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A la tête du Collective Intelligence Research Institute,
Jean-François Noubel le perçoit,
c'est encore un signal faible,
annonciateur de transformations plus fondamentales,
et toutes commencent par un vrai travail sur soi.
J'ai 12 minutes...
12 minutes pour
partager
ma passion pour l'évolution,
pour l'évolution de la vie,
pour l'évolution de la conscience,
et ça au travers d'une nouvelle discipline,
une nouvelle discipline de recherche
qui s'appelle l'intelligence collective.
L'intelligence collective qui essaie de comprendre
pourquoi, comment,
lorsqu'on met un certain nombre d'êtres ensemble,
des êtres humains, des plantes, des animaux,
des écosystèmes...
eh bien quelque chose se passe,
plus ou moins bien,
mais parfois,
un tout émerge, comme un corps,
et là quelque chose de magique se passe.
A la fois pour les participants, bien entendu,
mais également magique parce que
un tout émerge, congruent,
avec une conscience,
capable d'évoluer, d'avancer,
et là je parle autant pour une entreprise
qui marche bien,
que ce groupe-là qu'on vient de voir chanter,
ou d'une grande entreprise.
Alors j'ai 12 minutes pour vous parler
de cette passion mais, à deux niveaux,
parce qu'il y a l'aspect
technologique, tout ce qu'on peut voir, l'aspect objectif extérieur,
et puis il y a l'aspect beaucoup plus difficile,
beaucoup plus invisible,
à savoir ce qui va changer au fond de nous.
Et déjà pour commencer à nous donner une idée
de ce qui va changer au fond de nous,
je propose qu'on fasse une petite chose ensemble.
Je vais vous la montrer...
[longue et lente respiration]
Une longue respiration.
On essaie tous ensemble ?
On est prêts ?
On y va !
[longue respiration collective]
Encore une fois...
[longue respiration collective]
Alors quel lien ?
Quel lien avec cette évolution de notre espèce ?
Eh bien je vais revenir justement à l'intelligence collective,
et à un voyage dans le temps.
On va parler de ces différentes formes d'intelligence collective
au cours de l'évolution,
et je vais commencer par celle-là,
à savoir un ban de poissons,
et j'aurais pu aussi bien vous montrer une fourmilière,
ou bien un nuage d'oiseaux,
ou bien un de ces grands troupeaux de buffles ou de bisons.
Cette forme d'intelligence collective,
certainement la première apparue sur Terre,
on va l'appeler l'intelligence collective en essaim.
Elle a pour caractéristique déjà, vous le voyez,
les grands nombres.
Mais également au niveau de l'individu,
l'individu dans cette configuration-là,
il n'a pas une très grande marge de manœuvre.
Le poisson, il suit le ban de poissons.
Quand on se trouve dans un troupeau, même chose.
Alors, question :
est-ce que, au niveau de l'humanité,
on la connaît ?
Est-ce qu'elle existe chez nous cette forme d'intelligence collective ?
Eh bien, pas fondamentalement mais...
parfois.
Dans une manifestation,
là ici on a une extraordinaire photo du marathon de New York.
Mais on la connaît aussi,
vous l'avez peut-être connue pas plus *** que ce matin,
on la connaît souvent tous les jours,
comme ça.
Eh oui, quand on se trouve dans sa voiture,
on n'a pas une marge de manœuvre extraordinaire,
et pourtant, au niveau collectif,
il se passe quand même quelque chose d'incroyable :
une ville se remplit, et se vide chaque jour !
Imaginez si une équipe devait planifier ça ?
Même chose pour la fourmilière.
Donc cette forme d'intelligence collective,
extraordinaire dans ses capacités en tant que tout,
mais elle a aussi ses limites.
Parfois, ça peut se bloquer complètement,
des troupeaux peuvent tomber dans des abîmes,
etc, etc.
L'humain, lui, il vient d'autre part.
Il vient d'ici...
L'intelligence collective originelle.
On l'appelle comme ça, justement,
à savoir le petit nombre.
Ca fonctionne un petit peu à l'inverse
de l'intelligence collective en essaim
puisque là nous avons un petit nombre d'individus,
mais chaque individu se trouve extrêmement individué.
Et chez l'humain, on le retrouve dans ces configurations-là,
celle qu'on vient juste de voir sur scène, formidable !
Là ici on a un groupe de jazz.
J'adore cette photo parce que
elle nous montre à quel point chaque musicien
vit son individuation,
il connaît sa technique, son instrument,
et puis se rencontre totalement et pleinement avec les autres.
Et à deux niveaux :
horizontalement,
il sent bien ce que chaque autre musicien fait,
mais en plus verticalement,
il a une connaissance du tout,
il ressent ce tout,
il peut s'actualiser grâce à ça.
Ca porte un nom d'ailleurs : l'holoptisme.
Je ne vais pas m'étendre dessus, mais ça porte un nom.
La grande force de cette structure, en intelligence collective, on la connaît tous.
Eh bien, extrêmement agile,
apprenante,
elle s'adapte tout le temps,
elle se reconfigure, il suffit de voir une équipe de sport
qui s'adapte à l'inconnu sans arrêt.
Mais elle a aussi des limites,
elle a deux limites :
le nombre,
et la distance. Il faut que, évidemment,
les joueurs se trouvent dans un espace sensoriel
où ils puissent se connecter les uns les autres,
et voir ce que chacun fait.
Alors pour l'humanité, qui a connu ça pendant très longtemps,
avec les villages, les tribus,
eh bien il y a eu une crise,
une crise systémique majeure,
mondiale, à l'époque.
Eh oui, lorsque l'agriculture est née,
puis que les villes ont commencé à émerger,
la spécialisation du travail,
il y a eu une explosion de complexité,
et il a fallu une sorte de saut quantique.
Et là, l'humanité a inventé une technologie absolument incroyable :
l'écriture,
qui a permis de sortir de la proximité orale,
de la tradition orale,
pour passer dans les grandes civilisations.
Civilisations égyptienne, mésopotamienne,
chinoise, maya, etc.
A chaque fois on retrouve cette même structure
déjà constituée en castes.
On a un Dieu vivant en haut,
et puis en-dessous on va trouver la haute prêtrise, la noblesse...
En-dessous les artisans, les marchands,
et puis en-dessous on va trouver
les gens de la terre, les éleveurs, etc.
Et puis tout en bas,
une masse,
taillable et corvéable à merci,
les esclaves, le servage, les Intouchables, etc.
Et puis évidemment ça a évolué.
De nos jours, on représenterait plus ça comme ça : une grande entreprise elle fonctionne
avec un comité de direction.
On voit des petits groupes d'intelligence collective originelle.
Et puis ça s'organise toujours en pyramide,
avec des départements, des services, etc.
Et qui ne connaît pas dans les grandes entreprises évidemment,
ces fonctionnements en silos.
Alors, la grande force, puisque je parle des forces et des faiblesses,
de l'intelligence collective pyramidale, celle-là,
sa grande force, évidemment, elle a réussi à mettre ensemble
des milliers ou des millions de personnes.
Sa grande force, on la voit aussi, justement, si je devais prendre l'image de la musique,
on va trouver l'orchestre symphonique.
Avant-hier, lorsque je faisais mes diapos, j'avais mon fils avec moi,
il m'a dit : "Tiens papa, je vais te représenter ce que tu n'arrives pas à trouver sur Internet".
Je voulais voir un chef d'orchestre de derrière, et il m'a fait ça,
donc merci à lui, merci à Estéban.
Il a très bien compris le concept.
Les forces et les faiblesses de cette intelligence collective pyramidale,
on se heurte aujourd'hui de plein fouet à ça, et je crois que cette image résume bien,
celle du Titanic ou d'un grand paquebot.
La force, elle se trouve aussi dans l'image...
On a là une technologie extraordinaire,
qui pilote, qui transporte des gens,
un grand nombre de gens, d'un bout à l'autre du monde.
Et en même temps, une erreur dans le commandement, voire une malveillance,
et ça peut devenir la catastrophe.
Autrement dit, l'intelligence collective pyramidale
a une très très faible résilience.
Si ça va pas dans la tête, tout peut s'effondrer.
Elle a peu d'adaptabilité aussi. Elle sait très bien développer des process,
les répéter,
les répéter à l'avance,
mais après s'il y a du changement,
cela ne marche plus très bien et on se trouve de nouveau face à un changement,
à une nécessité, face à un mur de complexité,
qui nous oblige, justement,
à nous réinventer.
Qu'est-ce qui se passe ?
Eh bien,
on entre, de plain-pied,
dans ce qu'on appelle l'intelligence collective
holomidale.
Holomidale, de "holos" -- holistique,
Et là, vous avez cette image de l'Internet que j'aime beaucoup,
déjà un petit peu ancienne,
comment les serveurs se relient entre eux.
Ca émerge.
Personne n'organise cela de haut en bas.
Ca émerge, et ça s'auto-organise.
Tout comme on retrouve ça en forêt,
sous nos pieds, le rhizome,
même chose, même structure.
Ou dans notre cerveau.
Et là, on a partout, et ça vous le savez,
des réseaux sociaux.
Tout le tissu social s'auto-organise et on retrouve
quelque part,
les avantages de l'intelligence collective pyramidale
--les grands nombres--
mais avec toute la résilience, l'auto-organisation,
de l'intelligence collective originelle.
Ca s'adapte, c'est extrêmement apprenant,
ça se reconfigure sans cesse,
ça se constitue en tribus sémantiques,
etc, etc.
Alors,
à partir de là,
on imagine bien,
on se trouve tous là pour en parler,
qu'il va y avoir une transition incroyable.
Et là maintenant je pourrais vous parler
de ce qui va arriver,
les imprimantes 3D par exemple.
On va passer d'une grande partie de la production,
centralisée, pyramidale,
à des modes complètements distribués.
Je pourrais aussi vous parler de la fin de l'argent, de la société post-argent,
parce que si on veut passer d'une économie de la compétition
à une économie du mutualisme,
on ne peut plus utiliser cette vieille technologie nommée argent.
On va avoir des systèmes beaucoup plus puissants !
Mais là, maintenant,
je voudrais vous parler justement de cette
intériorité.
La chose la plus difficile, qui me passionne,
ce qui me fait me poser la question quasiment 24h/24...
Comment l'humain va-t-il se vivre
à l'intérieur de lui-même
dans les années qui viennent ?
Et pour ça, on va prendre un exemple :
les codes sociaux.
Et dans les codes sociaux, je vais m'intéresser aux codes sociaux de la conversation.
Alors, quand on se parle, quand on a une conversation à table,
ou un débat politique,
qu'est-ce qui se passe ?
Première chose, déjà, les gens parlent les uns après les autres, très très vite.
Il n'y a pas de place pour le silence, il n'y a pas de place pour les temps de respiration.
Et puis,
on s'interrompt.
Et ça, croyez bien, je le vois dans pratiquement la plupart des cultures.
Pas toutes, mais globalement on s'interrompt, plus ou moins.
Ca veut dire, si j'interromps quelqu'un, que ce que j'ai à dire maintenant
a plus d'importance que ce la personne dit en face.
Maintenant imaginez, mettons-nous dans cette situation que
on change le code social suivant :
on ne prend plus la parole
sans avoir fait une longue respiration avant.
Imaginez
à l'intérieur de vous,
si vous vous mettiez à faire ça,
les conséquences
que cela peut avoir
pour le collectif, si un collectif se met à faire ça,
dans votre travail, votre famille,
et si vous vous mettez à faire ça comme une pratique.
Imaginez la conséquence que ce seul changement de code social peut avoir,
une longue respiration avant.
Alors, quand je fais des séminaires,
et que je demande aux gens
à quoi ça pourrait servir, de respirer ?
Alors là, tout le monde sait.
Eh bien ça permet déjà de se connecter à soi-même,
ça permet de retrouver le calme,
de prendre du recul,
de sentir ses émotions, son corps,
de se reconnecter.
Ca permet de sentir l'autre,
ça permet de sentir le groupe,
les émotions qui veulent se vivre.
Et ça permet aussi de se laisser inspirer.
La respiration, ça nous fait respirer, donc inspirer.
Et pourtant on ne le fait pas.
Eh bien pourquoi on ne le fait pas ? Pourquoi ? Parce qu'il y a une signature derrière cette rapidité
dans le dialogue que nous avons dans les conversations.
Il s'agit de la manifestation du mental.
L'intelligence collective pyramidale,
le monde de l'intelligence collective pyramidale
a inventé, a développé, surdéveloppé le mental,
le conceptuel.
Le mental, il va très vite.
Il va très très vite. Il parle très vite,
et il sait très bien évoluer dans son paradigme.
Sortir d'un paradigme veut dire désactiver le mental.
Et cette respiration peut devenir une méditation à part entière.
J'ai formé beaucoup de gens à des techniques de respiration,
et pas simplement des gens individuellement, mais des collectifs,
et des collectifs d'entreprise.
Tous, sans exception, m'ont dit :
"ça a changé notre vision du monde",
"ça a changé ma relation avec moi-même,
ma relation aux autres",
"nous ne prenons plus les mêmes décisions ensemble",
"nous ne voyons plus le monde de la même façon",
"toute notre entreprise, toute notre stratégie a changé".
Alors là je ne parle pas de millions de dollars à investir dans la R&D.
Je parle simplement d'une respiration. Et cette respiration
nous amène justement à cette question du changement de soi,
comment on se perçoit de l'intérieur,
comment ça va évoluer, avec,
maintenant,
une question essentielle, justement.
Toute cette perception de soi, imaginons-nous maintenant
dans le noir,
dans une forêt, et je vais finir là-dessus.
J'allume ma lampe de poche.
Ma lampe de poche, et je vais commencer à la diriger un petit peu partout.
Là je vais voir un arbre ici, un rocher là...
Et je vais me diriger grâce à ça parce mon faisceau lumineux va se diriger à droite ou à gauche
et à force, je vais reconstituer une sorte de réalité de proximité.
Le mental fonctionne exactement comme ça.
Un faisceau qui relie des choses les unes les autres,
et on peut avancer grâce à ça. Ca marche pas trop mal...
Maintenant si j'éteins ma lampe de poche,
et que je décide de me laisser imprégner par cette lumière
de la nuit, des étoiles, des astres,
il va se produire autre chose. Je vais m'accoutumer.
Je n'aurai plus le détail exact de ce qui se passe,
mais une réalité beaucoup plus vaste va s'ouvrir à moi.
Tous les gens qui
s'ouvrent comme ça vont vous parler, vont avoir des mots pour dire ça.
Moi j'aime bien parler du transrationnel. Le transrationnel arrive lorsqu'on dépasse le rationnel.
Le rationnel, oui, on l'a toujours, je peux toujours allumer ma lampe de poche,
toujours.
Mais à tout moment je peux aussi l'éteindre et m'ouvrir à une réalité plus vaste,
et cette réalité plus vaste,
elle peut venir par des changements de codes sociaux.
J'en reviens aux codes sociaux, et j'en reviens à la respiration qu'on a faite au début.
Et donc, ces évolutions qui vont se faire, ne vont pas simplement, je vous le disais,
arriver par des imprimantes 3D, de l'Internet,
très intéressants, il faut aller voir ça, vous allez voir plein de choses,
mais pensez aussi, et là je vous invite à ça,
à voir ce qui va changer en vous,
au travers des codes sociaux, de l'ontologie, de la structure du langage,
de nos postures, de notre relation au corps...
Et qui sait finalement si
la prochaine humanité
ne se trouve pas
à une respiration de distance.
Merci !