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Bonjour et bienvenue sur cette leçon
consacrée à la poésie
de Ronsard,
poète du 16e siècle,
et en particulier
aux poèmes
de Ronsard qui appartiennent au recueil
de poésie appelé "Les Amours",
et qui a été écrit en 1552.
Alors Ronsard
écrit des poèmes
qui mettent en scène un personnage, "je",
le pronom "je".
On a déjà dit que
en général on appelle "je",
dans un texte, le narrateur.
Mais la particularité de la poésie de Ronsard,
c'est que "je"
le narrateur
parle de ses émotions,
et en particulier
de son amour
pour un autre personnage
une femme,
Cassandre.
Et ce "je",
ce personnage,
qui parle de son amour, en poésie,
on ne l'appelle pas le narrateur,
il a un nom différent,
on l'appelle
le sujet lyrique.
"Lyrique" pourquoi?
Parce qu'il chante
en poésie
ses sentiments.
Alors que la particularité
de ce recueil de poésie
c'est
le nombre:
"Les Amours".
C'est pas singulier, c'est pluriel.
Pourquoi le titre
"Les Amours" au pluriel,
alors que l'objet d'amour
du sujet lyrique
c'est une femme, Cassandre?
Ça c'est une question intéressante.
Une particularité
de l'amour, dans ce style de poésie,
la poésie lyrique, la poésie amoureuse lyrique,
c'est que cet amour n'est pas réalisé.
C'est un amour frustré,
un amour idéal, en quelque sorte,
ou platonique, si on veut,
qui n'est jamais réalisé
et donc qui provoque
chez le sujet lyrique
un sentiment de langueur.
La langueur,
c'est le désir
pour un objet qu'on ne peut pas posséder.
"Les Amours"
ce sont des poèmes sur
le sentiment de la langueur
amoureuse, un amour
langoureux.
Ronsard emprunte ce genre de poésie lyrique amoureuse
à un autre poète italien
qui le précède: Pétrarque.
Et il emprunte aussi
à Pétrarque la forme
du sonnet.
Un sonnet c'est un poème
qui est composé de 4
paragraphes.
Alors en poésie on appelle pas des paragraphes des "paragraphes",
on appelle des paragraphes, des "strophes".
Donc le sonnet est composé de quatre strophes
qui ont un nombre de vers précis.
Les deux premières strophes
ont chacune
4 vers.
On appelle
ces strophes
des quatrains.
Et les deux dernières strophes
ont chacune 3 vers,
et on appelle ces strophes
des tercets.
Donc un sonnet
c'est un poème de
quatorze vers, composé de
deux quatrains, puis de deux tercets.
Cette structure
aide à lire le poème. Alors on va voir par exemple
dans ce poème qui s'appelle:
"Ces liens d'or, cette bouche vermeille".
qui appartient au recueil "Les Amours".
Le premier quatrain,
que je lis maintenant:
"Ces liens d'or,"
"cette bouche vermeille,"
"Pleine de lis, de roses et d'oeillets,"
"Et ces coraux chastement vermeillets,"
"Et cette joue"
"á l'Aurore pareille;"
Dans ce premier quatrain,
on a une description, la description de Cassandre,
l'objet aimé
par le sujet lyrique.
Cette description est composée
de comparaisons,
des analogies,
des métaphores,
entre des parties du visage de Cassandre
et différents objets.
Par exemple, les "liens d'or".
Qu'est ce que c'est les "liens d'or"?
Des liens ce sont des fils.
Et l'or,
c'est la couleur jaune.
Donc des fils jaunes,
ce sont les cheveux.
Les cheveux de Cassandre, qui sont blonds,
et qui sont sans doute bouclés,
et qui font des liens,
des liens évidemment
où le sujet lyrique et prisonnier,
parce qu'il est amoureux.
La "bouche vermeille", c'est une description
de la couleur rose (vermeille c'est rose) de la bouche.
"Pleine de lis, de roses"
"et d'oeillets".
Alors pourquoi la bouche
et pleine de fleurs?
Ces fleurs
ce sont des fleurs roses, comme la rose, ou blanches,
comme le lis,
ou l'oeillet.
C'est une comparaison.
L'oeillet
et le lys, ce sont les dents blanches qui sont dans la bouche de Cassandre.
Et la rose,
on peut penser que c'est
la langue, par exemple.
Donc c'est une métaphore
qui décrit la bouche
de Cassandre.
"Et ces coraux chastement vermeillets,"
Les coraux vous savez ce sont ces
ces plantes qui vivent sous la mer, qui ont une couleur blanche.
Mais ici ce sont des coraux un peu
vermeillets,
un peu rose.
Alors on peut imaginer que c'est la couleur
de la peau
du visage de Cassandre
qui est blanche, et un peu rose.
Chastement rose.
Pourquoi "chastement" rose?
Parce que le visage rougit
de pudeur et de timidité.
C'est un personnage chaste, timide.
Et puis finalement "Cette joue à l'aurore pareille;"
c'est une comparaison entre la couleur rose des joues,
et la couleur rose
de l'aurore.
Donc toutes ces comparaisons sont des comparaisons
qui sont empruntées
au vocabulaire
de la poésie lyrique amoureuse de Pétrarque.
C'est donc un premier quatrain
qui se concentre
sur le visage
de Cassandre.
de l'objet aimé.
Avançons dans le deuxième quatrain.
"Ces mains, ce col, ce front et cette oreille,"
"Et de ce sein les boutons"
"verdelets,"
"Et de ces yeux les astres jumelets,"
"Qui font trembler"
"les âmes"
"de merveille,"
Le regard du sujet lyrique
Descend du visage
vers le corps.
Puisqu'on a les mains,
le col,
le front,
l oreille.
Donc c'est pas vraiment le corps mais c'est plutôt que le regard
qui était très près du visage au début, ici il s'éloigne et donc on voit le corps
et
les oreilles et le front,
et les seins aussi,
de ce sein "les boutons vertelets", encore une comparaison
entre
les tétons, le bouton des seins,
et le bouton des fleurs.
"Et de ces yeux les astres jumelets", les yeux sont comparés à des étoiles
jumelles,
"Qui font trembler les âmes de merveille".
C'est une énumération
de toutes les qualités
du corps, de toutes les parties du corps de Cassandre.
Toutes ces parties du corps ce sont des sujets
des sujets grammaticaux,
du verbe qui suit.
Le verbe qui suit, le premier verbe du poème,
apparaît dans le
premier tercet.
Toutes ces parties du corps
"firent nicher Amour"
"dedans mon sein"
"Qui gros de germe avait le ventre plein"
"D'oeufs non formés qu'en notre sang il couve."
Donc le verbe:
"Firent nicher".
Vous connaissez la forme "firent",
c'est un passé simple,
c'est le passé simple du verbe "faire"
à la troisième personne
du pluriel.
Donc ces parties du corps firent,
causèrent
que Amour niche
dans mon sein.
Amour s'installe dans mon sein.
Ici "Amour" a
une lettre majuscule,
parce qu'Amour c'est un personnage.
C'est le dieu de l'antiquité Amour
qui est souvent représenté
comme un petit enfant nu
avec des ailes et un arc.
Donc Amour est un personnage. Amour s'installe dans le sein, dans le coeur
du sujet lyrique à cause
de toutes ces parties
qui "firent nicher Amour dedans mon sein".
Et la particularité du sein,
du coeur du sujet lyrique,
c'est que ce sein est
"plein de germe",
il a le ventre plein,
il est "gros de germe" c'est-à-dire plein de germe.
Des germes ce sont donc des embryons,
des graines,
des embryons si on prend une métaphore animale, des graines, si on prend une
métaphore
végétale.
Ça c'est très original. C'est pas le vocabulaire traditionnel de
Pétrarque.
Il y a dans le sujet lyrique
des embryons d'Amour.
C'est très étrange.
Alors on peut l'interpréter de la manière suivante:
le sujet lyrique
avant de rencontrer Cassandre,
avait déjà
des pensées érotiques,
des désirs langoureux,
qui étaient là en germe
embryonnaires,
et quand il a vu Cassandre,
toutes ses pensées érotiques
tous ses désirs langoureux
ont éclos,
se sont développés.
Une façon de dire que
quand on aime,
c'est parce que d'abord on
aime l'idée d'aimer,
et ensuite on rencontre quelqu'un qu'on peut aimer.
Dernier tercet:
"Comment vivrai-je"
"autrement qu'en langueur,"
"Quand une engeance immortelle je trouve"
"D'amours éclos et couvés en mon coeur?"
Le sujet lyrique demande:
Je ne peux pas vivre
je ne peux vivre que en langueur
dans un désir frustré,
parce que non seulement Amour est dans mon coeur,
mais une engeance d'Amours,
une foule d'Amours
toute une génération d'Amours
sont dans mon coeur.
Ce sont tous ces germes, ces embryons d'Amours au pluriel
qui ont éclos dans mon coeur.
C'est une image très étrange
qui nous renvoie à la question
pourquoi le titre
du recueil de ses poèmes c'est "Les Amours"
au pluriel,
alors qu'il y a seulement
un objet d'amour, Cassandre?
Donc cette image très étrange: il y a plein d'Amours dans mon coeur.
Une façon
d'interpréter cette question - Pourquoi les Amours au pluriel? -
c'est que
le sujet lyrique est amoureux
pas seulement de Cassandre,
mais de toutes les parties de son corps: les yeux, la joue,
la bouche, et dans la bouche
les dents et la langue etc.
Ce sont "des amours" de Cassandre.
C'est un amour
pluriel.
c'est un amour
qui est vécu à travers la pluralité.
Une autre façon d'interpréter le pluriel dans "Les Amours"
c'est d'interpréter ce pluriel
comme un commentaire
sur la poésie elle-même.
La poésie de Ronsard
utilise beaucoup
la répétition
de certaines voyelles
et la répétition
de certaines consonnes
pour créer
des effets poétiques.
Par exemple
dans le vers
"vermeillets,..."
Ronsard répète la consonne "ill".
Dans "Ces liens d'or, cette bouche vermeille,"
"Pleine de lis, de roses et d'oeillets,"
"Et ces coraux chastement vermeillets,"
"Et cette joue"
"á l'Aurore pareille;"
La répétition du son "ill" on l'entend dans "vermeillets"
dans "lien", dans "vermeile"
dans "merveille", dans "pareille",
dans "oeillets".
On observe cette répétition de consonnes -
cette répétition de consonne s'appelle
un allitération.
- maintenant il faut l'interpréter.
Qu'est-ce que c'est justement la consonne "ill", pour la prononcer,
il faut utiliser une grande partie de sa langue,
coller sa langue
contre son palais
et utiliser de la salive.
En quelque sorte,
la consonne "ill"
c'est une consonne
très humide, très érotique,
donc ça convient bien pour décrire
l'érotisme
du sujet lyrique
pour Cassandre.
Un autre exemple c'est
la répétition de voyelles.
La répétition de voyelles, on appelle ça une assonance.
Allitération: répétition de consonnes;
Assonance: répétition de voyelles.
Voici un exemple d'assonance
dans le tercet
"Comment vivrai-je autrement qu'en langueur,"
"Quand une engeance immortelle je trouve"
"D'Amours éclos et couvés en mon coeur?"
Quelle voyelle
on entend? Quelle assonance
on entend dans ce tercet?
on entend la voyelle "en",
la voyelle nasale,
dans les mots "comment", "autrement",
"langueur", "engeance".
Une fois qu'on a observé
cette assonance,
comment l'interpréter?
Heuuu...
La voeyelle nasale en français,
est souvent
utilisée
comme une interjection
pour exprimer
l'ennui
ou la plainte.
Donc on peut interpréter cette assonance
comme une illustration
de la plainte, de la langueur
du sujet lyrique.
Encore un dernier exemple, cette fois-ci d' allitération,
de répétition de consonnes.
Dans le même tercet,
écoutez la répétition
des consonnes "v", "j" et "z".
"Comment vivrai-je autrement"
"qu'en langueur,"
"Quand une engeance immortelle je trouve"
"d'Amours éclos et couvés en mon coeur?"
La particularité des consonnes "v", "j" et "z",
c'est que pour les prononcer, il faut
souffler de l'air,
et aussi activer ses cordes vocaliques.
C'est pour ça qu'on appelle ces consonnes des consonnes
fricactives.
Parce qu'il faut souffler de l'air.
Comment interpréter
cette allitération
avec des consonnes fricatives?
heuuu...
La consonne fricative demande qu'on souffle de l'air.
Donc c'est comme un soupir.
Un soupir exprime souvent
la langueur.
On peut interpréter
cette allitération en consonnes fricatives
comme une illustration
de la langueur
du sujet lyrique
pour Cassandre.
Vous voyez que
"les Amours" au pluriel, ça veut dire
les parties du corps
dont le sujet lyrique est amoureux,
mais ça veut aussi dire
le rapport
érotique
à la langue
que Ronsard propose
à son lecteur.
Un rapport où
la pluralité,
la multiplicité,
la répétition de certaines voyelles,
à travers des assonances,
et de certaines consonnes,
à travers des allitérations,
créent en effet érotique,
un rapport
érotique au langage
qui est en quelque sorte
réussi,
en comparaison au rapport érotique à l' objet-Cassandre,
l'objectif unique,
qui est échoué,
qui ne réussit pas.
Donc vous quand vous lisez
ces poèmes de Ronsard, "Les Amours",
essayez de reconstruire, de créer
ce rapport érotique à la langue,
en faisant attention,
en observant
des allitérations,
et en observant des assonances
et en chercherant à les interpréter.