'appelle Teresa
Et je vais lire de "Le sexe des cerises" de Jeanette Winterson
Si je suis laide?
Mon nez est plate, mes sourcils sont lourds
Il ne me reste que quelques dents, et pas les meilleures; elles sont noires et cassées
J'ai attrapé la variole étant petite
Et les trous dans mon visage pourraient abriter des puces
Mais j'ai des yeux d'un bleu éclatant qui perce la noirceur
Qu'en est-il de ma taille?
Je sais seulement qu'avant qu'on ne trouve Jordan, un cirque itinérant est passé par Cheapside
Il y avait un éléphant
Nous étions tous ravi de voir l'éléphant
Une bête imposante munie d'un nez vagabond
Son numéro se résumait à s'asseoir sur un fauteuil, comme tout bon gentleman, et porter un monocle
Il y avait un fauteuil de l'autre côté
Et le jeu était de trouver des gens s'offrant à s'asseoir sur le fauteuil, pèle mêle, du mieux qu'ils pouvaient
Et d'être plus lourd que Samson, de son prénom
Personne n'avait réussi, même si la récompense était un tonneau de bière
Un soir, me promenant munie d'un ruban dans mes cheveux
J'ai eu l'idée de tenter ma chance et de battre Samson toute seule
Je l'avais examiné, et il n'était pas de taille à m'impressionner
J'ai donc saisi l'homme en train de brailler et railler la foule pour qu'ils se mesurent à ce qui n'était après tout qu'une bête
Et j'ai dit que je prendrais la place
"Mais Madame!", s'écria le petit brin de vermine
"Vous devez être plus légère qu'un ange!"
Je lui ai dit qu'il ne pouvait s'y connaître aux écritures saintes
Puisque nulle part dans le livre sacré ne fait-on référence au poids des anges
Ses sourcils foncèrent vers les cieux
La seule partie de son corps ayant une chance de s'y rendre
Il se mit à battre de son tambour et crier, comme s'il était à des funérailles
"En voilà quelque chose! Venez voir, venez voir!"
Très vite je n'arrivais presque plus à respirer, la chaleur émanent des corps était telle
Et l'éléphant même dû être ranimé par une *** d'eau froide
"Veuillez me suivre jusqu'à fauteuil", me dit la canaille cagneuse
Les clochettes de son chapeau pimpant et tintant
J'ai un tempérament courtois, et me laissai guider
"Je devrai vous fouiller", me dit la créature, levant les yeux aux ciel
"Je dois être sûr que n'avez pas des poids de plomb, ou autres tricheries de la sorte"
"Vous ne me toucherez pas!", me suis-je écriée
"Je vous montrerez ce que j'y cache!"
Et je soulevai ma robe en l'air, ne portant pas de sous-vêtement dû à la chaleur
Il y eu une vague d'évanouissements à travers la foule
Et j'entendis quelqu'un me comparer à une chaîne de montagnes
Mais du moins ça fit taire mon roi des idiots
Qui ne fit plus d'allusions à une fouille et me guida directement au fauteuil
Je pris une grande inspiration, remplissant mes poumons d'air
Et me lançai de toutes mes forces sur le fauteuil
Pardonnez-moi
J'entendis la foule rugir
J'ouvris mes yeux, dirigeant mon regard vers Samson: il n'y était plus!
Son siège balançait dans le vide, telle une balançoire de véranda
Son monocle y gisait
Je suivi le regard de la foule, plus haut, beaucoup plus haut
Tout au loin, comme une étoile foncée dans un ciel clair, on y apperçevait Samson
C'est tout un devoir pour une femme que celui d'avoir expulsé un éléphant dans le ciel
Ce que ça en dit à propos de ma taille, je n'en sais rien
Un éléphant a l'air de taille considérable, mais comment puis-je savoir ce qu'il pèse
A ballon est de taille considérable, mais il pèse rien
Je sais que les gens ont peur de moi
Soit à cause du jappement de mes chiens, ou parce que je suis plus grande qu'eux tous
Lorsque que j'étais petite, mon père m'assis sur ses genoux pour me raconter une histoire, et ses deux jambes se fracassèrent
Il ne me toucha plus jamais, à moins que ça soit avec la pointe du fouet à chiens
Pourtant ma mère, qui habite juste à côté, et qui était si légère qu'elle n'osait se mettre en travers de la brise
Pouvait me jeter sur ses épaules et me porter pendant des kilomètres
Certains parlèrent de sorcellerie, mais qu'y-a-t'il de plus fort que l'amour?
Lorsque Jordan était encore tout petit, je pouvais l'asseoir dans le creux de ma main
Comme j'aurais fait avec un chiot
Et je l'assis devant mon visage et le laissai enlever les puces de mes cicatrices
Il était toujours heureux, nous étions heureux ensemble
Et s'il eut remarqué que j'étais plus grosse que la moyenne, il n'en dit jamais mot
Il était fier d'être le seul enfant à avoir une mère pouvant tenir dans sa bouche douze oranges à la fois
Si je suis laide?
Un matin, peu après le début de la guerre civile, qui aurait dû se terminer en un mois mais dura huit longues années
On vint cogner à notre porte, cherchant Jordan
J'étais en train d'hurler à mon voisin
Un petit morceau d'homme aux yeux bridés et avec un nez duquel il pourrait accrocher son manteau
Ce bec-croisé essayait de me dire que notre roi avait tort d'être en guerre avec son peuple
Et je lui répondais que si ces écossais mal embouchés ne s'y étaient pas encore mis avec leurs combines douteuses
Toujours en train d'essayer de se battre avec n'importe qui
Il n'y en aurait pas de guerre
Nous avions un roi sans parlement pendant onze ans
Et maintenant nous avons un parlement et seulement le soupcon d'un roi
D'après ce que j'en sait
Et je ne suis quelqu'un de très éduqué
Le roi avait été forcé de convenir le parlement pour qu'on lui donne des sous pour qu'il puisse se battre contre ces bestioles en kilt
Et leurs coutumes sauvages
Sauvages jusqu'au bout des doigts
Et ce pauvre roi qui tentait seulement de leur faire
Lire du bon livre de prières
Il rejetèrent le livre de prières, et menacèrent son trône en toute immoralité
Le roi, se tournant vers son peuple, se retrouva devant un parlement rempli de puritains qui refusèrent lui donné des sous tant qu'il ne leur avait pas donner une réforme
Ne pouvant se contenter de l'Église d'Angleterre
Que nous avait légué ce bon roi Henri
Il requéraient ce qu'ils appellaient "l'Église de Dieu"
Il prétendèrent que le roi était une cigale extravagante
Que les évêques étaient corrompus
Que notre livre commun de prières n'était remplies que manies sauvages
Et que la reine elle-même étant française, elle ne pouvait être que remplie de manies sauvages
O comme ils détestaient tout ce qui beau, formidable et plein de joie de vivre
Ils se promenaient dans leurs mornes habits gris, leurs mornes têtes grises s'y poitant au-dessus
Leurs seules pièces de fantaisie étaient leurs mouchoirs
Qu'ils voulaient bordés de dentelle, et aussi blancs qu'ils prétendaient que leurs âmes étaient
J'ai vu des puritains passer un théâtre, où il n'y avait que joie et gaieté
Et ils ont recouvert leurs nez de dentelle, de peur qu'ils ne sentent la joie et en soient contaminés
Ils fermèrent tous les théâtres de Londres dès qu'ils eurent un peu de pouvoir
Mais notre sauveur n'a-t-il pas changé l'eau en vin?
Bientôt, notre propre ministre de Dieu devint puritain, condamnant notre roi de sa chaire
"Pasteur vaurien", lui lançeant les mots de son sermon un jour après qu'il les ait prononcés
"Le nom des méchants tombera en pourriture"
Ne savez-vous pas que notre roi en est ainsi de droit divin?
Il me fixa du meilleur de ses deux yeux et joigna ses mains en prière
"Dame, contemplez notre roi céleste", dit-il, "il n'y d'autre pouvoir terrestre que le diable"
Bonjour, je m'appelle Teresa, et j'ai lu de "Le sexe des cerises" de Jeanette Winterson
Beau travail mesdemoiselles!