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Quand je ne dessine pas,
je deviens fou.
Je deviens dépressif et suicidaire.
Je peux même l'être
quand je dessine. Alors...
Quel est le but de ton travail ?
Grand Dieu !
Je n'en sais rien.
Ce n'est pas conscient.
Je n'ai pas d'objectif.
Il faut que ça s'impose à moi
lors de la création.
Je ne sais pas l'expliquer.
Je n'ai pas de but préétabli,
j'ignore où je vais.
Il me suffit de prendre le risque
de commencer.
Qu'en sortira-t-il ?
Quel sera le résultat ?
J'aime dessiner.
Depuis toujours.
À cause de mon frère Charles.
Allô, Mère ?
Je suis à Philadelphie.
Je donne une conférence
aux Beaux-Arts, demain.
Terry et l'équipe du film
sont avec moi.
Ils voudraient passer vous voir
et demander à Charles
s'ils peuvent le filmer...
Il ne veut pas ?
Très bien...
C'est pas grave.
Si tu penses que non...
Moi non plus, bien sûr.
C'est comme ça !
Je commence par celui-ci
car c'est sans doute
celui qui m'a fait connaître.
Pendant des années,
il a figuré sur tous les camions.
J'ignore
pourquoi il est si populaire.
Il m'a donné des maux de crâne
pendant dix ans.
Procès, avocats, impôts...
Un vrai cauchemar.
Ces cons de routiers !
Plus jamais :
"Salut Robert ! Ça roule ?"
Voilà un autre dessin célèbre.
Je veux juste
vous faire comprendre qui je suis.
Pour des millions d'exemplaires
vendus, j'ai perçu 600 $
de CBS Records en 1968.
Ils ont gardé mon uvre,
ils l'ont volée.
Les salauds.
L'original s'est vendu il y a peu
21 000 $ chez Sotheby's.
Voici le troisième dessin
le plus connu.
C'est devenu
un dessin animé grand format
qui me poursuivra
toute ma vie.
Je ne voulais pas
qu'on en fasse un film.
C'était des bouffons
et ils m'ont bien eu.
Alors, j'ai fait mourir
le personnage :
une autruche
lui défonçait le crâne
avec un pic à glace.
Quand je l'ai connu,
il dessinait sans arrêt,
ne parlait pas.
Sa seule voix était sa plume.
Ma mère l'a pris pour un débile.
Elle me disait :
"Certains aiment les estropiés,
"d'autres les attardés." Que dire ?
Elle me prenait pour un débile.
Dans un cadre familier,
il est plus à l'aise.
Il communique mieux,
mais il peut aussi se refermer.
Parler avec lui est ardu
si on le connaît mal.
Je suis un bon sujet de film !
Attention à tes haltères.
M'en file pas un coup !
Reste pas derrière moi !
Les parvenus ont construit
la maison de leurs rêves
au sommet de chaque colline.
Il n'y avait rien avant.
Ils ont tout acheté...
Chut !
Ils pourraient entendre !
...pile au-dessus de chez nous.
Ça donne dans l'atelier de Robert.
Je me fous qu'ils m'entendent.
C'est moins pire que leur maison
au-dessus de la mienne.
Je m'en fous !
D'autant plus
qu'on va s'installer en France.
Ils vont aussi élargir la route
et lui faire traverser ce bois.
Ils avaient tracé un grand "X"
que j'ai effacé.
J'ai aussi retiré les piquets
qui indiquaient la nouvelle route.
Ils veulent abattre tous ces arbres
et construire 12 "maisons de rêve".
Aline et moi, on s'enchaînera
à ces chênes qu'ils veulent abattre.
Notre maison est modeste, elle,
accrochée à la colline.
Toutes les autres
sont tournées vers la nôtre
pour nous balancer
l'eau de leurs foutus climatiseurs !
Ils ont tous du vis-à-vis.
Quelle bande de cons !
J'ai croqué les filles
qui me plaisaient au lycée,
dans le Delaware.
Ça, c'est Winona Newhouse.
On l'appelait La Planche à Pain.
Elle avait un cul en planche à pain.
Elle était sympa avec moi,
en tout cas.
Voilà Naomi Wilson,
la plouc qui louche
habillée par sa mère.
Je l'ai pas dit
mais elle me faisait craquer.
Bien sûr, je n'osais pas
avouer que cette mocheté
me plaisait.
Elle puait
et avait du poil aux pattes.
Jean, je l'aimais bien aussi.
Cataloguée comme neuneu.
Genre intello qui zozote
avec du poil aux pattes.
Je n'en ai jamais touché une,
à part leur faire du pied.
Que sont-elles devenues ?
Ça fait trente ans...
Ce sont des mémères,
la cinquantaine... l'horreur.
Winona,
j'aimerais bien la revoir.
La Winona de 17 ans,
au lieu de cette équipe de film.
Quand j'écoute de vieux disques,
ça me réconcilie presque
avec l'humanité.
C'est la plus belle part
de l'âme populaire.
C'est là que s'exprime
le rapport à l'éternité.
La musique moderne n'a pas ça.
C'est vraiment dommage
que plus rien n'exprime ça.
C'était fin 1948.
Je devais avoir 5 ans.
On a emménagé
dans ce coin de Philadelphie.
Dans ce lotissement.
Je ne sais plus dans quelle maison,
elles se ressemblent toutes.
Mon Dieu, c'est glauque !
Voilà, je faisais les courses ici.
Il y avait un bazar
qui vendait des jouets.
On achetait
des bonbons et des BD.
Les trois frères : moi, Charles
et Maxon, on zonait par ici.
On fouillait la décharge
pour récupérer des trucs.
Une fois,
Charles a ramené
un superbe camion tout en bois.
Un camion à glaces.
Je voulais vraiment ce truc !
Je pouvais même pas y toucher.
Il était hargneux.
Alors je l'ai cafté à ma mère.
Elle a dit : "Donne-le à Robert
quand tu n'en voudras plus."
1/4 d'heure après, il m'a dit :
"Tu peux jouer avec."
Il l'avait balancé
contre le mur de la maison.
Tu as lu de bons livres, récemment ?
Peut-être. Je ne sais pas.
On dirait
que tu recycles
la plupart de ces livres.
Comment ça, "je recycle" ?
Ta façon de lire.
Tu relis les mêmes depuis 20 ans.
C'est vrai, je relis les mêmes.
Je n'ai rien d'autre à faire.
Tu ne lis jamais rien de nouveau ?
Je n'ai pas encore lu Kant,
ni Hegel.
Je m'y mettrai peut-être un jour.
Tu lis des auteurs récents ?
Pas vraiment, non.
Ça ne t'intéresse pas ?
La plupart sont mauvais
et inintéressants.
Ils n'arrivent pas à la cheville
des écrivains victoriens
de la fin du 19e siècle.
Parfois,
j'ai envie de vivre comme toi.
Ma vie est si mouvementée et...
C'est parce que je me fous
de la race humaine ?
Tu es cloîtré avec tes livres et...
Crois-moi, il n'y a rien à envier.
C'est Charles
qui a commencé avec les BD.
C'était une obsession
quand on était petits.
Il n'avait pas les mêmes intérêts
que les autres enfants.
Ni pour les jouets,
ni pour les jeux, ni pour le sport...
Il ne faisait que lire, dessiner,
penser et parler BD.
J'aimais bien dessiner aussi
mais d'autres choses :
des scènes réalistes,
des bâtiments, des voitures...
Lui s'en foutait.
Rien que la BD.
C'est le plus ancien dessin
de Charles que je possède.
C'est censé être moi et lui.
Pour toi, j'étais nul
si je ne faisais pas de BD.
Tu exagères un peu !
Peut-être qu'inconsciemment
j'imitais le vieux ?
Quel souvenir en gardez-vous ?
De mon père ?
C'était un tyran autoritaire.
Je l'imitais peut-être inconsciemment
en t'obligeant à faire des BD ?
Il y a toujours une rivalité
fraternelle entre Robert et moi.
Comme lorsque nous étions gamins
et qu'il vivait chez nous.
En fait, Robert et moi
sommes en compétition permanente.
Quand je dessine, je pense toujours
à l'assentiment de Charles.
Aimerait-il ou pas ?
Charles obligeait toute la famille
à dessiner des BD.
"Les Editions
de la Ville aux Animaux".
Nous avions une sorte de club,
on s'asseyait
et on discutait de BD.
J'étais le président,
Robert le vice-président,
Carol la secrétaire,
Sandy le trésorier
et Maxon le coursier.
Il est encore vexé.
Vexé qu'on lui ait imposé
le rôle du coursier.
Max Crumb, chambre 310.
Maxon était notre bouc émissaire.
On était 5 gosses,
et c'est toujours lui qui prenait.
On avait ces réunions du club
que Charles appelait...
"Club BD de la Ville aux Animaux".
Oui, des dessins,
des trucs comme ça.
Chacun avait son rôle.
Il y avait une secrétaire,
un président, un vice-président.
Et moi, j'étais coursier.
C'est moi qui me tapais
tout le boulot
et en plus il y avait cette affaire,
cette incroyable fratrie
Charles, Robert et moi,
dans la pièce du haut.
Personne
ne savait ce qu'on y foutait.
Nous étions 3 singes primates
essayant de grimper aux arbres.
Maxon et moi avons dormi
dans le même lit jusque vers 16 ans.
Une vraie intimité, la promiscuité.
Charles était très inspiré
par le film de Disney
où Robert Newton
joue Long John Silver.
Après l'avoir vu à la télé en 1955,
on s'est mis à jouer aux pirates
comme des gosses normaux.
On avait fabriqué un bateau
dans un vieux carton de frigo.
Charles se baladait en ville
déguisé en Long John Silver
avec un vieux manteau vert
de ma mère.
Il avait transformé
un chapeau en tricorne.
Il s'était attaché la jambe
à une béquille et se baladait avec !
J'ai mis des années à réaliser
combien Charles était obsédé
par L'Ile au trésor.
Cette île a été le royaume de
notre imaginaire pendant 6 ou 7 ans.
On l'avait mise en BD
et c'était devenu
une chose baroque et élaborée,
à des lieues
du film original de Disney.
Voici un album de Charles.
Dans celui-ci,
il dessinait certains personnages
et moi, certains autres.
Puis on les faisait dialoguer.
Pour moi, c'était
une excellente école de dessin.
Il fallait que je sois
à sa hauteur !
Il était plus malin
et bien plus drôle que moi.
Je me lassais vite
mais je devais continuer.
C'était lui le chef.
J'ai toujours eu un problème
avec Charles.
Peut-être en raison
de mes pulsions morbides envers lui,
ou justement,
de sa propension à en tirer parti.
Robert servait d'intermédiaire.
Il avait une façon de me diminuer,
de me faire sentir
mes limites.
J'étais maladivement chaste,
voire asexué.
Quand j'ai pris conscience
de tout ça, à la puberté,
je ne savais rien du tout.
J'étais si inhibé
que je ne me sentais pas concerné.
Je pense
que mes crises viennent de là.
Une crise, c'est le moment
où ton comportement devient...
Il faudrait parler sexe
mais c'est un sujet trop complexe.
Dans mon adolescence,
je ne pensais qu'au sexe.
Je me masturbais
4 ou 5 fois par semaine.
Et toi ? Je ne me masturbe plus,
mes désirs sexuels sont morts.
Je te l'ai déjà dit.
Je n'ai même plus d'érection.
J'ignore
s'il y a une ou plusieurs raisons.
Peut-être trop de médicaments
et pas assez de stimuli ?
L'âge aussi peut-être ? Qui sait ?
Il faut des stimuli extérieurs
pour entretenir l'envie.
Mes désirs sont partis.
Je ne sais pas
si je veux les retrouver.
Mes premiers émois sexuels ?
Je me souviens
d'avoir eu des érections à 4 ans.
Avec ma tante, la sur de ma mère.
Je m'excitais sur ses jambes,
sous la table.
Ma mère rangeait ses bottes
de cow-boy dans un placard
et j'allais les chevaucher
dans ce placard.
En faisant ça, je chantais :
"Jésus m'aime, je le sais,
"la Bible me le dit..."
Je me souviens,
à 5 ou 6 ans, j'étais sexuellement
attiré par Bugs Bunny.
J'avais découpé la couverture
d'un album de Bugs Bunny
et je l'avais toujours
dans ma poche.
Je la regardais régulièrement.
Elle était devenue toute froissée.
J'ai demandé à ma mère
de la repasser.
J'ai pas été déçu !
Elle est devenue marron
et tombait en lambeaux !
- Pourquoi Bugs Bunny ?
- J'en sais rien.
J'étais très attiré
par les personnages mignons de BD.
À toi de m'expliquer.
À 12 ans, changement total :
j'ai fait une fixation sur Sheena.
"Sheena, la Reine de la Jungle."
Une série télé des années 55/56.
Sheena est devenue une obsession.
Je rêvais toutes les nuits
de mes ébats avec elle !
Robert était un obsédé sexuel
quand il était gamin.
Encore plus que moi.
Tu crois vraiment ?
Je pense que tu étais un enfant
plus inhibé que moi,
même sexuellement.
Tu avais plus peur des femmes
que moi quand tu étais jeune.
Au lycée, je suis sorti
avec quelques filles.
Toi, jamais, avec aucune.
Tu étais plutôt séduisant.
J'étais beau gosse, à l'époque.
Mais il y avait quelque chose qui
n'allait pas dans ma personnalité.
Les profs et les élèves
le haïssaient.
Le lycée fut un véritable cauchemar.
J'étais le garçon le plus détesté.
On me tombait dessus,
les mecs me battaient
et les filles me fuyaient.
Ils me traitaient tous
comme une merde.
Dans cette BD, je parle
de mes problèmes avec les femmes.
Au lycée d'abord,
où j'ai beaucoup appris
sur les femmes
grâce à Skutch, qu'on voit là.
C'était une petite brute,
mais il avait du charme
et toutes les filles
craquaient pour lui.
Beau comme un dieu
mais vraiment hargneux.
Mon frère Charles
était l'une de ses bêtes noires.
Skutch avait toujours sa bande
de morpions autour de lui.
Je me souviens d'une scène
où Skutch a tabassé mon frère
dans le hall de l'école.
C'était dur pour moi
d'assister à cette scène.
Charles n'a plus jamais essayé
d'avoir des amis,
il avait trop honte
de n'avoir pu se défendre.
Depuis le lycée, je vis à la maison.
J'ai essayé plusieurs fois
de partir.
Dans un sens,
tu es mieux à la maison
qu'à affronter le monde extérieur.
N'oublie pas
que je prends des calmants.
Et ça me facilite vraiment la vie,
ces tranquillisants
et ces antidépresseurs.
Sans eux, je serais devenu fou,
ici avec Mère.
Je marche sur des ufs avec elle.
On ne peut pas lui dire la vérité.
Elle la refuse systématiquement.
On ferait mieux de se taire.
Mère n'aime pas...
qu'on parle de sa mère,
qu'on la critique,
alors que c'était un monstre.
- Arrange ce truc dans l'entrée.
- Quel truc ?
- La fenêtre.
- Qu'est-ce qu'elle a ?
Ça doit être pour le film.
C'est pour le film, Mère.
- Où sont mes chatons ?
- Je ne sais pas.
Ne t'inquiète pas,
tout va redevenir normal.
Là, on voit des filles qui parlent
d'une nana
qui est sortie avec Skutch.
Elles sont jalouses
et voilà comment je le ressens.
Je suis amer. Ça se voit, non ?
Là, je veux montrer
que la plupart des ados
étaient cruels et agressifs.
Si les filles
avaient su ma gentillesse,
elles m'auraient aimé.
Ça les impressionnait
que je sache dessiner
mais je ne savais pas pourquoi
elles préféraient les brutes.
En plus, j'étais plus sensible,
gentil, plus comme elles.
Je ne savais pas
qu'elles préféraient le contraire.
Je me sentais blessé
et cruellement incompris.
J'étais doué et intelligent,
mais pas physiquement très attirant.
Je croyais
que seul l'intérieur comptait.
À 13 ou 14 ans,
j'ai essayé d'être un ado normal,
un vrai connard.
J'ai essayé de faire comme eux
mais j'ai eu tout faux !
Alors, j'ai arrêté tout
et je suis devenu
une ombre.
Je n'existais plus.
Les gens ignoraient même
qu'on vivait dans le même monde.
Ça m'a libéré.
Je n'avais plus besoin
d'être normal.
Je me suis branché vieux disques
et j'allais les chercher
dans les quartiers noirs.
Des choses impensables
pour un ado normal.
Vers 17 ans, une obsession
a commencé à me poursuivre.
J'entrerai dans l'histoire
comme artiste.
Ce sera ma revanche !
Me voici
célébrant la Saint-Valentin.
"Le 13 février 1962.
"J'ai décidé de ne pas me conformer
à une société qui me rejette.
"J'en ai entendu des :
Sois toi-même !
"Quand je suis moi-même,
je passe pour un cinglé.
"Je me contenterai de mes chats
et de mes vieux disques.
"J'abandonne aussi les filles.
"Elles refusent même
que je les dessine !"
Tout ça a changé avec la célébrité.
- J'adorerais poser pour vous.
- Très bien.
Passez chez moi quand vous voulez.
Très bien.
J'ai toujours voulu vous revoir...
Nous avons
les premiers collages de Weirdo
et d'autres publications.
On a pu les retrouver.
Pour moi, Crumb
est le Bruegel
de la fin du 20e siècle.
On n'en a pas eu au début,
mais il y en a un à la fin :
Robert Crumb.
Il vous donne
une impression d'humanité
extrême et passionnée,
pleine de désir,
de souffrance et de folie.
Il fait des allégories
évoquant les gargouilles.
Il a surtout une imagination
puissante qui atteint sa cible
et ne ment jamais.
Pour moi, il est "Mr. Natural".
Il accepte
les femmes telles qu'elles sont
et les rend
encore plus belles qu'en réalité.
Celle-ci, par exemple :
elle a de l'énergie,
un style, des pulsions.
Elles ne se laissent pas faire.
Ce ne sont pas des mauviettes.
Il leur donne le pouvoir.
Il m'a fait accepter mon cul.
Il a fait un dessin de moi
que j'adore.
C'était vraiment moi, avec
mes cuisses telles qu'elles sont.
Il m'a aidée à m'accepter.
Je me sentais "inadaptée"...
Crois-moi, tu es très adaptée.
Parfaitement adaptée !
Le travail de Robert
est le portrait social
le plus pertinent
de notre époque.
Il aborde
les problèmes de politique,
de sexe, de drogue, de religion,
de beaux-arts.
Robert
est le Daumier de notre temps.
C'est un artiste remarquable,
vraiment.
Il est dans la lignée des artistes
pour qui l'art est une critique
sociale, un outil de contestation.
Ce sont des racines très profondes.
Il y a du Goya chez Crumb.
On retrouve le sens
de la monstruosité de Goya
dans ces femmes menaçantes
à tête d'oiseau.
L'art underground
a l'air de bien se porter.
Une véritable industrie
se développe.
Ils rééditent d'anciens albums.
Combien en ont-ils tirés en tout !
Ça s'appelle "Vomir et Exploser".
- C'est nouveau. C'est qui ?
- Des jeunes...
Je ne connais pas les jeunes.
En fait, c'est toi l'origine de tout.
C'est toi le créateur.
T'es responsable.
Je ne revendique pas
cette paternité.
Personne n'oserait !
Je suis un de tes fans.
Tu me signerais un autographe ?
Je crois pas.
Les autographes, j'y crois pas.
Tu déménages quand ?
Dans un mois ou deux.
La France
c'est peut-être pas parfait,
mais c'est toujours mieux
que les Etats-Unis.
Mais c'est pas pour ça que je pars.
T'as qu'à demander à ma femme.
Je veux te montrer quelque chose.
L'affiche d'un concert de rock
de 1967.
C'est une rareté.
Ma seule affiche
pour un concert de rock.
Il y a une légende qui traîne.
On me demande:
"Il paraît que vous avez vécu
avec Grateful Dead,
"vous étiez toujours fourré
avec Jerry Garcia."
Je n'ai jamais eu affaire à eux,
je détestais leur musique.
Je les ai entendus en concert
et je me suis endormi.
La musique psychédélique,
c'est chiant.
Ici, sur Haight Street,
tout le monde me reconnaît.
C'est extraordinaire.
Ce sont mes potes.
Ils me disent : "Salut, Crumb !"
Parfois, l'un d'eux vient s'asseoir
et me remplit les oreilles
de ses rêves.
En général,
il s'agit d'un hippie paumé.
Ce n'est jamais
une superbe jeune fille de 20 ans !
J'aime venir ici
et dessiner les gens.
Je viens et j'observe.
L'autre jour,
il y avait une belle fille.
J'en ai dessiné une autre
et j'ai dû lui donner mon dessin.
Pas mal pour les rencontres !
Je l'ai dessinée
et elle m'a invité chez elle.
Malheureusement, elle était moche.
Tu as gardé le dessin...
Ton identification aux années 60
est assez ironique.
À l'époque,
tu t'intégrais pas vraiment
dans la mode peace & love.
J'ai pourtant essayé.
Je venais tous les jours
pour essayer de m'intégrer.
Ma motivation principale
était, bien sûr, l'amour libre.
Mais je n'étais pas très bon.
Ils me demandaient
si j'étais un flic et se barraient.
Pourtant, j'avais le même look.
Tu avais
un autre genre de costume...
Ce n'était pas le bon.
Janis Joplin m'avait dit :
"Crumb, tu n'aimes pas les filles ?"
"Bien sûr que si !" j'ai dit.
"Alors,
laisse-toi pousser les cheveux,
"porte des chemises en satin,
"du velours, des pattes d'eph'
et des semelles compensées.
"Ça marchera mieux."
Je ne pouvais pas.
Ça me paraissait trop con,
je pouvais pas.
Celui-là est vraiment superbe.
C'est à cause de ce livre que
je suis tombée amoureuse de Robert.
Sa vision des couleurs
et des femmes.
À 17 ans,
voilà à quoi je ressemblais.
J'étais ce qu'il dessinait.
J'incarnais ce qu'il dessinait
depuis des années.
C'est une vision
si douce et romantique.
Il a mis un an à faire ce livre.
C'était sa vie.
On s'est rencontrés
alors qu'il venait de le finir.
Mes parents
s'engueulaient tout le temps
et je ne voulais pas me marier.
Mon père disait
que j'épouserais la première venue.
Il avait raison.
Robert avait toujours 1 ou 2 carnets
de croquis en cours.
Il dessinait sans cesse.
Au restaurant,
il dessinait sur la nappe.
Dans le bus, sur son ticket.
Le grand changement
a eu lieu en 65/66.
C'était visionnaire.
Puissant. Un coup de pied au cul,
une sorte d'expérience visionnaire.
Voici le carnet de l'année 66.
Je prenais cette horrible drogue.
Du LSD, paraît-il...
L'effet était épouvantable.
Mon cerveau était tout embrumé
et l'effet durait 1 mois ou 2.
J'ai commencé
à créer des personnages
que je n'avais jamais
dessinés avant.
Puis je les ai laissés filer
sans cohérence,
sans savoir où je les conduisais.
Alors, j'ai pu laisser couler
ces flots de BD de ma conscience.
Sans vouloir faire quelque chose
qui ait un sens précis.
Que ce soit stupide
importait peu.
Tous les personnages
créés au cours des années suivantes
sont venus à moi
pendant cette période.
Ils cadraient bien avec ma vision.
Ils révélaient l'aspect sordide
du subconscient américain.
Quand j'ai dessiné ça,
une fille s'est exclamée :
"Que c'est joli !"
Pour moi,
c'était un spectacle d'horreur.
Et elle trouvait
que c'était mignon !
C'était l'Amérique
dans toute son horreur.
Il y avait ces journaux
hippies underground en 66/67.
Chaque ville avait le sien.
Ils traitaient
de l'expérience psychédélique
ou de l'éthique hippie.
Je leur ai proposé mes dessins
sous LSD
et mes carnets de croquis
leur ont plu.
J'ai alors suggéré
un numéro complet sur mon travail.
Ça s'appelait Yarrowstalks.
Ce fut un tel succès
qu'ils m'ont demandé
de ne plus faire que cela.
Je me suis mis au travail et
j'ai fait 2 numéros de Zap Comics.
Crumb était incroyablement
nouveau et détonnant !
Seuls peu d'entre nous utilisaient
cette nouvelle forme de BD
et ce qu'il faisait
était plus novateur
que ce que nous pouvions imaginer.
C'était sympa d'y participer
et de voir Zap partout.
Voir le concept de Robert,
sa créativité, son propre album
dont la couverture glacée
envahissait
les vitrines de la ville...
On entendait les gens en parler,
d'autres artistes
voulaient y participer...
Tout s'est passé si vite !
En quelques semaines il me semble.
Crumb
a ouvert Zap à tous les artistes.
Il n'avait pas d'éditeur.
Alors que la BD underground
était en plein essor,
Crumb a toujours été réticent
à faire ce genre de choses.
On lui offrait 100 000 $
du jour au lendemain
juste pour prendre la parole,
et il refusait en 2 secondes.
Et Aline lui criait:
"On a besoin d'argent !"
Laisse tomber ! J'irai pas
à leur show du samedi soir.
Même les Rolling Stones
voulaient une pochette,
et des conneries en tout genre.
Ici, personne ne refuse ça.
C'est un pays
où tout le monde se vend.
Après un an de célébrité
et toute la merde qui va avec,
j'ai tout envoyé chier
pour laisser parler mon côté obscur,
celui que j'avais gardé caché.
Je m'étais habituée à son travail,
j'en aimais bien la douceur.
Puis il s'est mis
à être incroyablement
hostile sexuellement aux femmes.
Je ne m'y attendais pas
et j'ai été très choquée.
Une horreur !
Une vraie claque !
Il m'est difficile de croire
qu'il ne puisse se canaliser
pour faire un meilleur travail.
J'aime la plupart de ce qu'il fait
et comprends son aspect satirique.
Mais j'ai aussi une autre réaction,
une impression
de rejet et de dégoût.
Et cette BD, Joe Blow,
m'a fait beaucoup réfléchir
sur cette ambivalence.
D'un côté,
c'est une satire des années 50 :
l'image de la famille américaine,
saine en façade
et malsaine dans le fond.
Et on sent que Crumb
veut essayer de s'en dégager.
À un autre niveau,
c'est une orgie, une orgie gratuite,
un genre de conte,
en particulier
dans l'histoire de ce père
qui demande à sa fille
de lui tailler une pipe.
Elle le fait, et ils baisent.
Arrive le petit frère modèle
qui voit son père et sa sur
en action.
Choqué, il va chercher sa mère
pour lui raconter.
Il la découvre en tenue sadomaso.
Le gosse est excité
et, image suivante,
la mère et le fils forniquent.
À la fin, les parents s'écrient :
"On devrait passer plus de temps
avec les mômes."
Vous comprenez, en lisant ça,
je me dis que Crumb
a dépassé les bornes
de la simple satire.
Sa critique de la famille saine
des années 50
tourne à la pornographie.
C'est un thème récurrent chez lui.
C'est une vision
juvénile et immature.
L'inspiration de Crumb vient
de son sens de l'absurdité humaine.
Chez lui, il n'y a ni bons,
ni méchants, ni héroïnes.
Même les victimes sont drôles.
C'est difficile pour les Américains
de comprendre ça.
C'est en désaccord
avec leurs modèles de base :
un mélange d'utopie d'un côté
et de puritanisme,
autre forme d'utopie.
Il en résulte le discours vaseux
que nous entendons aujourd'hui.
Crumb, comme les grands satiristes,
est un marginal.
Dieu ! Cette putain de musique...
qui sort de chaque voiture,
de chaque magasin,
de leur tête à tous !
Si c'est pas la radio de merde,
c'est le baladeur !
Enculés de leur mère !
Putain de fils de putes !
Trop d'agressivité,
de colère, de fureur.
On dirait
tous des hommes-sandwichs,
avec de la pub sur leurs fringues.
Ils se promènent avec "Adidas"
écrit sur la poitrine,
"49ers" sur la casquette !
C'est pathétique, lamentable.
Toute la culture
est un marché unique d'échange
et de recherche de débouchés.
Avant, on laissait mûrir la culture.
Ça prenait des siècles
et ça évoluait avec le temps.
Ça n'existe plus en Amérique.
Les gens ignorent même
l'existence d'une culture antérieure,
à part cette machine
à faire du fric.
Ils se contentent du plus gros
et du plus récent.
J'ai fini par être dégoûté
par l'humanité.
Elle est dépourvue
de curiosité intellectuelle
pour ce qu'il y a derrière
ce putain de merdier.
Charles et moi parlons beaucoup.
- Pas vraiment.
- Mais si.
Nous sommes souvent
loin l'un de l'autre.
Tu passes ton temps devant la télé
ou à faire des mots croisés.
Moi, je passe mon temps à lire,
seul dans ma chambre.
La télé me permet de dormir.
On est deux reclus
dans la même maison.
C'est toi qui entretiens
la conversation, Mère.
Sans aucun doute.
Tu dis que même avec les cachets,
tu te sens encore
nerveux et déprimé.
Oui, mais moins
que si je ne les prenais pas.
- Qu'arriverait-il si t'arrêtais ?
- J'en sais rien.
J'ai essayé mais j'ai vite senti
que ça me plairait pas.
Il devient insomniaque.
Je sens que je deviens fou
peu à peu,
alors je les reprends vite fait.
J'ai essayé deux ou trois fois.
Tu crois que ça me bouffe la tête ?
Tu n'as rien à cacher,
pas de honte à avoir.
Tu es... c'est quelqu'un de bien.
Les gens aiment bien Charles.
Certains oui, d'autres non.
Je suis un citoyen
tranquille et honorable.
Je suis passé
d'un extrême à l'autre.
Tu foutais ta merde partout.
La dernière fois
qu'on s'est baladés ensemble,
tu as abordé une vieille dame
et tu t'es mis à la sermonner
sur sa vie spirituelle.
Elle a eu peur
et a menacé d'appeler la police.
Il aborde des inconnus
et se déchaîne contre eux.
C'était juste un jeu de gosse.
Il avait 30 ans...
C'est pas vrai !
Il aurait continué ses conneries
mais maintenant, il ne sort plus.
Il s'attirait toujours les ennuis.
Donne-moi
une bonne raison de sortir ?
Au moins, il traîne pas
dehors à trafiquer
des drogues interdites.
Il prend des drogues légales.
Ni marié à une femme
qu'il rendrait malheureuse.
Ça, c'est vrai, c'est vrai.
Y'a juste un truc qui me...
j'ai dépensé la bagatelle de 200 $
pour un dentier
qu'il refuse de porter.
Il me fait mal.
C'est normal au début,
il faut s'habituer.
Je ne sors pas, je ne vois personne.
À quoi ça lui sert ? À mâcher ?
- À être fier de lui.
- Il ne sort jamais, il s'en fout.
Je prends un bain
toutes les 6 semaines.
Je crois qu'on doit pouvoir
être fier de soi
pour garder conscience de son ego
sans devenir égoïste.
La fierté n'existe
que par rapport aux autres.
C'est exact.
Tu as une bonne hygiène de vie...
Je ne suis jamais constipé.
C'est tout ce que je peux dire.
C'est déjà bien.
Pas d'hémorroïdes ?
Ton père avait des ennuis
de ce côté-là.
Il était constipé en permanence.
Je pourrais vous en raconter...
Tu nous filais de l'huile de castor,
la constipation t'obsédait.
Vous étiez tout gosses.
J'étais seule pour m'occuper de vous.
Tu voulais absolument
nous faire des lavements.
Je ne vous ai jamais fait
de lavements !
Tu nous en menaçais
si on n'était pas sages.
Quelqu'un a essayé
de m'en faire un !
Elle refuse de l'admettre...
La maison est étrange, non ?
Elle me fait penser à la maison
du film
"Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?"
L'horrible papier aux murs,
et ça pue la pisse de chat...
Ça ne sentira pas dans le film.
Elle ne voulait voir personne
et voilà que débarque chez elle
toute l'équipe de tournage du film !
Elle a hurlé : "Pas de photos !
Je vous interdis !"
Terry a dit qu'ils allaient
dans la chambre de Charles.
Bien sûr, elle a suivi
et elle n'a plus voulu se taire !
Un vrai moulin à paroles.
Il me semble que c'était en 1970.
Là, notre première rencontre, en 69.
C'est moi. Je m'en souviens.
- Ça me ressemble pas.
- C'est vrai. Je vais le retoucher.
Le nez est trop gros...
Et les yeux trop écartés.
C'est un peu ***, maintenant.
Ça fait 18 ans...
Et celui-ci de toi ?
Elle a failli tomber !
C'est moi ?
Toi avec ton sèche-cheveux.
Là, c'est Terry.
J'aime bien ce dessin de moi.
C'est un des rares que j'aime.
Tu vas les vendre
et je ne gagnerai rien ?
Je vends cette valise
pleine de dessins
pour acheter une maison en France.
J'ai fait des dessins,
je peux en tirer quoi ?
Quels dessins ?
- J'ai fait ceux-là.
- Non, c'est Aline.
- Tu es sûr ?
- Oui.
- J'ai fait ça.
- Non, c'est Aline !
C'est Aline, quand je l'ai connue.
Sur cette page, c'est moi,
et 2 pages après, c'est Aline.
Comment est-ce possible ?
C'était une période dingue...
C'est dégoûtant.
Horrible.
Là, c'est toi et voilà Aline.
Tu détestais vraiment les femmes.
Ça s'est amélioré, tu penses ?
Disons que je les dé***
un peu moins.
J'aime certaines jambes de femmes
- et je ne suis pas maso.
- Pas les pieds ?
J'en fais pas une fixation,
mais je les aime aussi.
Je peux avoir un orgasme en jouant
avec les pieds de quelqu'un.
Mais ce n'est pas
mon unique obsession.
Le mec qui fantasme sur les jambes
n'est pas comme celui
qui préfère les seins.
Les mamophiles sont agressifs,
extravertis, sportifs...
Ceux qui aiment le bas du corps
sont craintifs et introvertis.
C'est parce que, vu d'en dessous,
quand on est petit et craintif,
la mère ressemble
à une tour inviolable.
Qu'y a-t-il en bas ? Les pieds
et les jambes : la sécurité.
Les femmes se sentent
victimes des hommes.
Ils ont le pouvoir.
Elles ne peuvent prendre le dessus
qu'au niveau sexuel.
Les hommes,
avec leur esprit fétichiste
et leur aptitude à être obsédé
par un seul objet exclusivement,
peuvent être sexuellement manipulés.
Les femmes, moins.
Les femmes sont sensibles
au pouvoir, je le sais.
Le moindre signe de pouvoir
et l'homme devient intéressant.
"Qui est cet homme
si odieux et arrogant ?
"Intéressant !"
Je suis pornographe professionnelle
depuis 16 ans.
Je pense que j'étais faite pour ça.
J'ai toujours aimé ça.
À 18 ans, j'ai pris tout mon argent
pour acheter des ***.
À 18 ans, c'était légal.
J'ai sexualisé tous mes boulots.
La pornographie, c'est mon truc.
En ce moment, je publie Nibard,
Jeux de Jambes, et Défoncée.
J'ai aussi fondé
la revue Gros Culs.
Nous allons faire des photos
avec Robert.
Elles seront publiées
dans Jeux de Jambes.
Il y aura 4 ou 5 femmes
qui devraient plaire à Robert,
mais on ne sait jamais avec lui !
J'aurais voulu celle-ci pour Crumb.
Elle est d'une agence
de dominatrices type mère-filles.
"Ma mère m'a appris
l'amour maternel", c'est sa devise.
Ça, c'est pour le numéro de Noël.
La mère est en rouge.
On la voulait festive.
Pour lui, plutôt être
un cerveau dans le formol
qu'une personne dans un corps.
Donc, sexuellement,
on se concentre sur mon corps.
Robert n'est pas attiré
par les relations sexuelles normales.
Nos rapports
n'avaient rien de normal.
C'était plutôt du genre
à cheval par derrière,
ou lutte corps à corps...
Il aimait bien
chevaucher mes chaussures.
Il ne quitte jamais sa chemise.
Il aime faire
comme s'il n'existait pas.
Robert est un masturbateur
compulsif.
Il se masturbe 4 ou 5 fois par jour.
Il m'a avoué qu'il se masturbe
sur ses propres dessins.
Picasso devait faire pareil.
Je pense que probablement...
certains artistes le font.
Mais peu offrent, comme lui,
un tel éventail masturbatoire !
Si on aime ce qu'il aime,
bien sûr !
Mais le fait-il vraiment ?
Robert n'exagère pas dans ses BD.
Les femmes
sont telles qu'il les désire,
il se représente tel qu'il est :
maigre, gauche et myope.
On a juste des doutes
sur la taille de son pénis,
qui est énorme sur ses dessins.
Robert n'exagère rien.
Il est doté
d'un des plus gros pénis du monde.
Pourquoi ai-je des tendances
sexuelles particulières ?
Demandez à un psychiatre !
J'ai toujours cru
que Robert plaisantait.
Tu crois que je plaisantais ?
Qu'il essayait d'être drôle...
Je n'imaginais pas
que ça pouvait être sérieux.
Notre relation était un chaos total.
Les cris et les pleurs
ont commencé très vite.
Je pense que tu as pleuré
dés la troisième fois.
C'est si terrible de pleurer ?
Je me demandais
ce que je devais faire.
J'étais désemparé.
Et 20 ans après,
tu n'as toujours pas compris
que ton comportement
en était la cause ?
Je ne crois pas.
C'était difficile
car il était irresponsable.
Il me téléphonait pour dire :
"Je t'aime, tu me manques,
je veux te voir."
Il était censé être très loin.
Il disait :
"On se verra dans 15 jours."
Je sortais faire des courses
deux heures plus ***
et je le croisais
avec une autre femme !
Il se demandait
pourquoi ça me rendait malade !
Tu me trouves sadique ?
Il agissait
comme une victime passive.
C'était son côté "on me frappe,
je tends l'autre joue"
qu'il mettait en avant.
Il jouait la victime
qui subit les circonstances
ou les désirs d'autrui.
En fait, c'était sa façon
de se tirer d'affaire
et de marcher sur les autres.
Je marchais sur les autres ?
Qui, toi ?
Tu croyais être un type bien ?
Et un bon amant avec moi ?
Je ne suis pas romantique,
voilà tout.
Je ne l'ai jamais été.
Je n'ai jamais été vraiment amoureux.
J'ai plein de lettres
avec des centaines de "Je t'aime".
Mauvais emploi du verbe.
Je t'aimais bien
et je te désirais plus que tout
ce que tu peux imaginer.
Mais ce n'était pas de l'amour.
Je ne sais pas aimer.
J'ignore la jalousie.
Quelle horreur !
Mon seul amour est Sophie,
ma fille chérie.
J'ai fait des albums autodérisoires
dans les années 70.
Je ne pouvais pas me supporter.
Vous connaissez celui-ci ?
Twisted Sisters.
Belle couverture...
Moi sur les toilettes !
Echec total, pas de ventes.
L'éditeur m'a dit qu'il s'en servait
pour isoler les murs de sa grange.
De quoi parlaient vos BD ?
De moi seule.
Ma vie sexuelle, mes phobies,
quelle horrible personne j'étais...
Votre mère est souvent représentée.
Je n'arrive à la supporter
que sous forme
de dessins hideux.
Celui-ci, par exemple.
À la naissance de Sophie,
ma mère est venue.
Elle était exécrable.
Elle ne pouvait pas la porter
car elle avait de faux ongles.
Elle gueule en plein resto :
"T'as des sucrettes, chérie ?"
dans ce petit resto tranquille.
Tout le monde s'est retourné !
Elle est arrivée coiffée afro
et vêtue à la dernière mode.
Nous, on ressemblait à des immigrés.
C'est votre père, là ?
Le mari de ma mère.
Elle l'avait habillé sport !
À leur rencontre,
il portait des costumes foncés,
les cheveux courts
et il était plutôt gros.
Elle l'a mis au régime,
habillé en saharienne,
lui a fait pousser des pattes.
Il est toujours aussi moche.
Il ne savait pas se tenir,
mais il était vêtu dernier cri.
Il la suivait dans cette tenue.
Que pense-t-elle de vos BD ?
Elle ne les connaît pas.
Ça ne l'intéresse pas.
Elle sait que vous dessinez ?
Inconsciemment, elle doit savoir
qu'elle ne veut pas savoir.
En plus,
les autres ne l'intéressent pas.
Pas du tout.
Quand elle est venue,
elle a vu ces toiles et elle a dit :
"Joli. Qui les a faites ? Toi ?
Je ne savais pas que tu peignais."
C'est elle
qui m'avait envoyée aux Beaux-Arts !
J'ai changé de sujet...
J'ai parlé du dîner.
Tu as déjà bien compris
l'importance du noir.
C'est bien.
Merci, papa.
Ça suffit comme ça !
Pourquoi ce personnage
en particulier ?
J'aime ces photos.
Elles dégagent quelque chose.
Celle-ci était facile à dessiner.
J'ai choisi les jolies.
Certaines sont laides.
Et celle-là, c'est une horreur !
C'est une alcoolique refoulée.
Ramassée dans la rue...
Mon dieu, un monstre !
Sur mon dessin,
elle est moins laide.
J'ai pris le virus du "joli"
en faisant des cartes postales.
Je ne peux plus m'en débarrasser.
L'inclinaison de sa tête
est parfaite.
C'est difficile à faire.
Les proportions
doivent être parfaites.
Est-ce trop grand ou trop petit ?
J'ai usé beaucoup de gommes !
T'as pas encore appris à tricher
pour obtenir l'effet souhaité.
Comment ?
En dessinant sur une photocopie ?
Si tu veux saisir
un détail précis sur un visage,
un regard de défi, ou autre...
Je n'y arrive pas.
Il faut accentuer
ce qui lui donne cet aspect.
Ses dents légèrement séparées
donnent l'impression qu'elle ricane.
C'est dur avec un crayon...
Triche un peu.
Comme pour l'inclinaison de la tête
ou le ricanement.
Il faut les rendre plus évidents.
Il faut le faire sciemment,
décider...
ce que tu veux mettre en évidence.
Je l'ai fait,
ça ne marche pas.
C'est subtil sur cette photo.
Très, très subtil.
Mon dessin ne rend pas la haine.
Si, avec sa bouche ouverte.
Voilà la clé de tout,
il faut faire apparaître les dents.
C'est la clé !
On a dû lui dire : "Asseyez-vous
et ne bougez plus.
C'est pour une photo."
Apparemment, elle n'aime pas ça.
Un croquis sur le vif
serait meilleur.
Tu n'as jamais étudié
et tu es riche et célèbre.
C'est pas la question.
Je te parle d'apprendre à dessiner.
Mes dessins récents
sont parus dans Weirdo.
Mes lecteurs ressemblent à ça.
Ceci est une ode pour eux.
Des marginaux blessés,
sensibles et asociaux.
À l'arrière-plan,
elle dit :
"Je dé*** les Three Stooges".
Bien entendu, il les adore !
C'est là que je trouve mon matériau.
Dans les magazines, il n'y a pas
de scènes de la vie courante
de l'Amérique moderne.
Alors, j'ai demandé à un type
de me conduire toute une journée,
- je n'ai jamais su conduire -
pour prendre des photos de rues
ordinaires de l'Amérique moderne.
C'était indispensable pour moi.
On ne peut pas se souvenir de tous
ces réverbères, de toutes ces merdes.
Des dépotoirs
que sont les rues de banlieue.
Je m'en suis beaucoup servi.
Pour cet arrière-plan par exemple.
J'ai utilisé ces photos partout ici.
Tout cet arrière-plan,
dans cette histoire, est là.
Ces horreurs ne s'inventent pas.
Trop compliqué.
Cette couverture aussi
est faite à partir de photos.
La réalité n'est pas faite
pour être visuellement plaisante.
Elle est une accumulation
du monde industriel
que les gens ne voient même plus.
Ils l'évacuent.
Robert et Sophie, à table !
Dépêchez-vous.
Elle m'aide.
Non, elle danse !
Lève-toi de là.
Viens prendre ton assiette, Sophie.
Ton chewing-gum
contre ton assiette !
J'ai besoin de féculents
et de graisses.
C'est bien de dîner en famille.
Surtout quand la nourriture
est bonne.
Tu pourrais au moins
être à l'heure.
Ta mère se donne du mal
pour préparer le repas.
C'est la moindre des politesses.
Je suis sorti *** de l'école.
J'étais adolescent
à la fin des années 50.
Les familles que je connaissais
n'avaient rien à voir avec cette pub,
avec la culture représentée.
Et pourquoi donc ?
Il faut une raison ?
Tes amis seront là.
Ne parle pas la bouche pleine
Mâchez bien votre nourriture.
N'avalez pas tout cru.
Le goût n'est-il pas meilleur
quand on mâche bien ?
Ce n'est qu'une belle façade,
étouffante,
sinistre et déprimante.
D'accord, ils ont vécu
la dépression et la guerre.
Mais ils voulaient que
tout soit rigide, mielleux et plat.
Une vie morne.
Nous avons grandi
avec ces personnages insipides.
Tout avait ce style sinistre,
cauchemardesque et grotesque.
Voici le premier numéro de Zap.
Je l'ai fait fin 67.
C'était le début
de ces BD underground idiotes.
Fortement inspirées par le LSD.
J'en ai refait beaucoup
à partir de mes carnets.
Ce personnage de l'Homme Blanc...
En le faisant,
je comprenais mal
d'où je le sortais.
J'ai réalisé plus ***
qu'il s'agissait de mon père.
Le prototype
de l'américain patriote rigide.
L'archétype issu
de la 2e guerre mondiale.
À sa mort, en 82,
ma tante m'a donné ce qu'il lui
avait envoyé pendant des années.
Entre autres ce livre qu'il a écrit :
Former les Gens avec Efficacité.
Je ne sais pas de quoi il vivait.
Je crois qu'il gérait la motivation
du personnel de son entreprise.
Voici une photo.
J'ai lu un article sur le syndrome
des businessmen japonais,
cette maladie du sourire,
de ce sourire
figé en permanence sur leur visage.
Mon père en était atteint.
Selon l'article,
c'est un signe de dépression.
À la maison, il ne souriait pas.
Il laissait son sourire à la porte.
Il était sinistre.
Il avait fait la guerre.
Ça l'avait endurci pour tout.
Il disait que ma mère nous
chouchoutait trop, c'était vrai.
Ses trois fils sont devenus
des petits cons et des nullards.
Il en était malade.
Il voulait au moins un Marine.
Mon père était également violent.
Il nous rouait de coups.
Un Noël, j'avais cinq ans,
il était dans tous ses états
et m'a tellement battu
qu'il m'a déboîté la clavicule.
Tu avais cinq ans ?
Charles se foutait toujours
dans la merde.
C'était un enfant diabolique.
Mon père le battait sans pitié
pour les délits
qu'il commettait sans cesse.
Je pense que ça n'arrangeait rien.
Inconsciemment,
je cherchais les coups.
Pourquoi ?
Peut-être des comptes à régler
avec le vieux ?
Pour avoir été élevé
par une brute sadique ?
Il y a un rapport entre les deux,
je ne sais pas exactement lequel.
Comment était ta mère ?
Droguée aux amphétamines.
Les amphétamines
la rendaient cinglée,
elle faisait
et disait des choses dingues.
L'effet était dévastateur
sur les cinq enfants.
Sur moi, en tout cas.
Comment marchait leur couple ?
Pas mal jusque vers mes dix ans.
Ensuite, ma mère a pris
des amphétamines pour maigrir,
et c'est devenu terrible.
Ils s'engueulaient tout le temps,
matin, midi et soir.
Le vrai cauchemar.
Elle lui griffait le visage.
Il se maquillait
pour aller travailler,
pour cacher
les griffures sur son visage.
Un après-midi, il m'a dit :
"Trouve-toi un boulot
ou je ferai de ta vie un enfer."
C'est ce qu'il a fait.
Il a fait de ma vie un enfer.
Pour m'en débarrasser,
j'ai pris un boulot
de prospecteur téléphonique.
J'ai réussi à tenir un an
tellement j'avais peur de lui.
Ça a été ton unique boulot, non ?
Oui, ça n'a duré qu'un an.
En 69.
Le vieux voulait faire de nous
des citoyens productifs.
Quand j'étais adolescent,
il m'obligeait à dessiner
des maisons puis à demander
aux propriétaires
d'acheter mes dessins.
C'était l'idée du vieux ?
C'était son idée.
Il m'obligeait à le faire.
Je détestais ce boulot.
Quand je suis devenu célèbre,
il était fier.
Il a entendu parler de mon travail,
mais ne l'a jamais vu.
Il n'aurait pas approuvé...
Pour des raisons
de soi-disant moralité.
Un de ses collègues
lui a montré un de mes albums.
Il ne m'a plus jamais
adressé la parole.
Il a refusé de me parler après
avoir vu mon travail, début 70.
Cette histoire
m'a donné du mal :
"A ***' Bod".
Après les deux premières pages,
j'ai pensé :
c'est trop négatif, trop tordu,
trop choquant, j'arrête.
Alors, j'ai tout jeté à la poubelle.
Aline est arrivée dans mon atelier
et j'ai décidé de lui montrer
quand même.
Je les ai sortis de la poubelle
et lui ai demandé
ce qu'elle en pensait,
disant que je les avais jetés car
c'était trop dur, trop dérangeant.
Elle a regardé
et a dit que je devais continuer,
que j'étais obligé
d'aller jusqu'au bout.
C'est une femme, elle me dit
de le faire alors je le fais.
Flakey Foont ouvre la porte
et trouve ce corps de fille.
Mais avec la tête barbue de
Mr. Natural à la place de la sienne.
Voilà le début.
Flakey Foont est très étonné.
Mr. Natural entre au galop,
chevauchant la fille
au corps fringuant.
On ne voit que la barbe
de Mr. Natural,
pas la tête de la fille.
Puis elle atterrit en grand écart
et Mr. Natural s'extasie
sur le corps génial de cette femme.
Mais la tête reste un problème
car c'était une abomination.
Flakey Foont est horrifié quand
il voit qu'elle n'a plus de tête.
Natural explique qu'il s'est
débarrassé de son affreuse tête.
Foont l'a toujours désirée. Il l'a
enfin car elle n'a plus de tête.
Il explique comment
il lui a enlevé la tête
et bouché le cou avec ce bouchon.
Mr. Natural dit avoir découvert
qu'elle a un deuxième cerveau
dans le cul
qui fait fonctionner son corps.
Ensuite, il explique
comment la nourrir :
tu ôtes le bouchon
et enfiles l'entonnoir dans le cou.
Mr. Natural sort cette tête
de mannequin et dit :
"Si tu veux la sortir, mets-lui ça.
Sinon, les gens seront horrifiés
de voir une fille sans tête."
Mr. Natural part en disant :
"Tu ne pourras pas dire
que je ne fais rien pour toi !"
Foont commence à s'exciter.
Il a ce corps superbe tout à lui,
pour en faire ce qu'il veut.
Il la préfère avec le bouchon
et arrache la fausse tête.
Il la conduit vers le mur,
elle butte sur la fausse tête
et l'écrase.
Il la plaque contre le mur
et la déshabille.
Il admire ses fesses
fermes et musclées.
Là, je commence aussi à m'exciter.
J'aime dessiner
les formes féminines.
Je m'applique beaucoup
pour obtenir ce que je veux.
Les hommes, je m'en fiche un peu.
Il commence à la baiser.
Il la pénètre par derrière,
s'excite de plus en plus.
En même temps,
il se sent un peu coupable.
Au moment où il va éjaculer,
il imagine la tête coupée
et son visage le condamnant :
"Sale petite merde !"
Retour chez Mr. Natural.
Son téléphone sonne.
Il est rentré depuis une heure.
C'est Foont, il culpabilise.
Foont veut la ramener,
s'en débarrasser. Il est dépassé.
"O.K. Ramène-la.
N'oublie pas de lui remettre
sa tête avant de sortir."
Comme la tête a été écrasée,
il ne sait pas quoi faire.
La plupart de ces attitudes,
je les ai trouvées sur
des plans fixes dans Living Colors.
Alors, il noue un T-shirt,
l'enroule sur le bouchon,
met un chapeau par-dessus
et la pousse dans la voiture.
Retour chez Mr. Natural qui dit :
"Il va la regretter."
Puis : "D'accord,
on va lui remettre sa tête."
Mr. Natural enlève le collier
de serrage, extirpe ce tuyau
et s'enfonce là-dedans.
C'est le pire dessin,
le plus dégueulasse de la BD.
Aline dit que c'est à rendre malade.
Il tire fort et fait sortir
la tête par la langue.
La tête était toujours restée
à l'intérieur du corps.
Foont est sous le choc, puis
soulagé de voir la tête en place.
Mr. Natural :
"Vieux truc de sorcier africain."
Elle : "C'était très bizarre."
Mr. Natural : "Oui."
La tête est revenue,
le problème aussi.
Elle demande ce qu'il lui est arrivé,
ce que Mr. Natural lui a fait,
d'où il sort ces idées folles.
Foont se sent alors si coupable
qu'il s'excuse auprès d'elle
pour ce qu'il lui a fait
quand elle n'avait pas sa tête.
Elle : "Comment ?"
Elle réalise que Mr. Natural
l'a refilée à Foont
comme un jouet.
Elle : "Vous m'avez filée à ce con
comme un morceau de viande ?"
Lui : "Qu'est-ce que ça change ?"
Elle part à sa poursuite,
elle est folle de rage et elle dit :
"Donnez-moi un couteau !
Je vais vous trancher la tête !"
Fin classique d'une BD.
Il y a...
un thème récurrent dans son travail,
un thème effrayant :
les femmes ont la tête coupée
ou elles sont défigurées.
Il ne leur reste que le corps,
c'est-à-dire le sexe.
Quand, par exemple, Crumb dessine
ce petit monstre, Mr. Natural,
faisant des choses
que personne n'imaginerait faire
avec une femme sans tête.
Je ne pense pas qu'il veuille faire
l'apologie de la décapitation,
du viol, ou d'autre chose.
C'est seulement une constatation.
Ces fantasmes existent
chez l'*** sapiens.
Je dis qu'il est irresponsable
de montrer, sur papier,
des fantasmes sexuels dangereux
et de les diffuser au grand public.
Les femmes ne doivent pas
être horrifiées
par des images pornographiques,
ni penser qu'elles représentent
une oppression
ou le pouvoir dégradant des hommes.
C'est plutôt l'inverse
qu'il faut croire :
les femmes représentent
le fantasme de pouvoir des hommes.
Le fantasme
d'être capable de les dominer,
qui est dû à leurs peurs :
la peur de ne pas plaire aux femmes,
de l'impuissance sexuelle,
de l'impuissance en général.
Que penses-tu
de sa représentation des femmes ?
C'est une représentation
sans concession aucune.
Nous avons tous un côté sombre
dans notre personnalité.
J'ai tout de suite aimé sa capacité
à en donner
une représentation claire.
C'est rare de trouver ça ailleurs.
Ça te gêne ?
Non, car il n'est pas comme ça
en tant que personne.
Seulement dans son art.
C'est un cavaleur.
Comment réagis-tu ?
Je cavale aussi !
J'ai une hostilité
contre les femmes. Je l'admets.
Elle est évidente.
Je dois l'exprimer ainsi.
Parfois je pense
que c'est une erreur de l'exprimer.
Je serais plus aimé,
tout serait plus simple
si je la gardais pour moi.
Mais elle est présente,
très forte.
Elle s'impose
d'elle-même sur le papier,
pour le meilleur ou pour le pire.
Quand j'avais
9 ou 10 ans,
mon frère collectionnait les Zaps.
Quand je les ai vus,
j'ai été profondément terrifiée.
J'étais si bouleversée
que je me demandais
si c'était ça être une femme adulte,
si j'allais devenir comme ça.
J'étais horrifiée.
Pensez-vous à votre impact
sur vos lecteurs ?
Est-ce acceptable
pour des jeunes garçons ?
J'espère seulement
qu'en révélant ma vérité,
je sers à quelque chose.
Je l'espère. Je dois le faire.
Peut-être qu'on devrait m'enfermer ?
Me confisquer mes crayons ?
Je n'en sais rien.
Je n'ai pas à me justifier.
Comme lorsque ma fille Sophie
regardait "Les Affranchis".
On l'avait en cassette.
Les scènes de violence
lui ont donné la nausée.
Je l'ai empêchée de regarder.
Même si je pense que c'est un grand
film qui m'a beaucoup apporté,
ce n'est pas pour un enfant.
Contre certaines dures réalités
de la vie,
les enfants doivent être protégés.
Ils ne comprennent pas encore tout.
Tout n'est pas pour eux,
ni pour tout le monde d'ailleurs.
Critique-t-on le racisme
de ton uvre ?
Oui, surtout les blancs libéraux.
Voici un exemple dans Ooga Booga.
En fait, il se moque des Noirs.
Crumb vomit en quelque sorte
son propre racisme,
ses hostilités
et ses peurs profondes.
Bien sûr,
si vous réagissez en libéral,
vous le qualifiez de raciste.
Mais si vous réfléchissez
sur sa façon de jouer avec ça,
comment il vous le jette
à la figure,
vous vous posez des questions
sur votre attitude,
vos stéréotypes
et alors, tout se complique.
Des Curs de Nègres à bouffer
J'ai fait ça à la fin des années 60.
Je n'avais pas d'idée préconçue.
C'était très instinctif.
Le LSD avait un rôle libérateur
et m'avait permis
de dessiner sans me soucier
des conséquences.
J'avais une idée vague du sens,
mais je ne l'ai compris et analysé
que plus ***.
L'expression "Curs de Nègres"
m'est apparue comme une marque.
Quelque chose de noir,
profondément ancré
dans la mentalité américaine
qui vendrait son âme pour un dollar.
Je ne sais pas.
Je crois que c'était ça le message.
Beaucoup de gens voudraient
une jolie culture laiteuse,
qui nous rendrait meilleurs
et nous conduirait dans de jolis
petits cieux bien moraux
où personne
ne fait de mal à personne.
Mais la littérature,
la culture, l'art,
ne sont pas là pour faire plaisir.
Les conservateurs pensent que l'Art
participe de la démocratie.
Conneries !
On trouve chez Shakespeare
des textes
pleins de haine contre le peuple,
passionnément élitistes
et antidémocratiques.
Et Céline, sympathisant nazi
et grand écrivain ?
Et tous ceux dont la vision du monde
ne correspond pas
aux normes actuelles de Berkeley ?
Ils ont tous des blousons
des Raiders et des 49ers.
Sophie en veut un aussi.
Pourquoi vivre au milieu de ça ?
Parce que je n'ose pas me tuer.
Tu vas vivre dans le sud
de la France ? Ça va te manquer.
Je pars dans un mois ou deux.
Je ne supporte plus de vivre ici.
Ils veulent juste gagner du fric
pour acheter ces conneries.
Le monde est beau.
Tu vas le finir bientôt ?
Je ne sais pas.
Quand je pourrai toucher un pinceau.
C'est un travail récent, non ?
C'était quand la dernière fois ?
C'est quand je faisais
le portrait de Diane,
cette pouffiasse
avec qui tu sortais.
C'est un portrait à numéros.
Je réunis les éléments
et la peinture fait le reste.
Et ce soutien-gorge métallique ?
C'est en rapport
avec sa personnalité.
Elle s'enfermait dans une armure.
Dessous, c'était une pute.
Elle n'aurait pas apprécié
ce truc que t'as mis.
C'est le reflet de sa personnalité.
Son regard glacé, presque fou,
et son sourire chaleureux
et réticent à la fois.
Elle fait une thérapie, maintenant.
Elle n'en a pas besoin,
elle baise trop.
Seule la mort peut la guérir !
On commence par une tache.
Puis, avec l'encre, par une ligne.
Puis, d'une certaine façon,
on se fixe.
Voici un exemple de fixation
d'une ligne.
J'ai commencé par cette ligne
très détaillée,
très distincte.
Tu es content de ce travail ?
J'aime beaucoup le style.
Van Gogh se tuant.
Dans un champ de maïs.
Pourquoi du maïs ?
Comme dans le vers
de Walt Whitman :
"Les quintillions mûrissent,
les quintillions verdissent."
Il allait de ferme en ferme
ramasser des fruits.
Là, il a compris la notion
d'abondance de l'agriculture,
l'abondance
de la pousse des plantes.
Il a écrit ce vers
sur les quintillions.
C'est pareil pour le maïs.
Le maïs a cette capacité infinie
de la nature primitive...
Son esprit est allé
là où l'abondance est infinie,
comme dans un épi de maïs.
C'est ta première huile sur toile ?
Oui, la toute première.
Avant, il ne peignait pas.
Ça l'a soudain pris.
Comme si quelque chose
s'était libéré en lui.
J'ai eu ma première
crise d'épilepsie vers 11 ans.
Je faisais mon autoportrait
au fusain en cours de dessin.
J'ai vu que je pouvais dessiner,
que ça marchait.
Je vivais
ma première expérience artistique.
Ce fut si violent
que j'ai fait cette putain de crise.
Je me suis retrouvé à l'hôpital,
je crois.
Voilà la dernière BD de Charles.
La toute dernière.
Des lapines psychotiques.
À 18 ans, j'ai persuadé Charles
de participer
au Concours des Jeunes Talents.
Il y avait des annonces
dans les journaux, on l'a fait.
Mon dessin correspondait
à ce qu'ils attendaient,
mais Charles n'a pas pu se retenir.
Il fallait compléter une silhouette
en lui dessinant un costume.
Il lui a collé
ces pastilles sur les tétons
et a dessiné ces espèces de monstres
à l'arrière-plan.
Un Mickey psychotique...
Il y avait le contour
d'une grange et d'un arbre.
Il fallait...
remplir la texture et la surface.
Ils donnaient des indications.
Et voici son interprétation.
Là, il fallait disposer
les éléments d'un tableau.
Ils vous donnaient les objets.
Il a fait ça.
"Vous êtes illustrateur.
Complétez le tableau avec
ce qui vous semble nécessaire."
Il a dessiné cette fille, là.
Une semaine après,
le représentant est venu
avec nos dessins.
Une bonne note donnait le privilège
de ne payer que 400$
pour suivre le cours.
Il a d'abord regardé Charles,
puis ses dessins,
il est resté muet.
Il n'avait rien à dire.
Mon travail était prometteur,
je devais prendre les cours.
Il n'a pas adressé la parole
à Charles.
Charles était déjà...
bien barré, de toute façon.
Voici des dessins plus récents,
après sa période comique.
En 1961. Il avait 18 ans.
Il utilisait
cette technique bizarre, le plissé.
C'était de plus en plus étrange.
Ça n'avait plus rien à voir
avec la réalité.
Il s'emmurait
toujours plus en lui-même.
Il était aliéné,
coupé du monde extérieur.
Jamais d'encre ni de stylo, il a
toujours utilisé crayons et pastels.
Voici les derniers dessins
pour L'Ile au trésor.
Fin de l'année 61.
C'est vraiment bien dessiné,
sauf le plissé qui n'ajoute rien.
C'était devenu une obsession.
Il y a un aspect très noir.
Il était fasciné par la relation
entre l'enfant
et Long John Silver, le pirate,
qu'il retouchait indéfiniment.
Vous voyez que le texte
devient de plus en plus important.
L'écriture prend le dessus,
regardez...
Le dessin ne l'intéresse plus.
Il se contente d'écrire
ses textes fous.
À une époque, Charles est devenu
un genre de graphomane compulsif.
Il a rempli des tas de cahiers.
Il m'en a donné
parce que ça me fascinait.
Celui-ci est à l'envers,
mais peu importe.
Celui-ci est plus vieux.
Au début,
c'était à peu près lisible.
Peu à peu, c'est devenu illisible.
J'ai vraiment besoin
d'une stimulation externe,
ça me régénère
et m'incite à continuer.
Mais je ne sais plus où la trouver.
Peut-être
dans un hôpital psychiatrique ?
Une fois, tu étais chez Neal,
Mary avait décidé
de prendre un bain.
Elle est allée
dans la salle de bains et...
Je l'avais prévenue !
Les yeux de Maxon se sont
écarquillés, il est devenu écarlate,
s'est levé, comme en transe,
et s'est rué vers la salle de bains.
Il a ouvert violemment la porte,
Mary était nue
et s'est mise à hurler.
Elle a claqué la porte
et j'ai dit à Maxon de sortir.
Il se cramponnait à la porte,
dans un état second,
et l'a ouverte à nouveau.
Mary a crié.
Maxon est tombé par terre
et a eu une crise de 8 mn.
À l'époque,
tu t'intéressais à une Asiatique.
T'aimais les Asiatiques.
C'est vrai.
C'était ta période orientaliste.
Ma période exhibitionniste
et flics aux trousses !
Tu ne les violais pas ?
Je n'en étais pas là.
Le viol vient
après l'exhibitionnisme.
Il faut quelques années
avant de violer.
J'ai commencé le harcèlement
à 18 ans.
Sur des Chinoises,
dans le métro de Philadelphie.
J'ai récidivé
mais c'est fini maintenant.
Trop passionné, trop ***.
Tu as passé quelque temps
dans un hôpital psychiatrique.
2 semaines d'Halidol,
ça guérit tout !
Tu fais tout ce qu'on te dit
de faire !
Si t'es sensible ! C'est terrible !
Un maniaque a tendance
à devenir violent.
J'allais jusqu'à
baisser le short des filles.
Un jour, je me promène
dans une petite rue commerçante
et je vois cette belle juive,
bien en chair.
Elle a ce genre de short obscène,
au ras des fesses.
Elle entre dans un magasin...
J'ai eu une pulsion irrépressible.
Je devais le faire.
J'aurais pu risquer ma vie
pour punir cette pute.
J'en pouvais plus.
J'avais des sueurs froides.
Elle se doutait de rien,
elle cherchait du shampoing.
Je lui tourne autour discrètement.
Elle arrive à la caisse.
Ma lutte intérieure
est à son paroxysme.
Je dois prendre le risque.
Je suis derrière elle,
elle paie son putain de shampoing,
je tire sur son short et le descend
jusqu'en bas.
Ses fesses jaillissent comme...
une pêche mûre.
Elle crie : "Oh, mon Dieu !"
Dans 15 ou 20 ans peut-être,
je pourrai en parler.
Mais pas maintenant.
J'ai encore trop de scrupules.
Tu l'as dit à Maxon ?
Il pense que tu simules.
Un jour, Charles m'a avoué que...
il y a eu un moment
où il avait le désir
de me planter
un couteau dans le cur.
Dans son lit, la nuit,
il luttait pour ne pas aller
chercher un couteau.
Je voulais une hache
pour te fendre le crâne.
Je l'ai dit à Maxon...
Il ne l'a pas cru ?
Il pensait que c'était du cinéma ?
Pour lui, ma maladie,
c'est de la frime.
Il pense que tu l'as fabriquée
parce que c'est confortable.
C'est toi qui récupères
tout l'amour de Mère, pas lui.
Il doit penser que j'ai de bonnes
raisons de jouer à ça.
Lesquelles, selon lui ?
Il n'a pas dû approfondir.
C'est juste une réaction spontanée.
Il est plein de rancur
parce que Mère ne l'aimait pas.
Je connais l'origine
des pulsions criminelles.
Elles proviennent
d'un excès de narcissisme.
Je dois donc surmonter
ce narcissisme pour que disparaissent
mes pulsions criminelles !
Elles sont toujours là ?
Elles ont presque disparu.
Grâce aux médicaments ?
Quel rapport entre le narcissisme
et les pulsions criminelles ?
Quand le narcissique est blessé,
il veut punir le responsable.
- J'ai blessé ton narcissisme ?
- Très, très souvent.
J'ai fait ce lit à clous pour
améliorer ma capacité de méditation.
Je ne suis pas encore spécialiste,
alors je couvre
une partie des clous
avec ce foulard.
C'est moins douloureux.
Je dois
doser la douleur
que je peux supporter.
Combien de temps tu tiens ?
Je peux tenir 2 heures.
Ce ruban me nettoie l'intestin
de l'intérieur,
ou plutôt il le flatte.
Toutes les 6 semaines,
je me le passe à travers le corps.
Il faut 3 jours
pour qu'il ressorte de l'autre côté.
Tu sors dans la rue avec tes clous ?
Les gens n'aiment pas ça,
surtout les hommes d'affaires !
Tu ne peux pas prier dans la rue.
Tu fais la manche tous les jours ?
Une fois par jour.
Ça fait partie du truc.
Je dois rencontrer les gens,
sortir avec ma sébile,
ne plus bouger.
C'est un sale boulot.
Depuis quand il a ce lit à clous ?
Environ 2 ans.
Il s'assied dessus
plusieurs fois par jour ?
- Une seule fois 2 heures.
- Il dort dessus ?
Non, c'est trop petit.
Où il a trouvé ce lit ?
Il l'a acheté ?
Ça ne s'achète pas !
Qu'est-ce que tu veux ?
Pas trop mal.
N'oublie pas
que je prends des médicaments.
Je crois que ça m'aide
à supporter tout ça.
Depuis quand les prends-tu ?
Une vingtaine d'années.
Je pensais
que ça diminuerait mes angoisses.
Tu as commencé après ton suicide ?
Oui, après l'une de mes tentatives.
Il a bu de la cire à meubles.
Ça, c'était la première fois.
J'ai bu la cire et avalé
une boîte de somnifères.
Mais je me suis dégonflé
et j'ai dit à Mère
de me conduire à l'hôpital
pour qu'on me fasse
un lavage d'estomac.
J'ai fait 2 ou 3 autres tentatives.
Ce matin, tu parlais
de te faire faire une lobotomie.
Et pourquoi pas ?
C'est glauque.
Charles m'a confessé
qu'en voyant L'Ile au trésor
pour la première fois,
il est tombé amoureux
de Bobby Driscoll
et ça n'est jamais passé.
C'est le gamin qui joue Jim Hawkins.
L'origine de son obsession,
c'était le gamin.
Il dessinait Bobby Driscoll
encore et toujours.
Quand il l'a dit, j'ai été choqué.
Je ne comprenais pas.
Je pense
que ça l'a travaillé toute sa vie.
Il n'a jamais eu
de vraie vie sexuelle.
Jamais aucun rapport sexuel.
Ils sont tous là, Mère.
Quand elle a crié : "Barrez-vous !",
à qui elle parlait ?
Elle est poursuivie
par des ennemis invisibles.
Qui sont-ils ?
J'en sais rien. Difficile à dire.
Charles !
Répare le rideau de l'entrée.
Viens voir !
Montre-moi.
Regarde, je te montre.
J'ai fait celui-ci et celui-là.
Celui-ci est bien.
Je vais te montrer.
Ce sont les personnages ?
- Qui est "Dents de Biscuits" ?
- Son chien.
"Dents de Biscuits".
C'est son chien ?
C'est bien comme ça !
C'est pas mieux comme ça ?
C'est bien mieux.
Tout doit être noir et blanc !
Tout doit être démodé !
C'est mieux comme ça.
Le vieux s'est tiré pour de bon
quand j'avais environ
cinq ou six ans.
Je me souviens mal de cette époque.
Ensuite,
je ne l'ai plus vu régulièrement.
Il était ici la plupart du temps,
à Madison et à Dixon.
Il était souvent parti.
Il a des moments difficiles
émotionnellement.
Parfois, j'ai envie
de lui exprimer mon affection,
de l'étreindre
ou juste de lui serrer la main,
de me rapprocher de lui.
Ça lui est impossible.
Il ne peut pas.
C'est dur
de sortir ces vieux disques !
Je pensais finir mes jours ici !
Je ne voulais pas partir
à cause de ces disques.
Voilà le résultat d'une passion.
Fais attention.
Si t'en casses un, je te tue !
Mon disque de Frank Bunch
et les Fuzzy Wuzzy's !
Pose-les sur le futon.
Tu déroules et je coupe.
Dieu ! Quelle femme j'ai !
Me faire habiter en France...
Pour l'amour du ciel !
Trop *** maintenant.
Les dés sont jetés.
Brève histoire de l'Amérique
Beaucoup de choses sont ici,
d'autres là.
Reculer là serait le plus facile.
Je vais jeter un il.
On mettra les planches là.
Elle adore tout diriger,
leur dire quoi faire.
Les camions sont énormes...
c'est gênant.
Tu penses qu'ils vont prendre soin
de ma collection de disques ?
Ces piliers de rugby ?
"C'est quoi, ça ?
Un tas de vieux albums ?"
Qu'est-ce que tu regretteras ?
Les gens sont plus détendus
qu'en Europe. Moins formels...
L'Amérique, c'est Plouc-ville.
Je suis allée récupérer des trucs
chez des amis,
et leur maison...
Dans leur living,
il y avait un fauteuil
en forme de casque de foot doré,
avec des coussins rouges et bleus.
Il y avait un énorme canapé,
une télé avec une console de jeux,
les Tortues Ninja,
et un adolescent obèse
complètement hypnotisé !
On ne voit pas ça en France.
Qu'est-ce que ça te fait
de laisser ta famille ici ?
Rien. Ni en positif, ni en négatif.
Je m'en fous.
Tu ne les vois jamais.
Il les appelle une fois par an.
Et Jesse ?
Il est effondré par notre départ,
mais il sait
qu'il peut venir avec nous.
L'idée lui plaît bien.
On lui a donné 500$
pour le billet d'avion.
Alors, il viendra.
Et Max ?
Je culpabilise un peu, pour lui.
Il n'a personne à qui parler,
je suis sans doute
sa seule relation au monde.
Ce sont des disques, là-dedans ?
Les 78 tours dont vous parliez ?
J'en ai rien à foutre,
de vos merdes hollywoodiennes.
Ce n'est pas mon truc.
J'ai déjà perdu trop de temps
avec ces gens-là.
De l'animation ? Laissez tomber !
Ça ne m'intéresse pas.
Aucun dessin animé intéressant
n'a été fait depuis 1940.
Cherry Pop Tarts, c'est lamentable.
Larry Wells est un idiot.
Ce sera une horreur.
Ça ne m'intéresse pas.
J'étais en ligne avec Charles Webb,
un ami de Dan O'Neill.
Ils vont faire un film
de Cherry Pop Tart.
Ils ont téléphoné à un type de L.A.
qui leur a dit :
"Je suis l'homme qu'il vous faut !
Vous vous souvenez
de Tommy Toilet ? J'adore !"
Ils veulent faire un film ?
Mr. Natural, bien sûr !
"C'est un projet en or !"
Voilà ce que j'ai ressenti
après cette semaine d'enfer
où tu m'as filmé.
"Sacrément parfaitement exquis,
pour sûr !"
Quand j'étais gosse,
et que quelque chose m'intéressait,
Charles disait :
"Sacrément parfaitement exquis,
pour sûr !"
Il me coupait toujours les ailes.
Même si je le vois rarement,
quand je suis avec lui,
ça fait remonter
cette conscience très claire
d'être vraiment très loin,
coupé de l'humanité
et du monde en général.
J'aime ça, dans un sens.
Sacrément parfaitement exquis.
Robert, Ane et Sophie
vivent désormais
dans un village isolé
du sud de la France
Max Crumb vit toujours
à San Francisco
Charles, remets la serviette
à sa place.
Accroche-la en haut.
Fais attention
de ne pas masquer la lumière.
Ils ne peuvent pas entrer et sortir
comme ça !
Où sont les enfants ?
La petite est dans ma chambre.
Charles Crumb s'est suicidé
dans l'année
qui a suivi le tournage.
Les surs de Robert, Sandra
et Carol, ont refusé d'être fîlmées.
Rippé par Zad
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