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Alors, tu ne pouvais pas te décider ? Sans faire tant d'histoire ?
Ça aurait été mieux pour toi.
Il a finalement craché le morceau. Donne-lui du café.
Allons, ne t'inquiètes pas.
Allez, bois un coup, ça va te remettre.
Allez, ne te fais pas de bile, mon vieux, tiens.
- Fixe. - Repos.
C'est vrai ?
On dirait que oui. 3, Rue des Abderames.
Il faut l'habiller.
Allons, du cran,
c'est fini, maintenant il ne peut plus rien t'arriver, encore un petit effort.
Est-ce que tu peux te tenir debout ?
Laissez-le.
Tiens, mets ça.
Ça t'ira très bien.
Maintenant on va aller à la Casbah et avec ça
ils ne pourront pas te reconnaître. Tu as compris ?
Tu vas nous indiquer l'endroit où se cache Ali la Pointe,
après tu seras libre.
Donnez-lui une casquette et habillez-le.
Intégration !
Allons, allons, ne fais pas l'idiot, Laglois.
Allons-y.
Non !
Tu va rester tranquille. Tu veux qu'on recommence ?
Allons, fais pas le zouave, un peu de courage.
Ali la Pointe, la maison est cernée, il n'y a plus rien à faire.
Rends-toi. Fais d'abord sortir l'enfant et la femme,
ensuite l'homme qui est avec toi et après tu sortiras.
Laissez les armes surplace.
Fais pas le con, Ali T'es foutu.
Tu es sous le feu des mitraillettes, tu as aucune chance. Tu as pigé ?
Ali, tu m'entends ?
Écoute bien, tu es le dernier,
il n'y a plus rien à faire, l'organisation n'existe plus :
ils sont tous morts ou en prison;
si tu sorts maintenant tu auras un procès régulier.
Ali, décide-toi.
Front de Libération Nationale. Communiqué numéro 1.
Peuple algérien, notre action est dirigée contre le colonialisme,
le but est l'indépendance nationale avec la restauration de l'état algérien,
dans le cadre des principes islamiques
et le respect de toutes les libertés fondamentales
sans distinction de race ni de religion.
Aux autorités françaises, pour limiter les pertes en vies humaines,
nous proposons une honorable plate-forme de discussion
pourvu le droit à notre peuple de disposer de lui-même.
Algérien, notre devoir est de sauver ton Pays et de lui rendre la liberté.
Sa victoire sera la tienne.
En avant frères, unissez-vous.
Le Front de Libération Nationale vous appelle à la lutte.
Approchez, messieurs, dames, à vous de jouer,
allez messieurs, dames, approchez.
Celle-ci ne gagne pas et celle-la non plus; celle-la ne gagne pas.
Celle-ci gagne, celle-la gagne : l'as.
Celle-ci et celle-ci ne gagnent pas, toujours sur l'as.
Allez messieurs, dames, approchez, à vous de jouer.
- Mille francs. - Remisez, si vous voulez madame.
À vous de jouer.
Approchez, misez gros, gagnez gros.
Toujours sur l'as. Approchez messieurs, dames,
approchez, toujours sur l'as. Celle-ci ne gagne pas et celle-ci ne gagne pas.
Il est toujours là.
- Il est bien pressé, celui-là. - Vas-y, arrête-le.
Fous-lui un coup de poing dans la tête, le salaud de bicot là.
Mais arrêtez. Mais vous voulez arrêter ?
Tu viens toujours ici nous casser les pieds !
Sale bâ*** !
- Mais vous nous enquiquinez, là ! - Salaud !
Omar Ali, dit Ali la Pointe,
né le 15 janvier 1930 à Miliana.
Analphabète.
Profession : manœuvre, maçon, boxeur, actuellement sans travail.
Situation militaire insoumis.
1942, Tribunal pour mineurs d'Alger,
un an de maison de redressement pour actes de vandalisme.
1944, Tribunal pour mineurs d'Oran,
deux ans de maison de redressement pour cause de désordre public.
1949, Tribunal d'Alger
condamnation à huit ans de prison
pour outrage à agent dans l'exercice de ses fonctions.
Un, deux, trois.
- Repointe. - Merci.
Allez, distribue les cartes.
Vive l'Algérie ! Vive l'Algérie !
Vive l'Algérie !
Criez avec nous, mes frères, c'est un des nôtres qu'ils veulent tuer.
Le voilà. Taisez-vous !
Cinq mois après
Va-t'en.
Les hommes ont deux visages : l'un qui rit et l'autre qui pleure.
- C'est toi qu'on a envoyé ? - Oui, c'est moi qu'on a envoyé.
Tiens.
Arrête, viens, viens ici.
- Tu sais lire ? - Je sais.
Lis.
Il y a un café maure, Rue Randon dans la Casbah,
le propriétaire s'appelle Madjebri : c'est un indicateur de la police.
Tous les jours, à cinq heures précises,
un agent de police vient le voir, il reste quelques minutes,
le temps de changer quelques mots,
sous prétexte de boire une tasse de café, après quoi il sort.
- Tu dois tuer l'agent. - Pas Madjebri ?
- Non, il y a écrit le policier. - D'accord.
Tu ne peux pas te tromper.
Tout près du café maure il y aura une jeune fille avec un panier.
Vous suivrez l'agent ensemble.
Au moment opportun elle te donnera le revolver :
tu dois seulement tirer.
Laisse-moi.
Regardez, frères.
Alors, ça va ? Tu as le trouille.
Regardez frères ce que l'organisation fait à ce salaud,
regardez comment il tremble à la vue d'une arme.
- Tu m'as trahi, chienne ! - Fais attention, la police.
Je voudrais que tu m'expliques ce que c'est cette blague.
Je voudrais que maintenant on nous attrape pas.
Je veux savoir qui t'a envoyée, son nom, mène-moi chez lui.
- Il t'attend. - Où ?
On va y aller, si on ne nous arrête pas.
Allez, passe avant moi, je te suis.
Admettons que tu sois un espion : il aurait fallu te mettre à l'épreuve.
- Le revolver n'était pas chargé. - Je t'expliquerai après
Et si tu étais vraiment un mouchard,
en prison, lorsque l'organisation t'a contacté,
tu aurais fait en sorte d'être d'accord avec les frères
et après les français te font fuir.
Ils me font fuir et ils me tirent dessus ?
Ils tirent le vide,
tu t'en sors, tu te rends sur le lieu indiqué par les frères en prison
et tu rejoins l'organisation pour la saboter.
- Et toi, qui es-tu ? - Je m'appelle Kader, Saari Kader.
Pour recruter une personne dans l'organisation,
il faudrait qu'elle fasse un attentat. Si je t'avais dit de tuer le cafetier,
qui est algérien, les autres t'auraient laissé exécuter cette personne
même si c'était un de leurs indicateurs, tu as compris, Ali ?
Si au contraire je t'avais ordonné de tuer le policier,
les autres ne t'auraient jamais donné l'occasion de le tuer.
Et pour conclure, si tu étais vraiment des leurs,
tu n'aurais commis l'attentat.
- Mais, je ne l'ai pas commis. - Non, tu ne l'as pas commis.
Le principal pour nous est que tu étais d'accord avec nous pour l'exécuter.
Le principal est que j'ai failli être tué.
N'en parlons plus.
- Je t'avais dit de tirer dans le dos. - Ça jamais.
Alors, tu te plains pas.
Je te prie de m'expliquer pourquoi tu n'as pas voulu que je le tue.
Parce que nous ne sommes pas encore prêts :
il nous faudrait avant tout trouver des lieux sûrs pour nous réfugier.
Il y a la Casbah bien sûr,
mais il y a encore beaucoup de carence :
des alcooliques, des gens sans scrupules,
des gens qui ne pensent qu'à eux, des êtres sans confiance,
qui parlent trop, des fanfarons, qui n'ont aucun idéal.
Il faudrait ou les éduquer ou les éliminer.
Il faut avant tout organiser le pays et combattre ce grand mal,
après ça nous pourrons affronter nos vrais ennemis. Tu m'as compris ?
Avril 1956
Front de Libération Nationale. Communiqué numéro 24.
Peuple algérien, l'administration coloniale
n'est pas seulement responsable de la misère de notre peuple
et de son esclavage, mais aussi de l'abrutissement, de la corruption
et des vices dégradants de beaucoup des nos frères et sœurs
qui ont oublié leur propre dignité.
Le Front de Libération Nationale
engage une action pour extirper tous ces fléaux
et appelle toute la population à l'aider par son concours,
car c'est une condition première pour obtenir l'indépendance.
À partir de ce jour les autorités clandestines du FLN
assument la responsabilité de la santé physique et morale de peuple algérien
et décident en conséquence. Sont interdits :
la consommation et la vente de tous types de drogues
et de boisons alcoolisées. Sont interdits :
la prostitution et le proxénétisme.
Les contrevenants seront punis,
les récidivistes seront punis de la peine de mort.
Ivrogne, ivrogne, ivrogne...
Tu ne sais pas que le Kif est interdit ?
- Pourquoi ? - Gare à toi si tu recommences.
Tu n'as pas vu Hacène le Blidéa ? Dites-lui que je le cherche.
- Tu n'as pas vu Hacène ? - Eh, non.
Vous n'avez pas vu Hacène le Blidéa ?
Dites-lui que je le cherche.
- Ali, d'où viens-tu comme ça ? - Hacène le Blidéa est là ?
Non, il est parti ce matin de très bonne heure.
- As-tu besoin de quelque chose ? - Je le cherche.
Si tu le vois dis-lui que j'ai besoin de lui.
- Ali, salut. - Arrête Hacène.
Et ne bouges pas.
Tu sais bien que je n'ai jamais d'armes.
- Je t'ai dit de ne pas bouger. - Qu'est-ce qu'il y a ?
- De quoi as-tu peur ? - Arrête Hacène.
Dis-moi ce qui se passe.
Il n'y a rien entre nous je pense, on est des amis, frère Ali.
Tu as tout oublié ?
- On était des amis. - C'est vrai.
Pourquoi frère Ali ?
- L'organisation t'a condamné à mort. - Je comprends où tu es maintenant.
C'est à crever de rire.
- Combien ils t'ont payé pour me tuer ? - Je ne suis pas payé !
On t'a averti deux fois et cette fois c'est la dernière. À toi de décider.
Comment ? Qu'est-ce que je devrais décider ?
Tu dois changer ton métier et vite !
Bon. Essaye de me convaincre, Ali
Arrêtez ! Regardez-le bien, dorénavant tout va changer dans la Casbah.
Nous allons nettoyer la ville de cette sorte de pourriture.
Allez, foutez le camp.
Filez, et attention à vous.
10 Juin 1956
Vous surveillez l'entrée.
Bonjour à tous, salut à vous.
Merci à tous.
- Comment ça va, Chiek ? - Ça va, merci.
Installez-vous.
Maintenant, rapidement les formalités, et vous savez bien pourquoi.
Mais viendra le jour où nos mariages
se feront dans la joie à la lumière du soleil.
Certainement il est triste, dans un jour comme celui-ci,
ne pas voir toutes les gens du quartier fêter vos enfants.
Mais avoir abandonné les bureaux de l'administration coloniale française
pour se faire marier
par un représentant de l'autorité clandestine du FLN.
C'est un geste conscient,
un vrai geste de guerre.
Et maintenant, Mahmud et Fathia.
L'époux et l'épouse sont priés de s'approcher.
Signez, s'il vous plaît.
Je vous remercie, à vous maintenant.
Très bien.
Au nom du FLN je vous présente nos vœux les plus sincères.
Installez-vous, je vous en prie.
20 Juin 1956, 10:32
Venez par ici.
Mais qu'est-ce qu'il passe ?
Venez par ici.
Dis donc Antoine.
Emmène ces gens là chez le commissaire.
Venez.
Oui monsieur, mais ils n'ont pas obtenu le mandat de perquisition.
Rue d'Ysly.
Ils les ont suivis jusqu'à un certain endroit
et puis ils les ont perdus de vue.
Si, si, monsieur.
Mais ça dépend de votre commissariat.
Non, non, ça ne relève pas de leurs attributions.
Dans la Rue Marengo ? Il y a quelques suspects.
Non.
Dans le parquet existe d'abord une demande officielle.
Oui, oui monsieur, oui monsieur.
Mais je n'ai pas assez d'hommes.
Je comprends.
Si vous pouviez...
Mais le préfet ne peut pas... mais vous vous ne pourriez pas...
Bon, d'accord.
Alors ça va, qu'ils nous fusillent tous !
Bon.
15 heures
tentative d'homicide volontaire contre une patrouille du 3ème RPC.
Lieu : Rue Lanciani. Arme : Revolver 7,65.
16 heures, attaque d'une patrouille de gardes territoriaux
au carrefour de la Rue Consulaire et de l'Avenue Général Laquière.
Pour Paris la solution c'est de quadriller Alger;
renforcer les postes de polices boucler les rues, tout ça j'y crois pas.
Alors Corbière, où étions-nous restés ?
Eh, carrefour de la Rue Consulaire et de l'Avenue du Général Laquière.
Le gouverneur général de l'Algérie décrète :
article 1 : la vente des produits pharmaceutiques
destinés aux traitements des blessures dues aux armes à feu
ne peut être effectuée qu'aux seules personnes
munies d'une autorisation de la Préfecture.
Article 2 : tous les responsables d'établissements sanitaires
sont tenus à fournir aux autorités de police
une déclaration d'hospitalisation et des soins médicaux
pour tous les blessés admis dans leurs établissements.
La Préfecture d'Alger, communique :
au cours de ces derniers jours des dizaines et des dizaines d'attentats
ont étés commis dans la ville,
des preuves formelles permettent de retenir
que les auteurs provenaient de quartiers musulmans,
et qu'à chaque fois ils ont pu trouver refuge rapidement et sans difficultés
dans les ruelles de ces quartiers; en conséquence,
pour remédier sur-le-champ à l'insécurité qui règne dans la ville,
le préfet d'Alger a pris la décision de faire boucler tous les quartiers arabes.
Des barrages militaires permanents en contrôleront les voies d'accès;
les civils présenteront leurs pièces d'identité
et seront éventuellement fouillés.
Pousse-toi.
De toute manière fallait pas le prendre au sérieux.
- Mais avec lui on ne sait jamais. - D'ailleurs il n'y avait rien.
Pas encore rejoints la caserne.
Non, il me reste deux jours de permis.
Salut !
Ne me touche pas ! Ne me touche pas, je te dis, enlève tes mains !
Elle n'a pas de papiers.
Tu sais pas qu'il faut jamais toucher à une de leurs femmes.
20 Juillet 1956, 11:20
Que-ce que tu fais là ? Et où ce que tu vas ?
Je vais à la plage me baigner, mes amis m'attendent.
- Tu es encore là ? - Et oui, c'est mon chemin.
Approche ici.
Allez, fous-moi le camp !
Vous deux par-là ! Et vous par ici !
C'est toujours la même histoire, et c'est la faute du gouvernement.
Tant qu'il ne sera pas plus énergique, ce sera toujours la pagaille.
Il faut tous les tuer ces salopards,
qu'il en reste plus et on sera tranquille !
Le voilà ! Je suis sûre que c'est lui !
- Où ça ? - Là en bas ! Regardez !
Assassin ! Assassin !
Tu es une sale tête et fais la gale.
Où est-ce que tu vas comme ça ?
- Espèce de sale raton ! - Il faut pas le laisser s'échapper !
Ils sont tous pareils !
Arrêtez-le ! Arrêtez-le !
Arrêtez-le ! Arrêtez-le ! C'est lui, là bas !
Auteur Laknan Abdalah :
manœuvre, marié, trois enfants.
Adresse : 8 Rue de Thèbes. Terminé.
Alors, ça en fait combien aujourd'hui ?
Sept attentats, trois morts.
Voici pour monsieur le préfet, pour le service de presse,
pour les archives et pour vous.
- Bon ! Merci. Bonsoir Corbière - Bonsoir, monsieur le commissaire.
Dis donc, Corbière,
la Rue de Thèbes, c'est où ?
Rue de Thèbes ? Dans la haute Casbah je crois.
- Bonsoir maman. - Bonsoir maman.
Bonsoir les enfants.
Fathma, mais que font-ils encore debout à cette heure ci ?
Ils se vont coucher tout de suite, madame.
- Bernadette. - Oui ?
- Tu sais, on va s'en aller nous aussi. - Oh, mais vous avez le temps.
Oh, ce que vous pouvez être embêtants avec votre club.
- Vous voulez vraiment partir ? - Oui, oui, ne perdons pas du temps.
Vous allez prendre encore un verre avant de partir.
Oui, moi je prendrai bien encore un verre.
Non, non, désolé, nous sommes en retard.
Allons, allons.
- Au revoir, Robert. - Au revoir tout le monde et merci.
- Allez les gars dépêchez-vous un peu. - Au revoir, Lucien.
- Et ne retenez pas Henry trop ***. - Au revoir.
- Au revoir, Jeannot. - Au revoir.
Toi, monte derrière.
Halte !
- Bonsoir, monsieur. - Bonsoir, est-ce qu'on peut passer ?
Trop ***.
Le couvre-feu a déjà commencé.
Laisse-le passer, il est avec moi.
Bien, monsieur le commissaire,
- vous pouvez passer. - Merci. Vas-y, Henry.
Ali ! Ali !
Ali !
Ali ! Ali ! Ali !
- Ça va, monsieur ? - Ça va.
Non ? Écoute,
je prendrai mon fils avec moi, n'ayez pas peur je me débrouillerai bien.
Alors écoute, toi, tu passeras par le post de bloc de la Rue du Divan
là bas la sortie est facile et ensuite tu rejoindras les autres.
Air France, Mauretania.
Cafétéria, Rue Michelet.
Milk Bar, Rue d'Ysly.
Écoutez-moi bien. Ces bombes ont un temps bref.
Elles seront réglées hors de la Casbah, dans le dépôt de la pêcherie.
Taleb vous attend.
Après avoir réglé les bombes il faudra faire vite,
car vous n'aurez qu'une demi-heure pour les déposer.
Et maintenant bonne chance.
Bonne chance.
Que Dieu soit avec toi.
Halte !
Allez.
Bonjour.
Tes papiers.
- Je les ai oubliés chez moi. - Ah, tu les as oubliés.
- J'ai pas temps à perdre. - Je vais aller les chercher.
Allons, pas d'histoires, tu ne vas me faire croire ça.
- Policier ! - Laissez-moi, laissez-moi.
Laissez-moi, laissez-moi, je vais les chercher.
- Halte. - Tenez monsieur, je suis pressé.
- J'ai dit halte. - Je suis pressé.
Restez là.
Reculez, sinon on va boucler le passage, jusqu'à ce soir.
- Laissez-moi passer. - Silence.
- Faites comme les autres, attendez ! - Mais ce n'est pas juste.
Je vous ai dit d'attendre.
Excusez-moi. Pardon, monsieur.
Je peux passer, monsieur s'il vous plaît ?
- Je vous en prie. - Merci beaucoup.
Mademoiselle... au revoir.
S'il vous plaît...
- Ah, bon passez. - Merci.
Tu n'es pas fatigué ?
N'est-ce pas ?
Mains en l'air.
Ça va.
Passez madame.
Toi avance.
Sois gentil, garde-le-moi, je ne vais pas tarder.
Au revoir.
Vous allez à la plage, mademoiselle ?
- Oui, comment le savez-vous ? - Oh, moi je devine tout.
Je vous accompagne ?
Non, pas aujourd'hui, j'ai des amis qui m'attendent.
Ah, c'est dommage. Je serais bien allé faire un tour avec vous.
- J'espère qu'on se verra. - Qui sait ?
Bonne chance.
- Au revoir. - Au revoir.
- Coca cola, s'il vous plaît. - Oui, tout de suite.
Mademoiselle, vous voulez vous asseoir ?
- Merci. - Je vous en prie.
- Voici, mademoiselle. - Merci.
Cent francs.
Vous partez, mademoiselle ?
- Oui, monsieur. - Dommage.
Attention, attention,
le vol 432 en direction de Paris
décollera avec un retard de 20 minutes.
Attention, attention,
le vol 432 en direction de Paris
décollera avec un retard de 20 minutes.
- Vous voulez un autre Martini ? - Non, non, merci.
Tu comprends, je voudrais aller en Italie...
Non, c'est rien, ça doit être une bouteille de gaz qui a explosé.
Mais non c'est pas grave, viens danser.
10 Janvier 1957
L'inspecteur général en mission extraordinaire
a présidé une réunion qui avait pour object
l'organisation à Alger de la lutte contre l'activité rebelle.
D'importantes décisions ont été prises pour assurer le maintien de l'ordre
ainsi que la protection des personnes et des biens.
Il a été décidé que le général Kavel
commandant de la dixième division parachutistes,
assumera à Alger la responsabilité de l'ordre.
Il disposera à cet effet de moyens civils et militaires
et de pouvoirs spéciaux énumérés par le décret publié au journal officiel.
Mathieu Philippe, né le 5 août 1907 à Bordeaux.
Grade : lieutenant colonel.
Campagnes : Italie et Normandie.
Membre d'un mouvement de résistance anti-nazis.
Expéditions : Madagascar et Suez.
Guerres : Indochine et Algérie.
En définitive, nous sommes arrivés à la moyenne de 4,2 attentats par jour.
Oui, il faut distinguer les attaques individuels
et les attentats à la bombe
Comme toujours les termes du problème sont :
1) l'adversaire, 2) le moyen de le détruire.
Il y a prés de 400 000 arabes à Alger.
Sont-ils tous nos ennemis ? Nous savons bien que non.
Nous disons qu'il y a une minorité qui s'impose par la terreur et la violence.
Nous devons agir sur cette minorité dans le but de l'isoler
et de la détruire.
C'est un adversaire qui se déplace en surface et en profondeur
avec des méthodes révolutionnaires bien éprouvées
et une tactique originale. Allez-y, Martin.
C'est un ennemi anonyme,
méconnaissable, mélangé à des centaines d'autres.
Il est présent partout : dans les cafés,
dans les ruelles de la Casbah ou dans les rues de la ville européenne
dans les magasins, sur les lieux de travail.
Ça ce sont des prises de vue effectuées par la police.
Les cameras étaient dissimulées aux issues de la Casbah.
La police a pensé que ces films pouvaient être utiles,
et en effet ils sont utiles :
pour démontrer l'inutilité de certaines méthodes,
ou du moins leurs désavantages.
J'ai choisi expressément les films qui ont été tournés dans les heures
qui ont précédé immédiatement certains attentats terroristes récents.
Et alors, parmi tous ces hommes, toutes ces femmes arabes,
se trouvent les responsables.
Mais quels sont-ils ?
Comment les reconnaître ?
Le controle des papiers dans ce cas est ridicule :
s'il y a un qui les a en règle c'est précisément le terroriste.
Notez bien l'intuition de l'opérateur.
Il a deviné que dans cette caisse il y avait quelque chose d'important
et il nous en montre tous les détails.
Et dire que dans le double fond il y avait peut-être la bombe cachée,
mais nous ne le saurons jamais.
Ça va comme ça, Martin.
Nous devons recommencer à zéro.
Les seuls renseignements que nous ayons
concernent la structure de l'organisation.
Commençons donc par celle-ci.
C'est une organisation à pyramide composée d'une série de sections.
Les sections à leur tour sont formées d'une série de triangles.
Au sommet de la pyramide est l'État Majeur.
Le responsable militaire de l'État Major trouve l'homme, qu'il juge apte
et le nomme chef d'une section : numéro un.
Le numéro un à son tour en trouve deux autres : numéro deux et numéro trois.
Ainsi se forme le premier triangle.
À présent le numéro deux et le numéro trois trouvent deux hommes chacun :
numéros quatre, cinq, six et sept.
La raison de toute cette géométrie est que chaque militant
ne connaît de l'organisation entière que trois membres maximum :
son responsable, qui le choisit,
et ses deux subordonnés qu'il a lui-même choisi.
Les contacts se font uniquement par écrit,
voilà pourquoi nous ne connaissons pas nos adversaires,
parce que en réalité ils ne se connaissent pas entre eux.
Les connaître signifie les éliminer.
Il en résulte que l'aspect purement militaire du problème
n'est que secondaire,
celui qui est mis en évidence c'est l'aspect policier.
Je sais bien que ce mot ne vous plaît pas,
mais c'est le seul qui indique exactement
quel type de travail nous devons entreprendre.
Nous devons procéder aux recherches nécessaires à fin de reconstituer
toute la pyramide pour arriver à l'État Major.
La base de ce travail est le renseignement,
la méthode est l'interrogatoire,
et l'interrogatoire devient une méthode
lorsqu'il est conduit de façon à toujours obtenir une réponse.
Dans la situation actuelle, faire preuve d'une fausse humanité
ne conduit qu'au désespoir et à l'incohérence.
Je suis certain que toutes nos unités comprendront
et réagiront en conséquence.
Malheureusement cela ne dépend pas seulement de nous !
Nous devons avoir la ville à notre disposition,
la passer au crible et interroger tous ses habitants.
Et voilà que nous nous trouvons devant l'entrelacs des lois,
et règlements de nos codes qui continuent à être en vigueur,
comme si Alger était un lieu de villégiature et non de bataille.
Nous avons demandé carte blanche, mais il est difficile de l'obtenir.
Il faut alors trouver l'occasion qui légitimera
notre intervention et la rendra possible.
Il faut la créer nous même cette occasion
à moins que ce ne soit l'adversaire qui nous la donne,
comme il semble qu'il soit en train de le faire.
Militants de la cause nationale :
à l'issue de deux années de lutte implacable
dans les villes et sur les montagnes,
le peuple algérien a obtenu une grande victoire.
Lundi 28 Janvier l'Assemblée Générale des Nations Unies
engage le débat sur la question algérienne.
Toute l'Organisation sera mobilisée
pour expliquer à la population l'importance de cet événement.
À partir de lundi et pour une durée de huit jours
le FLN proclame la grève générale.
Pendant cette période
toute forme d'action armée ou d'attentat est suspendue.
Le Monde ! Le Monde ! Grève de huit jours.
L'argent, monsieur, s'il vous plaît.
Peuple algérien,
le colonialisme après avoir cherché par tous les moyens,
à éviter le débat sur la question algérienne à l'ONU,
tentera de démontrer que le FLN n'est que l'expression d'une minorité.
Frères et sœurs, l'opinion publique internationale est avec nous,
montrons au monde que notre peuple est uni et décidé :
adhérons en masse à la grève, proclamée par le FLN.
Durant les 8 jours de grève ne circulez pas dans les villes européennes,
ne sortez pas de la Casbah, évitez les rassemblements en des lieux clos
qui pourraient faciliter les rafles éventuelles.
Hébergez dans vos propres maisons, les pauvres, les mendiants,
les sans logis, faites des provisions de vivres et d'eau pour huit jours.
- Ils ont l'air très calme. - Oui,
mais on sent qu'il y a quelque chose d'insolite.
Comme des lapins en cage, c'est ce que j'espérais.
Croyez-vous que le mot d'ordre de grève sera suivi ?
Oui, je crois.
Alors Mathieu, ça se passe comme vous voulez ?
Je l'espère.
Comment avez-vous baptisé l'opération ?
Ça, mon général...
Opération Champagne.
Ah ! Opération Champagne, pourquoi pas ?
Opération Champagne, d'accord !
Ce sont des pauvres gents, humbles, sans travail.
L'organisation a décidé de s'occuper d'eux
et de les héberger dans des familles pendant la durée de la grève.
Mais je ne savais pas qu'il y en aurait ici dans cette maison
- et j'en suis inquiet. - Pourquoi ?
Parce que tu es là.
Il est nécessaire que tu changes de maison.
Tu n'as pas confiance en eux ?
Si, mais qui sait ?
Bien, c'est toi qui décide.
Non : si c'était moi qui décidais,
actuellement tu ne serais pas là, en ville.
Le devoir avant tout.
Être prudente c'est bien.
Il faut que tu accompagnes Ben M'Hidi à la Maison des Arbres.
Tu es prêt, Ali ?
Pourquoi ? Il ne dort pas ici ?
Non il ne reste pas ici. Accompagne-le, j'attends ici.
Que penses-tu de cette cachette ?
Elle te plaît comme ça ?
Quand elle sera finie, personne ne s'en apercevra.
Tu veux l'essayer ?
On n'a pas le temps, on l'essayera après.
Ben M'Hidi, tu seras accueilli par une famille de militants : tu y seras bien.
- D'accord. - Ali, passe devant.
N'oublie pas de prendre le raccourcit de la Mosquée Safir.
Ça marche, il n'y a personne.
Qu'est-ce que tu penses de cette grève, Ali ?
- Je pense qu'elle réussira. - Oui, moi aussi;
la grève a été bien organisée. Seulement que fera la France ?
Sans doute elle essayera par tous les moyens de saboter celle-ci.
Non !
Elle fera plus parce que nous lui donnons l'occasion d'en faire plus,
tu comprends ce que je veux dire ?
À partir de demain leur tâche sera plus simple :
chaque ouvrier, chaque commerçant qui participera à la grève
sera un ennemi reconnu,
un coupable qui se confesse, et ils pourront passer à l'offensive.
- Tu comprends Ali ? - Oui.
Djafar m'a dit que tu n'étais pas d'accord avec cette grève.
- En effet je ne suis pas d'accord. - Pourquoi ?
Parce qu'on nous a ordonné de ne pas utiliser les armes durant les 8 jours.
Écoute Ali, on ne fait pas une guerre seulement avec des attentats,
ni une guerre ni une révolution.
Le terrorisme sert seulement pour commencer,
mais après tout le peuple doit réagir.
Voilà la raison de la grève, sa nécessité :
mobiliser tous les algériens, les compter et mesurer notre force.
Pour la prouver à l'ONU.
Certainement, pour la prouver à l'ONU, cela vaut aussi pour l'ONU,
je ne sais pas si ça sera utile, mais en faisant ainsi,
nous donnons à l'ONU la possibilité d'évaluer notre force.
Tu sais Ali, commencer une révolution c'est difficile,
il est encore plus difficile de la continuer
et très difficile de vaincre.
Mais c'est seulement après, quand nous aurons vaincu,
que commenceront les vraies difficultés.
Il y a encore beaucoup à faire.
- J'espère que tu n'es pas fatigué Ali ? - Non !
Alors debout là-dedans, tout le monde dehors !
Bande de salauds, on va vous apprendre à faire la grève !
À tous les camions : accélérer le transport des réquisitionnés.
Premier camion : centre El Biar;
deuxième camion : l'usine à gaz;
troisième camion : le port.
Attention, attention :
prévoir dès maintenant la présence des suspects au quartier général.
Allez.
Celui-là.
Toi viens ici, attends un peu.
Tu fais la grève ?
J'ai pas fait la grève, j'étais à la maison.
- On t'a forcé, alors ? - Non !
Alors c'est toi qui veux faire la grève ?
Tu ne veux rien dire, espèce de sale raton !
D'accord, Gérard emmène ce mec là au bureaux.
- Toi ! Toi, viens ici ! - T'es sourd ?
Tout le monde au boulot !
Avance !
On est donc arrivé au quatrième jour et la grève générale continue.
Toutes les activités sont paralysées
et on ne signale aucun incident sérieux.
Il y a calme absolue dans les quartiers musulmans.
Je te rappelle tout à l'heure.
Mathieu vient de passer.
Puis-je vous poser quelques questions, mon colonel ?
J'ai une réunion chez le préfet.
Peut-on au moins savoir ce qui ce passe ?
Absolument rien, on fait un premier bilan.
Allez vous rendre compte par vous-même,
j'ai mis tous les moyens à votre disposition,
allez faire un tour et vous verrez ce qui se passe.
En tout cas, la grève semble avoir réussie.
Non ! Elle a manqué son objectif principal.
- L'insurrection ? - L'insurrection !
Mais le FLN dit que ce n'est qu'une grève démonstrative.
Et vous croyez aux affirmations du FLN ?
Elles semblent plausibles cette fois-ci :
une grève générale est un bon argument pour l'ONU.
L'ONU est lointaine, cher monsieur,
et comment peut-elle juger de l'importance d'une grève ?
Pour le FLN il serait plus facile de se faire entendre avec les bombes,
c'est ce que je ferais à leur place !
Est-ce que une insurrection armée peut être impliquée en ce moment ?
Ce qu'implique toute insurrection armée.
C'est un moment inévitable de la guerre révolutionnaire.
Après une première phase de terrorisme,
on passe à l'insurrection armée, c'est ainsi que de la guérilla
on passe à la vraie guerre.
- Dien-Bien-Phu ? - Précisément.
En Indochine ce sont eux qui ont vaincu.
Et ici ?
- Cela dépend de vous ! - De nous ?
Auriez-vous l'intention de nous faire recruter, mon colonel ?
Dieu m'en garde;
vous devez seulement écrire et si possible bien écrire,
des guerriers il y en a plus qu'il en faut.
- Qu'est-ce qu'il manque alors ? - Une volonté politique
qui parfois existe parfois non !
Parfois elle est insuffisante, selon les jours.
- Hier que disait-on à Paris ? - Rien; un autre article de Sartre.
Qui peut me dire pourquoi les Sartre naissent tous du même coté ?
- Alors Sartre vous plaît, mon colonel ? - Non.
Mais il me plaît encore moins de l'avoir comme adversaire.
Un, deux, trois, quatre, suivez-moi !
Allez, grouillez-vous.
Plus vite, allez !
- Qu'est-ce que c'est ? - C'est le bal.
Bon.
Finissons-en, répète ce que tu viens de dire et on te fout la paix.
- Ton nom ? - Sid Ahmed.
- Prénom ? - Mohamed.
- De quelle région tu fais partie ? - Deuxième région.
Deuxième région, explique-toi mieux.
Deuxième région, Casbah, Alger ouest.
- Groupe ? - Troisième groupe.
Troisième groupe. Quelle était ta fonction ?
Responsable de la sixième cellule.
Ça va comme ça.
Sixième jour de la grève
Habitants de la Casbah écoutez, le FLN veut vous empêcher de travailler.
Le FLN veut vous obliger à fermer vos magasins.
Le FLN veut vous entamer et vous condamner à la misère.
Le FLN veut vous empêcher de travailler.
Habitants de la Casbah, la France...
Vite, vite, descendez.
Mohamed, Mohamed !
Où est-tu Mohamed ?
Le FLN veut vous entamer et condamner à la misère.
Habitants de la Casbah, révoltez-vous contre le mot d'ordre du FLN.
La France... ayez confiance en la France et en son armée.
Algériens, retournez à votre travail...
Écoutez bien, l'Organisation vous dit de ne pas avoir peur,
n'ayez pas peur, mes frères, la grève a réussi,
l'Organisation est avec...
5 Février 1957 Dernier jour de la grève
Tu veux ouvrir cette boutique ?
Vas-y ! Plus vite !
L'Assemblée Générale des Nations Unies,
après qu'aucune des motions présentées au cours du débat
n'a obtenu la majorité nécessaire,
a adopté une résolution qui exclue toute intervention directe de l'ONU
dans la question algérienne.
Elle se limite à exprimer l'espoir que dans un esprit de coopération
on peut trouver une solution pacifique, démocratique et juste
conformément aux principes de la charte des Nations Unies.
Bien.
C'est du bon travail.
Maintenant nous pouvons aller nous coucher.
La fin de la grève ne doit rien changer,
les directives sont les mêmes, donnez à vos gars les consignes habituelles,
24 sur 24 nous devons occuper la Casbah,
nous devons continuer notre action ici,
sans relâche.
Aucun de vous n'a jamais eu de ténia ?
Non.
Le ténia est un ver qui peut croître à l'infini,
il se compose de milliers de segments : vous pouvez les éliminer tous,
mais tant que reste la tête, il se reconstitue, prolifère.
Le FLN est organisé de la même façon,
la tête c'est l'État Major : plusieurs personnes.
Et tant qu'elles ne seront pas éliminées,
nous devrons toujours repartir à zéro.
Voici quatre.
Je les ai trouvées aux archives de la police
Les instantanés que j'ai faites agrandir.
Si Mourad, Ramel,
Djafar,
Ali la Pointe.
Il faut en faire tirer un millier de copies
et les distribuer à nos gars.
Et alors qui habite encore ici ?
Je vous l'ai déjà dit, messieurs :
il y a ma fille que vous avez vue là et mon mari qui est au travail.
- Bon. Pierre, allons-y va ! - Oui.
Ils sont partis !
Ils étaient 10, ils sont restés un peu, puis ils sont partis.
- C'était des parachutistes ? - Oui.
D'après toi ils étaient seuls ou bien un indicateur était avec eux ?
Non, ils étaient seuls,
ils ont parlé avec les locataires et n'ont frappé personne !
... Difla Malika a été arrêté,
Cheik Addallah a été arrêté,
Kadour Omar Ben Ali a été arrêté,
Zohara Noureddin a été arrêté...
Habitants de la Casbah,
le FLN a désormais perdu la bataille.
Soulevez-vous contre une autorité qui est à l'agonie.
Collaborez avec nous pour construire une Algérie nouvelle.
Kounider Ben Ali a été arrêté.
Zohara Haredim a été arrêté.
Didla Malika a été arrêté.
Cheik Abdallah a été arrêté.
Kadour Omar Ben Ali a été arrêté.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? - Rien.
Courage.
Salem Ali Said a été arrêté.
Haidia Ali Brahim a été arrêté.
Amni Abdal Kader a été arrêté.
Il faut nous séparer.
On ne peut pas rester ensemble.
Il faut aussi changer de cachette, changer contacts,
substituer les frères arrêtés, les frères qui ont été tués,
réorganiser tous nos groupes.
Avant tous, il faut prouver que l'organisation existe toujours.
- Mais tout ceci viendra par la suite. - Non, tout de suite.
Il faut passer à l'action. Laissez-moi me débrouiller.
Non. Ni toi ni personne d'autre.
Jusqu'à ce que nous soyons là, le FLN existe en ville.
Si on nous arrête, il n'y aura rien, et du rien il ne naîtra rien.
Mais il faudra bien faire quelque chose.
Justement, c'est pour cette cause
qu'il faudrait nous organiser à nouveau.
- Et pour nos déplacements ? - C'est fait, j'y ai déjà pensé.
Moi dans trois mois je me tire.
- Regarde ! Regarde ! - Halte !
Les militaires nous cherchent, aide nous à nous cacher, vite je t'en supplie.
Mais où ? La maison est petite, on vous trouverait tout de suite.
Venez, venez, que Dieu vous protége.
Cachez-vous dans le puits, mes frères, le puits est vide !
Merci.
- Ils ont pris par-là haut. - Non, la ruelle à gauche.
Allons-y, par-là haut.
Les paras viennent de partir, attendez encore un peu.
Je vous appellerai tout à l'heure et vous pourrez monter.
Je te remercie.
Il ne reste plus personne dans le premier secteur.
Nous avons perdu le contact avec le deuxième secteur.
Le troisième se réorganise à nouveau.
Il reste le quatrième sur qui nous pouvons compter.
25 Février 1957
Salopard ! Tu vas payer pour les autres.
Espèce de salaud ! Raton !
Allez !
Fils d'un salaud !
Du calme, du calme...
Dégagez, dégagez...
4 Mars 1957
Bon, allez, les photographes... terminées.
Monsieur Ben M'Hidi,
ne trouvez-vous pas plutôt lâche d'utiliser les sacs
et les couffins de vos femmes pour transporter vos bombes ?
Ces bombes qui font tant de victimes innocentes ?
Et vous ? Ne vous semble-t-il pas bien plus lâche
de larguer sur des villages sans défense vos bombes au ***
qui tuent mille fois plus d'innocents ?
Évidemment avec des avions
ça aurait été beaucoup plus commode pour nous.
Donnez-nous vos bombardiers monsieur,
et on vous donnera les couffins.
Mister Ben M'Hidi,
in your opinion does the FLN still have some chance
of defeating the French army ?
Il demande : Monsieur Ben M'Hidi,
selon vous le FLN
a-t-il encore quelques chances de battre l'armée française ?
Selon moi le FLN a beaucoup plus de chance de battre l'armée française
que celle-ci n'en a d'arrêter le cours de l'histoire.
Une déclaration du Colonel Mathieu
nous a appris que vous avez été arrêté par hasard,
pratiquement par erreur.
Les parachutistes étaient en train de chercher un personnage
beaucoup moins important que vous-même;
pourriez-vous nous dire pour quelles raisons vous vous trouviez
dans l'appartement de la Rue Debussy ?
Je peux seulement vous dire qu'il aurait mieux valu pour moi
n'y avoir jamais mis les pieds.
Cela suffit pour l'instant, messieurs, il est *** et nous avons tous à travailler.
C'est terminé le spectacle ?
Oui il est terminé, avant qu'il ne produise un effet contraire.
Habitants de la Casbah, la rébellion s'affaiblit de jour en jour.
Ali Mohammed, commandant de la deuxième région du FLN
a été abattu ce matin même.
Population d'Alger,
dénoncez les agitateurs
désolidarisez-vous de l'organisation rebelle,
l'armée vous protége,
ayez confiance en elle.
Colonel Mathieu, le porte-parole du ministre résident, Monsieur Guerlain,
a déclaré que Larbi Ben M'Hidi s'est suicidé dans sa cellule
en se pendant avec des lambeaux de sa chemise
dont il avait fait une corde
et qu'il avait ensuite attachée aux barreaux de la fenêtre;
or à cause de l'intention déjà manifestée
de s'évader à la première occasion,
il avait été jugé nécessaire de tenir constamment le détenu Ben M'Hidi
mains et pieds liés.
Selon vous, mon colonel
en de telles circonstances un homme peut-il
déchirer sa chemise, en faire une corde
et l'attacher à un barreau de la fenêtre pour se pendre ?
Cette question vous devriez la poser au porte-parole du ministre,
ce n'est pas moi qui ai fait de telles déclarations.
Pour ma part, je peux seulement vous dire
que j'ai eu la possibilité d'apprécier la force morale,
le courage et la fidélité de Ben M'Hidi en ses propres idéaux.
Pour cela, sans oublier l'immense danger qu'il représentait
je me sens le devoir de rendre hommage à sa mémoire.
Colonel Mathieu,
on parle beaucoup en ces derniers temps
non seulement des succès obtenus par les parachutistes,
mais aussi des méthodes qui seraient utilisées par eux.
Pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ?
Les succès dont vous parlez sont les résultats de ces méthodes,
les uns présupposent les autres et vice versa.
Excusez-moi, mon colonel,
il semble que, peut-être par excès de prudence,
mes collègues continuent à poser des questions indirectes
auxquelles vous ne pourrez répondre qu'allusivement;
je pense qu'il vaudrait mieux appeler les choses par leurs vrais noms,
et si l'on veut tout dire
- parlons de la torture. - Compris !
Et vous, vous ne posez aucune question ?
Les questions ont été déjà posées :
je voudrais que les réponses soient plus précises. C'est tout.
Essayons d'être précis :
le mot torture n'apparaît pas dans nos directives
nous avons toujours parlé d'interrogatoire
en tant que seule méthode valable pour une action de police
contre une organisation clandestine.
Le FLN de son coté demande à chacun de ses membres
qu'en cas de capture il conserve le silence pendant 24 heures
après quoi il peut parler.
L'organisation a ainsi le temps nécessaire
pour rendre inutilisable n'importe quel renseignement.
Et nous
quelle forme d'interrogatoire devrions-nous adopter ?
Celui en usage dans la procédure civile
qui pour le moindre délit dure des mois ?
La légalité n'est pas toujours commode, mon colonel.
Est-ce que celui qui fait exploser des bombes
dans les lieux publics respecte la légalité ?
Lorsque vous avez posé cette question à Ben M'Hidi
souvenez-vous de ce qu'il a répondu ?
Non messieurs, croyez-moi,
c'est un cercle vicieux,
nous pourrions en parler des heures durant sans arriver à une conclusion
car tel n'est pas le problème. Le problème est :
le FLN veut nous chasser d'Algérie et nous nous voulons y rester,
or maintenant il me semble que même avec des nuances légères
vous êtes tous d'accords que nous devons y demeurer,
et lorsque la rébellion du FLN a éclaté il n'y avait même pas de nuances,
tous les journaux, l'Humanité compris, ont demandé qu'elle soit étouffée,
nous avons même été envoyés ici pour cela
et nous messieurs, nous ne sommes ni fous, ni sadiques.
Ceux qui aujourd'hui nous appellent des fascistes
feignent d'oublier la part importante
que beaucoup d'entre nous ont pris dans la résistance;
ceux qui nous appellent Nazis ne savent peut être pas
que certains d'entre nous ont survécus à Dachau et Buchenwald.
Nous sommes des soldats et nous avons le devoir de vaincre.
Alors pour être précis
à mon tour maintenant de poser la question;
la France doit-elle rester en Algérie ?
Si vous répondez encore oui,
vous devez en accepter toutes les conséquences nécessaires.
Un médecin !
- Poignardé ! - C'est horrible !
Vite, vite !
Allons, vite, par ici, par ici !
Mon Dieu, on n'a plus de munitions !
Rentre dedans, rentre dedans !
26 Août 1957
Écartez-vous, voilà le colonel !
C'est inutile de jouer aux héros, ça ne servira a rien;
passez-moi le haut-parleur.
Ramel !
Si Mourad !
Écoutez,
si vous continuez comme ça
je ne voudrais pas me trouver à votre place quand vous serez pris.
Nous allons vous capturer en fin de compte
et vous le savez aussi bien que moi !
Écoutez-moi bien !
Si vous vous rendez tout de suite je vous donne ma parole
qu'on ne vous touchera pas
et que vous aurez un procès régulier.
- M'entendez-vous ? - Qui est-ce qui parle ?
Mathieu, le Colonel Mathieu.
Nous n'avons pas confiance,
avancez !
Montrez-vous.
Pourquoi n'avez-vous confiance ?
D'abord mettez-vous debout de façon qu'on vous voie bien,
et ensuite tenez les mains immobiles et bien en vue.
Mais cet engagement pour un procès régulier, nous le voulons par écrit;
faites-nous une déclaration écrite, Mathieu
et après nous nous rendrons.
Et comment vais-je faire pour vous la donner ?
Nous vous descendrons un coffin avec toutes nos armes.
D'accord !
Alors c'est prêt ?
Oui, c'est prêt !
- Vous êtes prêts, Mathieu ? - Oui, mais montrez-vous d'abord !
28, 27,
26, 25,
24, 23,
22, 21.
Nous les voyons, mon colonel, on peut y aller.
Voilà.
Et vous savez bien que quand j'engage ma parole, je la tiens !
Ah ! Il nous a dupés le salaud !
Allez ! Allez ! Plus vite, sales ratons !
Tu vas voir comment on va faire vite.
Brûle les papiers, fais vite, nous n'avons pas le temps !
Ne laisse aucune trace.
Laquelle de vous s'appelle Zakia ?
- C'est toi ? - Oui.
Alors maintenant tu vas monter les escaliers
et tu diras à Djafar que s'il ne se rend pas
nous ferons sauter la maison et tous les gens avec,
essaie de le convaincre, si tu veux garder ta maison.
- Tu as compris ? - Oui.
Attends un peu, tu vas te faire tuer.
Djafar,
fais bien attention, c'est Zakia qui va monter,
à ta place j'éviterais de tirer. Vas-y.
Djafar !
Mon frère, Djafar, écoute-moi !
Les paras te disent que, si tu ne te rends pas,
ils détruiront tout le quartier avec une bombe.
Tu peux leur dire qu'ils peuvent détruire ce qu'ils veulent.
- Djafar ! - Descends !
Il a dit qu'il ne se rend pas, vous pouvez faire tout sauter.
C'est bon; va rejoindre les autres.
Prépare le plastic, il faut le mettre le plus prés possible de la cachette
mais ne prenez pas de risques, une mèche longue.
Vous deux couvrez-les
en tirant alternativement pendant qu'ils travaillent. Allez !
Et vous ouvrez l'il, on peut s'attendre tout, on en a déjà eu l'expérience.
Allez !
Un sacrifice comme celui-ci ne profite à personne.
Du moins que les autres soient saufs.
Mathieu ! Si vous me donnez votre parole d'honneur
que vous ne toucherez à aucun des hommes ou des femmes de la maison,
on descend.
Si vous m'aviez laissez faire sauter la maison vous m'auriez déçu.
- Pourquoi ? - Il y a des mois que sur ma table
parmi des dizaines de rapports sur votre compte
se trouve votre photographie
et c'est pour cela que j'ai l'impression de vous connaître un peu;
je n'ai jamais eu le sentiment que vous étiez un homme
capable des gestes inutiles.
Mais vous semblez bien satisfait de m'avoir capturé vivant.
En effet, je le suis.
C'est la preuve que je me suis trompé.
Évidemment je vous ai donné un avantage
plus grand que je ne l'imaginais.
Non, disons, que vous m'avez donné la satisfaction
d'avoir eu une juste intuition,
mais du point de vue technique on ne peut plus parler d'avantages.
Désormais la partie est jouée.
Espèce de salaud ! Assassin ! Tu te trompes,
Ali la Pointe est encore dans la Casbah !
Qu'est-ce qu'elle dit ?
Elle dit qu'il reste encore Ali la Pointe.
- Mahmud ! - J'arrive !
Tu es fatiguée, va te reposer.
Omar, va dormir, demain nous avons à faire.
Moi, Mahmoud,
Hassiba...
et toi.
Il ne faut compter que sur nous même.
Sadek doit passer nous prendre avec le camion d'ordures,
toi tu descendras le premier, tu mettras la bombe où je te dirai,
et tu retourneras ici rapidement, fais attention au retour.
Après Hassiba, ensuite Mahmoud,
et moi je me débrouillerai.
Omar.
Omar,
allez, lève-toi.
Toi, réveille-toi, tu as bien dormi, ça va, petit, prépare-toi pour s'en aller.
- Alors c'est l'heure ? - Oui.
- Bientôt, Hassiba. - Je suis prête.
J'ai entendu le bruit d'un camion tout à l'heure.
Moi aussi, je ne pense pas que ce soit Sadek, car il serait déjà arrivé.
- Et ta femme, elle va bien ? - Ça va !
Rentrez. Allez, debout.
Allez dehors, allez debout !
Debout !
Allez.
Allez.
- Alors ? - Tout est prêt, mon colonel,
- j'ai fait évacuer la maison. - Oui, j'ai vu, et il a répondu ?
- Rien, silence absolu ! - Je me l'imaginais bien !
Ali,
Ali la Pointe,
fais sortir les autres au moins !
Tu sais bien que vous allez tous sauter,
le gosse s'en tirera avec quelque temps de maison de redressement,
pourquoi veux-tu le faire mourir ?
Il est toujours là celui-là ? Allez, emmenez-le !
Ali !
Ali la Pointe, je te donne encore trente secondes
qu'est-ce que tu crois obtenir ? De toutes les façons tu as perdu !
Réfléchis bien, trente secondes,
trente secondes à partir de maintenant !
Celui qui veut sortir, sort !
- Et toi que fais-tu ? - Moi je ne traite pas avec eux.
Vous quatre vous restez là
et vous descendrez au signal, compris ?
- Colonel ! - Mon général !
Commandant !
- Alors tout est en place ? - Oui, tout est en place, mon général.
Mettez-vous à l'abri, mon général !
Vous deux couvrez-le ! Et faites attention, on sait jamais.
Le ténia n'a plus de tête.
- Content, Mathieu ? - Oui, mon général.
Le FLN est décapité à Alger.
Oui, je crois qu'on en parlera plus,
tout au moins pendant quelque temps !
- Pour toujours, espérons-le ! - Au fond ce sont de braves gens,
nous nous sommes bien entendus avec eux pendant 130 ans,
Je ne vois pas pourquoi ça ne continuerait pas.
Oui mais il n'y a pas seulement Alger en Algérie.
Oui, je sais très bien que Alger n'est pas toute l'Algérie.
Oui, bien sûr !
Mais pour le moment contentons-nous d'Alger,
dans les montagnes les choses sont beaucoup plus faciles.
- Mon général ! - Au revoir, Mathieu,
comme convenu, rendez-vous cet après-midi au quartier général !
Entendu, mon général.
- Au revoir, colonel. - Mon général.
1 Décembre 1960
On ne connaît pas le motif, on ne sait pas quel en aurait pu être le prétexte,
le fait est après deux années de calme relatif pendant lesquelles
la lutte a continué presque uniquement dans les montagnes,
ils se sont déchaînés à l'improviste,
et personne ne sait ni pourquoi ni comment cela a éclaté.
J'ai téléphoné à Tunis, à Tunis !
J'ai parlé personnellement avec un dirigent du FLN en exil,
eux non plus, ils n'en sauvent rien.
Ce matin pour la première fois sont apparus leurs drapeaux:
vert et blanc avec le croissant et l'étoile,
des milliers de drapeaux, ils ont du les préparer pendant la nuit.
Il est difficile de les appeler des drapeaux,
ce sont des lambeaux de draps, des chemises déchirées, des chiffons,
mais ce sont tout de même des drapeaux !
Aujourd'hui la situation est devenue plus tendue.
Malgré la pression des milieux colonialistes les plus intransigeants,
il paraît que le gouvernement a donné des ordres sévères
de n'utiliser les armes qu'en dernière extrémité,
mais au cours de cet après-midi
ont eu lieu les premières tentatives de descente
dans les quartiers européens.
Il y a eu de nombreux morts.
Maintenant le calme semble revenu,
mais on continue à entendre des quartiers musulmans
ces cris incompréhensibles, scandés, effrayants.
Il est hors de doute que la surprenante unanimité de ces démonstrations
a influencé des larges parties de l'opinion publique française.
Selon des nouvelles de Paris
la partie la plus sensible des milieux politiques serait orientée
vers la recherche des nouveaux rapports avec l'Algérie.
21 Décembre 1960 Dernier jour des démonstrations
Écoutez-moi !
Retournez chez vous.
Qu'est-ce que vous voulez ?
L'indépendance; quittez notre pays.
L'indépendance, nous voulons la liberté.
Deux années de lutte devaient encore passer
et le 2 Juillet 1962 avec l'indépendance
naquit la nation algérienne.