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Le gouvernement du Québec met de l'avant
des propositions pour reconnaître et affirmer
certaines des grandes valeurs québécoises qui nous définissent.
Nous proposons aussi d'affirmer dans cette Charte la neutralité religieuse de l'État
et le caractère laïc de nos institutions.
Pour que cette neutralité religieuse prenne forme dans les institutions publiques,
elle doit aussi transparaitre chez ceux et celles qui y travaillent.
Nous proposons que la neutralité religieuse
s'applique à toutes les personnes au service de l'État.
En vertu de ce devoir,
les employés de l'État ne pourraient pas porter de signes
religieux ostentatoires pendant leurs heures de travail.
Le ministre Bernard Drainville est le ministre des institutions démocratiques.
Bonsoir Bernard Drainville. Bonsoir Madame Dusseault.
Écoutez, vous voulez un procès... un projet rassembleur.
À savoir que vous voulez un projet rassembleur.
Or déjà les gens disent parce que ce projet
brime la liberté de religion,
il divise les Québécois.
Elle ne brime pas la liberté de religion,
elle assure la liberté de religion.
La Charte selon moi c'est vraiment encore
le reflet de la mentalité colonialiste du gouvernement.
C'est un déni des peuples autochtones
parce qu'on parle de valeurs communes québécoises.
Alors que les peuples autochtones
ça fait des millénaires qu'on habite le territoire.
On ne nous a jamais demandé notre avis sur la Charte.
On ne nous a jamais demandé c'était quoi les valeurs importantes pour nous.
Comme citoyen et comme juriste,
moi, je ne pouvais pas tolérer
qu'on soit en train de vouloir porter un si dur coup
à des libertés et des droits qui sont reconnus comme fondamentaux.
Oui, oui à la charte.
Qui sont ces autres qui nous prennent notre place,
ce que nous percevons comme notre place,
et que nous n'acceptons pas encore comme
faisant partie de nous?
Non, non à la charte.
Pour rien au monde,
je ne souhaite
à quelqu'un d'être
une femme musulmane aujourd'hui.
Plutôt que de présenter cela comme un projet rassembleur
pour intégrer l'ensemble de la société québécoise,
notamment par des mesures d'éducation,
de compréhension et de dialogue,
on a voulu légiférer le vivre-ensemble.
Le résultat que ça a, c'est que ça monte
les Québécois les uns contre les autres.
J'espère juste qu'on va s'en relever.
Ça aurait été le « fun » de construire une société
pas un club.
Tout est récupéré de façon électoraliste
ou presque,
où les jeux d'intérêts
surpassent le bien commun
et c'est ce qui m'attriste
le plus dans cette histoire là.
C’est que le bien commun et la collectivité
ne passent même pas au second plan,
mais au troisième, quatrième, cinquième plan,
après les intérêts privés, après les intérêts électoralistes.
Je suis très fier de voir la famille adéquiste s'agrandir autant ce soir.
Le gros drame du PQ en 2007-2008
c'est que l'ADQ est devenue l'opposition officielle
avec son discours racisant,
dans le contexte de la crise des accommodements raisonnables.
Et c'est comme une claque dans le visage du PQ,
et c'est à partir de ce moment-là
que certains intellectuels,
qu'on appelle les nationalistes conservateurs,
en liaison avec certains membres du Parti Québécois,
en jouant sur les accommodements raisonnables,
très médiatisés par le Journal de Montréal,
développent l'idée que
il faut mettre l'accent
sur l'identité
canadienne-française et catholique.
Ça veut dire un nationalisme
axé sur le passé.
Alors ça il y en a plusieurs, ils ne sont pas les seu-s,+ 83 00:05:02,889 --> 00:05:04,039 mais Jacques Beauchemin,
il est vraiment comme l'intellectuel central de ce groupe-là.
Matthieu Bock-Coté
Monsieur Bédard, historien, etc..
qui sont très frileux au plan identitaire
et qui ont eu tendance à
ramener la question de+
ce qu'ils appellent l'identité québécoise
sur le devant de la scène comme si c'était menacée
par un phénomène de diversité, de multiculturalisme.
On ne sait pas s'ils parlent de la politique canadienne
ou du fait de société qui est la diversité comme telle
quand ils ont utilisé ces termes-là, mais bon....
C'est des gens qui étaient beaucoup sur les comités de réflexion.
C’est comme Beauchemin, disons, il a été nommé sous-ministre après leur victoire.
Ce n'est pas rien parce que Beauchemin est au centre de ça.
Alors, quand ils mettent sur pied les comités de réflexion,
ils ont maintenant Péladeau aussi qui est dans plusieurs comités de réflexion,
c'est des intellectuels qui vont être consultés dans différents comités.
Ça ne veut pas dire que c'est mauvais, tout le monde travaille dans les réseaux.
Ils ne peuvent pas être tous seuls.
C'est des gens qui sont bien branchés
Sur des gens qui ont du pouvoir.
Ça a ramené toute cette idée que
il faut que,
comme disait Mario Dumont en 2007,
il faut mettre ses culottes
comme Québécois parce que
sur le plan identitaire il y aurait une
insuffisance d'affirmation collective.
Je pense qu'il faut relever le menton un petit peu
et dire: ben regarde ici là,
il faut les faire appliquer nos principes de vie communs.
Il faut les faire appliquer nos valeurs communes.
L'égalité, ça ne veut pas dire que nous on s'efface,
que le peuple qui vit dans le Québec, il faut que s'efface.
Il faut qu'il s'évapore avec sa façon de vivre, avec sa culture,
avec ses valeurs, avec ses traditions.
L'histoire est beaucoup plus complexe que ça.
Pour comprendre l'histoire, il faut tenir compte
des causes économiques, des causes sociales et ainsi de suite.
Alors quand on parle de la mémoire canadienne-française et catholique,
il y a beaucoup de choses qu'il faut rejeter.
Vous ne tenez pas compte des autochtones.
Vous ne tenez pas compte des mouvements des femmes
qui se sont battues contre les mâles chauvins.
Vous ne tenez pas compte des travailleurs
qui se sont battus contre les propriétaires,
y compris des propriétaires
d'origine canadienne-française et catholique,
pour défendre les conditions de travail et de salaire de leurs membres.
Et c'est ce qui a composé l'histoire du Québec.
Donc une grosse partie de notre identité
est le fruit des luttes sociales.
Comme si les droits de la personne,
notamment la liberté de conscience et la liberté religieuse,
qui est mise en cause dans ce cas-là,
n'étaient pas le fruit des luttes sociales,
n'étaient pas le fruit de l'identité québécoise.
Alors, c'est à partir de là que la réflexion s'est faite
qu'il fallait chercher les votes de ces gens-là.
Ici, l'année passée,
le gouvernement Charest a suivi la tendance adéquiste
qui était de mettre des gens un contre l'autre
pour mieux régner et passer ses politiques néo-libérales.
Créer la haine de cette manière c'était dangereux,
et aujourd'hui Pauline Marois
agit de la même manière avec un autre enjeu.
Alors qu'est-ce qu'on fait ?
On crée certaines affaires pour distraire les gens,
mais aussi mettre les gens en opposition
au lieu de laisser le temps aux gens
de réfléchir à leur bien-être commun.
Avec la Charte on va créer cette situation,
qui n'existait pas.
Après ça, une fois qu'on va avoir de plus en plus de réactions,
on va dire, vous voyez, on vous disait que c'était ça.
Comment aller chercher des votes
c'est reprendre
ce qui avait fait la victoire de l'ADQ.
Ça veut dire aller sur les accommodements raisonnables,
aller taper sur les musulmans.
Pourquoi est-ce que ces débats immédiatement retombent
dans le « Nous » et le « Eux autres » ?
Lorsqu'on parle des valeurs québécoises,
elles sont autant chrétiennes, musulmanes, juives, peu importe.
C'est juste pour faire plaisir aux hommes ça,
et puis quand elles ne le portent pas
elles sont réprimandées.
S'intégrer dans une communauté
ou dans une société
c'est faire ce que cette société, en majorité, fait.
Dans un contexte de violence symbolique, ceux qui détiennent le pouvoir politique
donnent de nouvelles définitions aux concepts qu'ils apportent.
Ce n'est pas tous les éléments
du projet de la Charte que nous contestons.
Comme assez rapidement, tout le monde s'en est rendu compte
le feu, l'enjeu de tout ce débat public portent sur un article en particulier
qui concerne l'interdiction des signes religieux ostentatoires.
En ce qui me concerne, en tout cas, c'est vraiment
à ce moment-là, c'était vraiment clair et certain que j'allais me mobiliser
de façon absolument convaincue et inconditionnelle
pour contester ce projet de Charte,
notamment parce que je pense que ça
reconduit des formes de marginalisation,
de stigmatisation,
une forme d'ostracisme politique inacceptable
à l'endroit de certaines catégories de citoyens québécois
qui pour toutes sortes de raisons sont perçus comme
des citoyens de seconde classe
par un ensemble de concitoyens québécois
et pour moi c'est inacceptable.
Ces femmes-là,
qui sont dans la fonction publique,
parce que ce sont ces femmes qu'on cible,
se sont des femmes qui sont hautement scolarisées,
qui ont traversé énormément d'étapes
très très très difficiles,
dont les concours, dans la sélection, etc...
pour obtenir les postes qu'elles ont actuellement.
Quand les juristes, les philosophes
se lèvent d'une façon
quasi unanime
pour dénoncer ce projet-là,
parce qu'il ne faut pas dire que c'est unanime,
il y a certains juristes qui sont très associés au Parti Québécois
qui ont soutenu du bout des lèvres
qu'il y aurait peut-être moyen
de sauver la constitutionnalité de cette Charte des Valeurs là.
Mais la très grande majorité des juristes
ne sont vraiment pas de cet avis-là.
Et moi, je suis bien placé pour le voir
parce que l'année dernière, en 2012,
quand j'avais fait partie de l'organisation d'une marche de juristes
qui avaient dénoncé la loi spéciale de Jean Charest,
la réception dans le milieu juridique
avait été très très divisée et partagée.
Cette année, je ne ressens pas du tout
cette dualité d'opinion dans la communauté juridique.
Vraiment, on est très proche de l'unanimité.
Je pense que de manière générale,
on s'aperçoit assez rapidement, en fait,
que le projet de la Charte du PQ
n'ajoute rien de plus
aux balises juridiques qui existent déjà.
On a déjà les instruments législatifs
parmi les plus solides au monde.
On a deux chartes des droits et libertés au Québec,
la canadienne et la québécoise.
C'est quand même hallucinant,
je ne suis pas juriste ni constitutionnaliste, mais
à mon sens, cela ne doit pas exister beaucoup dans le monde,
une juridiction politique
où il y a deux chartes des droits et libertés qui s'appliquent.
Donc, il existe par ailleurs une possibilité, par exemple,
de gérer des accommodements raisonnables
qui tienne compte, effectivement, de certains droits collectifs
et une certaine conception de la laïcité, etc.
Et ces accommodements raisonnables sont, par la suite,
balisés par des principes qui sont déjà contenus
dans les chartes québécoises.
Que ce soit l'Association québécoise
des établissements de santé et de services sociaux,
que ce soit les associations des garderies,
que ce soit les chambres de commerce,
tous ceux qui gèrent au quotidien
le supposé problème des accommodements religieux
ils viennent dire: Écoutez, on n'en a pas de problème,
on n’en vit pas de crise.
Il n'y a aucune cohérence,
il n'y a aucune rationalité derrière
l'interdiction des signes ostentatoires
contenue dans le projet de la Charte, comme si
je m'excuse, j'en perds mes mots,
je trouve ça incroyable que les gens
se laissent convaincre
que cet article-là
en fait contient l'essence
de la conception de la laïcité et de l'égalité des sexes,
que l'on doit
défendre et promouvoir au sein de la société québécoise.
Je ne sais pas quelle raison on peut imputer
cette confusion,
cette mécompréhension de la réalité juridique,
sociale et politique, ici au Québec.
Je veux dire, c'est vraiment,
je pense qu'il y a une rhétorique qui est parfois malhonnête.
Tout à fait.
Parfois aussi, il y a aussi des composantes idéologiques
qui valent peut-être la peine d'être étudiées,
pour être mieux comprises,
mais de part et d'autre.
que ce soit par conviction idéologique
ou que ce soit par rhétorique fallacieuse,
ça conduit à des conséquences qui peuvent être
politiquement désastreuses,
et moralement, totalement injustifiables.
Je pense qu'en voyant ce genre d'approche-là,
moi, personnellement, un des réflexes que j'ai eu
c'est: Oh mon Dieu, c'est la loi sur les Indiens,
l'idée de la loi sur les Indiens, qui ressort encore à travers un autre
pan de loi.
Je suis très inquiète parce que
je pense que des relations intercommunautaires
c'est comme des relations de couple.
Ça n'est pas facile
et c'est fragile,
et on ne peut pas tabler
sur le fait qu'une relation de couple
a été bonne pour dire qu'elle durera toujours.
Et c'est la même chose pour les relations intercommunautaires.
Si on dit
des mots qu'il ne faut pas dire,
si on dépasse certaines limites,
c'est très long
de se rassurer, de se réconcilier
de se rapprocher, de se faire confiance.
Parce que, vous savez, ça déboule.
C'est-à-dire que
la colère et le rejet suscitent la colère et le rejet.
Moi, je suis totalement pour tenir la main
des Québécois pour qu'on avance ensemble
et que l'on arrête de s'ignorer.
Je refuse, par exemple, que la main que je tends,
on l'utilise pour frapper l'autre.
Ça, c'est très important pour moi.
Je n'accepterai pas un pan
de citoyen pour en refuser un autre
parce que je veux bien m'entendre avec celui-là.
Moi, je pense que c'est un discours assimilationniste.
Quand on rentre dans la laïcité mur à mur,
c'est un discours assimilationniste.
Tout le monde doit être pareil.
On peut dire que cette approche
a carrément détruit
notre identité
autant sociale,
notre identité économique
notre culture, notre langue.
Justement parce qu’on voulait nous faire rentrer dans
ce qui était les valeurs de l'époque.
Regardez les relations qui se sont créées
entre les autochtones et non autochtones
depuis les dernières 100 années.
Ce n'est pas fait avec les lois sur les Indiens.
Ça c'est fait avec l'écoute et la compréhension.
C'est justement un des points fondamentaux de ce débat,
c'est qu'on ne peut pas permettre que ce soit le plus grand nombre
qui décide des droits des minorités,
et c'est là que la liberté religieuse prend tout son sens.
Voyez-vous comment on est rendu?
Il faut permettre aux minorités d'exercer leurs droits
sur la majorité, d'ailleurs.
Pas sur la majorité,
c'est pour ça qu'il y a un système de loi et de jugement
et qu'on essaye d'accommoder
le maximum de gens dans une société tolérante.
Notre culture laïque est défiée tout le temps.
Nous sommes laïcs, nous avons le droit de l'affirmer,
nous devons le faire.
Quand on construit un discours
intellectuel et théorique,
quand on prend une place
dans le discours public et social,
je pense qui si on n’a pas basé
ses dires sur du travail de terrain,
je pense que c'est assez problématique.
Par exemple, dans le cas des accommodements raisonnables,
c'était en pleine campagne électorale
et la surenchère médiatique a fait en sorte que
ils ont mis à l'ordre du jour
carrément des événements
pour questionner les politiciens au jour le jour
sur ces événements-là
avec, évidemment, des photos
des plus minoritaires des minorités.
On a monté en épingle
des cas anecdotiques d'accommodements déraisonnables
dans certains tabloïds,
dans certaines chaînes d'information continues et
par certains commentateurs démagogues et populistes,
il faut le dire.
Donc, on a caricaturé le concept d'accommodement raisonnable.
Il y avait beaucoup de journalistes
qui connaissaient très peu le sujet à l'époque
et qui mélangeaient des affaires qui n'avaient rien à voir.
Il y a eu un élargissement du débat, à un moment donné,
ça ne portait plus du tout sur
qu'est-ce qu’un accommodement raisonnable, au sens juridique,
et qu'est-ce qu’une vraie discrimination.
Première question qu'il faut se poser quand il y a une situation
de discrimination
ou quand il y a un enjeu d'accommodement
c'est est-ce qu’il y a une discrimination ?
Pas grand monde se posait cette question-là.
Dans le traitement médiatique,
on couvrait un paquet d'affaires
qui n’avait rien à voir avec des accommodements.
En fait, il y a eu trois vrais cas d'accommodements
durant toute cette période-là.
Il va falloir, à un moment donné,
que l'on dise les « vraies affaires »
et que le ministre Drainville
arrête de colporter toutes sortes de faussetés en donnant
l'exemple de certains accommodements
complètement anecdotiques
qui n'auraient jamais satisfait le test
d'un accommodement raisonnable.
Contrairement au premier débat,
qui a été à mon avis
complètement une construction médiatique
dans beaucoup de cas,
dans le cas de la charte,
c'est un truc politique
qui a été approprié par la société civile,
par toutes sortes de mouvements au sein de la société civile
qui n’avaient pas eu lieu,
c'est à dire, cette sortie-là n'avait pas eu lieu.
Maintenant, on a
des camps politiques qui sont en train de se construire.
Le débat est beaucoup plus...
il est moins chaotique,
mais il est beaucoup plus tendu
au plan politique
et plus tendu au plan identitaire.
Parce que les préjugés contre les musulmans
sont tellement forts en ce moment dans l'espace médiatique.
Même après le 11 septembre,
les gens pour être politiquement corrects disaient
« les musulmans ne sont pas tous comme ça. »
Mais si vous lisez ça convenablement, ça veut dire
qu'ils ne sont pas tous comme ça,
mais ceux qui le sont, sont musulmans.
Alors qu'en fait,
c'est plus, les humains ne sont pas tous comme ça.
Nous avons tous dans notre histoire,
des histoires de gestes terribles.
Tous les peuples en ont.
Je pense aussi qu'il y a un réflexe en tant que catholiques
pour beaucoup de gens de voir la religion de l'autre
comme un danger.
À un moment donné, j'avais vu un commentaire sur Facebook
comme : l'Islam c'est le mal !
La religion musulmane c'est le mal !
J'ai dit, l'Islam m'a rien fait,
alors que la religion catholique a détruit beaucoup plus
dans ma culture,
dans l'histoire de ma nation.
Il y a des gens qui ne comprennent pas cette politique d'immigration,
pourquoi on a besoin d'immigrants.
Ils pensent que les immigrants vont envahir.
Moi, je pense que ce malaise,
c'est vrai qu'il est destiné spécifiquement
aux femmes musulmanes.
Cette fois, on a toutes compris.
Mais, je trouve ça dommage
que le gouvernement se base pour un projet de loi,
il se base sur un malaise.
Mais est-ce que c'est un malaise qui est fondé?
Quand on va à Montréal, on ne se retrouve plus
au Québec, moi je trouve.
L'islamisation, effectivement, c'est une réalité
et ça nous préoccupe.
L'islamisation de Montréal, sur la base
de 4% de la population québécoise,
Où sont les faits
pour étayer une telle hypothèse,
lourde de conséquences politiques ?
C'est notre devoir de citoyen,
et peut-être aussi notre devoir
en tant qu'intellectuels ou de juristes,
d'essayer de rectifier les faits.
Il n'y en a pas d'islamisation de Montréal.
Ça n'existe pas.
Nous avons établi nos conclusions
sur des études rigoureuses et scientifiques.
Alors, quelles sont les études sur lesquelles vous vous appuyez?
Moi, je vous reviens avec des témoignages de citoyens.
Vous entendez légiférer sur un sujet que vous ne connaissez pas.
Alors, les témoignages de citoyens ce n'est pas important ?
En faisant la recherche,
j'ai fait la distinction entre,
ce que j'appelle les discours d'opinion
et la couverture événementielle des journalistes
parce que ce sont deux choses différentes.
J'essaie d'analyser
au jour le jour.
Est-ce que dans ces opinions-là,
on voyait une espèce de spirale du racisme ?
Dans les dernières décennies,
on a assisté
à un changement de la vision de l'autre,
des immigrants.
En tant que chercheure,
après le 11 septembre...
J'ai mis ensemble une équipe pour essayer de regarder
est-ce que ces perceptions,
cette impression que la discrimination avait augmentée
est-ce qu'on pouvait le vérifier ?
Ce que ça disait clairement, c'est que
le racisme dans notre société
avait fait un bond.
Cette image de société tolérante
qu'on essaie de garder,
qu'on essaie de protéger
et bien c'était en train de devenir un mythe
et il fallait que l'on commence à s'inquiéter
des relations intercommunautaires.
Je suis arrivé, ici au Québec, en 2000.
Ça fait presque 13 ans que je suis là.
Je suis arrivée en 2007
et je me suis mariée avec Nedal.
Par exemple, des gens qui vont dire:
il y a plein d'immigrants qui viennent chez nous
qui sont pas capables de s'adapter.
La dichotomisation « Nous / Eux » qui est négative
c'est un des premiers pas dans le racisme, si on veut.
Je cherchais un meilleur avenir,
ce qu'on n'avait pas dans notre pays d'origine.
J'ai quitté tout le monde pour venir ici
avec ma femme, avec mes deux enfants.
Et là, on rentre dans d'autres mécanismes, par la suite,
qui sont plus une sorte de victimisation de soi
qu'on voit dans le discours
que la personne se sent vraiment menacée par l'autre.
C'est pas juste :
ils viennent chez nous et il faut qu'ils s'adaptent, mais
ça devient: ils viennent nous imposer des affaires.
Je voulais vivre dans un pays francophone,
c'est pour ça que j'ai choisi le Québec.
Il y a la communauté homosexuelle ici,
la communauté juive,
la communauté hindoue,
la communauté sikh, la communauté musulmane.
Après la victimisation, il y a une sorte de
diabolisation de l'autre.
L'autre devient presque un ennemi, ce n'est plus
quelqu'un qui est juste différent.
Il devient une sorte d'ennemi
avec lequel on veut pas trop avoir de relations.
La montée des peurs actuelles, je pense,
dans les pays qui accueillent beaucoup d'immigrants,
comme le nôtre,
c'est la peur de la perte de nos privilèges.
Nos privilèges sont multiples.
Donc c'est évidemment,
un certain confort économique.
C'est aussi le confort
d'une majorité qui n'a pas à se penser elle-même.
On n'a pas à se poser des questions sur
qui nous sommes
parce que nous dominons un espace social.
Avez-vous été victime de racisme, ici, au Québec ?
Heureusement que non,
je n'ai rien vécu de ça.
Aucun incident, aucun geste d'intimidation
ou bien de discrimination ou de racisme, rien.
Rien, absolument rien.
Jusqu'à récemment....
Quand on veut expulser l'autre :
Du balai ! Retournez chez vous !
C'est qu'on ne veut plus être en relation avec l'autre,
donc il y a une espèce de spirale
où l'on monte dans les discours
et certains discours restent à un certain niveau de mécanisme.
Tout allait très bien,
jusqu'au jour où j'ai commencé à recevoir
quelques lettres d'intimidation.
Au début, j'ai eu peur.
Nous venions tout juste de déménager dans cet immeuble.
On ne connaissait personne.
Je m'inquiétais de savoir
ce qu'ils penseraient de nous.
Je passe la plupart de mon temps toute seule à la maison.
Je sors et je rentre seule.
Je me suis beaucoup inquiétée
lorsque nous avons reçu une deuxième lettre de ce genre.
C'est devenu encore plus difficile à vivre.
Je ne sais pas ce qu'ils cherchent à faire.
On est poursuivi jusqu'à chez nous,
dans la rue,
dans notre maison.
Pourquoi ? ... Pourquoi ?
Il y a là une double interprétation.
Si on regarde de façon attentive la photo,
c'est le voile qui est barré,
et pas la figure de la femme.
Mais je pense qu'en terme de la lecture de l'image,
c'ést comme si c'était la personne qui était supprimée.
Comme vous voyez,
quand on lit dans les nuances,
on peut avoir une double interprétation.
Peut-être qu'au niveau de la personne qui a envoyé ce message,
il y avait une intention de s'attaquer au symbole du voile
qui est l'objet de polémique publique en ce moment.
Mais la lecture que va en faire la famille qui reçoit,
c'est que c'est nous comme personne
c'est nous que vous voulez éliminer, anéantir.
Quand on trace une croix sur quelque chose, ça veut dire :
On veut en finir avec ça.
Je ne sais pas qu'est-ce qu'il cherche.
J'aimerais bien le rencontrer, lui parler,
lui dire: pourquoi tu as fait ça ?
Vient, on peut s'asseoir
On peut en parler, en discuter.
Aucun problème.
On ne sait pas si ça va s'arrêter là
ou ça va dégénérer, dé***.
Deuxième chose, on vit dans l'instabilité.
Est-ce qu'on reste ?
Est-ce qu'on vend notre condo même à perte ?
Quitter le quartier,
même quitter la province ?
On vit aussi dans l'instabilité.
L'augmentation de la discrimination
à laquelle on assiste, actuellement au Québec,
n'est pas isolée
et elle doit être lue
dans un contexte de mondialisation.
Les tensions au niveau international, qu'on observe,
qui s'accompagnent de la montée d'un État et d'un discours sécuritaires,
face à l'Occident dont les privilèges sont menacés
par la montée économique des économies émergentes,
ça se traduit au niveau des relations intercommunautaires
par des dommages.
Et ça s'observe, en ce moment,
dans tous les pays occidentaux,
dans tous les pays qui,
traditionnellement, se disaient développés
et accueillaient des migrants.
Donc l'Europe
et toute l'Amérique du Nord,
mais aussi l'Australie.
On est en train d'importer, je pense,
un certain discours de France.
Je pense que ces personnes-là ne sont pas conscientes
de la réalité sociale de la France.
Moi, par exemple, j'ai décidé de quitter parce que
j'ai décidé que j'avais envie d'avoir une place
dans la société dans laquelle je voulais vivre.
Soit on estime,
je répète toujours la même chose,
soit on estime que la planète
est un unique pays
et que tout le monde a le droit de s'installer où il veut.
Soit on estime
qu'il y a des nations, des pays,
des lois
et dans ce cas-là, ces gens-là sont des envahisseurs.
On assiste à un recul énorme
par rapport aux politiques d'asile,
aux politiques d'accueil
et à la vision des immigrants.
Donc, l'immigrant qui était vu auparavant comme une richesse,
le réfugié qui était vu comme
une personne vulnérable qu'il fallait protéger,
est maintenant vu comme une menace,
un criminel potentiel, un barbare
qui vient nous envahir.
Alors, voyez le changement.
J'étais toujours fière quand je suis au Maroc ou en France
et j'entends des propos, par exemple :
En France on ne peut pas travailler avec le hijab,
je n'ai jamais eu de problème, au contraire
je vais à la chambre de commerce.
Je vais au centre de développement économique
et je suis vraiment bien reçue en tant que femme d'affaires.
Je n'ai jamais senti que je suis différente des autres.
Tous ces phénomènes-là vont se retrouver
de façon plus importante
pour les minorités qui ont été
nommément ciblées par la Charte.
Alors, les musulmans,
que les femmes portent ou non le voile,
ont l'impression
que ce sont eux qui ne sont pas voulus.
Donc, il y a une lecture de la charte
comme étant essentiellement islamophobique.
Maintenant, il y a une minorité qui se sent visée....
qui se sent...
on ne veut plus d'elle.
Ça ne fait pas longtemps que je porte le hijab
et le regard est différent.
On me bouscule dans le métro,
on me regarde de travers
et j'ai vraiment peur de l'autre.
Je pense qu'en tant que jeunes femmes autochtones
et jeunes hommes autochtones, on a le droit de dire :
Non, nous ne voulons pas de loi qui permette
de créer encore des tensions raciales
entre des citoyens qu'ils soient autochtones ou non.
Ce qui s’est produit, depuis que Bernard Drainville a lancé son projet,
il est venu légitimer
un certain discours islamophobe
en disant que sur la base d'un malaise
c'est correct de discriminer dans l'emploi,
que c'était correct
de ne pas vouloir confier ses enfants à des femmes voilées
et on entend des discours qu'on n'entendait pas avant, au Québec.
Parce qu'ils sentent qu'ils sont appuyés par
des institutions politiques.
Et justement l'aspect le plus dérangeant du débat démocratique
c'est, justement, cette montée du racisme,
cette montée de l'islamophobie.
Des personnalités publiques,
avec tout le respect ou l'affection que certains peuvent avoir
pour certaines figures iconiques de la culture québécoise,
telles que Madame Filiatrault et Madame Bertrand,
c'est juste inacceptable
que, il y a à peine quelques mois,
les propos qu'elles ont soutenus et que d'autres soutiennent sur la place publique
de manière éhontée
à l'égard d'une catégorie de concitoyens,
des propos qui auraient été jugés inacceptables,
intolérables, il y a à peine quelques mois,
ont maintenant le droit d'exister sur la place publique,
au nom du fameux débat démocratique.
Je n'accuse pas le PQ,
je n'accuse pas les architectes du projet de la Charte
d'avoir eu des intentions xénophobes et racistes au départ.
Ce n'est pas du tout ce que l'on dit.
Jamais dans aucune de nos sorties critiques.
Mais il n'en demeure pas moins que sont-ils conscients,
et tous ceux et celles qui défendent le projet de la Charte,
sont-ils conscients que le fardeau de la preuve leur incombe ?
De devoir se dissocier
des charges islamophobes et des charges xénophobes
et des charges racistes
qui, effectivement, sont en train de polluer le débat
et, je pense, de le dénigrer de toute crédibilité,
en raison de ça.
Vous voyez comment on peut rapidement
perdre ce climat
de sécurité, de tranquillité,
sur lequel on a toujours compté au Québec.
Et ça, c'est très très précieux,
mais c'est aussi très fragile.
On recherche une identité ensemble
parce qu'on partage le même territoire.
Parce qu'on ne peut pas cohabiter
si on n'est pas capable de s'accepter,
parce que sinon on va être mal pris pendant encore de nombreuses années.
J'ai très très peur surtout
que l'on passe à côté d'une
intéressante définition
de ce que c'est être un « Nous » québécois.
So So So Solidarité
avec les femmes du monde entier.
So So So Solidarité
avec les Janettes du monde entier.
Merci ! Et bonne marche !
Ça montre que les féministes n'ont rien compris.
Les féministes québécoises, qui passent à la télé
en ce moment, n'ont absolument rien compris.
Un des aspects du débat qui m'a déroutée était
l'aspect féministe qui était sorti pour dire
que ces jeunes femmes-là sont traitées de telle manière,
on leur impose le voile.
C'est encore le regarder
avec nos yeux, avec nos propres valeurs à nous.
Il y a un moment où ça devient dangereux
parce que nous aussi on a subi le:
« On va vous sauver, on va vous aider. »
Au début, j'entendais:
« Ce sont des femmes oppressés, donc il faut les aider ».
Il y a des femmes voilées
qui sont sorties sur les médias et qui ont dit:
« Non, on n’est pas oppressées, c'est mon libre choix ».
Là c'est devenu: « Ah! C'est un geste politique! »
Le voile est devenu un symbole politique,
c'est pour ça qu'il faut l'enlever.
Le voile est souvent présenté,
et je pense que c'est l'un des arguments principaux dans le débat,
comme un symbole de soumission
de la femme, un symbole d'oppression.
Or, tous les signes religieux
et les signes politiques sont des signes polyvalents.
C'est-à-dire qu'ils veulent dire beaucoup de choses
en même temps.
Mais rien qu'au niveau du pouvoir, de la relation d'un signe au pouvoir,
le voile, en ce moment,
est autant, sinon plus,
et moi je dirais plus d'après les recherches que j'ai faites,
un signe de résistance qu'un signe d'oppression.
Porter le voile,
c'est pour asseoir mon identité
comme musulmane.
Les jeunes filles,
à Parc-Extension, où je travaille,
donc un quartier 60% immigrant et sud-asiatique,
ne portent pas le voile
principalement parce que leurs familles,
leurs pères ou leurs frères, leur demandent.
Elles portent le voile, principalement,
pour montrer qu'elles résistent à l'islamophobie.
C'est une façon de nous dire non, à nous !
Pas à leurs pères et à leurs frères.
Et ce n'est pas un phénomène unique, c'est quelque chose
qu'on avait observé qui était très bien documenté en Turquie,
au moment de la laïcisation de la Turquie donc une laïcité imposée
qui avait amené une reprise du voile par les femmes,
comme geste de protestation politique.
Je pense que c'est ce à quoi on assiste ici.
Ça ne veut pas dire que dans certains cas particuliers, ça ne sera pas
un symbole d'oppression face à un patriarcat.
Ça peut l'être,
ça l'est dans certains cas,
mais ce n’est pas majoritaire.
Il ne faut pas oublier que les Premières Nations,
les femmes des Premières Nations,
on a un féminisme qui est déjà existant d'une forte manière.
Les Québécoises ont leur propre histoire féministe, eux autres aussi.
Là on veut embarquer, dans l'histoire féministe,
des femmes musulmanes,
elles ont droit aussi de s'approprier leur propre histoire
et décider pour elles-mêmes.
C'est de laisser les femmes avoir le temps
d’elles-mêmes créer leur propre
mouvement féministe à elles.
Il faut respecter ça aussi,
et ça, c'est difficile
parce que l'on pense souvent que nos valeurs sont les meilleures.
Je pense aussi que leur conception de l'égalité des sexes,
au nom d'un certain idéal de laïcité,
reconduit, malgré tout,
une conception euro centriste,
une conception paternaliste,
une conception, en fait,
impérialiste.
Ça fait plus de 50 ans que les femmes disent aux hommes :
Laissez-nous penser par nous-mêmes.
Nous avons le droit de choisir nos vies.
Nous avons le droit de choisir nos trajectoires de vie.
Maintenant, c'est aux femmes blanches que nous allons dire:
Laissez nous choisir nos trajectoires de vie.
Je suis à 100% sûre que je suis égale à mon mari.
Il n’y a pas de différence.
Je suis la présidente de la compagnie,
il est le vice-président de la compagnie.
Il travaille avec moi, mais c'est moi qui ai fondé la compagnie
et c'est moi qui l'ai invité à travailler dans la compagnie.
Donc, plus égaux que ça, je ne vois pas c'est quoi !
Où se situe la différence entre imposer le port du voile
ou imposer le retrait du voile,
en ne tenant jamais compte de l'autonomie de ces femmes ?
L'égalité des gens c'est l'égalité entre les hommes et les femmes,
mais c'est aussi l'égalité entre les femmes !
Nous sommes égales,
il n'y a pas de femmes qui ont à donner aux autres des leçons
sur comment on devient indépendante.
Sur l'apparence physique, c'est la catastrophe.
C'est quelque chose de très superficiel.
On parle d'égalité homme-femme, de laïcité,
mais on vise seulement le visible.
Alors que la question des valeurs, de l'égalité homme-femme
c'est quelque chose qui est invisible.
Dans nos missions d'institutions,
est-ce qu'on prône l'égalité homme-femme ?
Est-ce qu'on respecte ces valeurs-là ?
Est-ce qu'on les fait vivre au quotidien dans les écoles ?
C'est ça le vrai enjeu.
Je pense que le consensus qui serait beaucoup plus acceptable
entre toutes les féministes, c'est de se dire que :
Vous savez l'émancipation des femmes
qui permettrait l'exercice plénier
de l'autonomie des individus femmes,
ça passe nécessairement par l'amélioration de leurs conditions socio-économiques.
Ça passe, notamment, par l'accès égal à des opportunités,
à l'éducation et à des emplois,
notamment, au sein de la fonction publique.
Si on ne combat pas les inégalités économiques,
si on ne combat pas les inégalités sociales,
on aura beau avoir toutes les législations du monde,
ça ne changera rien dans les faits
et ces femmes-là, par exemple,
musulmanes portant le hijab,
qui maintenant n'auront plus accès à des postes à la fonction publique,
qu'est-ce qu’elles feront ?
Elles vont retourner chez elles et elles vont subir encore les mêmes inégalités.
Le compromis de l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas atteint.
Elle n'est pas atteinte seulement,
à cause des questions
en relation avec les pratiques religieuses de certaines personnes.
Toute la société patriarcale est fondée sur l'inégalité entre les hommes et les femmes
et les inégalités sociales.
La société capitaliste est une société d'inégalités
et on ne protège pas une personne opprimée en l'opprimant à nouveau.
Les femmes qui, d'après le débat public,
devraient être celles que nous protégeons le plus
sont, sans doute, celles qui se sentent le plus menacées.
Donc, on a un premier paradoxe, finalement.
On veut protéger,
envers et contre elles,
ces femmes immigrantes qui mettent le voile.
Mais ces temps-ci,
dans le métro, dans la rue
et même dans leur foyer,
se sont elles qui vivent le plus d'anxiété,
le plus de détresse.
On essaye de nous distraire, justement, de cette incohérence-là
en ramenant tous les débats sur l'égalité des sexes
sur, encore une fois, une mesure concernant des signes ostentatoires
qui n'a aucun lien, aucun rapport avec la véritable émancipation des femmes.
Alors, dans ce sens-là, je vois qu'il y a une incohérence, encore une fois,
qui est cachée ou qui n'est même pas comprise
par certains défenseurs du projet de la Charte,
mais qui mérite, je pense, d'être mise de l'avant
pour nous faire comprendre
où sont les véritables enjeux.
Il faut accepter que du monde ne pense pas comme nous autres,
ne vive pas comme nous autres,
ne soit pas comme nous autres,
pour, justement, s'enrichir mutuellement.
On est en train de se dire qu'il faudrait tout uniformiser, homogénéiser.
Il y a des problèmes qui n'ont pas été posés.
Il y a une identité qui n'est pas en train d'être clairement dite.
Il y a des non-dits qui sont en train de créer une sorte de mal-vivre.
S'il faut aller au niveau d'un mieux vivre-ensemble,
poser une charte des valeurs québécoises est une nécessité.
Pour les valeurs communes,
c'est quoi ça les valeurs communes ?
Qui va décréter: Ça c'est commun et ça ce n'est pas commun ?
Quelqu'un m'a demandé:
« Toi, Mélissa, est-ce que tu l'enlèverais la croix à l'Assemblée Nationale ? »
Moi, j'enlèverais les pipelines.
En voulant dire, on a d'autres choses qui sont plus urgentes encore
et je comprends que l'identité c'est urgent, je veux dire, on se bat pour l'identité,
mais je pense que vu que c'est un non-débat,
je pense que je vais me battre pour les pipelines plus vite.
C'est plus urgent
si on veut avoir une Terre, justement sur laquelle avoir une identité.
En fait, si on regarde bien,
le foulard ne signifie rien, le foulard est un symbole,
la croix ne signifie rien, la croix est un symbole.
Donc, on dit qu'on veut s'attaquer aux symboles.
Mais pourquoi les institutions religieuses ne paient pas d'impôts ?
Fonciers, d'impôts scolaires ?
Il ne devrait plus avoir d'écoles confessionnelles
qui sont subventionnées par l'État.
Si on veut être cohérent, il faut aller au bout du chemin
et proposer une laïcité pure des institutions publiques.
Parce que si on s'attaque à ça,
ils pourraient réagir bien plus fort
parce que ce n'est pas seulement les symboles.
C'est leur réalité économique fondamentale.
La démocratie, telle qu'on la connait, repose sur quatre piliers d'égalité:
l'égalité devant le vote,
l'égalité devant la justice,
l'égalité devant l'éducation
et il devrait avoir un quatrième pilier qui est l'égalité économique.
Pourquoi ?
Parce que si cette relative égalité économique n'existe pas,
les trois autres piliers s'effondrent.
Le gouvernement devrait
augmenter les programmes d'intégration à l'emploi
et faire plus de sensibilisation auprès des employeurs.
Ça m'a pris presque 6 ans,
ça m'a pris presque 6 ans pour trouver le travail que j'aime.
Les inégalités économiques corrompent
les autres piliers de l'égalité démocratique.
C'est pour ça que je prétends qu'un idéal d'égalité économique
permet d'avoir une meilleure vie démocratique.
Est-ce que vous avez peur de prendre le pont Champlain ?
On va discuter de ça
et parler de cette secte juive ultra orthodoxe qui a fui Ste-Agathe-des-Monts
parce qu'ils veulent échapper à la DPJ.
On les soupçonnerait de maltraitance envers les enfants.
Oui, il y a de la discrimination en emploi
et c'est ce qui explique le fort taux de chômage
chez les immigrants,
par exemple, d'origine arabe et, notamment, maghrébine.
Il y a aussi un problème, c'est la reconnaissance de diplômes étrangers.
Avant, c'était autour de 3 mois qu'il fallait attendre,
mais maintenant c'est énormément...
ça prend plus de temps pour la simple raison
qu'on a coupé dans ces programmes
au niveau du personnel,
au niveau du ministère de l'Immigration.
Il y avait ce programme qui permettait
à toute personne, de 18 ans à 90 ans,
ou n'importe quel âge,
il pouvait aller à l'école et c'était organisé avec Immigration Québec.
Malheureusement, le gouvernement péquiste de Bouchard
et même Pauline Marois, ministre de l'Éducation à l'époque, en 1998
ils ont coupé ça pour atteindre le déficit zéro.
Les politiques économiques d'austérité ne sont pas neutres,
elles sont socialement dévastatrices.
Ces politiques, dites d'austérité,
visent à responsabiliser ou à transférer la responsabilité
de notre situation sociale sur la personne, sur l'individu.
Du coup, ce n'est plus la communauté qui est responsable collectivement,
donc ce ne sont plus les liens sociaux
qui sont garants de notre propre situation personnelle.
Cette politique-là, c'est justement saper complètement
et volontairement détruire le lien de solidarité
à la base du vivre-ensemble et du lien social.
Je sais bien que dans les intentions, ce n'est pas le cas,
il ne faut pas non plus être complètement démagogue et dire que
le gouvernement désire détruire le lien social, évidemment.
Mais, le résultat,
c'est qu'on sape
la volonté de lien social et de vivre-ensemble.
Dans ce sens, ça me parait complètement immoral.
Moi ce que je crains, c'est qu'on accentue
des écarts économiques, sociaux et politiques qui existent déjà au Québec.
Quelque chose qui est très important,
c'est de sortir de ces simplifications-là.
Ces simplifications-là ne sont pas le fruit d'une mauvaise volonté.
Elles sont le fruit d'un matraquage médiatique.
L'image de l'autre, à l'image du musulman
a été sursimplifiée toutes ces dernières années.
Quand on regarde le débat sur la Charte,
il y a comme une obligation de prendre position
parce que c'est un débat qui a été infusé politiquement par le Parti Québécois.
Donc, les gens se sentent obligés de prendre position
et il y a des camps politiques qui sont en train
de se construire de façon beaucoup plus tranchée.
Il ne faut pas oublier que ces réactions-là viennent de peurs.
Si on veut recréer un vivre-ensemble, au Québec,
et je ne pense pas qu'il soit perdu, mais
je pense qu'il est ébranlé, écorché par les événements actuels,
si on veut le reconstruire, le consolider,
il faut prendre soin de nos peurs collectives,
il faut prendre soin des peurs de la majorité.
Ça, je pense qu'il faut qu'elles soient entendues
parce qu'elles sont réelles.
La tendance des résultats recueillis
depuis quelques minutes par Radio-Canada laisse voir
que l'option du Non l'emportera,
je répète, la tendance des résultats recueillis
depuis quelques minutes par Radio-Canada
laissent voir que l'option du Non remportera ce référendum.
Il y a très évidemment
de grosses divisions entre nous,
demain, il faut continuer à vivre ensemble.
Je regrette profondément
que le Québec se retrouve aujourd'hui dans une position
qui est devenue, en quelque sorte,
une des traditions fondamentales
du régime fédéral canadien tel qu'il fonctionne.
Le Québec se retrouve tout seul.
Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse,
le Québec est aujourd'hui, et pour toujours,
une société distincte,
libre et capable
d'assumer son destin et son développement.
Dans un cas comme ça, qu'est ce qu'on fait ?
On se crache dans les mains et on recommence !
C'est vrai qu'on a été battu,
au fond par quoi ?
Par l'argent et des votes ethniques, essentiellement.
Alors ça veut dire que la prochaine fois,
au lieu d'être 60 ou 61% à voter Oui,
on sera 63 ou 64
et ça finira, c'est tout.
Je salue, au passage,
la récente sortie de Jacques Parizeau par rapport au projet de la Charte,
mais moi, je fais partie de cette génération
qui a voté Oui au dernier référendum,
et je l'ai pas vue venir
la sortie de Parizeau au lendemain de la défaite du référendum,
et j'en ai eu le cœur brisé, complètement effondré,
et ça m’a pris des années à m'en remettre.
Ça risque de refroidir, justement, les sympathies naturelles
que toute une génération de Néo-Québécois
aurait pu avoir face au projet d'un Québec indépendant,
mais qui, du coup, maintenant avec le projet de la Charte,
se pose, encore une fois, des questions
telles que ma génération s'est posées
au lendemain de la déclaration de Jacques Parizeau
suite à l'échec du référendum.
Tant qu'on ne dit pas que
c'est avec les autochtones qu'il faut qu'on définisse le Québec,
que c'est avec les nouveaux arrivants qu'il faut définir le Québec,
que avec les vielles vagues d'immigration qu'il faut définir le Québec,
que le Québec ce n'est pas juste des Canadiens français,
je pense qu'on sera toujours dans une forme de déni.
Ce que s'est venu chercher, l'annonce du ministre Drainville,
ce que s'est venu chercher chez moi,
c'est cette réaction de renforcer ma solidarité envers les immigrants,
de première génération, et envers les immigrants de deuxième génération,
et de vouloir revendiquer mon statut de Néo-Québécoise
dans la mesure où si
vous considérez que
certains citoyens québécois sont moins québécois que d'autres,
je ne veux pas participer à cet idéal
d'un Québec souverain.
Ce n'est pas l'image que je me faisais d'un Québec souverain,
confiant, serein et fier de l'être.