Tip:
Highlight text to annotate it
X
Bonjour à tous et bienvenue à cet événement matinal très
spécial de la Commission canadienne pour l'UNESCO.
Je me nomme David Walden et je suis le secrétaire général
de la Commission canadienne pour l'UNESCO.
C'est avec un immense plaisir que nous accueillons,
à nouveau, Wendy Watson Wright.
J'aimerais d'abord vous parler brièvement de la Commission
canadienne pour l'UNESCO et vous expliquer pourquoi nous avons
organisé la présentation spéciale de ce matin.
Dans l'ensemble du système des Nations Unies,
l'UNESCO est la seule organisation ayant des
commissions nationales; nous ne sommes pas des employés de
l'UNESCO, nous sommes tous des Canadiens qui travaillent pour
l'avancement des programmes de l'UNESCO au Canada et nous
voulons profiter des possibilités que nous offre,
par exemple, la visite de Wendy au Canada,
pour expliquer et donner de l'information sur l'UNESCO
et les activités qu'elle mène au Canada
et ailleurs dans le monde.
De se donner rendez-vous ici, dans cette salle appelée salle
Massey-Lévesque, était tout indiqué.
Il s'agit de l'une des salles du Conseil des arts,
qui est l'organisme d'accueil de la Commission
canadienne pour l'UNESCO.
Certains d'entre vous savent peut-être que le très honorable
Vincent Massey et Mgr George Henry Lévesque ont coprésidé
la Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts,
des lettres et des sciences au Canada,
qui a présenté son rapport en 1951.
Une partie du mandat de la commission royale était
d'explorer quelle forme pourrait prendre les relations entre le
Canada et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture.
Mais ce qui est important de savoir,
c'est que Vincent Massey dirigeait la délégation
canadienne au congrès de fondation de l'UNESCO.
Il connaissait donc très bien ce que faisaient l'UNESCO
et les commissions nationales.
Lorsqu'est venu le temps pour le Canada d'examiner cette
question, nous avions une personne fortement engagée
et très informée.
C'est pourquoi il me paraît tout à fait indiqué de se réunir dans
une salle qui porte le nom d'une personne qui a réuni
les sciences et la culture au Canada,
et qui a travaillé pour l'UNESCO.
Nous sommes donc rassemblés ici pour parler de la science
dans un conseil des arts.
Wendy m'a indiqué qu'elle n'avait pas besoin
d'une longue présentation.
Je crois que vous avez pris connaissance de ses antécédents
et de son curriculum vitæ dans l'invitation
que nous vous avons envoyée.
Pour ceux et celles d'entre vous qui ne le savent pas,
et qu'il faut souligner, selon moi,
c'est que Wendy est la première Canadienne
et la première femme à diriger la Commission océanographique
intergouvernementale, et nous en sommes très fiers.
Sur ce, Wendy, je te cède la parole...
Mesdames, Messieurs, bonjour et merci beaucoup.
J'aimerais remercier la Commission canadienne
pour l'UNESCO pour l'invitation et vous remercier
tous de votre présence.
Je suis ravie de voir un si grand nombre
de visages familiers.
Mon allocution se divise en quatre parties.
La majorité ici présente connaît déjà fort bien la place
qu'occupent les océans dans le système terrestre et les
écoservices qu'ils nous rendent.
Je commencerai néanmoins par ce sujet,
car il mérite d'être souligné de nouveau.
Je parlerai ensuite brièvement de la Commission océanographique
intergouvernementale (COI) de l'UNESCO en raison du soutien
important qu'elle apporte à la gestion de nos rapports avec
l'océan, grâce à des programmes de recherche, d'observation,
de services et de renforcement des capacités.
J'aborderai ensuite la question de la relation du Canada avec
les océans et conclurai en suggérant des domaines où notre
pays a des forces et des possibilités
de leadership, notamment en matière d'océanographie
et d'observation des océans.
Alors que pouvons-nous dire des océans?
Comme vous le savez, ils couvrent 71 % de la surface
de la Terre et contiennent 97 % de l'eau de la planète.
Ils constituent en outre 96 % de l'espace vital terrestre,
fournissent les deux tiers de la valeur de l'ensemble des
services naturels de la planète ainsi que l'oxygène nécessaire
pour une respiration sur deux.
Ils amortissent le choc des changements climatiques en
absorbant 25 à 30 % de toutes les émissions anthropiques
de carbone et 80 % de la chaleur du système planétaire.
Nos océans assurent la régulation des conditions
météorologiques et nourrissent des milliards d'êtres humains.
Leurs ressources font partie de notre patrimoine commun,
en plus d'occuper une place importante dans de nombreuses
cultures dont les croyances et les pratiques sont étroitement
associées aux milieux marins et côtiers.
Quarante-neuf sites inscrits au Patrimoine mondial
de l'UNESCO ont une valeur côtière ou marine.
Les océans offrent aussi des possibilités fascinantes
de développement de nouveaux médicaments pour soigner une
foule de maladies, et des avantages « non marchands »
comme la régulation du climat, le stockage du carbone ainsi que
les habitats et la biodiversité, parmi plusieurs autres.
Bref, nos océans n'ont pas de prix.
Les océans constituent une ressource économique essentielle
dans le monde entier.
On estime la valeur des activités marines à 5 % du PNB
mondial, soit près de 2,7 billions de dollars US.
Quelque 90 % de toutes les marchandises mondiales
sont expédiées par mer.
Plus de 40 % de la population mondiale vit dans des zones
côtières - on prévoit que ce pourcentage
atteindra 75 % en 2025.
Le poisson fournit à quelque 4,2 milliards d'humains plus
de 15 % de l'apport moyen de protéines animales par habitant.
Les pêcheries et l'aquaculture assurent
plus de 180 millions d'emplois.
À la fin octobre 2010, on produisait
3, 16 gigawatts d'énergie éolienne en mer,
surtout en Europe du Nord.
D'ici 2020, la capacité d'énergie éolienne en mer
devrait atteindre 75 gigawatts à l'échelle mondiale.
En fait, outre la pêche et l'aquaculture,
les océans soutiennent nombre d'industries comme la marine
marchande, le pétrole et le gaz, le tourisme marin et côtier y
compris les croisières, le dragage pour l'installation
de pipelines et de câbles sous-marins, les ports,
l'énergie extracôtière renouvelable
(éolienne et marémotrice) et les mines, entre autres.
Partie intégrante de la planète, les océans sont un élément
clé de notre vie, de nos moyens de subsistance
et de l'environnement qui nous préserve.
Malgré notre dépendance à l'égard des ressources marines,
l'acidification des océans, les changements climatiques,
la pollution et la surexploitation des ressources
ont fait des océans des écosystèmes parmi les plus
menacés de la planète.
Permettez-moi de fournir quelques exemples des effets
néfastes de l'activité humaine sur les océans et leurs
ressources inestimables.
Les océans absorbent plus de 26% des émissions atmosphériques
de dioxyde de carbone produites par les activités humaines.
Cela entraîne une plus grande acidité (baisse du pH) du milieu
marin, phénomène qui peut réduire le calcium disponible
pour le plancton, les coquillages et les crustacés,
et menacer ainsi leur survie.
Étant donné que plusieurs de ces organismes sont à la base de la
chaîne alimentaire marine, les répercussions potentielles
de l'acidification des écosystèmes entiers
pourraient être considérables.
Ne changeons rien, maintenons le statu quo...
et d'ici 2100, les océans pourraient être 150 % plus
acides qu'à l'heure actuelle!
À l'échelle mondiale, les sources terrestres de pollution
- ruissellement agricole, rejet de nutriments, de pesticides,
d'eaux usées non traitées et de matières plastiques -
représentent environ 80 % de la pollution marine.
Les quantités excessives de nutriments provenant des eaux
usées et des résidus de l'agriculture ont contribué
à l'augmentation du nombre de zones mortes (hypoxiques),
dont le nombre est passé de 49 dans les années 1960 à plus
de 400 en 2008, ce qui a provoqué l'effondrement
de certains écosystèmes.
De nos jours, plus de 245 000 km2 sont atteints,
superficie équivalant à celle du Royaume-Uni.
On signale la présence d'espèces envahissantes dans plus de 80 %
des 232 écorégions du globe, ce qui représente la deuxième
cause de perte de biodiversité à l'échelle planétaire.
Selon certaines sources, le taux de bioinvasion marine
augmenterait au rythme d'une invasion toutes
les neuf semaines.
Les pêches maritimes traversent actuellement
une crise planétaire.
Selon la FAO, 85 % des stocks de poissons sont exploités au
maximum, surexploités, épuisés ou en voie de reconstitution.
En fait, les océans sont soumis à une multitude de menaces
interdépendantes, phénomène sans précédent dans l'histoire
moderne de l'humanité.
Toutes les régions océaniques risquent d'être touchées
par de multiples facteurs de stress dans un proche avenir,
tandis que plus de 40 % des écosystèmes marins subissent
déjà d'énormes pressions dont je viens de parler.
Il est urgent de connaître les interactions complexes
et les effets potentiellement cumulatifs des multiples
facteurs de stress qui agissent actuellement
sur l'écologie marine.
C'est ainsi que les océans que l'on tenait jadis pour de vastes
étendues résilientes capables d'absorber des quantités presque
illimitées de déchets et de résister aux pressions exercées
par l'accroissement de la population humaine, de la pêche
et de la navigation sont chaque jour plus vulnérables.
Comme les océans et les ressources qu'ils contiennent
sont des éléments essentiels à la croissance économique
et à la prospérité mondiale, il faut abandonner les modes
d'exploitation actuels au profit d'une relation bipartite où
le genre humain apprendra à « vivre avec les océans et grâce
à eux de manière durable ».
Bien qu'il n'y ait aucune définition reconnue de
l'économie bleue-verte, elle peut inclure les éléments
suivants : une plus grande utilisation de l'énergie
renouvelable provenant des océans;
la modification des modes de gestion de la pêche et de
l'aquaculture, à l'échelle régionale et nationale;
l'adaptation à la hausse du niveau des océans et au
changement climatique; la protection et le rétablissement
des écosystèmes marins et de la biodiversité,
notamment au-delà des juridictions nationales;
la gestion active des fonds marins;
le développement de marchés du carbone bleu, etc.
Comme je l'ai indiqué, on estime que l'activité économique
mondiale liée aux océans est de 3 à 6 billions
de dollars US par année.
Elle inclut un grand nombre d'industries du secteur maritime
essentielles au développement économique actuel et futur.
Tout changement majeur destiné à une éventuelle gestion verte
devra inclure des partenariats entre les industries, les
divers ordres de gouvernement et les collectivités.
Par exemple : Les pratiques écologiques éventuelles
concernant les océans transformeront profondément
la nature, l'emplacement et l'intensité de la pêche
et de l'aquaculture.
Elles incluront probablement le développement de l'aquaculture
en haute mer à grande échelle et une meilleure gestion des
pêches, y compris la pêche étrangère dans les eaux
territoriales, en améliorant le suivi, le contrôle,
la surveillance et la réalisation d'une part accrue
des bénéfices provenant des ressources halieutiques.
Les pratiques écologiques en aquaculture devront promouvoir
la croissance d'espèces d'extraction (algues et
mollusques filtreurs) et l'aquaculture de niveau
trophique inférieur qui convertit les nutriments
en protéines de poisson mieux que ne le font
les espèces carnivores.
Cela pourrait inclure l'aquaculture multitrophique
intégrée, ou AMTI, où les sous-produits d'une espèce
aquatique (déchets) servent de produits utiles pour une autre
(engrais et nutriments).
Grâce à la réduction importante de la pollution causée
par les navires au cours des trois dernières décennies,
à des avancées technologiques en matière de conception
des coques, à l'utilisation d'autres sources de carburant,
à une meilleure efficacité énergétique et à une plus grande
préoccupation pour les enjeux environnementaux,
le transport maritime sera au cœur de l'économie bleue-verte.
Les progrès technologiques permettent l'exploration et le
forage pétroliers et gaziers à de plus grandes profondeurs,
mais les effets des énergies fossiles sur les changements
climatiques exerceront de plus en plus de pression sur
l'industrie de l'énergie afin qu'elle investisse dans les
technologies des énergies renouvelables de rechange.
Les océans contiennent de vastes quantités de ressources
énergétiques inexploitées, propres et renouvelables
susceptibles de jouer un rôle prépondérant dans notre
portefeuille énergétique futur.
Pour certaines collectivités côtières riches en ressources,
les mers pourraient bien devenir LA principale source d'énergie.
En matière de tourisme, « verdir » l'économie
bleue signifie abandonner le tourisme non durable au profit
de pratiques d'écotourisme et d'autres méthodes durables,
et générer d'autres formes de revenus.
Les pays qui possèdent un riche patrimoine sous-marin
comme la Suède et la Turquie ont bâti de grands musées.
Palau, nation insulaire du Pacifique qui a déclaré que ses
eaux étaient un sanctuaire où la pêche aux requins est interdite,
estime à 1,9 million de dollars US la valeur pour l'industrie
touristique d'un seul requin de récif pour la durée de sa vie.
En comparaison, sa valeur marchande en revenus directs
de pêche est estimée à 108 dollars US!
La biotechnologie marine, y compris la protection des droits
de propriété intellectuelle, sera une composante importante
de l'économie bleue-verte de demain.
Cela implique une meilleure protection de la biodiversité,
notamment au-delà des juridictions nationales (BJN)
ainsi que des investissements accrus dans la recherche
scientifique et la commercialisation de débouchés
nouveaux et existants dans des secteurs comme les produits
pharmaceutiques, la production alimentaire et l'aquaculture.
Pour ce qui est de la pollution : une synergie entre
les technologies propres et une meilleure volonté
des institutions de s'attaquer aux questions difficiles.
d'appliquer des politiques, des outils économiques et
réglementaires d'avant-garde devrait permettre une réduction
de la pollution, particulièrement en ce qui
concerne l'incidence de l'excès de nutriments en milieu marin.
En tant que premier utilisateur des océans,
l'industrie est bien placée pour concevoir et appliquer des
solutions adaptées aux exigences croissantes de notre société
afin d'utiliser l'écosystème marin de façon durable
et de réduire son incidence.
Les industries océaniques ont en outre des capacités phénoménales
de collecte de données océanographiques et
atmosphériques, ce qui pourrait améliorer la modélisation et la
prévision de l'état des océans, des phénomènes météorologiques
extrêmes et des changements climatiques ayant une incidence
sur les économies et les moyens de subsistance.
Mettre sur pied des partenariats public-privé pourrait permettre
de trouver des solutions aux répercussions des activités
industrielles et d'améliorer la collecte des données océaniques.
Permettez-moi de poursuivre en vous donnant quelques données
sur la Commission océanographique
intergouvernementale de l'UNESCO - la COI - et sur notre rôle
par rapport à mes propos aujourd'hui.
L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture, l'UNESCO,
a été créée en 1945 après deux guerres mondiales en moins d'une
génération afin de traduire la conviction profonde des nations
que les accords politiques et économiques ne suffisent pas
pour établir une paix durable, mais que la paix doit être
plutôt fondée sur une solidarité morale et intellectuelle
à l'échelle de l'humanité.
L'UNESCO est le seul organisme au sein des Nations Unies dont
l'intitulé et le mandat contiennent le « S » de science
- ce qui désigne les sciences naturelles et le génie,
les sciences humaines et, bien entendu, l'océanologie.
Au sein du système des Nations Unies,
la COI fait office de centre de coordination pour l'observation
des océans, l'océanologie, les services océaniques et la mise
en commun de données et de renseignements.
D'ailleurs, la Convention de l'ONU sur le droit de la mer
considère la COI comme l'organisme international
compétent en matière de sciences de la mer.
La COI est l'organisme responsable de la
coordination du Système mondial d'observation de l'océan (SMOO).
Le SMOO est un outil collaboratif d'observations dont
les composantes sont financées par des sources nationales.
Ce système comprend des observations par satellites et
des observations in situ - comme vous pouvez le voir ici - ainsi
que des réseaux opérationnels d'observation et des réseaux
et plateformes d'observation continue financés
par la recherche.
Les données de ces observations sont transmises à des systèmes
de gestion et servent à créer des produits proposés à des
utilisateurs, d'où des retombées pour la science et plus
globalement, pour la société.
Le SMOO comprend des observations côtières
et à l'échelle planétaire.
C'est la COI qui coordonne avec succès le Système d'alerte
aux tsunamis dans le Pacifique depuis 1965.
Après le tsunami de 2004 à Sumatra,
la COI a reçu le mandat de coordonner l'établissement de 3
autres systèmes d'alerte - dans l'océan Indien,
les Caraïbes, l'Atlantique Nord-Est, la Méditerranée
et les mers adjacentes.
Il y a tout juste un sommes parvenus à une
réalisation importante dans l'océan Indien - pour la
première fois, les fournisseurs IO régionaux d'alerte
aux tsunamis ont assumé la communication des alertes
aux centres nationaux de leur propre région.
Le Programme d'échange international des données et de
l'information océanographiques (IODE) a été mis sur pied
en 1961 par la COI en vue de faciliter l'échange de données
océanographiques parmi les États membres de la Commission.
80 centres nationaux de données océanographiques participent
au programme IODE, notamment le groupe de la Gestion des données
scientifiques intégrées (GDSI) du ministère des Pêches
et des Océans canadien.
Récemment, IODE a adopté comme élément clé de son
fonctionnement le système canadien OBIS - système
d'information biogéographique des océans - mis au point
dans le cadre du Recensement de la vie marine.
Le Recensement de la vie marine, qui s'est déroulé de 2000
à 2010, était un projet de collaboration mondiale d'un
réseau de 2 700 chercheurs provenant de plus de 600
institutions de 80 pays destiné à évaluer et à expliquer
la diversité, la répartition et l'abondance de la vie
marine dans les océans.
OBIS, qui contient près de 30 millions d'observations,
est l'un des plus importants fournisseurs de données du GBIF,
le système mondial d'information sur la biodiversité.
En fait, c'est une présentation du Canada qui a mené
à l'adoption d'OBIS par l'assemblée générale de la COI
en juin 2009 - le Canada en est toujours un ardent promoteur.
La COI et l'Organisation météorologique mondiale (OMM)
ont établi une commission conjointe,
unique au sein de l'ONU : la JCOMM ou Commission conjointe
sur l'océanographie et la météorologie marine.
Deux coordinateurs techniques collaborent étroitement
avec des agents dans de nombreux pays sur les données de bouées
dérivantes, de bouées captives et de séries chronologiques,
de navires occasionnels et de flotteurs-profileurs
du projet Argo.
Ils veillent à ce que ces réseaux soient déployés selon
des normes communes et qu'ils transmettent leurs données
en temps réel à l'ensemble de la collectivité mondiale.
Je souligne que le Canada, en la personne de Mme Savi Narayanan,
a été l'un des deux premiers coprésidents de la JCOMM,
et que 337 balises Argo ont été déployées par notre pays,
soit un dixième de toutes celles qui l'ont été dans le monde.
En plus des programmes opérationnels dont je viens
de parler, la COI est chargée de prodiguer des conseils aux
décideurs politiques et de diffuser des résultats d'études.
Si l'on considère ce qui a été observé récemment sur la côte de
la Colombie-Brittanique, la COI a publié un rapport des plus
opportuns - une synthèse scientifique à l'intention des
décideurs sur la fertilisation des océans -
préparé à la demande expresse de l'Organisation maritime
internationale dans le cadre de la Convention
et du Protocole de Londres.
La COI est également très engagée en matière de gestion
intégrée, particulièrement dans les pays en développement.
La gestion intégrée des zones côtières (GIZC) est un concept
nouveau et en évolution.
Mais le principe de l'intégration a été élaboré
dans l'Agenda 21 du premier Sommet de Rio en 1992,
comme un outil destiné à poursuivre le développement
durable dans les zones côtières.
Lié également à la gestion intégrée,
la planification spatiale marine (PSM) est un processus public
visant à analyser et à allouer la répartition spatiale et
temporelle des activités humaines dans les zones marines
pour la réalisation d'objectifs écologiques,
économiques et sociaux découlant généralement
d'un processus politique préalable.
L'UNESCO-COI a élaboré une approche graduelle dans la mise
en œuvre de la PSM, adoptée depuis par de nombreux pays.
La COI continue de jouer un rôle de premier plan dans
l'évaluation des milieux marins à l'échelle mondiale désignée
jusqu'à maintenant comme le Processus mondial régulier
d'évaluation et de suivi des océans,
y compris dans leurs aspects socio-économiques,
dont le premier cycle de travaux devrait s'achever en 2014,
coïncidant ainsi avec l'examen par la Commission du
développement durable du thème « Les océans et les mers ».
Le Canada, par l'entremise de Jake Rice et Renée Sauvé du MPO,
a joué et continue de jouer un rôle de leadership
dans ce processus.
Depuis peu, la COI s'est engagée en matière
de « culture océanologique ».
Il s'agit d'un mouvement qui a pris naissance
aux É. -U. en 2004.
Le Ocean Literacy Network [réseau pour la culture
océanologique] s'attache à décrire et à documenter
les contenus et processus scientifiques relatifs aux
océans, aux côtes et aux grands lacs que l'on se devrait
d'inclure dans toutes futures normes d'enseignement
des sciences, aux échelons local et national.
Les États-Unis viennent de lancer leur propre campagne
de culture océanologique, et la COI espère voir ce mouvement
prendre de l'ampleur dans le monde entier.
Récemment, l'UNESCO-COI a joué un rôle clef dans le débat
sur le développement durable concernant les océans - débat
mis de l'avant au cours de la Conférence de l'ONU sur le
développement durable (Rio+20).
Pendant les négociations de Rio+20,
la mobilisation des spécialistes de l'océan s'est traduite
par la participation de plus de 375 d'entre eux à la Journée
mondiale des océans, en plus d'un nombre sans précédent
d'activités connexes organisées autour des questions
touchant le milieu marin.
Intitulée L'avenir que nous voulons,
la déclaration de politique adoptée par les chefs d'État
contient 18 paragraphes traitant de « l'océan et des côtes »,
un point des plus positif.
Plusieurs initiatives ont été annoncées et lancées durant
la phase préparatoire à Rio+20 dont il faudra faire le suivi;
et plusieurs pays ont confirmé leur soutien à l'élaboration
d'un objectif de développement durable consacré à l'océan.
Il y a quelques mois à peine, au cours de l'Expo 2012 de Yeosu,
dont le thème était « Pour des côtes et des océans vivants »,
le Secrétaire général Ban Ki-Moon a inauguré l'initiative
Oceans Compact destinée à protéger les océans
et les populations qui en dépendent pour leur survie.
Son objectif est d'accroître la coordination des efforts
concernant la protection des milieux marins au sein de l'ONU.
Le projet fournira par ailleurs une plateforme qui devrait aider
les pays à mieux protéger les ressources naturelles
des océans, à restaurer leur production alimentaire afin
d'aider les populations dont les moyens de subsistance sont
fondés sur la mer, et accroître la sensibilisation
et les connaissances sur la gestion des océans.
Par ailleurs, plus de 80 pays, groupes de la société civile,
entreprises privées et organismes internationaux
ont manifesté leur appui au Partenariat mondial
pour les océans proposé par la Banque mondiale,
témoignage d'un engagement à coopérer à la restauration
des océans du monde.
Je parlerai maintenant du Canada et de ses 3 bassins océaniques.
L'océan revêt une importance capitale pour la culture,
l'environnement, la santé publique
et l'économie du Canada.
Il fait partie intégrante de la culture des populations
autochtones et des collectivités côtières.
Les Canadiens dépendent de l'océan qui leur fournit des
aliments et des ressources minérales et leur assurent des
voies de communication, des loisirs et des emplois.
On estime la longueur approximative du littoral du
Canada à 202 000 km, DE TRÈS LOIN le plus long du monde
et 5 fois plus long que celui de notre voisin.
Le territoire maritime du Canada couvre une superficie d'environ
5,6 millions de km2, la 9e au monde en importance,
représentant l'équivalent de 70% du bloc continental canadien.
Je ne vous l'apprends pas, le Canada s'étend de l'océan
Atlantique jusqu'à l'océan Pacifique et vers le nord
jusqu'à l'océan Arctique.
Chacune des zones océaniques du Canada se caractérise
par des cadres biophysiques bien distincts.
L'océan Pacifique contient certaines des eaux profondes
les plus anciennes sur Terre, riches en nutriments
mais faibles en oxygène.
D'importants apports d'eau douce à l'océan Pacifique contribuent
à sa salinité plus faible que celle de l'océan Atlantique,
ce qui se traduit par le passage à grande échelle d'eaux
océaniques du Pacifique vers l'Atlantique
par l'océan Arctique.
La glace marine, les températures et les conditions
de luminosité associées dominent l'environnement physique
exceptionnel de l'océan Arctique.
Les eaux froides de l'Arctique se déversent dans l'Atlantique
Nord, entraînant un mélange vertical des eaux de
l'Atlantique et contribuant à la circulation des eaux
à l'échelle planétaire.
En dépit d'importants échanges hydriques,
les zones océaniques se distinguent par leurs modes
de circulation, leurs environnements physiques
et leurs géographies - des différences qui contribuent
aux différences dans les cycles biogéographiques,
biogéochimiques et dans les concentrations de contaminants.
Ces caractéristiques des eaux océaniques canadiennes
définissent par conséquent l'écologie et la biodiversité
marine que l'on y trouve; le Canada est ainsi placé dans
une position exceptionnelle pour contribuer au savoir
sur les océans du monde.
J'ai déjà parlé du programme de recensement de la vie marine
au sein duquel le Canada a joué un rôle si important,
puisque le scientifique en chef était un Canadien.
Par cette initiative, on a tenté de cataloguer la biodiversité
des océans du monde, notamment de ceux qui bordent le Canada.
En 2010, le nombre total d'espèces recensées dans les
eaux canadiennes s'élevait déjà à un minimum de 15 988.
Ce nombre augmente à près de 16 500 espèces si on compte les
oiseaux marins, les éponges, les récifs coralliens d'eau froide
et les invertébrés vivant près des cheminées hydrothermales.
Le Canada abrite 40 % des espèces de mammifères
marins du monde.
Les activités qui dépendent de l'océan apportent une
contribution substantielle à l'économie canadienne.
Ce sont la pêche et la construction navale
qui sont à l'origine des premières installations
de pionniers européens.
La transformation du poisson, la construction de navires et le
transport maritime ont suivi, constituant les fondements du
développement économique et de la croissance sur les trois
zones côtières canadiennes.
Ces activités océaniques ont défini des types de peuplement
qui sont toujours d'actualité.
De nouvelles activités sont apparues au fil des ans,
notamment le tourisme, l'aquaculture,
les biotechnologies, les industries spécialisées,
l'exploration et l'exploitation pétrolière et gazière.
Un large éventail d'industries de services appuie
ces activités; ensemble, elles créent des débouchés
substantiels et relèvent des défis quant à des utilisations
plus traditionnelles.
Les industries liées à l'océan emploient près de 316 000
Canadiens et injectent plus de 26 milliards de dollars dans le
PIB canadien annuel (MPO, 2009).
Ce chiffre n'inclut pas les 100 G$ du secteur du commerce auquel
contribue l'industrie de la navigation maritime du Canada.
Parmi les secteurs maritimes ayant une incidence
significative sur l'économie du Canada,
on compte par ordre d'importance en pourcentage du PIB :
le pétrole et le gaz, les transports,
le tourisme et les loisirs, les poissons et fruits de mer,
la défense nationale, le secteur public et la recherche,
l'industrie manufacturière et la construction.
Par le passé, le Canada s'est défini comme une nation de pêche
et de transport maritime, marquée par sa longue histoire
et sa culture fondée sur la productivité et la riche
diversité de ses ressources océaniques.
Ayant reconnu très tôt l'importance de bien gérer ces
immenses zones océaniques, le Canada a été l'un des premiers
pays à élaborer une politique océanique nationale et le
premier à promulguer, en 1997, une Loi concernant les océans
du Canada qui officialisait de façon exhaustive la façon dont
ses bassins océaniques devaient être définis et gérés.
Les bassins océaniques qui bordent le Canada le définissent
et le préservent en tant que nation,
car ils sont à l'origine d'un large éventail d'activités
humaines, comme je l'ai expliqué,
Mais au Canada comme partout ailleurs,
l'océan a souffert de nos activités - notamment de la
surpêche, de la pollution et de tout ce que nous faisons
qui alimente les changements climatiques!
Les changements observés chez les espèces canadiennes sont
parmi les plus importants recensés pour les poissons
à l'échelle mondiale, particulièrement dans
l'Atlantique où la biomasse totale d'espèces comme la morue
de l'Atlantique, la plie canadienne, le sébaste acadien,
le grenadier de roche et la raie tachetée a diminué de plus de
90 % depuis les années 1960.
La surexploitation touche également les mammifères marins
- au moins une espèce, la baleine grise,
a disparu des eaux canadiennes à cause de ce problème.
Nous avons déjà parlé de l'acidification des océans -
un phénomène qui a déjà touché l'industrie canadienne de
l'aquaculture comme en témoigne cette citation tirée d'un
rapport de la BC Shellfish Growers Association.
Le Canada, bien entendu, n'est pas à l'abri de la pollution,
en particulier des déversements d'hydrocarbures.
Nous savons que ces déversements peuvent avoir des répercussions
notables sur l'environnement et les collectivités côtières
locales; il est question de grandes quantités de pétrole
provenant des pétroliers et de rejets accidentels ou non
d'huile et de carburant provenant de plus petites
embarcations dans les ports de plaisance.
Dans tout le Canada, entre 2007 et 2009,
on a signalé quelque 4 160 cas de pollution à la Garde côtière
canadienne, dont près de 1 580 déversements de pétrole
par des navires.
Pendant la même période, c'est une trentaine d'incidents de
pollution marine impliquant des produits chimiques
qui lui ont été signalés.
Pour aborder la dernière partie de cette présentation,
j'aimerais parler brièvement de certains points forts du Canada,
comme je les vois - j'espère que cela donnera lieu à des échanges
sur les possibilités qui s'offrent au Canada
quant aux océans, sans toutefois s'y limiter.
Alors?
Jusqu'à quel point le Canada peut-il faire preuve
de leadership sur la question des océans?
Avec cet espace océanique qui nous entoure, le Canada
pourrait très certainement faire figure de chef
de file en « écologisant » son économie maritime.
Les énergies marines renouvelables pourraient faire
partie de cette stratégie.
Globalement, le secteur canadien des énergies marines ressemble
fort à notre pays et à sa population : il présente
un caractère régional et relativement restreint.
Comme vous le voyez dans le second diagramme,
le Canada ne fait pas partie des 6 principaux pays selon le
classement 2011 quant à la capacité cumulée de production
d'électricité éolienne installée en mer.
On estime pourtant que le potentiel national d'énergie
éolienne en mer pourrait combler plus de 36 fois les besoins
actuels du Canada en électricité.
Les ressources énergétiques marémotrices et houlomotrices
potentielles du Canada sont reconnues comme étant parmi les
plus élevées au monde - un potentiel énergétique estimé à
près de 20 000 mégawatts par l'Office national de l'énergie!
C'est un fait : le Canada pourrait devenir un chef de file
en matière d'énergies marines renouvelables.
La gestion intégrée des zones côtières offre
également des possibilités.
Sur ce plan, le Canada possède une expérience qu'il peut
proposer aux pays moins avancés que lui dans le domaine.
Nous avons préparé des plans de gestion intégrée des océans
pour deux zones océaniques et trois autres sont
en voie d'achèvement.
Avec tant d'espace marin et d'industries qui se disputent ce
« territoire », on ne le répétera jamais assez :
le Canada pourrait être un chef de file en matière
de planification de l'espace marin.
Mais c'est du côté de la science et des technologies que je vois
réellement des atouts et des possibilités.
Il est certain que l'intérêt scientifique du Canada envers
les océans a stimulé son leadership en matière
d'observations océaniques.
Ainsi, les projets VENUS et NEPTUNE établis à l'Université
Victoria sont considérés comme LES chefs de file
mondiaux des observatoires sous-marins câblés.
Grâce à un réseau de câbles optiques,
à des carrefours sur le fond marin et à un matériel
scientifique de pointe, les observations sont en train
de changer notre façon d'étudier l'océan.
Ils fournissent des preuves scientifiques aux décideurs
sur une vaste gamme d'enjeux cruciaux et suscitent
la création de technologies d'avant-garde.
Récemment, le Canada a annoncé qu'il injectait 32 millions
de dollars supplémentaires dans le projet.
L'Ocean Tracking Network (OTN) basé à l'Université Dalhousie
d'Halifax a permis de déployer des technologies de localisation
et d'observation sous-marines mises au point au Canada qui
seront utilisées dans l'ensemble des bassins océaniques mondiaux.
Deux cents chercheurs d'une quinzaine de pays se sont
associés pour localiser les poissons et autres espèces
marines et développer des connaissances
d'un niveau sans précédent.
Dernièrement, on a annoncé le financement d'un nouveau Réseaux
des centres d'excellence du Canada (RCE),
le MEOPAR ou Marine Environmental Observation
Prediction and Response Network également établi
à l'Université Dalhousie.
MEOPAR se consacre à l'étude des questions cruciales liées
à l'activité humaine dans les milieux marins et aux
répercussions des risques maritimes sur les activités
humaines dans les régions côtières.
MEOPAR vise à réduire la vulnérabilité du Canada et son
exposition aux risques, et à réduire le temps de réponse
en cas d'urgences maritimes.
Tout cela pourrait se traduire par la mise sur pied
ou la réactivation d'un Comité national
canadien pour l'océanologie.
Plusieurs pays ont un tel comité - ce qui permet à la communauté
des sciences des océans de parler d'une seule et même voix.
Ce serait véritablement le moment pour le Canada
de poser un tel geste!
Le dernier point que j'aimerais souligner est celui du
renforcement des capacités de gestion de l'océan.
Sur le plan des services océaniques et de
l'océanographie, le Canada a longtemps été considéré comme
un pilier en matière de renforcement des capacités
dans les pays en développement.
Nous le savons, le manque de capacités humaines et
institutionnelles dans les domaines des sciences,
de la surveillance et de la gestion des mers est
un réel obstacle pour les pays en développement,
particulièrement pour les moins développés et pour les petits
États insulaires, qui s'efforcent d'instaurer
une croissance durable.
À ce jour, nous n'avons pas de données mondiales de référence
qui nous permettent d'évaluer la situation de ces pays en matière
d'infrastructures, d'acquis scientifiques, d'expertise,
et plus important encore sur la façon dont les résultats
scientifiques sont utilisés pour élaborer les politiques
océaniques et côtières.
Je crois fermement qu'en adéquation avec la stratégie
mondiale de renforcement des capacités nationales et
régionales en vue du transfert des technologies marines
que la COI élabore dans la foulée de Rio+20,
le Canada pourrait et devrait être au premier plan
dans la mise en œuvre de cette stratégie.
J'invite donc instamment ceux d'entre vous qui sont en mesure
de le faire, à vous assurer que le Canada obtienne
la place qu'il mérite.
Pour conclure, j'aimerais insister encore une fois sur
l'importance des océans pour le monde entier
et en particulier le Canada.
Je crois que Sylvia Earle - l'une des plus éminentes
océanologues de notre planète - a parfaitement résumé le rôle
vital que jouent les océans pour l'humanité et l'écologie de la
Terre : « Même si la chance ne vous est jamais donnée
de voir ou de toucher l'océan, l'océan vous touche...
à chaque respiration, à chaque gorgée d'eau,
à chaque bouchée que vous prenez.
Chacun d'entre nous, où qu'il soit,
lui est intimement lié et dépend de l'existence de la mer. »
Entouré par 3 des 5 bassins océaniques mondiaux, le Canada,
dont le littoral est de loin le plus long du monde peut et doit
jouer un rôle de premier plan pour veiller à ce que les océans
soient respectés, protégés et préservés.
Je vous remercie de votre attention et je suis impatiente
d'entamer la discussion.