Tip:
Highlight text to annotate it
X
- On vous attend à l'agence ?
- Non, ce n'est pas important.
- On pourra leur téléphoner.
- Non, aucun problème.
Ça peut durer jusqu'à ce soir.
Il peut se passer des choses.
- C'est une drôle d'histoire.
- Ah oui ?
Eh bien, il semblerait que
quelqu'un se soit fait passer
pour Mohsen Makhmalbaf.
Vous le connaissez ?
- Un homme d'affaires ?
- Non, pas du tout.
Je prends ici à gauche ?
Ce n'est pas un homme d'affaires,
mais un cinéaste.
- Vous le connaissez ?
- Non.
Le Cycliste est son dernier film.
Je n'ai pas de temps
pour le cinéma.
Il est cinéaste, mais son visage
n'est pas très connu.
Et ce type s'est présenté à une
famille comme étant Makhmalbaf.
Ses intentions ne sont pas claires.
Il a choisi quelques membres
de cette famille comme acteurs
et a dit que leur maison
était l'endroit idéal.
Il leur a dit l'avoir choisie
comme plateau.
Mais personne ne connaît
ses réelles intentions.
Je suis journaliste
et je viens couvrir son arrestation.
Vous êtes journaliste ?
Oui, à la revue Sorush.
Je vous prenais
pour un inspecteur.
J'ai entendu parler de l'affaire
et j'ai pensé
qu'elle ferait un bon sujet.
Je suivrai l'affaire jusqu'au bout.
Ce n'est pas tous les jours
qu'on entend une telle histoire.
C'est du pain béni pour un journaliste.
Une information de valeur.
Sensationnelle.
Le genre de nouvelle
qui fait grimper le tirage.
J'appelle ça une histoire
à la Oriana.
- Connaissez-vous Fallaci ?
- Non.
Et Goldavich ? Et Edisson ?
Ils font partie
de mes meilleurs collègues.
Pas de mes meilleurs passagers.
Mais ils font partie
de mes meilleurs collègues.
Ils font des reportages
sensationnels.
Oriana Fallaci écrit
des articles très originaux.
Elle a l'art de dénicher des sujets
que les autres ne voient pas.
D'où sa réputation internationale.
Et je suis sûr que ce reportage
est une nouvelle à la Oriana.
Je dois découvrir
s'il avait des projets illicites
comme dérober
les bijoux de ces gens.
Je saurai cela quand il sera arrêté
et j'aurai besoin de vous
jusqu'à ce soir.
- Aucun problème pour moi.
- Très bien.
Appelez votre agence
quand nous serons arrivés.
Entendu.
Je n'y suis pas employé à temps plein.
Je suis pilote militaire à la retraite.
Pour le moment,
je travaille comme rampant.
Comme c'est drôle !
Un aviateur qui travaille au sol.
- À gauche ?
- Oui.
- Ça mène à Lavizan ?
- Oui, et à la rue Hosseinabad.
Lavizan est un joli quartier.
J'y vivais avant la révolution.
J'ai quitté au moment des incidents
de la garnison de Lavizan.
Là où il y a eu des tirs...
Je n'y suis plus retourné.
- À droite ou à gauche ?
- Nous allons rue Javanshir.
Roulez, je vais demander à quelqu'un.
Voyons si ce garçon
peut nous aider.
- Où est la rue Javanshir ?
- Je ne sais pas.
- Il ne sait pas.
- Demandez à un adulte.
Demandons à ce monsieur.
Pardon, où est la rue Golzar ?
Je ne sais pas.
- Vous voulez un dindon ?
- Non.
Nous allons voir une famille dindonnée.
Comment avez-vous découvert
cette histoire ?
Un ami compositeur m'a appelé
en me disant
que des choses étranges se passaient
dans la maison d'un ami commun.
Il a choisi un drôle d'endroit.
Pardon, où se trouve
la rue Golzar ?
Tout droit ensuite à gauche
après le supermarché.
- Tout droit et puis à gauche ?
- Oui.
Merci.
Pour un journaliste,
un tel reportage est une chance unique.
Vous ne pouvez vous imaginer
combien je brûle d'impatience
de voir ce reportage en première page.
Cela fera sensation.
Toute la presse en parlera.
La première rue
dans la rue Golzar.
C'est ici. Rue N°1.
Par là.
C'est la rue N°1.
Je m'engage dans la rue ?
Oui. Mais c'est une impasse.
Il est étrange que cette
nouvelle sensationnelle
provienne d'une impasse !
Ah, c'est ma chance !
12... 14... 16...
C'est ici. Quel endroit étrange.
- Attendez-moi ici.
- D'accord.
- Oui ?
- Bonjour, je suis M. Farazmand.
Restez dans la voiture.
Il pourrait vous voir
depuis la fenêtre.
Dites au plaignant d'apporter
sa plainte et ses papiers.
- Sa plainte et ses papiers.
- C'est ça.
La gendarmerie n'a pas de véhicule ?
Si, elle en a.
Le journaliste aura
une fameuse note à payer.
- Vous fumez ?
- Non merci.
- D'où êtes-vous ?
- D'Ispahan.
C'est drôle,
je suis de Téhéran
et j'ai fait mon service à Ispahan.
Et vous, vous faites le contraire !
C'est le destin !
- Vous êtes aussi d'Ispahan ?
- Non, de Borujerd.
Je ne suis pas d'Ispahan même,
mais d'un village appelé Naeem.
- Naeem ? C'est près de Yazd.
- Oui, le village de Djandagh.
- Il vous reste combien ?
- J'ai fait 12 mois.
Il me reste dix-huit mois
parce que je suis célibataire.
Je devrai bientôt partir pour le front.
- Où ?
- Dans le Kurdistan.
- À Baneh ?
- Oui.
Ce sera bientôt terminé.
Tu pourras rentrer et te marier.
Ce n'est rien si Dieu
vous donne la santé.
- Et vous ?
- Moi, je suis marié.
- Vous avez des enfants ?
- Oui, un.
Que Dieu le garde.
- Monsieur Abolfazl Ahankhah ?
- Oui.
- Il est armé ?
- Je ne crois pas.
Attends !
J'ai oublié ma mallette.
Ecoute, mon fils.
Si tu me dis la vérité, je peux t'aider.
À vos yeux,
je suis peut-être un escroc.
Notre voisin est absent.
Il me faut un magnétophone.
Allez au poste,
je vous rejoindrai.
- Et la course ?
- C'est combien ?
350 tomans.
M. Ahankhah,
donnez-moi 200 tomans.
Tenez. Rendez-vous au poste.
Je dois trouver un magnétophone.
- On ne les connaît pas.
- Il m'en faut un.
- Oui ?
- C'est une erreur.
Ils sont absents.
Oui ?
Pardon, je suis M. Farazmand.
Je suis journaliste
et un ami de votre voisin, M. Ahankhah.
Il me faut un enregistreur portable.
Nous n'avons pas d'enregistreur.
Merci quand même.
Oui ?
Excusez-moi,
je suis M. Farazmand.
Je suis journaliste
et un ami de votre voisin, M. Ahankhah.
- Il me faut un enregistreur.
- Nous n'en avons pas.
- Vous n'en avez pas ?
- Non.
Je suis Farazmand...
- M. Farazmand !
- Oui ?
Voici un enregistreur.
Je vous le rapporterai.
CLOSE-UP
Scénario : A. Kiarostami.
Basé sur un fait authentique.
Avec, dans leur propre rôle :
H. Sabzian - H. Farazmand
A. Ahankhah - M. Ahankhah
N.M. Zanoori - À.M. Mohseni
et Mohsen Makhmalbaf.
Photographie : A.R. Zarindast.
Producteur : A.R. Zarin.
Réalisation et montage :
Abbas Kiarostami.
ARRESTATION
DU FAUX MAKHMALBAF
- Qui commande ce poste ?
- Le Capitaine Bashiri.
- Pourrais-je lui parler ?
- Je vais l'appeler.
Quelqu'un veut vous parler.
- Bonjour, Capitaine.
- Bonjour.
J'ai lu dans Sorush Magazine
qu'un certain Hossein Sabzian
a été arrêté par vos hommes.
Oui, nous avons
un exemplaire de la revue.
Voulez-vous le voir ?
Barati, apportez-moi la revue.
J'ai lu l'article.
Pourrais-je avoir
de plus amples informations ?
Je ne me souviens pas de tout.
Cela date de 2 semaines.
Comme vous voyez,
nous sommes très occupés.
Pourriez-vous me donner...
l'adresse de la maison
où les faits se sont produits ?
Je dois me référer au dossier.
Allez me le chercher.
- Cela remonte à 2 semaines ?
- Oui.
Ça a été publié récemment !
Une semaine après les faits.
- À-t-il été détenu ici ?
- Oui, quelques jours.
Quel genre d'homme était-ce ?
IL prétendait être
quelqu'un de religieux.
C'est toi qui as participé
à sa capture ?
Oui.
- A-t-il opposé une résistance ?
- Pas la moindre.
- Quel genre d'homme était-ce ?
- Il s'est rendu.
- Pardon ?
- Il s'est rendu sans résister.
- Quel genre d'homme était-ce ?
- Pas du genre à faire...
des choses pareilles.
Que voulez-vous dire ?
IL n'avait pas l'air d'être
du genre à monter une escroquerie.
- C'était pas son genre ?
- Pas du tout.
À votre service.
Je voudrais l'adresse
de M. Ahankhah.
Vous paraissez au courant de l'affaire.
Sa maison est...
Je vais prendre note.
...au N°16 de la rue N°1
de la rue Golzar à Lavizan.
M. Kiarostami, les personnes
impliquées dans cette affaire
ont voulu la présenter sous un jour
qui leur était favorable.
M. Farazmand a prétendu que
la vérité n'aurait pas éclaté
sans son intervention.
C'est inexact, car je savais
exactement ce qui se passait
et j'ai toujours
parfaitement contrôlé la situation.
Pour que mes enfants puissent
connaître une expérience.
Mais là, vous me présentez
une version différente
et je n'y vois plus clair.
Le reportage ne raconte pas
toute la vérité.
Expliquez-vous.
L'article nous présente comme
des gens simples. C'est faux.
Que voulez-vous dire ?
J'aime le cinéma,
mais ça n'implique pas que je ferais
ce qui est écrit dans l'article.
J'étais content que ma mère
ait rencontré M. Makhmalbaf.
C'est un fait.
Je pensais que faire sa connaissance
aurait pu être très utile pour moi.
Je suis diplômé en génie civil,
mais je n'ai pas encore
trouvé d'emploi à ma convenance.
Et mon frère,
qui est ingénieur en mécanique,
vend du pain.
Mehrdad...
J'avais le choix entre vendre du pain
et une activité artistique.
J'ai opté pour l'art.
Manuchehr ne vend pas du pain.
Il est directeur d'une usine à pain.
Voudriez-vous parler en persan ?
En effet, mon frère n'a pas fait
ces études pour vendre du pain.
Depuis quand êtes-vous diplômé ?
Six mois.
Je suis sûr que vous trouverez
bientôt un bon emploi.
Amir, Hossein et Hushang
sont diplômés depuis plus d'un an
et seul Amir a eu du travail
pendant 6 mois.
Les usines n'engagent pas.
Elles manquent de matières premières.
Je suis venu vous parler de M. Sabzian.
Vous avez des renseignements sur lui ?
Où est-il, maintenant ?
En prison.
Laquelle ?
Ghasr.
- Bonjour. M. Sabzian ?
- Oui.
- Motif de détention ?
- Tentative d'escroquerie.
Vous avez une visite.
- Ça va bien ?
- Oui, je vous remercie.
- Tu me connais ?
- Oui.
J'ai lu un reportage sur toi
et j'ai décidé de venir te voir.
- Dans quelle revue ?
- Sorush Magazine.
Il paraît que tu t'intéresses au cinéma.
Comme je suis cinéaste,
j'ai voulu venir parler avec toi.
- Et vous êtes..?
- Kiarostami.
Vous me surprenez, M. Kiarostami.
Puis-je faire quelque chose pour toi ?
Vous pourriez exprimer
ma souffrance dans vos films.
Je ne puis le promettre,
mais j'aimerais te parler un peu.
Qu'a-t-on écrit sur moi ?
Que je suis un escroc ?
IL semble que tu as avoué
avoir eu l'intention d'escroquer.
Oui, j'ai avoué être un escroc.
- Mais je n'en suis pas un.
- Ah non ?
Comment ça !
Pourquoi avoir avoué ?
Parce que ce que j'ai fait
ressemble à une escroquerie.
- Mais où est la vérité ?
- Je m'intéresse au cinéma.
Depuis combien de temps
es-tu en prison ?
Je ne sais pas exactement.
- Environ 3 semaines.
- Tu as la date de ton procès ?
Non, je ne sais pas.
Mon affaire ne plaît pas au Tribunal.
Ce monsieur le sait.
J'essayerai d'avancer
la date de ton procès.
Je vous en serais reconnaissant.
Je n'ai plus de questions, Capitaine.
J'ai un message pour M. Makhmalbaf.
Quel est-il ?
Dites-lui que je vis
avec son film Le Cycliste.
- Je lui dirai.
- Merci.
Avec votre permission...
Au revoir.
Au revoir. Prévenez-moi
si vous avez besoin de quelque chose.
- De quelle section êtes-vous ?
- La 5ème.
- Vous n'avez besoin de rien ?
- Non.
Nous sommes passés mardi
au sujet de l'affaire Sabzian.
Je ne me rappelle plus.
L'homme qui s'est fait passer
pour M. Makhmalbaf.
J'ai des tas de dossiers.
Je ne puis me rappeler
tous les noms...
Pourriez-vous préciser davantage ?
Je suis passé mardi. Vous disiez
que vous parleriez à Haj Agha
et que vous nous donneriez sa réponse.
Nous voudrions filmer son procès.
Oui, c'est exact, je me souviens.
J'ai transmis l'affaire à Haj Agha.
Excusez-moi, on vous a bien transmis
l'affaire Sabzian ?
- Celui que vous allez filmer ?
- C'est ça.
Oui.
Il nous faut votre autorisation
pour tourner un documentaire.
Nous aimerions aussi
que le procès soit avancé.
Il est prévu pour le 19 janvier, non ?
Non, le 15 décembre.
Ça restera le 15 décembre.
Pourquoi vouloir avancer la date ?
C'est pour notre plan de tournage.
Il nous faut aussi l'autorisation...
de filmer dans la salle d'audience.
Il n'y a rien dans cette affaire
qui vaille d'être filmé.
- Avez-vous étudié le dossier ?
- Oui.
Cette affaire nous intéresse
car elle a un rapport...
avec le cinéma.
Avez-vous des cas plus intéressants ?
On en a où les charges
sont plus importantes.
Ici, il ne s'agit
que d'une escroquerie
portant sur le fait qu'il a reçu
1900 tomans de M. Ahankhah
pour, semble-t-il,
prendre un taxi.
Il a également tenté de se faire
passer pour M. Makhmalbaf.
Nous autorisez-vous
à filmer dans la salle ?
Seulement si les autorités
supérieures le permettent.
- À qui doit-on s'adresser ?
- Au Ministère de la Justice.
S'il le permet, moi aussi.
- Avons-nous votre accord ?
- Vous l'avez.
Scène I, plan I,
administration judiciaire.
Tu te souviens de moi ?
Oui, à la prison de Ghasr.
Nous voudrions filmer le procès.
Es-tu d'accord ?
Oui.
Parce que vous êtes mon public.
- Qui ?
- Vous.
- En raison de ma passion.
- Laquelle ?
Les activités artistiques.
Le film.
Nous avons deux caméras :
Une avec un objectif gros plan.
Tu sais ce qu'est un gros plan ?
Oui.
- L'autre caméra...
- Non, je ne sais pas.
Cela sert à prendre des plans serrés.
L'autre objectif grand-angle
filme le déroulement du procès.
- Il concerne le Tribunal.
- Je vois.
En prison tu m'as dit
avoir plaidé coupable.
Mais que cela ne concernait que
les apparences de l'affaire.
Que certaines choses étaient
difficiles à expliquer...
et à comprendre.
Cette caméra est ici pour que
tu puisses expliquer ces choses
auxquelles les gens ont du mal à croire.
On va procéder
à la lecture des charges.
S'il y a des choses qui vous semblent
inacceptables du point de vue légal
et que vous désirez expliquer,
adressez-vous à cette caméra.
Entendu.
Etes-vous prêt ?
Oui.
Au nom de Dieu, miséricordieux
et compatissant...
L'inculpé, M. Hossein Sabzian.
Qui sont les plaignants ?
M. Ahankhah, M. Mohseni
et Mehrdad Ahankhah.
- Ils sont tous 3 plaignants ?
- Oui.
Avant de procéder,
je propose aux deux parties
de régler leur différend à l'amiable.
Si les plaignants ne désirent pas
retirer leur plainte,
nous commencerons le procès.
En mon nom et au nom de ma famille,
je ne suis pas disposé
à retirer ma plainte.
J'ai demandé à mon fils Mehrdad
de vous en exposer les détails.
Très bien.
Commençons la séance.
M. Ahankhah, voulez-vous
présenter votre plainte ?
M. Hossein Sabzian a approché
notre famille...
en se faisant passer
pour M. Makhmalbaf...
et envisageait
sans aucun doute...
de monter une escroquerie...
ou même de commettre
un cambriolage.
Il a failli
dans son entreprise...
et a été arrêté...
grâce à la vigilance de mon père.
LE CYCLISTE
Pardon, où avez-vous
acheté ce livre ?
Où avez-vous acheté ce livre ?
Dans une librairie.
Pourriez-vous
m'en donner l'adresse ?
Je vous le donne.
Non, merci.
Je veux en acheter un.
Il est à vous.
C'est moi qui l'ai écrit.
- C'est vous qui l'avez écrit ?
- Oui.
Vous êtes M. Makhmalbaf ?
Oui.
Enchantée.
- C'est très aimable à vous.
- Je vais vous le dédicacer.
- Merci.
- Je vous en prie.
Pourquoi vous ne circulez pas
avec votre propre voiture ?
Qu'y a-t-il d'étonnant à cela ?
Les réalisateurs renommés
se déplacent souvent en voiture.
Ils ne prennent pas le bus.
Je prends souvent le bus
pour trouver des sujets intéressants.
Avez-vous vu mon film ?
Oui, avec mes enfants.
Il m'a beaucoup plu.
- Une fois ?
- Oui.
Il faut le voir plusieurs fois
pour vraiment le comprendre.
Ça intéresse plus mes enfants.
Vraiment ?
Oui, mes deux fils.
- Ils sont ingénieurs.
- Lequel est le plus intéressé ?
Le cadet est plus enthousiaste.
- Il a vu le film ?
- Oui, on l'a vu ensemble.
- Qu'en pense-t-il ?
- Ça lui a plu.
- Il n'a pas posé de questions ?
- Non.
Que fait-il ?
Mes deux fils sont ingénieurs.
L'aîné est ingénieur
en mécanique.
L'un d'eux travaille
dans une usine de pain
à Mazandaran.
Le plus jeune,
il n'a pas encore d'emploi.
Il travaille sur ordinateur.
Ma fille vient de passer
un examen d'entrée à l'université.
Elle a terminé ses études.
À quoi s'intéresse votre fils ?
IL s'intéresse à l'art
et à la littérature.
À-t-il déjà écrit
des scénarios ?
Pour lui-même, oui.
- Le cinéma l'intéresse ?
- Oui.
- Et le dessin ?
- Oui, c'est sa spécialité.
Donc il s'intéresse à l'art ?
Oui, beaucoup.
Mes fils seront ravis d'apprendre
que je vous ai rencontré.
S'ils le désirent,
ils peuvent me contacter.
Quelle est votre adresse ?
Elle est au dos du livre
avec le numéro de téléphone.
Merci. Je leur dirai.
Pourrais-je avoir votre numéro ?
Ainsi, je pourrais les joindre.
Voici du papier.
J'ai aussi un bic.
- Voici votre bic.
- Merci.
Quel est votre nom ?
Ahankhah.
Arrêtez, je voudrais descendre.
- Vous voulez descendre ?
- Oui. Excusez-moi.
- J'espère vous revoir un jour.
- Merci.
Qu'entendez-vous par "escroquerie" ?
Qu'a-t-il fait exactement ?
Eh bien, il s'est fait passer
pour M. Makhmalbaf, le cinéaste.
Il a examiné toutes les pièces
de la maison et...
a rassemblé les informations
nécessaires à un cambriolage
au nom du cinéaste
pour réaliser son plan.
M. Hossein Sabzian,
vous êtes accusé
d'escroquerie
et de tentative d'escroquerie.
Vous avez à vous défendre
de ces deux chefs d'accusation.
Reconnaissez-vous les charges
dont on vous accuse ?
Si oui, expliquez-nous comment
vous comptiez les mener à bien.
Pour ce qui est du cambriolage...
Laissons cela pour plus ***.
Vous êtes accusé d'escroquerie
et de tentative d'escroquerie.
Je n'ai jamais eu l'intention
de monter une escroquerie.
Légalement, c'est un chef
d'accusation acceptable.
Mais pas moralement.
Tout cela est arrivé
en raison de mon penchant
pour les activités artistiques.
Enfant, j'allais beaucoup au cinéma.
Je jouais à faire des films
avec mes petits camarades.
Mais, n'ayant pas
les moyens financiers,
j'ai dû renoncer
à mes envies artistiques.
D'autre part, un escroc
fait des préparatifs.
Il revêt des apparences trompeuses.
Je n'ai rien fait de tout cela.
Je n'avais pas cette intention.
Il faut une préparation...
Mais c'était pas mon intention.
Quel était le mobile pour lequel
vous vous êtes fait passer
pour M. Makhmalbaf ?
Je l'admire parce qu'il...
dépeint dans ses films
la souffrance.
En fait, il parlait à ma place
de gens comme moi, surtout dans
La noce des bénis.
J'ai également bien aimé
Le Voyageur de M. Kiarostami.
Je suis comme le petit garçon
du film qui prend
des photos des gens alors que
son appareil n'est pas chargé
pour pouvoir aller à Téhéran
voir un match de foot,
mais qui s'endort
et rate le match.
Moi aussi, j'ai le sentiment
d'avoir manqué le match.
Je sais que légalement mon acte
ne se justifie pas,
mais mon amour pour l'art
devrait être pris
en considération.
Vous n'avez pas répondu
à la question.
Pourquoi vous faire passer
pour M. Makhmalbaf
si vous n'aviez pas l'intention
de monter une escroquerie ?
Ça me plaisait d'interpréter
ce personnage.
Un des plaignants prétend
que l'inculpé
a reçu de lui 1900 tomans.
Parlez-nous de cela.
En quittant la maison
après sa première visite,
il a vu ma moto.
Il m'a demandé si
je savais conduire.
Il m'a demandé de le reconduire,
ce que j'ai accepté.
Alors il a dit que s'il lui
arrivait quelque chose...
ses admirateurs et
son équipe de tournage...
viendraient mettre notre maison
à sac pour le venger.
Nous avons tous ri.
Ensuite, nous sommes partis.
Il a accepté de répondre
à toutes les questions...
concernant
son métier de cinéaste.
J'ai posé quelques questions.
À ces questions, il répondait
parfois très intelligemment,
parfois très évasivement.
Je me suis dit
qu'en tant que cinéaste
il ne désirait pas s'étendre
sur tous les aspects.
Ensuite il a dit avoir pensé
à un sujet de film intéressant.
Il m'a dit : "Deux personnes
roulent à moto...
"et l'un d'eux perd
son portefeuille."
J'ai demandé si
ça lui était vraiment arrivé,
et il m'a dit que oui.
En descendant il m'a dit
qu'il avait besoin d'argent.
Je pensais que, pour rentrer,
il lui faudrait
50 ou 100 tomans.
Mais il me dit
qu'il avait quelque chose d'une
valeur de 1500 tomans à acheter.
Après que je les lui ai donnés,
il me dit qu'il lui en fallait
encore 500.
Et même 2000 si je les avais.
J'en ai gardé 50 pour moi...
car j'en avais besoin moi-même.
Et je lui ai donné le reste.
Il l'a mis dans sa poche.
Ensuite il m'a dit
que le scénario
qu'il avait imaginé
se terminait ainsi...
Des deux motocyclistes,
celui qui avait de l'argent
en prêta à celui qui
avait perdu le sien.
Et ce fut le début
d'une grande amitié.
J'étais ravi d'avoir fait
la connaissance d'un réalisateur
qui était assez humble pour
m'emprunter de l'argent.
- Vous avez reçu 1900 tomans ?
- Oui.
En aviez-vous besoin
ou était-ce...
pour tester sa générosité ?
J'avais besoin d'argent.
Cela justifiait-il votre acte ?
Non.
Expliquez-moi votre comportement
en rapport avec cela
et votre motivation à vous
faire passer pour Makhmalbaf.
Etre Makhmalbaf fut très difficile.
C'est-à-dire ?
C'est toi-même qui l'as choisi.
Il m'était difficile...
d'en assumer la personnalité.
Je ne savais pas si je serais
reconnu comme cette personne.
- Quelle personne ?
- Makhmalbaf.
Il était difficile de jouer
le rôle d'un metteur en scène.
Mais j'ai eu confiance en moi.
Et j'ai gagné leur respect.
- Le respect de qui ?
- Des membres de la famille.
Ils faisaient tout
ce que je leur disais.
Si je leur demandais, par exemple,
de déplacer une tasse,
ils le faisaient.
Avant cela, je n'avais jamais
pu faire accepter mes vues.
Les gens m'obéissaient
de manière hésitante.
Mais là, sous les traits
d'une personnalité connue,
je les faisais tous obéir.
Quand j'ai quitté la maison et
que j'ai dû accepter de l'argent
pour acheter quelque chose
pour mon fils
et payer mon retour chez moi,
je me suis rendu compte...
que j'étais toujours ce pauvre type
incapable d'entretenir sa famille.
Il me fallait accepter
mon triste sort parmi les pauvres.
C'est pourquoi,
en me réveillant le lendemain,
il m'était très difficile
de continuer
à jouer ce rôle.
Mais je voulais continuer
en raison de mon amour du cinéma.
Cela m'était difficile.
Mais en même temps
cela me plaisait...
surtout parce
qu'ils me respectaient
et me soutenaient moralement.
Alors je m'y suis mis vraiment.
Je commençais à croire
que j'étais metteur en scène.
Je le sentais vraiment.
Ce n'était plus de la comédie.
J'étais ce nouveau personnage.
Mais quand je quittais cet endroit
et que je rentrais chez moi,
il fallait que j'abandonne
mon personnage.
L'argent te permettait...
de continuer à jouer ce rôle
durant la nuit ?
Oui, un réalisateur ne peut pas
être misérable.
Il doit avoir de l'argent.
Il ne doit pas être pauvre
au point de ne pas pouvoir
donner à sa famille
les moyens de subsister
dignement.
Voilà pourquoi il m'était
si difficile
de reprendre mon rôle de metteur
en scène les jours suivants.
C'était difficile car
ils avaient confiance en moi
et leur confiance
me donnait confiance.
Il te donnait confiance
en te donnant de l'argent ?
Oui, quand
il m'a donné l'argent,
je me suis rendu compte
qu'il était persuadé
que j'étais réalisateur.
Tu ne comptais pas
le lui rendre ?
Si, mais...
je ne savais pas
comment je pouvais faire.
Et il était tellement intéressé
de jouer dans un film
que j'aurais aimé qu'on ait
les moyens d'en tourner un.
Nous avons commencé à avoir
des soupçons le jeudi suivant.
Il insistait pour qu'on aille
tous voir le film Le Cycliste.
Il dit qu'on pourrait discuter
de ce film,
qu'il servirait de base au nôtre :
La Maison de l'Araignée.
On jouait Le Cycliste dans 2 cinémas.
L'un, près de chez nous.
Mais il voulait que nous allions
à celui qui est loin de chez nous.
Il prétendait que ce cinéma-là
passait une version
moins censurée du film,
et qu'il fallait le voir
dans ce cinéma.
C'est une des choses
qui nous a mis la puce à l'oreille.
Quand nous avons argué
que nous n'avions pas de voiture,
il a dit que ce n'était pas grave.
Il a même demandé à un ami
qui était chez nous
de prendre la voiture de son père.
Il a dit qu'il ne venait pas avec nous.
Sinon, devant le cinéma,
ses admirateurs nous ennuieraient.
M. Sabzian, avez-vous entendu
sa déclaration ?
La malveillance est le voile
qui dissimule l'art.
Quoi !
Je voudrais demander à M. Ahankhah...
qui m'impute l'intention
de cambriolage...
Ceci n'a pas été retenu contre vous.
Il n'a fait que le mentionner.
Ça ne figure pas au dossier.
Ils ont envisagé l'éventualité...
...que vous,
c'est-à-dire Makhmalbaf,
vous fassiez partie d'une bande
qui projetait un cambriolage.
Je nie formellement.
Ils pensaient que vous vouliez
leur faire quitter la maison
pour que vos complices
puissent les dépouiller de leurs biens.
Etait-ce là votre intention ?
Non.
Mais vous avouez avoir voulu
abuser du nom de M. Makhmalbaf.
Oui, je le reconnais.
Comme il l'a expliqué,
et vous le lui avez fait confirmer,
il n'avait aucune intention de vol.
Mais la raison pour laquelle
il voulait que toute la famille
aille au cinéma, n'est pas claire.
Si vous le voulez bien,
j'aimerais qu'il s'explique
sur sa motivation à ce propos.
Je voulais qu'ils voient le film
pour qu'ils puissent
s'intéresser davantage au cinéma
et me respectent davantage
en tant que réalisateur.
Je voulais qu'ils voient en moi
un réalisateur conscient
des souffrances de la société.
Un réalisateur assez modeste
pour fréquenter les gens ordinaires.
Je voulais effacer de leur esprit
l'idée qu'un réalisateur de cinéma
est différent des autres gens.
Je voulais qu'ils se rendent compte
qu'un véritable artiste
est proche du peuple
et est prêt à aller
au cinéma avec eux.
Mais comme ils n'acceptaient pas
ma proposition,
je leur ai suggéré d'y aller séparément.
Je m'y suis rendu en bus
et quand je suis arrivé
devant l'entrée du cinéma,
j'ai vu qu'ils étaient déjà là.
Ils ne m'avaient pas vu...
Je suis allé vers eux
et je leur ai dit...
que je les avais attendus longtemps.
Ils m'ont demandé
comment j'étais arrivé là.
Je leur ai expliqué
que j'avais veillé à ne pas être reconnu
parce que les gens
se seraient massés autour de moi
pour me demander des autographes.
Qu'aurais-tu fait si quelqu'un
t'avait pris pour Makhmalbaf ?
Si ç'avait été à l'entrée du cinéma,
j'aurais tenté de ne pas
attirer l'attention, mais je sentais...
Tu ne l'aurais pas suivi
et tu n'aurais pas continué
à jouer le jeu avec lui ?
Si, je crois.
Combien de temps après sa visite
chez vous a-t-il été arrêté ?
Quand il nous a quittés le mardi,
il m'a dit qu'il m'aimait bien
et qu'il désirait
me confier le rôle principal
de son prochain film.
Et il a ajouté
qu'il reviendrait nous voir.
Il a dit qu'il viendrait
déjeuner chez nous le jeudi.
Et que le bouillon
était son plat préféré.
Combien de temps
après votre rencontre a-t-il été arrêté ?
Et pour quel motif ?
IL est venu chez nous
3 fois en 4 jours.
Le mardi, le jeudi
et enfin, le samedi.
Décrivez-nous les péripéties
de son arrestation.
En fait, mon père le soupçonnait
depuis le début.
Il a discuté avec M. Mohseni.
Les caractéristiques qu'il a données
correspondaient à M. Sabzian.
M. Mohseni,
vous êtes impliqué
dans cette affaire depuis le début.
Tout s'est déroulé de la manière
dont je l'avais prévu.
Mais Mehrdad disait
qu'il n'y avait
aucune raison de le suspecter.
Heureusement,
il s'est passé hier
une chose qui l'a convaincu
qu'il n'était pas Makhmalbaf.
Hier, il est venu
pour répéter avec les enfants.
Mehrdad est arrivé avec un journal.
Et il a dit :
"Félicitations, M. Makhmalbaf !"
IL est resté confondu
et ne savait que dire.
Le journal annonçait qu'un prix
avait été décerné au film Le Cycliste
au Festival de Rimini.
Mais il n'en savait
apparemment rien.
Il a dit
que ce prix récompensait
la musique du film.
- Il pensait au festival Fajr.
- Probablement.
Ils ont continué à répéter.
Mais Mehrdad était convaincu
que ce n'était pas Makhmalbaf.
Mais il arrive que
le réalisateur ne l'apprenne pas
tout de suite.
Non, le journal disait
que M. Makhmalbaf
avait adressé un télégramme
à ce festival.
Il devait donc être au courant
de la récompense.
Ils ont continué à répéter,
puis ils sont allés au cinéma.
En sortant du cinéma,
il a exprimé le désir
de rentrer chez nous
et de passer la nuit avec nous.
Il est venu et a passé la nuit ici.
Le lendemain, vers 6 h du matin,
je l'ai entendu discuter
avec Mehrdad.
Il disait qu'il voulait aller
dans la montagne.
Mehrdad était certain
qu'il ne reviendrait plus.
Mais il lui a prêté son manteau
pour qu'il ne prenne pas froid.
Nous pensions ne plus le revoir,
mais heureusement...
ou malheureusement,
il a téléphoné
il y a une demi-heure.
Il a demandé à Mehrdad
de venir le chercher.
Ils seront là d'un moment à l'autre.
Comme je vous disais,
mon ami connaît bien
le milieu des artistes.
J'espère que cet homme
est bien Makhmalbaf.
Excusez-moi, j'entends
le bruit de la moto.
- Bonjour. Comment allez-vous ?
- Très bien, merci.
- Mon ami, M. Mohseni.
- Enchanté.
Asseyez-vous, je vous en prie.
- Comment allez-vous ?
- Bien, merci.
J'espère que vous avez
bien dormi, la nuit dernière.
Non.
Je n'ai pas dormi du tout.
Je regrette que notre maison
ne vous ait pas été confortable.
On dort souvent mal
quand on n'est pas dans son propre lit.
Un derviche se sent pourtant
partout chez lui.
- Je ne suis pas un derviche.
- Vous ressemblez à un mystique.
Les apparences sont trompeuses.
M. Makhmalbaf,
vous avez déjeuné ?
J'ai pris un bon petit-déjeuner.
Mais je veux bien
me joindre à vous.
Le week-end, nos enfants se lèvent ***
et prennent juste un déjeuner.
Mais je peux vous faire une omelette.
Non, je n'ai pas vraiment faim.
Que vous soyez un derviche ou pas,
nous ne pouvons vous offrir
qu'une omelette.
Très bien.
Prépare-lui une omelette.
Allez-vous souvent
dans les montagnes, M. Makhmalbaf ?
Parfois.
Mais ce matin,
quand j'ai regardé les montagnes
j'ai ressenti le désir
d'aller dans la nature.
Etre proche de la nature
vous ôte les angoisses du cœur.
Il faut être en contact
avec la nature...
J'ai demandé à la Muse
pourquoi elle se cachait.
Elle m'a répondu :
"C'est toi qui es caché."
Nous sommes les esclaves
d'un rôle égoïste qui dissimule
notre vrai visage.
Si nous arrivons à nous
débarrasser de ce personnage,
la beauté de la vérité sera à nous.
Ce matin, j'ai eu envie d'aller
dans la montagne pour m'examiner.
La nature est un miroir
dans lequel nous pouvons
nous regarder.
Si vous aimez la nature,
vivez donc de manière naturelle.
Mehrdad, tu ne sembles pas
prêt pour la répétition.
J'attends les autres.
Tu me fais perdre mon temps.
Prenez votre repas.
Qu'avez-vous détecté
de non-naturel en moi ?
Ce n'est pas ce que je voulais dire.
Je voulais juste souligner
le fait que la plupart des gens
se reposent le vendredi.
Quand il y a du travail à faire,
qu'importe...
le jour de la semaine.
On a si peu de temps...
Voilà pourquoi je donne toujours
la priorité au travail.
Car on ne sait jamais
ce que demain nous réserve.
On ne peut prédire l'avenir.
Même l'avenir très proche.
C'est pourquoi nous devons
essayer de profiter
des occasions qui nous sont offertes.
Les occasions de travailler sont rares.
C'est pourquoi je n'arrête pas
de travailler
le vendredi ou pendant les vacances.
J'aime mon travail et je dois
le terminer avant de me reposer.
Il y a tant de jours de la semaine
où nous ne savons pas travailler.
Je suis disposé à travailler
jour et nuit
tant que vos garçons continuent
d'être aussi enthousiastes.
Mais je sens que leur intérêt
commence à décroître.
Je ne puis m'imaginer pourquoi.
Mehrdad a fait du très bon travail,
mais il semble perdre sa motivation.
J'en ignore la raison.
J'aimerais la connaître.
S'il avait gardé
son enthousiasme du début...
j'aurais travaillé jour et nuit.
Ça ne m'aurait posé aucun problème.
Oui ? Entrez.
- C'est M. Farazmand.
- Excusez-moi.
- Comment allez-vous ?
- Très bien, merci.
J'espère que
je ne vous dérange pas.
Pas du tout.
- M. Mohseni.
- Comment allez-vous ?
- M. Makhmalbaf.
- Enchanté.
Je vous en prie, asseyez-vous.
Comment allez-vous,
M. Ahankhah ?
J'ai peur de vous déranger.
- Pourrais-je vous parler ?
- Certainement.
Peut-on commencer la répétition ?
J'arrive tout de suite.
Il me faut un magnétophone.
M. Farazmand a besoin
d'un magnétophone.
Il me faut un enregistreur portable.
Nous n'en avons pas.
- Et vos voisins ?
- Je vais leur demander.
Laissez-le terminer son repas.
- Ne les laisse pas l'emmener.
- T'en fais pas, il reviendra.
Est-ce votre premier délit du genre ?
C'est la première fois.
Pourtant, j'ai entendu dire...
- Je ressemble à Makhmalbaf.
- Donc, c'est vrai.
Des gens m'ont pris pour lui
et je n'ai pas rectifié leur erreur.
Regrettez-vous
ce que vous avez fait ?
Oui... Je sais que justice
doit être rendue.
Mais je regrette d'avoir joué
avec leurs sentiments.
C'est la seule raison pour laquelle
j'ai honte de moi.
Au fond de moi,
je n'ai jamais eu la moindre intention
de les voler.
Je regrette ce que j'ai fait.
Je ne regrette pas
d'avoir fait de la prison.
C'est là que les sages
peuvent prendre une leçon.
Je me repens
et j'accepterai ma sentence.
- Vous avez fait de la prison ?
- Jamais.
Quelle est votre profession ?
Je travaillais
dans une imprimerie.
Pourquoi avez-vous fouillé leur maison
pièce par pièce ?
Je jouais le rôle
d'un metteur en scène.
Je disais qu'on prendrait
une prise d'un tel angle...
Avez-vous travaillé
dans le cinéma ?
Non.
Mais j'ai lu des livres à ce sujet.
Des scénarios et des livres
sur la réalisation de films.
Je faisais mine de répéter des scènes.
Vous aviez aussi demandé
de couper les arbres du jardin.
Je disais que pour les scènes
qu'on tournerait dans le jardin,
les arbres cacheraient
la vue de la maison
et M. Ahankhah a accepté de les couper.
Ensuite, j'ai dit qu'on pouvait
choisir d'autres angles.
L'idée de filmer dans la maison
venait-elle de vous ou bien d'eux ?
De moi et ils l'ont acceptée.
Envisagiez-vous de leur demander
de l'argent pour la production ?
- Pour produire le film ?
- Oui.
Je leur ai soumis un projet.
J'avais l'intention de le tourner
s'ils me fournissaient les fonds.
Ils paraissaient vouloir s'impliquer
dans un projet cinématographique.
Je n'aurais jamais imaginé
que ça se termine de la sorte.
Il se repend de ses fautes.
Je voudrais demander aux plaignants
s'ils sont disposés à lui pardonner.
Légalement, bien sûr,
il a commis un délit punissable.
Mais leur pardon constituerait
une circonstance atténuante.
Je lui aurais pardonné
s'il avait été honnête.
Mais à l'entendre, je sens bien
qu'il continue à jouer un rôle.
Un rôle différent...
Au lieu de jouer celui
de Makhmalbaf,
il joue celui
d'une personne sentimentale.
J'aimerais que M. Farazmand
nous parle
des contacts qu'il a eus
avec différentes personnes.
- Connaissez-vous l'affaire ?
- Oui.
Quel est le titre de l'article
que vous avez écrit ?
"Arrestation du faux Makhmalbaf".
Le faux Makhmalbaf ?
Après la parution de l'article,
j'ai reçu un nombre important
de coups de téléphone.
L'un d'eux provenait d'une dame
que je n'ai pu localiser.
Elle m'a dit qu'un homme
prétendant être Makhmalbaf
lui avait promis de la faire
jouer dans ses films.
Il lui avait même
promis de l'épouser.
Elle voulait porter plainte
et je lui ai dit qu'elle devrait
venir au tribunal
pour prouver son histoire,
ce qu'elle a refusé.
J'ai également reçu un appel
d'une imprimerie qui disait
que l'inculpé était responsable
de diverses malversations
comme le refus de payer
une livraison de papier.
Alors, M. Sabzian...
À propos de l'appel
de cette dame...
En tant que célibataire,
vous pouviez agir de la sorte.
Je nie tout ça et je suis prêt
à lui être confronté.
J'ai travaillé comme représentant
pour une société commerciale.
J'allais visiter des clients
et je leur proposais
mes échantillons.
Le jour où j'ai rencontré
Mme Ahankhah,
j'étais à court d'argent
et j'étais parti de chez moi
sans déjeuner.
Quand Mme Ahankhah a cru
que j'étais Makhmalbaf,
j'ai pensé que
je pourrais peut-être
aller déjeuner chez elle.
C'était juste pour le repas.
Mais je voudrais dire...
que le jour de mon arrestation,
j'avais écrit l'adresse de M. Ahankhah
dans mon carnet et que j'ai ajouté
"La dernière tragédie".
Je sentais venir la fin
et je l'ai noté dans mon carnet.
Ma fin tragique.
Je l'ai lu au poste de gendarmerie.
Je savais que je serais arrêté
à cause de l'argent
que j'avais reçu
et parce que j'avais passé une nuit là.
Mais je ne pouvais pas m'empêcher
de retourner dans cette maison.
- Pourquoi ?
- J'adorais jouer ce rôle.
J'aimais être dans cette maison
à jouer le rôle de Makhmalbaf
et susciter leur respect
et leur admiration.
J'en avais grand besoin,
moralement.
Je comptais aussi recevoir
une aide financière de leur part.
Mais je me sentais triste
chaque fois que je les quittais.
Une force irrésistible
me poussait vers eux.
En arrivant le dernier jour,
je savais que je serais arrêté.
Quand j'ai téléphoné à Mehrdad
pour lui fixer rendez-vous...
place Hosseinabad, je sentais
que c'était un piège.
Quand Mehrdad arriva à la place,
il fut étonné de voir
que je l'attendais,
ce qui confirma mes soupçons.
Je l'ai noté dans mon carnet
et je l'ai lu
au poste de gendarmerie.
- Où est ce carnet ?
- J'ai déchiré la page.
Je l'ai déchirée car je pensais
que tout était fini.
Quand as-tu compris
que ton imposture était découverte ?
Le dernier jour.
Au cours de la soirée passée avec eux,
j'ai vu traîner quelque part
un magazine de cinéma.
À l'intérieur, il y avait
une photo de Makhmalbaf.
Il dirigeait une de ses actrices
dans une scène de
La noce des bénis.
J'ai senti qu'ils avaient acheté
la revue FILM
parce qu'il y avait cette photo dedans.
Ils voulaient étudier ma réaction.
Ils m'ont dit :
"Vous étiez plus beau
"étant jeune, M. Makhmalbaf."
Je leur ai dit qu'à l'époque
j'étais plus jeune.
À ce moment-là, j'ai senti
qu'ils avaient des soupçons.
Mais je me suis bien vite convaincu
qu'ils ignoraient
que je n'étais pas Makhmalbaf.
Jusqu'où voulais-tu continuer ce jeu ?
Aussi loin...
qu'eux étaient prêts à aller.
Quand il est venu chez nous jeudi,
il avait les cheveux gris.
Or, sur la photo, les cheveux
de Makhmalbaf étaient noirs.
Je ne lui ai rien demandé
mais il m'a dit que ses cheveux
avaient été noirs et qu'à présent
ils devenaient blancs.
Quand il est revenu samedi,
il avait teint ses cheveux.
À-t-il une explication à donner
à ce sujet ?
Ma mère qui est présente ici
peut vous confirmer que je teignais
déjà mes cheveux
bien avant le début de cette aventure.
Je voulais paraître
un peu plus jeune.
Vous êtes jeune.
Ça fait longtemps
que je me teins les cheveux,
et ce, pour une raison tout autre
que celle suggérée ici.
- Etes-vous marié ?
- Oui.
- Vous avez une famille ?
- Je suis divorcé.
- Pour quelle raison ?
- J'étais pauvre et sans emploi.
- Des enfants ?
- Deux.
Où sont-ils ?
Un chez moi,
l'autre chez sa mère.
- Qui s'en occupe ?
- Ma mère.
- Où est votre mère ?
- Ici, dans cette salle.
Où ça ?
Au fond.
Elle porte un voile noir.
Etes-vous la mère
de M. Sabzian ?
Oui.
Savez-vous pourquoi
il a divorcé de sa femme ?
- Oui.
- Pourquoi ?
IL travaille dans une imprimerie
de manière intermittente.
Il est souvent sans emploi.
Notre maison est petite.
Après son mariage, ils ont reçu
une pièce pour y vivre.
Ils ont vécu 7 ans ensemble.
Ensuite, sa femme s'est plainte
qu'il n'y avait pas d'avenir
pour elle dans notre maison.
Il a dit que
si elle n'était pas heureuse,
il devait la laisser partir.
Ils ont convenu
qu'elle garderait un enfant
et moi l'autre.
Il habite chez moi.
Quand il travaille,
il entretient sa famille
du mieux qu'il peut.
Il n'a jamais été condamné.
Pourquoi n'avez-vous pas tenté
de le faire libérer ?
J'ai été voir le colonel.
J'ai aussi demandé à voir
M. Ahankhah.
Mais ils ont dit
qu'ils s'en occuperaient.
Chaque fois que je suis triste
à la prison,
je pense à l'injonction coranique
qui dit :
"Se rappeler de Dieu
"est la meilleure consolation
pour un cœur troublé."
Et quand je suis déprimé
ou envahi de troubles,
je ressens le besoin d'exprimer
l'angoisse de mon âme,
les tristes expériences de ma vie
dont personne ne veut entendre parler.
Et puis, je rencontre un homme bon
qui montre toutes mes souffrances
dans ses films
et qui me donne envie
de les voir et les revoir toujours.
Un homme qui ose montrer les gens
qui jouent avec la vie des autres,
les riches insouciants
des simples besoins des pauvres
qui sont principalement matériels.
Voilà pourquoi je me consolais
en lisant ce livre.
Il parle de choses
que j'aurais aimé pouvoir exprimer.
Maintenant, après avoir joué ce rôle,
penses-tu
être meilleur acteur que réalisateur ?
J'aime mieux être acteur.
Je crois que je pourrais jouer
toutes les mauvaises expériences,
et toutes les privations
que j'ai ressenties
au fond de mon être.
J'aimerais croire que
je pourrais faire passer ces émotions
à travers le jeu d'acteur.
N'es-tu pas occupé à jouer
devant la caméra maintenant ?
Que fais-tu en ce moment ?
Je parle de mes souffrances.
Ce n'est pas de la comédie.
Je parle le langage de mon cœur.
Pour moi, l'art...
est le développement
de ce qu'on ressent à l'intérieur.
Tolstoï a dit :
"L'art est une expérience sentimentale
"que l'artiste développe
en lui-même
"et transmet aux autres."
Je crois que mes expériences
de privations et de souffrances
sont à même
de me fournir les bases nécessaires
pour devenir un bon acteur.
J'aimerais exprimer
ma réalité intérieure.
Pourquoi avoir joué le rôle
d'un cinéaste
plutôt que d'un acteur ?
Jouer le rôle d'un réalisateur
est une performance d'acteur.
Pour moi,
c'est une performance d'acteur.
- Quel rôle tu aimerais jouer ?
- Le mien.
Tu en es arrivé à ton propre rôle.
M. Sabzian,
vous avez entendu les charges
qui pèsent contre vous.
Dites ce que vous croyez
nécessaire à votre défense.
Je demande à la famille
respectable de M. Ahankhah
de me pardonner.
Je ne demande pas qu'on m'épargne
la peine que je mérite.
J'ai besoin de leur pardon
pour apaiser mon esprit.
Je demande au tribunal
de me pardonner, si cela est possible.
Promettez-vous
de ne plus jamais recommencer ?
Je le promets.
S'il-vous-plaît, pardonnez-lui.
Je suis une descendante du prophète.
Etant donné son jeune âge,
et le fait qu'il ait
une famille à charge,
qu'il n'a pas de casier judiciaire
et qu'il promet
de ne plus recommencer,
je demande aux plaignants
de lui pardonner,
s'ils le veulent.
Mais comme je l'ai dit,
leur pardon
ne constituera
qu'une circonstance atténuante.
Je suis prêt à retirer ma plainte
en espérant que M. Sabzian
devienne utile à la société.
Sachant qu'il regrette son acte,
si mon fils Mehrdad est d'accord,
je suis prêt à retirer ma plainte.
Son acte est le résultat
d'un malaise social et du chômage.
Mais on n'a pas à en parler ici.
Ce n'est donc pas seulement sa faute.
Le chômage peut mener
à la délinquance.
Je suis certain qu'à sa libération,
s'il trouve un travail honorable,
il mènera une vie honnête.
C'est pourquoi
je retire également ma plainte.
On l'a perdu !
IL n'est pas resté à l'endroit repéré.
Je ne le vois pas.
On ne peut pas répéter cette prise !
Je le vois, il est derrière le taxi.
Je le vois aussi.
Le son est coupé !
Mais qu'est-ce-que ça signifie ?
Ça vient du micro-cravate
de M. Makhmalbaf.
Le matériel est usé.
Il y a un faux-contact dans son micro.
Ah, le son est revenu !
Ça va durer longtemps ?
IL n'y a rien à faire.
Etes-vous M. Sabzian ?
Comment allez-vous ?
Ne pleure pas.
Quand as-tu été libéré ?
À l'instant.
Laisse-moi te regarder.
- Où désires-tu aller ?
- Chez les Ahankhah.
Je t'emmène.
Tu m'avais déjà vu ?
- Dans le film.
- Quel film ?
La noce des bénis.
Qu'est-ce-que tu préfères :
Être Makhmalbaf ou Sabzian ?
Moi-même, je suis fatigué
d'être Makhmalbaf.
Je vais chercher la moto.
Garde-moi ça.
Combien de temps
es-tu resté en prison ?
Quand tu as rencontré
cette femme dans le bus...
Selon vous...
Maintenant je comprends tout.
Tu veux acheter des fleurs ?
Compte ton argent.
Fais attention à ton argent.
Je vais t'en donner.
Pas de jaune.
Prends une autre couleur.
Des rouges, c'est mieux.
- Oui ?
- Bonjour, je suis M. Sabzian.
- Qui ?
- Sabzian.
Makhmalbaf.
- Oui ?
- Je suis M. Makhmalbaf.
- Bonjour.
- Entrez.
Quelle date sommes-nous, Hossein ?
Le 3.
De quand date ta première visite ?
40 jours.
- Bonjour.
- Bonjour, comment allez-vous ?
- Vous connaissez M. Sabzian.
- Bien sûr.
Vous devez me pardonner.
M. Sabzian a changé.
Considérez-le
comme une nouvelle connaissance.
Maintenant, nous pouvons être fiers
de l'avoir rencontré.
Sous-titrage : C.M.C.