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Notre datcha - été 78
Regardez par ici !
Regardez vers la caméra !
On ne touche pas !
- Alex, tiens-toi bien ! - Papa !
Aide-moi !
C'est avec beaucoup de lenteur et de précaution
que l'immense colosse
est hissé sur sa piste de décollage.
Une piste de décollage qui symbolise l'achèvement
d'un gros travail de collaboration.
Et à titre d'exemple, pour illustrer ce fabuleux
échange de savoir-faire...
Le voilà !
... en voici la preuve devant vos yeux.
Je signale que je suis paré
au décollage de la navette spatiale SOJUS 31,
avec les autres membres de l'équipage international...
Le 26 août 1978, nous étions au top niveau mondial.
Sigmund Jähn, citoyen de R.D.A.,
fut le premier Allemand à voyager dans l'espace.
C'est aussi ce jour-là que notre famille se désagrégea.
C'est le 3ème séjour de votre mari au pays du capitalisme.
Il remplace son supérieur, le Pr. Klinger.
Vous savez s'il a des contacts à l'Ouest ?
Non.
Mme Kerner,
pouvez-vous nous dire où en est votre couple ?
Votre mari compte-t-il s'enfuir du pays ?
Mme Kerner...
Vous êtes-vous mis d'accord ?
Je remercie le parti communiste de l'Union Soviétique...
Allez-vous-en, laissez-moi !
Alors que Jähn
représentait vaillamment la R.D.A. dans le cosmos,
mon créateur se laissait divertir
par une ennemie des classes au pays du capitalisme.
Il ne revint plus jamais.
Ma mère en fut si affectée qu'elle arrêta de parler.
Elle ne disait plus rien.
Ni à nous, ni aux autres.
Maman, reviens.
On s'ennuie tellement chez Mme Schäfer.
Maman, je t'aime.
Le Petit Marchand de Sable s'est parfaitement adapté aux conditions.
Mais la plus grosse surprise pour nous,
c'est qu'il s'entend très bien avec Macha, la mascotte russe.
Nous avons même célébré
un mariage à bord.
Dans quelques minutes, les mascottes russe et est-allemande
vont regagner la Terre.
J'espère, chers enfants, que vous avez pu voir ça.
2 mois plus ***, maman rentra à la maison.
Elle avait repris goût à la vie.
Surprise !
Mes chéris !
Mon Alex.
Mon petit cosmonaute.
Parc des Pionniers - printemps 79
On ne parla plus jamais de mon père.
A partir de cette date,
ma mère s'unit avec notre patrie socialiste.
Notre patrie
Ce n'est pas seulement nos villes et nos villages...
Et comme cette union n'était pas sexuelle,
elle nous consacrait beaucoup de temps,
ainsi qu'au quotidien socialiste.
C'est l'herbe dans les prairies,
Les grains dans les champs, Les oiseaux dans les airs
Et les animaux sur la terre...
Ma mère devint représentante du progrès social :
une fervente protectrice des besoins simples de la population,
luttant contre les petites injustices de la vie.
"Réclamation.
"Objet : les couleurs criardes des vêtements de grossesse."
Point.
Et maintenant, les décorations décernées par le conseil d'état.
Ça y est !
Travailleurs et employés, scientifiques et paysans,
artistes et vétérans du travail sont aujourd'hui réunis à Berlin
pour recevoir, ici au conseil d'état,
la plus haute décoration de notre pays.
Je t'ai vue, maman !
L'ordre du mérite patriotique,
qui récompense des services exceptionnels
rendus à l'édification de l'ordre social socialiste.
La tradition veut que, la veille de la fête nationale,
le comité central du parti socialiste décore
les personnalités méritoires.
Après d'inlassables heures d'entraînement, j'étais prêt.
Je fus le 2ème Allemand à voler dans l'espace.
Plus loin qu'aucun autre auparavant.
Fusée mise à feu !
Je m'imaginais déchiffrer le cosmos pour le bien-être de l'humanité,
scrutant notre petite planète et faisant signe à ma mère.
Fusée mise à feu !
10 ans plus *** - 7 octobre 1989
La R.D.A. fêta ses 40 ans.
Je travaillais dans un collectif de réparation de télés
et me sentais au sommet de ma virilité.
40 ANS DE R.D.A.
L'ère était au changement,
alors que devant chez nous, des guignols en tenue
défilaient pour la dernière fois.
Il y a une fille qui te demande, je la renvoie ?
Quelle fille ?
Elle est plutôt bien.
Tu as encore dormi tout habillé ?
Où est cette fille qui m'attend ?
Elle s'appelle Paula et il était convenu que tu la gardes.
Non...
Et si, petit frère.
Ton ex peut pas s'en occuper ?
Le père de la petite est de service aujourd'hui.
On en était à :
"Parce qu'une femme d'un certain âge...
"ne peut et ne veut plus porter les slips qui lui sont proposés. Point.
"Même en R.D.A., il n'y a pas que de jolies princesses
"et des camarades délicieusement minces." Point.
C'est bien !
Vous descendez pas ? Ça a commencé.
Pour ça, on a entendu !
Allez-y, ce sera peut-être leur dernière figuration !
Où est Paula ?
Elle s'est rendormie ?
Je verrai peut-être votre mère à la télé.
Dans le Palais de la République ?
Il va vous falloir une loupe !
Si toutefois j'y vais.
Il y aura tous les gros bonnets du parti.
Je ne connaîtrai personne.
Quoique... j'aimerais bien voir Gorbatchev de près.
Ils se glorifient eux-mêmes, ces vieux débris.
T'es pas obligé de regarder.
- Tu vois pas ce qui se passe ? - Et toi ?
Qu'est-ce que tu veux ? Partir ?
Rien ne changera si tout le monde s'enfuit.
On continue.
"Il est absolument inconcevable
"que les travailleuses et les paysannes un peu enrobées
"soient encore victimes de la mode malgré les 40 ans d'existence
"de notre République. Avec mes salutations socialistes."
Hanna Schäfer.
Le soir du 7 octobre 1989,
des centaines de personnes s'étaient donné rendez-vous
pour revendiquer le droit
de se déplacer librement.
Liberté de la presse !
Il faut que tu tousses !
Ça va mieux ?
Merci.
Tous ces flics !
Ça va, j'ai compris.
Non à la violence !
Prenez le métro,
vous aurez plus de chance.
Comment tu t'appelles ?
Arrêtez !
Fais attention !
Ma mère est tombée !
C'est ma mère !
Laisse-moi sortir, connard !
Ma mère...
Alexander Kerner ?
Votre mère.
Qu'est-il arrivé à maman ?
Que se passe-t-il ?
Maman a eu un infarctus.
Malheureusement, les secours sont arrivés très ***.
Votre mère est dans le coma.
On peut lui parler ?
Alex, maman est dans le coma !
M. Kerner,
on ignore si votre mère se réveillera un jour.
Tu m'entends, maman ?
Il faut que tu te réveilles.
Mais maman dormait profondément.
Dans ce profond sommeil sans fin,
elle planait telle un satellite au-dessus de notre petite planète
et de notre minuscule République.
Le 9ème Congrès a approuvé la démission d'Erich Honecker
pour raisons de santé, le remerciant vivement pour son œuvre politique.
Elle manqua aussi le départ de ce cher camarade Erich Honecker,
secrétaire général du parti
et chef du conseil d'état de R.D.A.
Berlin. Ce soir, le Mur est tombé.
Maman manqua un concert devant la mairie de Berlin-Schöneberg...
et le début d'une gigantesque et spectaculaire
récupération de vieux matériaux.
Ouvrez les portes !
La Stasi, dehors !
Maman continuait à dormir profondément.
Elle manqua ma première excursion à l'Ouest,
et ne vit pas les camarades consciencieux
qui continuaient à protéger les travailleurs.
Elle manqua aussi mes 1ères découvertes culturelles
dans un nouveau pays.
Pardon.
Son profond coma
l'empêcha de participer aux premières élections libres.
Helmut ! Helmut !
Elle dormait quand Ariane abandonna ses études d'économie...
Merci d'avoir choisi Burger King.
... pour s'initier à la libre circulation de l'argent.
Son sommeil lui épargna l'emménagement de Rainer,
ennemi des classes et roi de la boulette.
Meilleurs employés du mois
Les meubles de la chambre, on les descend à la cave.
L'occidentalisation croissante de notre 79 m² lui échappa également...
Et les vieilleries avec une pastille rouge,
ça va dans la rue.
... ainsi que l'enthousiasme de Rainer
pour les coutumes du Levant.
Pardon.
Sa longue nuit lui cacha l'extase hormonale qui m'envahissait
à la vue de quelques jolies jambes.
Merde !
Qu'est-ce que vous faites ?
La perfusion...
Elle n'assista pas non plus aux débuts de l'élève infirmière Lara,
un ange venu tout droit d'U.R.S.S.
Te revoilà, toi.
Je me suis fait du souci pour toi.
Ils m'ont coffré.
Maman manqua l'invasion triomphale du capitalisme...
Relève !
... et le calcul très précis de mes visites à l'hôpital.
Tu sais ce que j'ai remarqué ?
Si elle est de bonne humeur, elle détache ses cheveux.
Sinon, elle les attache.
Et elle se ronge les ongles lors des visites.
Elle a un sourire magnifique.
Son sommeil lui cacha
comment des héros du travail perdirent leur emploi.
Le collectif de dépannage qui m'employait fut liquidé.
J'étais le dernier, et j'éteignis la lumière.
Puis vint l'essor.
Dans une solide équipe Est-Ouest,
je mis en pratique la réunification.
Des antennes satellites envahirent notre paysage.
Domaschke. Denis Domaschke.
Alexander Kerner.
Approche, ne sois pas timide.
Bonjour.
Tâchez de bien vous entendre.
Bonjour, maman.
Le Dr Wagner dit qu'on doit parler avec toi.
Comme je ne peux pas être là, j'ai trouvé une solution.
Il est maintenant 5 heures.
Les médecins sont partis et tu as enfin la paix.
L'infirmière Lara, après t'avoir lavée,
vient sûrement de partir aussi.
Si tu pouvais la voir, tu te réveillerais.
Ariane désapprouve cette idée de cassette. Tu la connais.
Elle est en train de s'occuper de Paula,
qui a ses premières dents et pleure beaucoup.
Maman manqua mes inépuisables progrès auprès de Lara.
Après 4 services du matin et 35 services du soir,
vint enfin notre premier rendez-vous romantique.
Quel vacarme !
Ma prof de russe était énorme et venait de Minsk.
Et c'est tout ce que tu sais des femmes russes ?
Le vent du changement souffla jusque dans les ruines
de notre République.
L'été arriva, et Berlin fut le plus bel endroit sur terre.
On avait l'impression d'être au centre du monde.
Là où les choses bougeaient enfin.
Et nous bougions avec elles.
Dommage qu'elle n'assiste pas à tout ça.
C'est peut-être mieux ainsi.
Ce en quoi elle croyait s'est volatilisé en quelques mois.
Et ton père ?
Il était médecin.
Il s'est tiré à l'Ouest.
Il n'a plus jamais donné de nouvelles.
L'avenir était entre nos mains,
un avenir incertain mais prometteur.
Bonjour ! Société X-TV...
Bonjour !
Le satellite vous intéresse ?
Pas d'argent.
Vous aimez le foot ? On a quelque chose pour vous.
Société X-TV, on...
Société X-TV !
Une antenne satellite ?
Là, c'est Vietnam 1, puis Vietnam 2.
Et la chaîne de sport vietnamienne.
D'accord.
A la coupe du monde !
- A l'avenir ! - A nous...
Camarade !
Portraits de famille
Mariage
Pour le moment, je fais ça en dilettante.
Baptême
Mais un de ces jours,
je ferai des vrais films de fiction.
Sous le même nom, ça va de soi.
Je vais te montrer un truc.
Je travaille dessus en ce moment.
Regarde pas encore.
Regarde pas, attends.
Attention... maintenant !
Tu as reconnu ?
Là !
La célèbre scène de "2001", avec l'os.
Le gâteau, c'est le vaisseau spatial.
Tu reconnais, maintenant ?
Génial.
Et maintenant, on fait tous un beau sourire.
Début juin 1990, les frontières de notre R.D.A.
avaient disparu.
Maman continuait à dormir.
Et moi, je pensais au vieil adage socialiste,
"c'est en avançant qu'on résout les problèmes", et j'agissais.
Tu m'entends ?
Son réveil tient du miracle.
Mais attendez-vous à la trouver changée.
C'est-à-dire ?
Certains ne reconnaissent pas leurs propres enfants. Amnésie.
Perte de la mémoire.
Pardon.
Troubles mentaux,
confusions au niveau de la mémoire,
troubles du goût et de l'odorat, de la perception.
Nous ignorons combien le cerveau a été endommagé.
Les possibilités sont aussi multiples qu'incertaines.
Votre mère est toujours menacée.
J'ignore si elle survivra dans les semaines à venir.
On peut la ramener à la maison ?
Hors de question.
Elle est mieux ici. Et c'est plus simple pour vous.
Un 2ème infarctus lui serait fatal.
Vous devez absolument lui épargner toute agitation.
Je répète : elle doit éviter tout choc émotionnel.
Tout choc émotionnel.
Bonne chance, l'Allemagne
Il y va de sa vie.
Et ça ?
Oui à l'unité allemande
Ça ne sera pas un choc ?
Ma mère ignore tout de la réunification.
Ici, elle va tout découvrir.
Ta petite-fille.
Que s'est-il passé ?
Tu as perdu connaissance.
Il y a 8 mois.
Il y a 8 mois ?
Je ne me souviens de rien.
C'est normal. Ça va te revenir.
Sois un peu patiente.
Et que m'est-il arrivé ?
C'était en octobre.
Tu voulais faire des courses.
Il y avait une file d'attente devant le magasin,
et il faisait si chaud que tu as perdu connaissance.
En octobre ?
Il a fait particulièrement chaud...
à l'époque.
Et ensuite ?
Tu t'es retrouvée dans le coma.
Je veux rentrer à la maison.
Je te le promets.
On y fêtera ton anniversaire, comme tous les ans.
- C'est du délire ! - On va pas la laisser tomber.
Maman est gravement malade !
Elle est mieux ici. Ils ont tout ce qu'il faut.
Sois réaliste, merde !
Toi aussi ! Elle sera pas toujours en chambre individuelle.
Et si quelqu'un bavarde avec elle ?
Ici, elle découvrira tout tout de suite.
Elle le supportera pas.
Bon, il faut tout vider.
Les rideaux sont à la cave ?
C'est pas sérieux ?
Ils sont vissés !
Bravo !
Il faudra reboucher les trous.
Tu peux me dire ce qu'il compte faire ?
Tu devines pas ?
- Deviner quoi ? - Oui, quoi ?
On va quand même pas mettre maman à la cave !
Pardon, je paye un loyer. Depuis 5 mois !
- Quelle générosité ! - Je paye tout l'appart.
47,80 marks. Même pas une facture de téléphone à l'Ouest !
Ici, t'attends 10 ans pour avoir une ligne !
Maman doit retrouver sa chambre.
Le docteur a dit qu'elle devait rester au lit.
Donc, ça concerne que cette chambre.
Quand elle ira mieux, on verra.
Tu as écouté le docteur ?
Il y a 3 mois, tu voulais débrancher les appareils.
La situation était différente. Tu peux pas comparer !
Tu vas lui dire quoi, Ariane ?
Que tu as arrêté la fac pour vendre des hamburgers ?
"Bon appé*** et merci d'avoir choisi Burger King."
8ème étage ?
- Ascenseur ? - En panne.
- Merde. - Réalsocialisme.
Ma vie changea brusquement.
Et le jour où maman allait rentrer approchait,
aussi inflexible qu'un char russe lancé à toute allure.
Tu fouilles dans mon armoire ?
Ça vient de la collecte de vêtements.
Regarde ta tenue.
Essaie de réfléchir un peu.
Regarde les horreurs qu'on portait.
Signez ici.
La kiné viendra 3 fois par semaine. Des questions ?
Votre mère part sous sa responsabilité.
Vous savez ce que j'en pense.
Où est l'autre médecin ?
Le Dr Wagner est parti à Düsseldorf.
Je vois.
Et vous ? Vous vous tirez quand ?
Et vous me parlez de responsabilité !
Allongez-vous un instant.
Pourquoi ?
Je vous en prie, allongez-vous.
En cas d'arrêt cardiaque,
des petits coups brusques sur la poitrine.
Elle ne doit pas se réveiller.
Bien, chef.
Avec Ariane, on va se relayer. Il y a aussi la kiné.
Elle ne sera jamais seule. On va y arriver.
La plupart des citoyens de R.D.A. ont déjà échangé leurs économies.
Il vous reste 2 semaines.
Dépêchez-vous, car comme disait Gorbatchev...
- Après l'heure... - C'est plus l'heure.
Vous pouvez baisser ? Ma mère a besoin de calme.
Bien, chef.
Tu nous présentes ?
Oui, bien sûr ! C'est Lara.
Bonjour, Lara.
Attendez, je passe devant.
Bonjour, Christiane...
Que se passe-t-il ?
Rien n'a changé, ici.
Pourquoi ça aurait changé ?
Si tu t'ennuies, tu peux écouter des cassettes.
Malheureusement, la radio est cassée.
Mais je la réparerai.
C'est bon de savoir qu'on n'est pas seul.
Autrefois, quand votre père...
quand il est parti...
j'ai cru que je n'y arriverais pas.
Je ne vous l'ai jamais dit.
J'avais même envisagé de me supprimer.
Mais vous êtes venus me voir tous les jours.
Tu me parlais de l'école et de Sigmund Jähn.
Tu t'en souviens ?
Je suis désolée de vous faire tant de travail.
Je peux même pas aller seule aux toilettes !
Ça ne fait rien.
Le plus important est que tu retrouves la santé.
Je vais m'y efforcer.
Tu dois te reposer.
J'ai une course à faire.
Ariane est là.
J'ai envie de cornichons de Spreewald. Tu m'en ramènes ?
Aucun problème, maman.
Du moins, c'est ce que je croyais.
Fin juin 1990, les magasins de notre patrie socialiste se vidèrent.
Et le pays derrière le Mur nous donna de vrais billets.
Alors que les citoyens faisaient patiemment la queue
devant les caisses d'épargne de R.D.A.,
nous cherchions fébrilement le livret d'épargne de maman.
Le D-Mark si désiré de tous inonda notre petite communauté.
L'échange était de 2 contre 1,
et l'Allemagne gagna 1-0.
Incroyable ! L'Allemagne mène
1 à 0 grâce à Lothar Matthäus !
- Du Mocca Fix ? - On fait plus.
Les biscottes Fillinchen ?
- Pareil. - Et les cornichons de Spreewald ?
Hé, gamin, tu vis où ? On est passés au D-Mark,
et tu cherches du Mocca Fix et des Fillinchen !
En une nuit, notre supérette austère
était devenue le paradis de la consommation.
Et le client s'était transformé en roi.
Ils viennent de Hollande.
Bonjour, M. Ganske !
Voilà à quoi ça nous a menés,
on en est réduits à faire les poubelles.
Vous n'auriez pas des cornichons de Spreewald ?
Quoi ?
Des cornichons de Spreewald !
Désolé, jeune homme. Moi aussi, je suis sans emploi !
Un bocal vide fera l'affaire.
J'aimerais présenter Rainer à maman.
Plus ***. Il ne faut pas la fatiguer.
Tu as raison.
Ils avaient plus de cornichons de Spreewald.
Malheureusement.
Ça ne fait rien.
Ceux-là sont bons aussi.
Les enfants, vous n'êtes pas obligés
de vous occuper de moi en permanence.
Ça me gêne.
Non, vraiment.
Si vous mettiez la télé dans ma chambre ?
Pour le reste, je me débrouillerai.
La télé, c'est encore trop fatigant pour toi.
Pourquoi je pourrais pas regarder la télé ?
On demandera au médecin.
Maman, on doit te demander quelque chose.
Ecoute...
On voulait savoir si...
Il nous faut une procuration pour ton compte.
Qu'est-ce qui se passe ?
Vous avez besoin d'argent ?
Non.
Mais tu peux pas te déplacer à la banque.
Alors ce serait plus simple...
si tu signais ce papier.
Oui, et...
le plus tôt sera le mieux.
C'est si urgent ?
Vous me cachez quelque chose.
Vous avez des dettes ?
Fais-nous confiance. C'est très important.
Avant de vous donner tout mon argent,
je veux savoir pourquoi.
D'accord.
Ça devait être une surprise, mais...
on a reçu un avis.
De Zwickau.
- Notre Trabant est prête. - Déjà au bout de 3 ans ?
Mais il nous faut l'argent.
Vous ne croyez quand même pas
que je l'ai placé à la banque ?
Je l'ai caché.
Et où ?
Où ?
J'ai oublié.
J'ai complètement oublié.
Maman, réfléchis.
Papa rentre *** ce soir, vous ne trouvez pas ?
Ce n'est pas si grave.
Bientôt, ça ira mieux.
On va bientôt fêter ton anniversaire.
Comme chaque année.
Avec la communauté des locataires.
On a toujours fêté ton anniversaire.
Maintenant, votre journal, sur la 1ère Chaîne Allemande.
Camarade Ganske regarde la chaîne de l'Ouest ?
Camarade Ganske est tombé amoureux.
Pendant ses vacances en Hongrie. Une retraitée, originaire de Munich.
Son amour pour le parti en a un peu souffert.
Oui.
Tu as fini ?
Désolé, je suis encore en retard.
C'est là-haut.
Il y a même un balcon.
Certains citoyens n'étant jamais revenus
de leurs vacances en Hongrie,
le marché de l'immobilier s'était soudain amélioré.
Des centaines d'appartements vides, où il suffisait d'emménager.
Le type est parti à l'Ouest.
C'est un collègue qui me l'a dit.
Incroyable !
- Incroyable ! - Ça marche !
Des haricots Tempo !
Des petits pois Globus !
Incroyable !
Du Mocca Fix !
J'en ai cherché partout !
Je les garde ?
Je dois partir.
Continue à dormir.
Bonjour, maman.
Bonjour, Alex.
Tu es pressé ?
Oui, je vais travailler.
Tu penseras à la télé ?
On en reparlera.
Et pour mon anniversaire,
invitez Klapprath, et quelques élèves.
D'abord les cornichons, maintenant la télé.
- Qu'est-ce que je fais ? - Houston, on a un problème.
Alors ?
Je pensais que tu aurais une idée.
Non, je te parle de l'image.
- C'est bon ? - Non.
- Ça a pas marché longtemps. - C'est la demi-finale !
Je vais chez les Pollnicks.
C'est ça, vas-y.
Ils viennent de Spreewald ?
Non, de Hollande.
- Montre-lui un vieux truc. - Comment ça ?
Un vieux programme enregistré sur cassette.
Des infos de l'an dernier ? Elle va le remarquer.
C'était toujours le même bla-bla.
Où trouver les cassettes ? J'ai même pas de magnétoscope.
Ça craint.
Alors, le score ?
Franz Beckenbauer, Rudi Völler...
On ne veut pas regarder...
L'Allemagne va en finale !
Alors que l'anniversaire de maman approchait à grands pas,
un petit ballon rond regroupait les efforts des nations divisées
et réunissait ce qui était fait pour être uni.
Moi, je me démenais comme un héros du travail
pour faire renaître dans la chambre de maman
une R.D.A. morcelée de toutes parts.
Les mots croisés sont déjà faits ?
Vierges comme une jeune fille.
Super ! Je les prends tous.
Et ça aussi.
Ils viennent de licencier ma fille. Du jour au lendemain.
"Merci, au revoir."
Alors que pendant 40 ans... quel gâchis !
Ils veulent même supprimer le ballet télévisé.
Toi et ta télé !
Pour en revenir à ma mère...
Le problème, c'est qu'elle ignore tout de la réunification.
Comme je l'envie !
C'est son anniversaire la semaine prochaine.
Elle serait heureuse que vous veniez.
Vous avez bien compris ? Ne faites pas de gaffe.
- Et les 20 marks ? - D'abord le job.
Les premiers invités étaient d'accords.
D'autres devaient encore être convaincus.
Car de nombreux polytechniciens de l'école Seelenbinder
s'étaient retirés.
C'était le cas du Dr Klapprath, autrefois directeur
et enseignant émérite du peuple.
Nous avions tous beaucoup de valeur,
n'est-ce pas, Alex ?
J'admirais ta mère.
Elle était une excellente pédagogue
et une excellente personne.
C'est pour ça qu'on l'a mise au placard.
Certains camarades du collectif la trouvaient...
trop idéaliste.
Depuis que ton père...
Son idéalisme était tout à son honneur, mais...
dans une école...
ça peut poser des problèmes.
Alors vous l'avez renvoyée.
Vous avez une dette envers elle.
Tu es dispatcheur. Tu te rappelleras ?
- Dispatcheur ? A l'Est ? - Evidemment !
Tu organises les achats pour les restaurants des chemins de fer.
Note : tu as fait ta scolarité à l'école Youri Gagarine.
Et chez les Pionniers, tu étais chef de troupe.
- Chef de quoi ? - Chef de troupe.
C'est fini. Je lui mettrai plus de couches en plastique.
Ça va trop loin !
- Ça y est ? - Oui, chef de troupe.
Tiens, 30 émissions de "Caméra actuelle",
10 émissions de "Canal Noir",
"Pot-pourri" et "Quotidien à l'Ouest".
J'ai tout enregistré.
Remercie le centre audiovisuel et le charmant Denis.
Espérons que ça marche.
Tu fais quoi ?
Je t'installe l'antenne de télévision.
Cette coupe du monde est un don du ciel.
Le moment idéal
pour équiper l'Est d'antennes satellites.
Compris ? On en vient à la phase 3...
C'était quoi ?
Aucune idée. Des interférences. Ça arrive.
Mesdames et messieurs, bonsoir.
Votre émission "Caméra Actuelle".
Diffamations contre les frontières de l'état.
Protestations au sein du gouvernement ouest-allemand.
La R.D.A. championne des puces.
Dehors, la vie continue et moi, je me sens tellement inutile.
Si tu mettais un mot en bas, sur le tableau de la communauté ?
Que ceux qui ont des problèmes viennent me voir.
Je peux toujours dicter des réclamations.
Je ne sais pas. Tu ne dois pas trop te fatiguer.
Bonjour.
C'est aujourd'hui ?
Tu veux un petit coup ?
Merde !
Merde, hein ? Merde et merde !
Tu parles d'une merde !
Je suis pas bien.
A l'heure où certains se prenaient déjà pour les maîtres du futur,
le passé résonnait dans la chambre de maman.
Notre patrie,
Ce n'est pas seulement nos villes et nos villages
Notre patrie, C'est aussi les arbres dans la forêt
Notre patrie,
C'est l'herbe dans les prairies,
Les grains dans les champs,
Les oiseaux dans les airs,
Les animaux sur la terre,
Les poissons dans les rivières,
C'est ça notre patrie, Que nous aimons à la folie...
C'était magnifique. Merci.
Merci, les enfants.
Vous avez appris ça avec moi.
Chère Christiane,
nous sommes aujourd'hui réunis ici
en l'honneur de ton anniversaire.
Et je tiens,
au nom du parti,
à t'adresser tous nos meilleurs vœux et...
voici ta corbeille.
C'est pour toi.
C'est gentil à vous. Merci.
Klapprath...
Du vin rouge bulgare, du Mocca Fix Gold,
des petits pois Globus.
Les collègues...
et les camarades...
de l'Ecole Polytechnique Werner Seelenbinder
tiennent à te remercier chaleureusement
pour toutes ces années,
Christiane, pendant lesquelles
tu as été pour eux
une collègue si agréable,
une camarade dévouée et...
Et je te souhaite un joyeux anniversaire.
Reste comme tu es, Christiane.
Chère camarade Kerner...
Je te souhaite tout le bien possible,
une bonne santé,
et que tout redevienne comme avant.
Viens ici.
Je vous présente Lara.
Une élève infirmière qui nous vient d'U.R.S.S.
Son papa donne des cours aux sourds-muets.
Surtout, ne vous mariez pas trop vite.
Même si ça vous permet d'avoir un appartement plus tôt.
Mon Alex peut parfois être une sacrée tête de mule.
Et Rainer...
c'est le nouveau petit ami de ma fille Ariane.
Lui, il...
travaille comme...
Dispatcheur.
Tout à fait, je suis dispatcheur.
Dans mon enfance, j'étais chez les...
Félicitations...
aux Pionniers !
Moi aussi, j'étais Pionnier.
Merci, Rainer.
J'étais chef...
chef de...
- Chef d'équipe. Avant... - Merci !
Toujours là, toujours prêts.
Merci, Rainer !
Un an est passé. Qu'est-ce qui a changé ?
Pas grand-chose.
Paula a des dents et un nouveau papa.
Et moi...
Hélas, nous n'irons pas au Café Moscou
pour trinquer, mais nous sommes tous réunis,
et c'est ça, le plus important.
Malgré des moments difficiles, tu as toujours été là pour nous.
Je ne connais pas de meilleure famille que la nôtre.
Et je tiens à t'en remercier.
Tu es la meilleure mère du monde
et nous t'aimons tous.
Quoi ?
C'est quoi, ça ?
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Qu'est-ce que les camarades ont encore...
Ça vient de l'Ouest, ça.
C'est un mirage ?
Il y a sûrement une explication.
Calme-toi, maman.
Il y a toujours une explication.
Chantez encore quelque chose.
Attends...
"Construisons, construisons."
Qu'est-ce qui te prend ?
Pour un avenir meilleur,
Construisons la patrie...
Ta mère me fait de la peine.
C'est dégueulasse,
ce que tu fais.
Inventer que mon père enseigne aux sourds-muets !
Il était cuisinier et tu le sais.
Mais ça lui a fait plaisir.
J'aurais dû dire qu'il est mort ?
Dans l'état où elle est ?
C'est sûr, elle n'en est plus à un mensonge près.
Longue vie à toi, longue vie à toi !
Recule encore un peu.
Encore un peu.
Attention, on filme !
Vous avez une autorisation ?
On ne vous a pas informé ?
Moi ? Et qui ?
- Son nom commençait... - Par M.
Ou B.
Je vais me renseigner. Attendez avant de filmer.
Tu as le logo ?
L'image est nette ?
- On attend la lumière du soir. - N'abuse pas, il va revenir.
Attends. On va avoir une lumière géniale.
En regardant le ciel ce jour-là, je compris
que la vérité n'était qu'une chose douteuse
que n'importe qui pouvait adapter aux circonstances.
Il suffisait d'adopter le langage de "Caméra Actuelle"
et d'aiguiller Denis, qui rêvait de devenir réalisateur.
Aujourd'hui, le secrétaire du parti à l'économie, Günther Mittag,
a visité l'usine Coca-Cola de Berlin-Ouest.
La visite du camarade était motivée
par les accords passés entre le groupe Coca-Cola
et le groupement d'industries de boissons de Leipzig.
Les vigiles ouest-allemands
ont voulu gêner notre travail.
La censure capitaliste veut à tout prix dissimuler
la défaite du géant Coca-Cola, qui en est réduit à s'associer
avec le combinat de Leipzig.
Laissez la télévision de R.D.A. faire son travail !
J'appelle la police !
L'expertise de scientifiques internationaux
a confirmé à la coopérative que le goût d'origine de Coca-Cola
a été élaboré dans les années 50 par les laboratoires de R.D.A.
Coca-Cola, un produit socialiste ?
Je croyais que Coca-Cola existait avant la guerre.
Tu comprends pas, maman ?
L'Ouest nous entube depuis des années.
Je me rappelle.
Quoi ?
Où j'ai caché l'argent.
Dans le salon.
Dans le tiroir de la petite commode. Sous la toile cirée.
Ceux avec une pastille rouge, dans la rue.
Comment ai-je pu oublier ?
- Je suis là ! - Salut.
Alors ?
Elle a marché ?
- Bien sûr. - C'est vrai ?
- Elle y a vraiment cru ? - Puisque je te le dis.
Voilà à quoi ça nous a menés !
- Bonsoir, M. Ganske. - Ils nous ont trahis...
Elle n'a pas remarqué que c'était flou ?
Quand je pense que pendant 40 ans...
On pourrait monter un vrai studio.
Il suffit d'avoir une Bluebox.
Trahis et vendus !
Mais qu'est-ce que tu fais ?
Qu'est-ce que je dois en faire ?
L'échanger.
Désolé, le délai est passé depuis 2 jours pour l'échange.
- C'est un cas exceptionnel. - On vient de trouver l'argent.
Echangez-le à 4 contre 1 ou à 5 contre 1...
La loi n'a pas prévu de prolongation du délai.
De toute façon, on n'échangeait pas le liquide.
- C'est impossible ! - Il y a sûrement une solution.
Je vous dis qu'il est trop ***.
C'est ce qu'on va voir !
Il s'agit de 30 000 marks !
C'était notre argent pendant 40 ans !
Et tu oses me dire qu'il vaut rien ?
Quittez l'établissement.
Bas les pattes !
Qu'est-ce que vous regardez ?
C'était aussi votre argent !
Me touchez pas !
Bande de salauds !
Ça va pas, la tête ?
Je me sentais comme le commandant d'un sous-marin
de la flotte nordique,
dont l'enveloppe métallique prenait l'eau.
A peine avais-je bouché une fissure qu'une autre apparaissait.
Ariane rompit le pacte de fraternité,
l'ennemi hissa son drapeau Coca-Cola
et un vent d'ouest emportait mes billets est-allemands.
Qu'est-ce qui te prend ?
Crie.
Pourquoi ?
Il faut que tu décompresses.
Que tu ouvres les vannes ! Vas-y, crie !
L'été 1990, l'équipe nationale allemande se surpassa
en devenant championne du monde de football.
Et maman allait de mieux en mieux.
"Le pull étiqueté taille 48 a la largeur d'une taille 54
"et la longueur d'une taille 38." Point.
"Où les employés de Milena sont-ils allés chercher ces dimensions ?
"Personne n'est aussi petit et carré dans la capitale."
Christiane, c'est génial !
"Si c'est de notre faute...
"Si c'est de notre faute,
"si nos mensurations ne conviennent pas
"aux productions planifiées,
"nous nous en excusons. Point.
"Dans ce cas,
"nous nous efforcerons,
"à l'avenir, de devenir plus petits et plus carrés."
Point.
"Avec mes salutations socialistes."
"Hanna Schäfer."
Bonjour, Mme Schäfer.
C'est si agréable de discuter avec ta mère !
On a l'impression que tout est comme avant.
Je l'envoie aujourd'hui à la société de vente par correspondance.
Notre patrie, c'est aussi les arbres dans la forêt...
Tu vois, j'ai de la visite. Deux de mes anciens élèves.
Mme Kerner doit se reposer maintenant.
- Au revoir. - Mais pourquoi ?
Dehors, et ne revenez plus !
- Et les 20 marks ? - Quels 20 marks ?
Sacha nous a dit que nous gagnerions 20 marks.
- Bonjour, M. Mehlert. - Bonjour, Alex.
Votre grille-pain vous a lâché ? Maman s'en fera une joie.
Dehors.
Et dites à vos copains que je ne veux plus voir un Pionnier ici.
A vos ordres, chef.
Tu es complètement taré !
Tu peux pas les laisser entrer comme ça !
Pourquoi pas ? Ça lui a fait plaisir.
Avec vous, les Ossis, on a toujours tort.
Vous râ*** tout le temps.
Tu es comme ta mère, avec ses réclamations débiles.
Ma mère ne râle pas. Elle essaie,
grâce à des critiques constructives,
de changer les rapports sociaux.
Mais ça vous a jamais intéressé.
Tu as remarqué ? Ici, c'est le club des vétérans socialistes.
Bonsoir.
Tu veux pas adhérer au club ?
Oui, on va faire payer.
Toi, ferme-la. Il s'est acheté une Trabi.
- C'est vrai ? - Un break.
J'y crois pas ! Ça va finir par déteindre sur Paula.
Je t'en prie,
20 ans de R.D.A. n'ont pas nui à notre santé.
Dans ton cas, j'en doute.
Merde.
Un torchon.
Qu'est-ce que tu as ?
Tu saignes encore du nez ?
Je sais, tout ça, c'est un peu stressant.
Je préférerais aussi qu'on...
J'ai vu papa,
tout à l'heure.
Où ?
A mon travail.
J'ai tout de suite reconnu sa voix.
Qu'est-ce qu'il a dit ?
3 Cheeseburger et 2 Frites avec mayonnaise.
3 Cheeseburger, 2 Frites avec mayonnaise.
Il ressemble à quoi ?
Il conduit une grosse Volvo
et porte des lunettes avec une monture dorée.
Qu'est-ce que tu lui as dit ?
Bon appé*** et merci d'avoir choisi Burger King.
Bon appé***
et merci d'avoir choisi Burger King.
Mon père vivait quelque part dans cette ville.
Je me l'imaginais :
un gros plein de soupe qui se gavait de Cheeseburger et de frites.
Il vivait dans son monde et moi, dans le mien.
Il n'avait rien de commun avec moi, ni moi avec lui.
Tiens-toi tranquille,
sinon, ça marche pas.
Ça va durer encore longtemps ?
Il faut que je sois à la maison dans 2 heures.
Tu dois toujours être quelque part dans 2 heures.
Ça commence à m'agacer.
Génial !
J'ai une mère malade, un boulot crevant et une copine vexée.
Mon examen est dans 2 jours.
Tu fais ça les doigts dans le nez. C'est juste un peu de plâtre.
Dans ce cas, je peux arrêter les études.
Je disais pas ça méchamment.
Je crois en toi, c'est tout.
Lara, arrête ce cirque maintenant !
- Tu dois le dire à ta mère ! - Quoi ?
Dis-le à ta mère !
Pas pour moi, mais pour elle !
Quoi ?
Merde !
La vie dans notre petit pays ne cessait de s'accélérer.
Nous étions comme des petites particules
dans un immense cyclotron.
Loin de l'agitation du nouveau monde, il y avait un havre de paix,
de calme et de tranquillité,
dans lequel je pouvais enfin me reposer.
Regarde, Paula.
Avant, notre Alex n'était pas si fatigué quand il rentrait du travail.
Notre Paula fait ses premiers pas, Alex !
Tu vois, j'y arrive aussi.
Tu as vu ?
Ma petite Paula.
Viens voir mamie. Allez, viens.
On va montrer
à Alex ce qu'on sait faire. Viens...
On va voir jusqu'où mamie peut aller.
Jeune homme,
je peux m'asseoir un peu ?
Bien sûr !
- Vous, vous n'êtes pas d'ici. - Non, de Wuppertal.
De l'Ouest ?
Maman, qu'est-ce que tu fais ?
Qu'est-ce qui t'a pris ? Tu peux pas te lever comme ça.
Merde !
Qu'est-ce qui se passe, ici ?
Ici le comité central
du parti socialiste est-allemand.
Le son est O.K.
- Je suis prêt. - La caméra tourne.
Berlin.
Ça tourne toujours.
Berlin.
Lors d'une séance extraordinaire du comité central du S.E.D.,
le secrétaire général du parti et chef de l'état est-allemand,
Erich Honecker,
a accepté d'accueillir les citoyens ouest-allemands
qui s'étaient réfugiés depuis 2 mois dans les ambassades est-allemandes
de Prague et de Budapest.
Honecker espère ainsi
une amélioration des relations Est-Ouest.
Il a promis à tout nouvel arrivant un chèque de bienvenue de 200 marks.
Le chômage, le manque de perspectives
et le succès sans cesse croissant des républicains néonazis
poussent en effet, depuis quelques mois,
les citoyens de R.F.A. à tourner le dos au capitalisme
et à venir tenter leur chance
au pays des travailleurs et des paysans.
On voit partout des voitures des nouveaux citoyens venus de R.F.A.
Les demandeurs d'asile ouest-allemands ont été relogés
dans le centre de Berlin-Est.
Compte tenu de la situation, le comité central du parti a instauré
le plan "Solidarité pour l'Ouest", afin de garantir
des logements à nos nouveaux concitoyens.
En quelque sorte, mon jeu acquérait sa propre dynamique.
La R.D.A. que j'inventais pour ma mère
devenait peu à peu la R.D.A. dont j'aurais rêvé.
Que les citoyens qui sont prêts à héberger un réfugié de R.F.A.
se présentent à la mairie dont ils dépendent.
Il y en a combien déjà ?
Aucune idée. 10 ou 20 000.
Regardez-moi ça, les gens veulent venir chez nous.
Où vont-ils habiter ?
Ils ont dit qu'ils trouveraient une solution.
Il faut qu'on y mette du nôtre.
On doit les aider.
De quelle façon ?
On n'a plus de place, ici.
Dans notre datcha.
Dans notre datcha ?
On pourrait la remettre en état.
Je voulais y aller, de toute façon.
Félicitations ! Tu as encore bien joué.
Voilà qu'elle veut aller à la datcha.
Tu vas devoir décorer toute la ville.
Commence tout de suite.
Mais je te préviens, ce sera sans moi.
On cherche un appartement.
Dans un mois, on sera partis d'ici.
Comment ça ?
Je suis enceinte.
Encore ?
Vous pouviez pas faire attention ?
Paula ne vous suffit pas ?
Vous allez pas me laisser seul avec maman !
Tu n'as qu'à héberger des réfugiés de R.F.A.
Ce que tu es cynique !
Tu préférerais qu'elle meure.
Une fois de plus,
notre famille avait mis en pratique la réunification.
Voilà votre enfant.
Et voilà son cœur.
C'est dingue !
Un bébé de la réunification était en route...
et partout, des contrats scellaient l'unité allemande.
A Moscou, on calculait que 4 + 2 = 1,
et on levait son verre à la fraternité allemande.
Nous entreprîmes notre premier trajet
dans l'Allemagne réunifiée.
Je ne suis plus une gamine. Enlevez-moi ce bandeau.
Ne triche pas !
Où est-ce qu'on va ?
C'est une surprise.
La Trabi sent encore le neuf. De quelle couleur est-elle ?
Tu as attendu 3 ans, tu n'en es plus à 1/2 h près.
C'est vrai.
Qu'elle est belle !
Bleue comme le ciel.
Maintenant, retourne-toi.
Notre jardin !
Tu te souviens qu'Alex s'était enfermé aux toilettes ?
Pendant une éternité, on a frappé à la porte.
J'étais sorti par un trou dans le toit.
Et perché sur un arbre, j'observais l'agitation.
J'en avais fait pipi dans ma culotte.
Qu'est-ce qui s'est passé pendant mes 8 mois de coma ?
Elle dort ?
Vous avez mûri, ça doit être ça.
Tu ressembles de plus en plus à ton père.
Je vous ai menti. Tout est différent de ce que vous croyez.
Qu'est-ce que tu racontes ?
Votre père...
Votre père n'est pas resté à l'Ouest à cause d'une autre femme.
C'était un mensonge.
Et quand je vous disais qu'il ne s'est jamais manifesté,
je mentais aussi.
Il m'a écrit des lettres. A vous aussi.
Je les ai cachées dans le placard de la cuisine.
Ils lui ont rendu la vie si difficile.
Tout ça parce qu'il n'avait pas sa carte du parti. C'était terrible.
Il ne laissait rien transparaître,
mais je le savais.
Je le savais, et je ne pouvais pas l'aider.
Et puis un jour, il y a eu ce congrès à Berlin-Ouest.
Nous n'avions que deux jours pour réfléchir.
Votre père voulait rester à l'Ouest et moi,
je devais le rejoindre avec vous.
Et... Je n'en ai pas eu le courage.
J'avais terriblement peur.
Vous ne savez pas ce que c'est,
on ne quitte pas le territoire comme ça, avec 2 enfants.
On doit attendre une éternité.
Parfois des années.
Et vous...
Ils auraient pu me retirer votre garde.
Je ne suis pas partie.
Ce fut la plus grosse erreur de ma vie.
Maintenant, je le sais.
Je vous ai menti.
Je vous demande de m'excuser.
Mon cher Robert...
J'ai pensé à toi si souvent.
Et j'aimerais tellement te revoir.
Ce soir-là, la santé de maman se dégrada.
Ce que je craignais est arrivé. Votre mère a eu un 2ème infarctus.
Pour le moment, son état est stationnaire.
Mais je crains
que nous ne devions nous attendre au pire. Je suis désolé.
- Les médecins peuvent se tromper. - Ne te fais pas d'illusions.
Tiens, je les ai trouvées.
Il habite à Wannsee.
C'est la dernière volonté de maman,
mais je ne tiens pas à aller chez lui.
Maman ne va pas mourir.
Salut.
Maintenant, vous pouvez héberger quelqu'un.
Héberger qui ?
Quelqu'un de l'Ouest.
Il faut que tu dormes.
Si tu veux, tu peux t'allonger dans la salle des infirmières.
C'était lui. L'idole de ma jeunesse.
Tel un esprit tout droit sorti de mon enfance.
Sigmund Jähn.
Il ne signait pas d'autographes.
Ne parlait pas avec les Pionniers des secrets de l'univers,
de la liberté dans l'apesanteur ou de l'infinité du cosmos.
Il n'était qu'un chauffeur de taxi.
Vous allez où ?
- A Wannsee. - Je sais ce que vous pensez.
Ça arrive souvent. Mais je ne suis pas Sigmund Jähn.
Nous volâmes dans la nuit
comme dans l'immensité du cosmos,
à des années-lumière de notre système solaire,
frôlant des galaxies peuplées de formes de vie inconnues,
avant d'atterrir à Wannsee.
Vous pouvez attendre un moment ?
Ça ne sera pas long.
- Bonsoir. - Salut.
Entre.
M. Kerner est-il là ?
- Le buffet est dehors. - C'est par là.
Je peux regarder avec vous ?
Si tu dis comment tu t'appelles.
Alexander.
Le Petit Marchand de Sable est astronaute, aujourd'hui.
Là où j'habite, on dit cosmonaute.
- Et tu habites où ? - Dans un autre pays.
Alors, mes chéris ?
Comment ça va ?
Vous êtes aussi un fan du Petit Marchand de Sable ?
Oui.
Excusez-moi, on se connaît ?
Oui, on se connaît.
Ça ne me revient pas. Aidez-moi.
Il s'appelle Alexander.
Tout le monde t'attend !
Allez, viens.
On sait que dans de telles circonstances,
tu aimes te cacher aux toilettes.
Papa, ils attendent ton discours.
Sors de là, maintenant, Robert.
Je reviens tout de suite.
Le voilà !
Tu nous as fait languir. Maintenant, monte sur le podium.
Je vous remercie tous d'être venus.
Merci beaucoup et...
amusez-vous bien. Merci.
Désolé qu'il y ait cette fête ici, aujourd'hui.
Si j'avais su que tu venais...
C'est drôle, je m'imaginais que tu avais une piscine.
Il y a un lac près d'ici.
Dire que je ne t'ai même pas reconnu !
Maintenant, j'ai 2 nouveaux frère et sœur.
Pendant 3 ans, j'ai attendu chaque jour de vos nouvelles.
Chaque jour.
Je n'ai jamais rien autant désiré.
Pourquoi es-tu venu ?
Maman va mourir.
Elle a eu un infarctus.
Elle voudrait te revoir.
C'était comment, là-haut ?
Là-haut ?
Ah... là-haut !
C'était fantastique,
mais très loin d'ici.
Le Mur n'est plus là. Il n'y a plus de frontières...
Non, ce n'est pas si grave. Ça ne fait plus qu'un pays.
Je ne comprends rien. Tout ça est faux.
C'est pour ça que tu dois jouer le jeu.
Et pourquoi suis-je revenu en R.D.A. ?
Je ne sais pas, trouve quelque chose.
Non, c'est absurde. Je ne peux pas !
C'est facile, il suffit de se jeter à l'eau.
On va voir mamie.
Je veux me lever.
J'ai quelle tête ?
Tu peux y aller.
Et rappelle-toi, pas un mot !
De quoi avez-vous parlé ?
C'est important ?
Ça fait combien de temps qu'il est avec elle ?
Plus d'une heure.
J'espère qu'il va pas vendre la mèche.
L'été était fini.
Je décidai de mettre fin à ce véritable cauchemar.
Je voulais fêter une dernière fois l'anniversaire
de notre patrie socialiste.
Mais, contrairement à la réalité, avec beaucoup de dignité.
Ça tourne. A trois, on y va.
"Chères citoyennes,
"chers citoyens de R.D.A.
"Lorsqu'on a eu la chance miraculeuse
"d'observer notre planète bleue en direct du cosmos..."
Comme cette date n'évoquait rien pour maman,
nous célébrâmes l'anniversaire de la R.D.A.
non pas le 7 octobre 1990, mais le 2 octobre,
la veille de la réunification.
Alors ?
Mon meilleur film jusqu'à ce jour.
Dommage que ta mère soit la seule à le voir.
- Merci, Denis. Sans toi... - Allez, c'est bon.
File, avant de tomber dans le mélo.
Tu me raconteras !
En ce jour d'anniversaire de la R.D.A.,
Erich Honecker a démissionné de toutes ses fonctions.
Quoi ?
Chers amis du monde entier, soyez assurés
que le socialisme...
Lors de l'ouverture des festivités dans le Palais de la République,
Honecker a rappelé que les changements
intervenus ces derniers mois en R.D.A.
mettent dignement fin à l'œuvre politique de sa vie.
Erich Honecker a félicité le nouveau secrétaire du parti
et président du conseil d'état, Sigmund Jähn.
Quoi ? Jähn ?
En 1978, Sigmund Jähn
fut le 1er Allemand à voyager dans l'espace.
Le nouveau chef d'état s'est adressé le soir même
au peuple est-allemand.
Chères concitoyennes,
chers concitoyens de R.D.A.
Lorsqu'on a eu la chance miraculeuse d'observer notre planète bleue
en direct du cosmos,
on voit les choses différemment.
Là-haut, du fin fond de l'univers,
la vie sur Terre vous semble totalement insignifiante.
On se demande ce que l'humanité a accompli,
quels objectifs elle s'est fixés et lesquels elle a atteints.
Aujourd'hui, notre pays a un an de plus.
Vu du cosmos, c'est un tout petit pays
et pourtant, des milliers de gens y ont immigré cette année.
Ceux que nous voyions comme nos ennemis
veulent désormais vivre avec nous.
Nous savons que notre pays n'est pas parfait.
Mais ce en quoi nous croyons a toujours passionné le monde entier.
Nos objectifs nous ont peut-être parfois échappé,
mais nous avons réfléchi.
Le socialisme, ce n'est pas s'emmurer.
Le socialisme, c'est aller vers les autres,
vivre avec les autres.
Pas seulement rêver d'un monde meilleur, mais le rendre réel.
Ainsi, j'ai décidé d'ouvrir les frontières de la R.D.A.
Dès l'ouverture du Mur, des milliers d'Allemands de l'Ouest
se sont précipités pour faire leurs premiers pas en R.D.A.
Beaucoup veulent rester.
Ils cherchent une alternative à la dure loi du système capitaliste.
C'est merveilleux.
Tous ne veulent pas faire carrière et consommer à outrance.
Tous ne sont pas faits pour une société de compétition.
Ils veulent une autre vie. Ils réalisent que les voitures
et les téléviseurs ne sont pas tout.
Ils sont pleins de bonne volonté
et d'espoir pour se construire un nouvel avenir.
C'est de la folie !
Ma mère a survécu 3 jours à la nouvelle R.D.A.
Il était sûrement préférable qu'elle n'ait jamais su la vérité.
Elle est morte heureuse.
Elle a souhaité que nous dispersions ses cendres dans le vent.
C'est interdit, en Allemagne. A l'Ouest comme à l'Est.
Mais ça nous était égal.
Elle flotte quelque part là-haut et nous regarde peut-être,
nous, de minuscules points sur notre petite Terre.
Exactement comme Sigmund Jähn autrefois.
Le pays que ma mère a quitté était un pays auquel elle croyait.
Et dans lequel nous lui avons permis de survivre jusqu'au bout.
Un pays qui n'a jamais vraiment existé sous cette forme.
Un pays qui, dans mon souvenir, sera toujours lié avec ma mère.
Traduction : Carole Formont
Sous-titrage : Éclair Vidéo