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J’ai du mal à parler de la torture que j'ai subie dans le Sinaï.
Ils me brûlaient jour et nuit avec du métal bouillant.
Ils versaient de l'essence sur moi.
Ils nous frappaient 24 heures sur 24.
Certains Erythréens fuyant les violations des droits humains dans leur pays
finissent par tomber entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
Non seulement ces trafiquants leur extorquent d’importantes sommes d'argent,
mais aussi ils les enlèvent, les torturent et leur infligent des exactions
afin de forcer leurs familles à payer une rançon en échange de leur libération.
Certaines victimes nous ont aussi dit qu'ils ont vu
des policiers et des agents de sécurité égyptiens et soudanais
agir de concert avec les trafiquants.
J'ai parlé avec des dizaines d'Erythréens qui avaient fui leur pays
et étaient arrivés dans l'est du Soudan.
Beaucoup d’entre eux ont raconté avoir été enlevés par des trafiquants
peu après leur arrivée dans l'est du Soudan.
On avait entendu parler de trafiquants qui kidnappaient des gens,
et donc nous étions terrifiés par l’idée de finir entre leurs mains.
Nous n'avions même pas fini de discuter
quand nous avons vu les trafiquants rouler vers nous.
Quand j'ai vu la voiture, j'ai essayé de m’enfuir, mais ils m'ont rattrapé et m'ont frappé.
Ils m'ont forcé à rentrer dans la voiture, m'ont attaché les pieds et bandé les yeux.
Les trafiquants les torturent afin de pousser leurs familles à payer une rançon,
puis [au lieu de les libérer] les conduisent en Égypte
où ils les livrent à des trafiquants égyptiens.
De là ils sont amenés à travers le pays jusqu’au canal de Suez,
puis à la ville d'Al-Arish dans la péninsule du Sinaï,
et à de petits villages dans le désert
où ils subissent les pires tortures.
Une nuit, ils ont apporté un cadavre recouvert d’un drap et nous ont dit
«Vous voyez, ce type a été tué parce qu'il n'avait pas payé. »
Je n'avais pas [d’argent] ou un numéro de téléphone pour appeler ma famille.
Alors ils nous ont brûlés, suspendus au plafond, et obligés à boire notre propre urine.
J'ai parlé avec de nombreux Erythréens qui m’ont dit
qu’au Soudan et en Égypte, des policiers et des soldats étaient de connivence
avec les trafiquants qui les avaient enlevés.
Ils ont décrit les uniformes qu'ils portaient, les véhicules qu'ils conduisaient,
et les armes qu'ils portaient.
Nous roulions et sommes arrivés à un barrage routier où il y avait un soldat.
Le soldat a fait un signe de la main aux trafiquants
et puis nous avons franchi la barrière.
Des policiers livraient souvent des gens [aux trafiquants].
En particulier dans la localité de Hafir [au Soudan],
des gens ont été enlevés comme nous
puis livrés à des trafiquants par des policiers de Hafir
qui leur ont dit qu’ils allait être amenés à Shagarab [camp de réfugiés] .
Quand des Erythréens sont retrouvés dans des planques utilisées par les trafiquants et libérés,
la plupart sont amenés par les forces de sécurité égyptiennes
au poste de police et poursuivis
pour entrée ou présence illégale dans la péninsule du Sinaï.
Ils sont ensuite placés en détention dans des conditions dégradantes ou inhumaines
dans les postes de police, sans possibilité d’accéder aux services
de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés et de présenter une demande d'asile.
Le monde doit savoir que des Égyptiens nous maltraitent.
Personne ne s'en soucie, or nous sommes ici en Egypte
où ces souffrances ont eu lieu.
Le gouvernement égyptien n’a toujours pas proposé de solution.
L’Égypte et le Soudan devraient au minimum enquêter sur ces allégations
d’exactions, de torture et d’enlèvements par des trafiquants
et sur les allégations très graves de complicité
par leurs propres forces de sécurité et policiers avec les trafiquants.