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Sous-titrage : Francis Leboutte avec d'autres objecteurs de croissance de Liège - www.liege.mpOC.be - (CC BY-NC-ND)
en association avec le Post Carbon Institute
- SANS LENDEMAIN -
Voici la Terre
telle qu'elle était il y a 90 millions d'années,
lors de la période géologique du crétacé supérieur.
Une époque de réchauffement extrême (+4 °C),
où les dinosaures régnaient encore sur la planète.
Ils vaquaient à leurs occupations,
tout en haut de la chaîne alimentaire,
inconscients des changements à l’œuvre.
Les continents s'éloignaient les uns des autres,
ouvrant d’énormes fissures
qui se remplirent pour former des océans.
Les algues prospérèrent sous la chaleur extrême,
empoisonnant le milieu marin.
Elles moururent par milliards
et tombèrent au fond des failles.
Les sédiments emportés par les rivières
recouvrirent les résidus organiques des algues.
Avec la pression, la chaleur augmenta, entraînant
une réaction chimique transformant ces déchets organiques
en combustible fossile, des hydrocarbures :
le pétrole et le gaz naturel.
Sur la terre ferme, un processus similaire
produisit le charbon.
La nature a mis environ 5 millions d'années pour créer
les combustibles fossiles consommés en un an.
Notre mode de vie moderne
dépend de cette ressource fossile
qu'un nombre surprenant de personnes imaginent inépuisable.
Depuis 1860, plus de 2.000 milliards de barils de pétrole ont été découverts.
Depuis, nous en avons consommé environ la moitié.
Avant d'extraire le pétrole du sol, il faut le découvrir.
Au départ, c'était facile et peu coûteux à extraire.
Découvert en 1900, Spindletop fut le premier grand champ pétrolier étasunien ;
beaucoup d'autres suivirent.
Puis, les géologues parcoururent les États-Unis et
découvrirent d'énormes quantités de pétrole, de gaz et de charbon.
Les USA extrayaient plus de pétrole que tout autre pays,
lui permettant de devenir une superpuissance industrielle.
Une fois qu'un puits de pétrole commence à produire,
son déclin est inéluctable.
Chaque puits individuel a un débit de production propre.
La production cumulée d'un grand nombre de puits
prend la forme d'une courbe en cloche.
En général, un pays atteint son pic de production
40 ans après son pic des découvertes,
pour entrer ensuite dans une phase de déclin définitive.
Dans les années 1950,
Marion King Hubbert, un géophysicien employé de Shell,
prédit que la production de pétrole étasunienne atteindrait
un maximum en 1970, 40 ans après le pic des découvertes.
Peu l'ont cru.
Cependant, en 1970, la production étasunienne atteignit son pic
pour ensuite décroître constamment.
Hubbert avait vu juste.
À partir de ce moment,
les USA ont été de plus en plus dépendants de l'importation de pétrole.
Cela les a rendus vulnérables aux ruptures d'approvisionnement
et a contribué aux crises économiques
résultant des chocs pétroliers de 1973 et de 1979.
1930 est l'année du pic des découvertes de pétrole aux USA.
Ensuite, malgré les avancées technologiques,
les découvertes se raréfièrent cruellement.
Le champ découvert récemment dans la réserve naturelle ANWR en Alaska
ne fournirait au mieux que 17 mois de consommation.
Même le champ Jack-2 du golfe du Mexique
ne fournirait que quelques mois de la demande US.
Aucun de ces gros gisements
ne peut satisfaire les besoins étasuniens.
Il devient évident que la production a atteint son pic ou en est tout près.
Au niveau mondial, les découvertes atteignirent un pic dans les années 1960.
Plus de 40 ans plus ***,
la chute des découvertes de nouveaux champs semble inexorable.
54 des 65 pays grands producteurs ont déjà atteint leur pic de production.
La plupart des autres vont suivre dans un avenir proche.
Tous les 3 ans,
il faudrait mettre en production l'équivalent
d’une nouvelle Arabie Saoudite
pour pallier l'épuisement des champs existants.
Durant les années 60,
6 barils étaient découverts pour chaque baril consommé.
4 décennies plus ***,
l'humanité consomme entre 3 et 6 barils
pour chaque baril découvert.
À partir du moment du pic de production mondiale,
la demande de pétrole dépassera l'offre,
le prix de l'essence sera très instable
ce qui aura des conséquences bien plus importantes que le coût d'un plein.
Les villes modernes sont dépendantes du carbone fossile.
Même les routes sont faites d'asphalte,
un produit pétrolier,
comme le toit de beaucoup de maisons.
De vastes espaces seraient inhabitables,
sans chauffage durant l'hiver ou sans climatisation en été.
L'étalement urbain nécessite la voiture
pour se rendre au travail, à l'école ou au magasin.
Les villes sont divisées en zones résidentielles et
commerciales éloignées les unes des autres,
forçant les habitants à se déplacer en voiture.
La banlieue et de nombreux habitats
ont été conçus sur base du pétrole et de l'énergie abondants.
Les produits chimiques issus du pétrole, ou composés pétrochimiques,
sont la base d'un nombre incalculable de produits.
L'agriculture moderne
est très dépendante des combustibles fossiles,
tout comme les hôpitaux,
l'aviation,
les systèmes de distribution d'eau
et l'armée étasunienne
qui à elle seule utilise ± 140 millions de barils par an.
Sans pétrole il n'y aurait ni plastiques ni polymères,
indispensables pour fabriquer les ordinateurs, les appareils électroniques de divertissement et les vêtements.
L'économie mondiale actuelle repose sur une croissance infinie,
exigeant toujours plus d'énergie à bas prix.
Nous sommes si dépendants des combustibles fossiles
que même une petite interruption dans l'approvisionnement
peut avoir de grandes conséquences sur notre vie.
L'ÉNERGIE
L'énergie est ce qui permet d'effectuer un travail.
L'étasunien moyen dispose de l'équivalent énergétique de 150 esclaves, travaillant 24 heures sur 24.
Les matières qui contiennent cette énergie sont appelées carburants.
Certains carburants contiennent plus d'énergie que d'autres,
une propriété appelée la densité d'énergie.
Parmi ces carburants, le pétrole est crucial.
Le monde consomme 30 milliards de barils par an,
soit 4 km³ de pétrole,
dont le contenu énergétique correspond
à ce que généreraient 150 réacteurs nucléaires d'1 GWe
fonctionnant pendant 50 ans.
Le pétrole ne génère que 1,6 % de l'électricité étasunienne mais
il fournit 96 % de l'énergie de tout le transport.
En 2008, les deux tiers du pétrole étasunien étaient importés,
principalement du Canada,
du Mexique,
d'Arabie Saoudite,
du Venezuela,
du Nigeria, d'Irak et d'Angola.
Le pétrole a des propriétés uniques.
Il a une forte densité d'énergie :
un baril de pétrole contient l'équivalent énergétique
d'environ 3 années d'un travail manuel.
Il est liquide à température ambiante,
facile à transporter
et utilisable dans de petits moteurs.
Pour obtenir de l'énergie, il faut en dépenser.
Le truc, c'est d’en utiliser le moins possible pour en trouver et l'extraire.
C'est le taux de retour énergétique ou REEI.
REEI : Ratio d’Energie produite sur l’Energie Investie.
Le pétrole conventionnel est un bon exemple.
Le pétrole de bonne qualité et facile à extraire a été pompé en premier.
Les pétroliers utilisaient l'équivalent énergétique d'un baril de pétrole pour en trouver et en extraire 100.
Le REEI était de 100.
Après avoir pompé le pétrole facile d'accès,
on a commencé à prospecter en haute mer
et dans des pays lointains,
ce qui requiert une dépense d'énergie plus importante.
Souvent, le brut découvert aujourd'hui est lourd ou sulfureux
et est coûteux à raffiner.
Aujourd'hui le REEI du brut n'est que de 10.
Utiliser une quantité donnée d'énergie pour obtenir un combustible qui en compte moins
est sans intérêt.
On peut convertir une source d'énergie en une autre.
En procédant ainsi,
on perd une part de l'énergie contenue dans le combustible initial.
Par exemple, les pétroles non-conventionnels :
les sables bitumineux et le pétrole de schiste.
On trouve principalement les sables bitumineux au Canada.
Les 2/3 des schistes du monde sont aux USA.
Ces deux carburants peuvent être transformés en pétrole de synthèse.
Toutefois, ce procédé requiert beaucoup de chaleur et d'eau douce,
réduisant leur REEI
qui varie de 5 à aussi peu que 1,5.
Le pétrole de schiste est un carburant très pauvre qui,
à poids égal, contient environ un tiers de l’énergie
de céréales de petit déjeuner.
Le charbon est abondant et
génère presque la moitié de l’électricité de la planète.
Nous brûlons 8 km³ de charbon par an.
Toutefois, la production mondiale pourrait atteindre un pic avant 2040.
Dire que les USA disposent de siècles de charbon est fallacieux
car c'est ignorer la hausse de la demande et la baisse de qualité.
L’essentiel de l’anthracite, le meilleur des charbons, a disparu ;
reste le charbon de moindre qualité, moins dense énergétiquement.
Il n'y a plus de charbon en surface, d'où une production difficile,
les mineurs devant creuser plus profond et dans des endroits moins accessibles.
ils détruisent aussi le sommet des montagnes pour atteindre le charbon,
provoquant un désastre environnemental.
On trouve souvent du gaz naturel près du pétrole et du charbon.
Les découvertes de gaz US ont atteint un pic dans les années 50
et le pic de production a eu lieu au début des années 70.
Si on avance de 23 ans la courbe des découvertes,
l'avenir de la production du gaz naturel conventionnel US apparaît clairement.
Des techniques nouvelles ont permis l'extraction de gaz non-conventionnel
comme le gaz de schiste, ce qui pourrait postposer le pic de production.
Le gaz non conventionnel est mis en cause
car son exploitation est très polluante et son REEI insuffisant.
Même avec le gaz non-conventionnel,
le pic de production mondial de gaz devrait avoir lieu avant 2030.
Il y a encore des réserves importantes d'uranium pour le nucléaire.
Remplacer les 10 térawatts actuellement générés par les combustibles fossiles
nécessiterait plus de 10.000 réacteurs nucléaires.
Dans ce cas, les réserves connues d'uranium ne dureraient que 10 à 20 ans.
Les réacteurs surgénérateurs à base de plutonium,
en France et au Japon, ont été des échecs retentissants.
La fusion nucléaire bute sur des obstacles techniques colossaux.
Puis il y a les énergies renouvelables.
L'éolien a un bon REEI mais est intermittent.
L'hydroélectricité est fiable
mais il ne reste plus guère de sites propices pour construire des barrages.
Les centrales géothermiques courantes utilisent
des sources de chaleur proches de la surface terrestre ;
ces sources sont relativement éparses.
Dans le système expérimental de géothermie EGS,
deux puits sont creusés à très grande profondeur.
De l'eau est injectée dans un des puits, capture la chaleur de la roche
et remonte ensuite par l'autre puits à haute température.
Selon un rapport récent du MIT,
cette technique pourrait fournir 10 % de l'électricité étasunienne en 2050.
L'énergie des vagues est restreinte aux régions côtières.
La densité d'énergie des vagues varie d'une région à l'autre.
Transporter l'électricité produite par les vagues n'est pas simple.
De plus, l'eau salée est corrosive pour les turbines.
Les agrocarburants sont produits à partir de végétaux.
Le bois a une faible densité énergétique et pousse lentement.
L'humanité consomme 15 km³ de bois par an.
Le biodiesel et l'éthanol
proviennent d'une agriculture dépendante du pétrole.
Le REEI de ces carburants est proche de l'unité.
Certains politiciens veulent convertir du maïs en éthanol.
Fournir de la sorte le dixième des besoins US en essence en 2020
demanderait 3 % de la surface du pays.
Produire ainsi toute l'essence US en 2020 nécessiterait
qu'un tiers du territoire y soit consacré
alors que la surface agricole actuelle n'occupe que 19 % du sol.
L'hydrogène doit être extrait du gaz naturel, du charbon ou de l'eau,
ce qui demande plus d'énergie que ce qu'on en obtient de l'hydrogène.
Une économie basée sur l'hydrogène est donc improbable.
Les panneaux solaires de la terre entière produisent
de l'électricité comme deux centrales au charbon.
L'équivalent de ± 2,5 tonnes de charbon
sont nécessaires pour fabriquer un seul panneau solaire.
Une surface de 360.000 km² de panneaux
serait nécessaire pour couvrir la demande mondiale actuelle.
En 2007, il y avait environ 10 km² de panneaux.
Les centrales solaires thermiques ont un grand potentiel
quoiqu'actuellement il y en ait peu en service.
Elles ne conviennent qu'aux régions ensoleillées
et nécessitent que de grandes quantités d'électricité
soient transportées sur de longues distances.
Toutes ces alternatives au pétrole dépendent de machines marchant au pétrole
ou requièrent des matériaux à base de pétrole, comme les plastiques.
À propos d'extraordinaires nouveaux carburants ou inventions,
posez ces questions :
L'invention tient-elle la route du point de vue économique ?
Quelle est la densité énergétique du carburant ?
Est-il facile à stocker et distribuer ?
La source est-elle intermittente ou non ?
Est-ce utilisable à grande échelle ?
La mise en œuvre technique pose-t-elle des difficultés ?
Quel est le REEI ?
Quels sont les impacts environnementaux ?
Ne vous laissez pas impressionner par les chiffres !
Par exemple : 1 milliard de barils de pétrole
ne vont fournir la demande mondiale que durant 12 jours.
Remplacer les combustibles fossiles serait un défi monumental.
En 2007, 48,5 % de l'électricité US était produite à partir du charbon.
21,6 % provenait du gaz naturel,
1,6 % provenait du pétrole,
19,4 % du nucléaire,
5,8 % des barrages.
Les autres énergies renouvelables ne représentaient que 2,5 %.
Peut-on remplacer un système basé sur les combustibles fossiles
par un patchwork d'alternatives ?
Des avancées techniques majeures sont nécessaires
de même que la volonté politique et la coopération,
des investissements massifs,
un consensus international,
une réaffectation des 34 mille milliards de l'économie mondiale,
dont les transports,
les industries manufacturières
et l'agriculture,
ainsi que des fonctionnaires compétents pour gérer la transition.
Si ces conditions sont réunies,
peut-on conserver notre mode de vie actuel ?
LA CROISSANCE
Ces bactéries vivent dans une bouteille.
Leur population double toutes les minutes.
À 11 h il y a une bactérie.
À 12 h, la bouteille est pleine.
Elle est à moitié pleine à 11 h 59,
laissant juste l'espace nécessaire pour un doublement de plus.
Les bactéries, sentant le danger,
cherchent de nouvelles bouteilles et en trouvent 3.
Elles pensent avoir réglé leur problème.
À 12 h, la première bouteille est pleine.
À 12 h 01, la seconde bouteille est pleine.
À 12 h 02, toutes les bouteilles sont pleines.
C'est le problème devant lequel nous sommes,
dû aux doublements répétés résultant de la croissance exponentielle.
L’utilisation du charbon et du pétrole comme carburant
a entraîné l’humanité dans une croissance sans précédent.
Même un taux de croissance faible finit par entraîner une forte augmentation.
À un taux de croissance de 1 %,
une économie double en 70 ans.
À un taux de 2 %, elle double en 35 ans.
À un taux de 10 %,
une économie double en seulement 7 ans.
Si une économie croît au taux de 3 %,
elle double tous les 23 ans.
À chaque doublement, la demande en énergie et en ressources
dépassera celle de tous les doublements précédents additionnés.
Le système financier est construit sur l'hypothèse de la croissance
– ce qui requiert toujours plus d'énergie pour la soutenir.
Les banques prêtent l'argent qu'elles n'ont pas
et, ce faisant, elles le créent.
Les emprunteurs utilisent cet argent d'endettement nouvellement créé
pour faire croître leurs entreprises et rembourser la dette,
avec un intérêt, ce qui requiert encore plus de croissance.
En raison de ce mode de création de monnaie,
l'essentiel de l'argent en circulation correspond à une dette avec des intérêts à la clé.
Sans l'apport continuel de nouvelles générations d'emprunteurs
pour produire de la croissance
et donc payer ces dettes,
l'économie mondiale s'effondrerait.
Comme une chaîne de Ponzi,
le système doit croître ou mourir.
En partie à cause de ce principe de la dette,
les effets de la croissance économique ont été spectaculaires :
sur le PIB,
les barrages sur les cours d'eau,
la consommation d'eau,
la consommation d'engrais,
la population urbaine,
la consommation de papier,
le nombre de véhicules motorisés,
les communications
et le tourisme.
La population mondiale a atteint les 7 milliards
et devrait dépasser les 9 milliards en 2050.
Sur une planète plane et infinie, ce ne serait pas un problème.
Cependant, la terre étant ronde et finie,
nous devrons faire face aux limites de la croissance.
La croissance a entraîné une surconcentration en
oxyde nitreux et en méthane dans l'atmosphère,
la destruction de la couche d'ozone,
l'augmentation du nombre des fortes inondations,
la destruction des écosystèmes marins,
y compris par l'excès d’azote présent dans les eaux de ruissellement,
la déforestation,
une augmentation de la surface terrestre occupée par l’humanité
et l'extinction de nombreuses espèces.
Mettons un unique grain de riz
sur la première case d'un échiquier ;
doublons ce nombre et plaçons 2 grains sur la seconde case,
doublons encore et mettons 4 sur la troisième,
doublons à nouveau et mettons 8 sur la quatrième.
Continuant ainsi de déposer sur chaque case le double de grains de la case précédente,
le nombre de grains à mettre sur la dernière case est astronomique :
9 trillions,
223 billards,
372 billions,
36 milliards,
854 millions,
776 mille grains de riz :
plus de grains que l'espèce humaine
en a produit au cours des 10.000 dernières années.
Les économies modernes,
comme les grains de riz sur l'échiquier,
doublent toutes les quelques décennies.
Sur quelle case de l'échiquier sommes-nous ?
En plus de l'énergie,
notre civilisation exige de nombreuses ressources essentielles :
de l'eau douce,
de l'humus,
de la nourriture,
des forêts
et de nombreux minéraux et métaux.
La croissance est limitée
par la ressource essentielle la moins disponible.
Un tonneau est un assemblage de douelles,
et comme l'eau remplissant un tonneau,
la croissance ne peut dépasser la douelle la plus courte,
c'est-à-dire la ressource essentielle la plus limitée.
L'espèce humaine accapare actuellement
40 % de la production de la photosynthèse terrestre.
Même si nous pouvions en utiliser 80 %,
il nous serait impossible d’en utiliser 160 %.
LA NOURRITURE
L'approvisionnement alimentaire mondial
repose fortement sur les combustibles fossiles.
Avant la première guerre mondiale,
toute l'agriculture était biologique.
Suite à l'invention d'engrais et de pesticides dérivés du pétrole,
la production agricole à l’hectare a fortement augmenté,
entraînant une augmentation de la population.
L'utilisation d'engrais artificiels
a nourri bien plus de personnes que ce qui aurait été possible
avec l'agriculture biologique seule.
Les combustibles fossiles sont nécessaires pour l'équipement des fermes,
le transport,
la réfrigération,
l'emballage – en plastique –
et la cuisson.
L'agriculture moderne utilise la terre pour transformer des combustibles fossiles en nourriture
– et la nourriture en population.
Environ 7 calories de combustibles fossiles
sont utilisées pour produire 1 calorie alimentaire.
Aux USA, la nourriture parcourt environ 2.500 km de la ferme au consommateur.
En plus de la déplétion des carburants fossiles,
d’autres menaces pèsent sur le système actuel de production alimentaire :
une énergie peu coûteuse,
de meilleures techniques
et les subventions ont entraîné une importante surpêche.
Les prélèvements mondiaux de poisson ont atteint un pic à la fin des années 1980,
forçant les pêcheurs à pêcher en eau profonde.
L'excès d’azote des engrais fabriqués à partir de combustibles fossiles
a empoisonné rivières et mers, créant ainsi d'énormes zones mortes.
À ce rythme,
toutes les populations de poissons devraient s’effondrer
d'ici à 2048.
Villes et industries sont la source de pluies acides qui vident le sol de ses nutriments essentiels,
tel que le potassium,
le calcium
et le magnésium.
Une autre menace est le manque d'eau.
Beaucoup de fermes pompent l'eau des aquifères souterrains pour l'irrigation.
Un aquifère a besoin de milliers d'années pour se remplir
mais peut être ***éché en quelques décennies,
tout comme les puits de pétrole.
Aux USA, l'aquifère géant d'Ogallala a atteint un niveau si bas
que de nombreux agriculteurs ont dû revenir à une agriculture sèche moins productive.
De plus, l'irrigation et l'utilisation d'engrais peuvent entraîner la salinisation :
l'accumulation de sel dans le sol.
C'est une cause majeure de la désertification.
Une autre menace est la perte d'humus.
Il y a 200 ans,
il y avait 1,8 mètre d'humus sur les prairies étasuniennes.
Aujourd'hui, en raison du labourage et de pratiques inappropriées,
environ la moitié de l'humus a disparu.
L'irrigation favorise le développement de la rouille noire (UG99).
Ce champignon pourrait détruire 80 % des récoltes de céréale du monde.
Selon Norman Borlaug, le père de la Révolution verte,
la rouille noire a un immense potentiel de destruction sociale.
L'utilisation d'agrocarburants signifie que moins de terres
seront disponibles pour l'agriculture nourricière.
Toute surface a une capacité de charge limitée.
C'est le nombre d'animaux et d'êtres humains
qui peuvent y vivre indéfiniment.
Si une espèce dépasse la capacité de charge de cette surface,
son nombre d’individus diminuera jusqu'à revenir sous les limites naturelles.
L’espèce humaine a écarté cet obstacle
en exploitant de nouvelles terres
et en augmentant la production à l’hectare,
principalement grâce au pétrole.
Poursuivre la croissance
nécessite plus de ressources que ce que la Terre peut fournir,
mais aucune nouvelle planète n'est disponible.
En plus de tous ces défis,
d'ici 2050 la production alimentaire doit doubler
pour nourrir une population mondiale croissante.
1 milliard de personnes sont déjà sous-alimentées.
À l'avenir, avec une production de pétrole et de gaz naturel en déclin,
nourrir 9 milliards de personnes sera une gageure.
HAPPY END ?
L'économie mondiale croît exponentiellement,
à environ 3 % par an,
consommant toujours plus de carburants non-renouvelables,
de minéraux et de métaux.
Même chose pour les ressources renouvelables
comme l'eau, la forêt, le sol et le poisson,
consommées plus vite qu'elles ne se renouvellent.
Même à un taux de croissance de 1 %,
l'économie aura doublé dans 70 ans.
D'autres facteurs aggravent le problème :
la mondialisation permet aux gens d'acheter des biens et
de la nourriture produits à l'autre bout du monde.
Les lignes d'approvisionnement sont longues,
mettant la pression sur une ressource pétrolière limitée.
Nous dépendons de pays lointains pour nos produits de première nécessité.
Les villes modernes sont dépendantes des carburants fossiles.
L'essentiel du système bancaire repose sur la dette,
entraînant les gens dans une spirale de prêts et remboursements
- engendrant la croissance.
Que faire face à tous ces problèmes ?
Beaucoup croient que la crise peut être évitée
par les économies d'énergie,
la technique,
la croissance intelligente,
le recyclage,
les voitures électriques ou hybrides,
la substitution
ou le vote.
L'économie d'énergie vous fera économiser de l'argent,
mais elle ne suffira pas à sauver la planète.
Si certains abaissent leur consommation de pétrole,
la diminution de la demande réduira les prix,
permettant aux autres de l'acheter à moindre coût.
De la même façon,
un moteur plus efficace utilisant moins d'énergie
va, paradoxalement, entraîner une hausse de l'utilisation d'énergie.
Au XIXe siècle, l'économiste anglais William Stanley Jevons
observa que de meilleures machines à vapeur ont fait
du charbon une source d'énergie plus intéressante,
entraînant une hausse du nombre de ces machines
et donc de la consommation de charbon.
La croissance de l'utilisation consomme toute énergie et ressource économisées.
Beaucoup croient que les scientifiques
vont résoudre ces problèmes via de nouvelles techniques.
Toutefois, la technique n'est pas de l'énergie.
La technique peut transformer de l'énergie en travail
mais ne peut pas la remplacer.
Elle aussi consomme des ressources :
par exemple,
fabriquer un ordinateur nécessite le dixième
de l'énergie requise pour fabriquer une voiture.
Les technologies de pointe peuvent aggraver la situation
car beaucoup nécessitent des métaux rares
dont ont voit aussi la fin du stock.
Par exemple,
97 % des terres rares de la planète sont extraits en Chine,
la plupart d'une seule mine de Mongolie intérieure.
Ces métaux sont utilisés dans les pots catalytiques,
les moteurs d'avions,
les aimants performants et les disques durs,
les batteries pour voitures hybrides,
les lasers,
les générateurs de rayons X portables,
la protection des rayonnements nucléaires,
les disques compacts,
les moteurs de véhicule hybride,
les lampes à basse énergie,
les fibres optiques et les écrans plats.
La Chine envisage de restreindre l'exportation de ces minéraux,
en raison de la hausse de la demande.
Le soi-disant développement durable est une illusion car
il fait aussi appel, de façon toujours croissante,
aux métaux et minéraux non-renouvelables, y compris aux terres rares.
Le recyclage ne règlera pas le problème,
car il demande de l'énergie et le processus n'est pas efficace à 100 %.
On ne peut récupérer qu'une fraction des matières recyclées ;
une grande partie est perdue à jamais comme déchet.
Les voitures électriques nécessitent de l'électricité.
Comme la plus grande part de l'électricité est générée à partir de combustibles fossiles,
ce n'est pas une solution.
En plus, la fabrication de toute voiture consomme du pétrole.
Chaque pneu nécessite à peu près 25 litres de pétrole.
En 2010, il y avait environ 800 millions de voitures dans le monde.
Au rythme actuel de croissance,
ce chiffre devrait atteindre 2 milliards en 2025.
Il est peu probable que la planète puisse supporter autant de véhicules,
quelle que soit leur source d'énergie.
Beaucoup d'économistes croient
que le marché libre va substituer une source d'énergie
à une autre grâce à l'innovation technique.
Toutefois, les principaux substituts du pétrole n'échappent pas aux limites.
De plus, passer d'une source d'énergie à une autre nécessite du temps.
Le rapport Hirsch du Département US à l'énergie
estime qu'il faut au moins 2 décennies pour se préparer
aux effets du pic pétrolier.
Les problèmes du manque d'énergie,
de l'épuisement des ressources,
de la perte de l'humus et de la pollution
sont tous des symptômes d'un unique problème, plus fondamental :
la croissance.
Tant que notre système économique demandera une croissance infinie,
aucune réforme ne sera possible.
Dans ce cas, de quoi le futur sera-t-il fait ?
Les optimistes croient que la croissance durera indéfiniment,
sans limite.
Les pessimistes pensent que nous allons vers un nouvel âge de pierre
ou vers l'extinction.
La vérité est peut-être entre ces deux extrêmes.
Il est possible que notre société retourne à un état plus simple
dans lequel la consommation énergétique serait bien moindre.
Cela signifie un autre mode de vie pour beaucoup :
plus de travail manuel,
de travail agricole
et de production locale de biens, de nourriture et de services.
Comment se préparer à un tel futur éventuel ?
Attendez-vous à moins de nourriture et de biens venant de loin.
Redécouvrez la marche et le vélo.
Habituez-vous à utiliser moins d'électricité.
Débarrassez-vous de vos dettes.
Évitez les banques.
Court-circuitez la grande distribution,
soutenez les entreprises locales.
Achetez vos aliments directement aux paysans locaux.
Pourquoi ne pas remplacer votre pelouse par un potager ?
Apprenez à conserver vos aliments.
Envisagez l'utilisation de monnaies locales
au cas où le système économique s’écroulerait.
et développez une plus grande autosuffisance.
Ces mesures ne permettront pas d'éviter un effondrement mais
elles amélioreront nos chances dans un futur où l'énergie sera comptée,
où nous devrons être plus autonomes,
tout comme nos ancêtres l'étaient.