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AICAR, la nouvelle menace
- Est-ce que vous êtes vraiment prêt à consommer quelque chose dont on ne connait rien ?
- Je pense qu'ils n'ont aucune idée des effets des produits qu'ils prennent.
- Des cobayes humains. - Quoi?
- Des cobayes humains.
- Moi ça me rappelle le début des années 90, quand ces 3 lettres sont apparues :
EPO
- Comme il y a 20 ans, à l'arrivée de l'EPO, le spectre d'un nouveau produit miracle plane sur les pelotons.
Quelques sportifs franchissent subitement un palier et deviennent numéro 1.
Cyclisme, tennis, course à pied, tous les sports sollicitant l'endurance sont potentiellement concernés.
Ces nouveaux champions justifient leur progression soudaine par une importante perte de poids
dû à une nouvelle hygiène de vie, à un régime drastique ou même sans gluten.
Mais le milieu du sport, lui, doute et fournit une autre explication :
AICAR
Les premières rumeurs sur l'AICAR remontent à l'été 2007,
à cette vidéo devenu célèbre, du Professeur Ronald Evans et de ses 2 souris.
Ses recherches pour lutter contre l'obésité l'amène à s'intéresser à une molécule
présente naturellement, mais en quantité infime dans le corps humain :
"l'acadésine" ou "AICAR".
Le professeur Evans, constate qu'à forte dose,
l'AICAR incite l'organisme à bruler les graisses et à fabriquer tout seul des muscles lents.
Une seule souris a pris de l'AICAR pendant un mois (celle de droite),
sans faire d'exercices, elle a perdu du poids et court 44% plus longtemps que sa voisine de gauche, fatiguée.
Une autre expérience montre qu'en ajoutant à l'AICAR de l'entrainement,
et un autre produit : le GW1516, le gain d'endurance est de 70% en un mois !
L'AICAR est alors baptisé : la pilule de l'exercice.
En 2007, le Pr. Evans et ses copines font la une de tous les médias américains.
Quelques médecins dopeurs y voient là un nouveau filon.
Et alors même qu'aucun médicament dérivé de l'AICAR n'existe encore, ces mêmes médecins décident illico de passer directement
de la souris à l'homme.
L'Agence Française Antidopage (AFLD) tire la sonnette d'alarme.
- On sait bien quels sont maintenant les effets de l'AICAR sur la fibre musculaire et sur le métabolisme des graisses et des sucres,
mais pour le reste on est en pleine incertitude.
On a de nombreux retours qui viennent notamment du terrain, et qui nous semble à l'heure actuelle montrer que cette substance... cette molécule...
semble largement utilisée dans le milieu sportif.
Seulement voilà, l'AICAR reste encore indétectable, et une cure est estimée à 300 000€,
réservée à quelques sportifs riches et discrets.
Alors, comment retrouver sa trace ?
- Ecoute dopage, bonjour...
Montpellier... à la plateforme nationale info dopage... c'est la routine...
- Par contre après, vous avez parlé de stéroïdes anabolisants, alors ça ce sont des produits qui sont interdits...
Anabolisants, compléments alimentaires, c'est l'essentiel des 3000 appels anonymes que l'ont reçoit ici chaque année.
Les appels concernant l'AICAR sont apparus récemment, une cinquantaine seulement en tout.
- Je dois même dire que ça était un petit peu la panique les premières fois que le produit est apparu,
mais on ne voyait pas ce que c'était en fait, parce qu'à l'époque, en 2009, on en parlait pas trop encore...
donc il a fallu un peu de temps pour se documenter et comprendre de quoi il s'agissait.
C'est quand même de la thérapie génique, donc l'effet à moyen/long terme...
peut entrainer des dangers très importants,
et c'est toujours impressionnant de se rendre compte que les sportifs, en tout cas ceux de très haut-niveau,
vont quand même être tenté par le fait d'essayer ces molécules là alors qu'elles sont inconnues, dangereuses, etc...
- Sur Internet en tout cas, l'AICAR n'est plus un secret pour personne.
Des centaines d'articles, de forums, et bien sure de vendeurs qui cassent les prix.
Nous choisissons 3 fournisseurs pour passer commande : un site américain,
un site chinois qui propose un pack AICAR + GW1516 en promotion... et un site français.
Alors que l'AICAR est théoriquement réservé aux professionnels de la recherche,
il nous suffit d'une carte bleue pour les sites chinois et américains,
et d'une adresse mail professionnel bidon pour le site français.
Les 3 commandes sont validées.
Une semaine plus ***, nous sommes livrés.
Ce sac contient nos colis. En tout, 200 mg d'AICAR et 150 mg de GW1516. La facture : 500€.
Il en faudrait 100 fois plus pour une cure d'un mois, soit 50 000€.
Bordeaux... ce laboratoire du CNRS est un des seuls au monde spécialisé dans la recherche fondamentale sur l'AICAR.
Il analyse nos commandes. L'AICAR, le voilà...
- C'est de la poudre, vu ce qu'il y a marqué sur le flacon : il y en a donc 50 mg...
c'est une texture qui n'est pas une poudre, c'est quelque chose de très fibreux, qui ressemble à...
quelque chose qui est facilement possible à mettre en solution, par exemple pour une injection.
Sur les 3 produits commandés, deux sont conditionnés pour être injectés, et donc impropre à la recherche.
Quant à la qualité du produit...
- Ce que vous avez commandé c'est bien de l'AICAR, et il est à la quantité à laquelle vous l'avez commandé.
- L'equipe de Bertrand Daignan-Fornier travaille depuis 10 ans à comprendre comment et sur quelles fonctions cellulaires agit
l'AICAR
et pour l'instant, devant eux, les chercheurs ont plus de questions que de réponses.
- Plus on avance, et plus on en découvre, et actuellement on pense que l'AICAR agit au moins sur 5 ou 10 "cibles",
c'est-à-dire des molécules sur lesquelles il va se fixer et qui vont entrainer des conséquences,
il y aurait au moins je pense plus de 5 ou 10 cibles que nous avons identifiées au laboratoire,
et les conséquences ne sont pas encore totalement élucidées, loin de là, là il y a du travail pour encore plusieurs années.
C'est donc une première dans l'histoire du sport... Une molécule mal connue et sans application médicale
mais en vente libre sur internet et qui se diffuse de plus en plus chez les sportifs.
C'est le retour de la grande suspicion.
L'AICAR expliquerait quelques phénomènes surnaturels...
Il y a 6 mois encore, la vie d'Eric Boyer c'était ça :
...Eric Boyer, 5ème du Tour de France en 1988...
...et directeur sportif de COFIDIS, pendant 7 ans.
Sous ses ordres, il a eu quelques très bons coureurs d'un jour devenus d'un coup, vainqueur de courses à étapes,
en changeant d'équipe mais aussi de profil physique.
Voilà pourquoi, cela lui pose question...
- Un corps humain ne peut pas supporter bien longtemps une masse grasse inférieure à 6%.
Je peux tout de même témoigner que j'ai travaillé avec beaucoup beaucoup d'athlètes, beaucoup beaucoup de coureurs,
et j'en ai vu malheureusement plus *** après, se transformer.
- Ils étaient à l'époque à 5 ou 6% de masse graisseuse quand ils travaillaient avec vous et qu'ils ont encore perdus du poids ensuite ?
- Quand j'écoute des coureurs répondre à des interviews qui nous disent : "Bah écoutez, j'ai encore perdu 6/7 voire plus de kilos"...
C'est vrai que quand j'entendais ça, je me disais : "Mais c'est pas possible ! C'est pas possible !"
C'est naturellement pas possible d'aller en dessous, voilà.
Sinon il faudrait ne pas manger pendant 4 ou 5 jours, mais quand on ne mange pas pendant 4 ou 5 jours,
on ne peut pas monter sur un vélo.
- Les réponses aux questions d'Eric Boyer pourraient venir d'Allemagne...
L'université des sports de Cologne... dans le laboratoire antidopage...
L'équipe du Professeur Mario Thevis, travaille depuis 2 ans à la mise au point du fameux test de dépistage de l'AICAR.
Et aujourd'hui, il peut nous annoncer qu'il touche au but.
- Notre test sera prêt cette année, peut être d'ici au prochain Tour de France.
Mais si ce n'est pas le cas, ce n'est pas un problème, car si les fédérations ou l'Agence Mondiale Antidopage nous le demande,
nous pouvons ré-analyser des échantillons d'urine jusqu'à 8 ans en arrière.
Des souris qui font du sport et des sportifs qui jouent les cobayes...
Ce test va-t-il remettre de l'ordre dans les pharmacies et une nouvelle pagaille dans les palmarès ?
Pour quelques moins encore, les anorexiques sont des champions,
et la souris de droite est officiellement le seul cas de sportif contrôlé positif à l'AICAR...
pour l'instant...