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Cœur, petite chose
mise dans notre poitrine
pour nous torturer.
S'il savait ce qu'il porte en sa poitrine,
plus d'un voudrait s'en débarrasser.
Ma sœur, sais-tu comment
on épelle « madame » ?
M-a - ma, d-a-m - dam, m-e - me ?
C'est ça.
Tes battements
sont rarement mêlés de plaisir,
mais prompts à faire payer par la douleur
le moindre plaisir qu'ils ont pu donner.
Écoute, je te lis ce que j'ai écrit pour savoir si cela convient.
« Ma chère madame, »
« nous sommes bien arrivés à Lille, Dieu soit loué. »
C'est correct, « arrivés » ?
Pourtant, n'avoir ni douleur ni plaisir
serait encore bien plus affreux.
Je préfère que mon cœur soit changé en verre
par les rayons brûlants de mon destin.
Ma sœur, ma sœur !
Écoute.
« Nous aimerions vous rendre toutes vos politesses et courtoisies. »
« Mais comme ce n'est pas en notre pouvoir, »
« prions de reporter à plus ***. »
« Nous prions de reporter... »
Arrête, pourquoi m'interromps-tu ?
« Nous prions de reporter à plus ***. »
Qu'est-ce que tu veux ?
Papa aussi écrit comme ça.
Eh bien ! finis de lire.
Le reste ne te regarde pas.
Elle ne veut pas me lire la suite.
Sûrement quelque mot gentil
pour M. Stolzius.
Laisse-moi tranquille avec Stolzius !
Je sais que tu es amoureuse de lui,
et que tu ne supportes pas
que quelqu'un d'autre prononce son nom.
Aimer, haïr, vouloir, trembler,
espérer, frissonner jusqu'à la moelle.
Oh ! la vie ne vaudrait pas d'être vécue
si tu ne la rendais si amère.
Je ne me sens pas bien, mère.
Je crois qu'il n'a que cette misérable fille en tête,
et c'est pourquoi la tête lui fait mal.
Depuis qu'elle est partie,
il n'a pas eu un seul moment de joie.
Sérieusement, mère, je ne me sens pas bien.
Si tu me parles gentiment,
je soulagerai ton cœur.
Elle vous a écrit ?
Voilà, lis toi-même !
Mais écoute !
Le colonel veut que tu mesures le tissu.
Laissez-moi répondre à la lettre !
Imbécile !
Je parle du tissu
que le colonel a commandé pour les régiments.
Ma divine mademoiselle !
Oh ! monsieur le baron !
Arrêtez.
Je sais que ce ne sont que des compliments.
Je vous jure que, de toute ma vie,
je n'ai jamais rien vu d'aussi parfait que vous.
Mon père m'a dit
que vous êtes un menteur !
Moi, menteur ? Comment pouvez-vous penser ça,
divine mademoiselle ?
Est-ce mentir que d'avoir quitté le régiment en cachette,
au risque d'être jeté en prison à mon retour ?
Est-ce mentir, juste pour le plaisir de vous voir ?
Femme parfaite !
Toutes les souffrances que j'endure
ne sont rien, comparées au plaisir
de vous contempler, le souffle coupé.
Et si ma fierté veut s'en offenser,
je la prie de considérer ceci :
il faut souffrir pourvoir les anges !
Tiens donc ! Votre humble serviteur.
Monsieur le baron,
à quoi devons-nous de nouveau l'honneur ?
Je ne suis ici que pour quelques semaines,
pour rendre visite à un parent.
Je n'étais pas à la maison, veuillez m'excuser.
Vous vous serez ennuyé avec ma petite Marie.
Me permettrez-vous
d'avoir l'honneur de conduire
mademoiselle votre fille au théâtre ?
Oh ! papa.
Monsieur le baron,
pardonnez-moi.
Non, non ! Pas question, ne m'en veuillez pas.
Pas un mot de plus.
Ma fille n'a pas l'habitude
de fréquenter le théâtre.
Cela ferait jaser les voisins,
avec un jeune monsieur de la garnison, en plus !
Mais papa !
Tiens ta langue !
Pardonnez-moi, monsieur le baron,
j'aurais tant aimé vous faire ce plaisir.
Pour toute autre chose, je suis à vos ordres.
Dans ce cas, je m'en vais, M. Wesener.
Adieu, Mlle Marie.
Monsieur le baron.
Mais dis-moi, papa, qu'as-tu donc ?
Tu crois que je t'ai causé un grand tort, n'est-ce pas ?
Tu ne comprends rien au monde,
petite nigaude.
Il a certainement bon fond,
ce monsieur le baron.
Parce qu'il t'a fait quelques flatteries.
Ils se valent tous.
Tu ne m'apprendras rien sur les jeunes soldats.
Ils sont dans toutes les auberges et les cafés,
et se vantent de leurs exploits.
Avant même de le savoir, une pauvre fille est dans toutes les bouches.
Cette fille-là n'est pas vraiment comme il faut.
Et je connais aussi celle-ci, et celle-là, et cette autre le veut aussi.
Tu es toujours si indélicat !
Je t'en prie, ne le prends pas mal.
Tu es ma seule joie.
C'est pour ça que je prends soin de toi.
Je ne suis plus une enfant !
C'est là raisonner sans réfléchir.
Monsieur, je vous dirai qu'une seule pièce de théâtre...
...fût-ce la pire des farces, fait plus de bien à l'État...
...que tous les sermons...
...que vous et vos semblables délivrez
ou délivrerez dans toute votre vie !
Mes chers camarades !
Répondez, je vous prie,
à une simple question :
qu'est-ce que ces messieurs y apprennent ?
Hé quoi, faut-il donc toujours apprendre ?
Nous nous amusons.
Cela ne suffit pas ?
Plaise à Dieu que vous vous amusiez seulement, que vous n'appreniez pas.
Cher aumônier !
Votre zèle est louable...
...mais il sent la soutane !
Qu'une fille ait un bébé...
...qu'elle aurait préféré ne pas avoir...
Une putain, une putain
sera toujours une putain,
peu importe entre quelles mains elle tombe.
Connaissez-vous donc si bien le sexe opposé ?
Vous ne m'apprendrez rien à ce su jet !
Les artifices dont vous êtes maître vous ont peut-être appris à le connaître,
mais permettez-moi de vous dire
qu'une putain n'est jamais une putain
à moins d'y être forcée.
Pensez-vous, monsieur,
que nous cessons d'être honnêtes hommes
dès que nous entrons dans l'armée ?
Tant que je verrai des filles de bourgeois malheureuses,
je ne pourrai pas changer d'opinion !
Quel culot !
- Doux Jésus ! - Allons, ne fais pas l'enfant.
Écoute, Marie.
Tu sais que je t'aime bien.
Alors sois franche avec moi.
Tu n'auras pas à t'en repentir.
Dis-moi, le baron t'a-t-il parlé d'amour ?
Papa !
Il est amoureux de moi, c'est vrai.
Voici un poème
qu'il a écrit pour moi.
Ô toi, suprême objet de mes purs désirs,
je t'adore
et je t'aimerai toujours,
car la certitude de mon amour et de ma foi,
ô toi, la plus belle des lumières, se renouvelle chaque matin.
Je vois que ses intentions sont honnêtes.
Mais n'accepte aucun cadeau de lui, pour l'amour du Ciel.
Je sais, papa, que tu ne me donneras pas de mauvais conseil.
Eh bien !
Tu peux encore devenir baronne, petite nigaude.
On ne sait jamais
quel bonheur le destin nous réserve.
Mais papa !
Que dira le pauvre Stolzius ?
Tu n'es pas obligée de congédier Stolzius immédiatement.
Écoute.
Je te dicterai
la lettre que tu dois lui écrire.
En attendant, dors bien, mon chaton.
Bonne nuit, papounet.
J'ai le cœur si lourd.
Je crois qu'il va y avoir de l'orage.
Si la foudre tombait !
Dieu !
Qu'ai-je fait de mal ?
Stolzius...
Je t'aime encore.
Mais...
Si je peux améliorer ma condition...
...et si papa lui-même me le conseille
et que je peux améliorer ma condition...
J'ai le cœur si lourd.
Dieu !
Qu'ai-je fait de mal ?
Si cela doit tomber sur moi, qu'il en soit ainsi.
Je mourrai volontiers.
Quand j'aurai une femme,
je te permettrai de coucher avec elle,
si tu peux l'en convaincre.
C'est ridicule
de voir tout le monde s'affairer autour du pauvre Stolzius,
comme des mouches autour du miel.
Celui-ci le tire,
celui-là le pousse,
l'un se promène avec lui,
l'autre joue au billard avec lui.
Comme des chiens qui flairent le gibier !
D'où vient, aumônier,
que les gens ne pensent pas ?
Il existe un être absolument parfait.
Cet être parfait, je peux l'offenser
ou ne pas l'offenser.
Quoi ? Il recommence ?
Si je pouvais l'offenser,
il cesserait d'être
absolument parfait.
C'est pourquoi je ne peux l'offenser.
Par le diable ! Pirzel ! C'est à nous que tu parles ?
Mes chers camarades !
Vous êtes d'honorables créatures de Dieu.
Je ne puis donc que vous respecter et vous tenir en haute estime.
Nous voulons l'espérer !
Je suis moi aussi créature de Dieu.
Vous devez donc me respecter aussi.
Pardonnez, monsieur l'aumônier !
Capitaine, entièrement d'accord avec vous. Cependant, la question était de savoir
comment persuader les gens
de laisser le pauvre Stolzius en paix,
et de ne pas semer la jalousie et le soupçon
dans deux cœurs qui pourraient sinon se rendre heureux pour l'éternité.
Comme j'ai eu l'honneur et le plaisir de vous le dire, aumônier,
c'est parce que les gens ne pensent pas !
Penser, penser à ce qu'est l'homme !
Ô terreur ! Milliers de vies ! Tituber, tournoyer, planer.
Ô courage ! La poitrine gonflée comme si c'était la fin du monde.
Le souffle haletant de plaisir, tout ce qui nous retenait
a disparu, libres comme le vent !
Nous sommes des dieux !
Hé ! Les gars !
- Ça y est, je le tiens ! - Qui donc, commandant ?
Rien, c'est un de mes amis.
La noce est-elle pour bientôt ?
Mon plan est de lui enseigner à faire confiance à sa femme.
Je vous mets au courant
pour que vous ne me gâchiez pas l'affaire.
Mes chers frères et camarades,
ne faites d'in justice à personne.
La vie d'un homme est un cadeau
qu'il ne s'est pas fait lui-même.
Mon ami, venez !
Messieurs, vous me pardonnerez
d'avoir l'impudence de venir dans votre café.
Ô serviteur obéissant,
c'est pour nous un grand honneur !
Dehors souffle un vent glacial.
Je pense qu'il va neiger.
Je le pense aussi.
Avez-vous reçu des nouvelles de Lille ?
Comment va votre fiancée ?
Votre serviteur, messieurs.
J'ignore de quelle fiancée vous parlez,
je n'en ai pas.
Mais Desportes a dit...
Mlle Wesener de Lille n'est-elle pas votre fiancée ?
M. Desportes en sait donc plus que moi.
Je vous assure, M. Stolzius,
Desportes est un honnête homme.
- Je connais Desportes. - C'est une fripouille
qui ne cherche qu'à s'amuser.
Pourquoi reste-t-il si longtemps à Lille ?
Il ne va pas pour autant lui voler sa fiancée.
Messieurs,
permettez-moi
- de me retirer. - Qu'y a-t-il ? Où allez-vous ?
Pardonnez-moi,
mais je ne puis rester plus longtemps.
Sinon je vais m'effondrer.
C'est l'air du Rhin !
Adieu !
Et voilà. Maudits salopards !
Qu'est-ce qui ne va pas, charmante Marie ?
Par le Ciel, quelle est cette lettre ?
Voyez un peu ce que m'écrit Stolzius !
C'est un âne impertinent.
Mais dites-moi,
pourquoi échangez-vous des lettres avec un pareil coquin ?
Je vous dirai, monsieur le baron,
que c'est parce qu'il a demandé ma main,
et que je lui suis plus ou moins fiancée.
Il a demandé votre main ?
Comment cet âne ose-t-il ?
Attendez, je vais répondre à sa lettre.
Oui, mon cher monsieur le baron.
Je connais ce type et sa situation.
- Vous n'êtes pas faite pour un bourgeois. - Non, n'espérez rien en tirer.
Ce ne sont que de vains espoirs que vous me faites miroiter.
Votre famille ne consentira jamais.
Je m'en charge. Avez-vous une plume et de l'encre ?
-Attendez. - Je vais répondre à la lettre de ce corniaud.
Non, je veux l'écrire moi-même.
Alors je vous la dicte.
Non, vous n'en ferez rien.
Monsieur... Butor, ajoutez butor !
Oh ! monsieur le baron.
Ô mon enfant, ô mon petit !
N'iras-tu pas dormir, homme sans religion ?
Alors parle, dis-moi ce qui te tracasse.
Cette traînée n'était pas digne de toi.
Une jeune fille est comme un dé sur la table.
La petite rose du Hainaut
ira bientôt devant la table de Dieu.
- Une pareille putain à soldat ! - Mère !
Qu'est-elle d'autre ? Et toi, tu ne vaux pas mieux,
fréquenter ce genre de fille !
Pourquoi ce joyeux sourire, mon enfant chéri ?
Toi aussi, tu porteras ta croix.
Pourquoi te ronger de chagrin ?
Quand la petite rose du Hainaut
aura pris un mari.
Ô mon petit, combien j'ai mal
de voir tes yeux sourire
et de voir les mille larmes...
Chère mère,
ne l'insulte pas.
Elle est innocente.
L'officier lui a tourné la tête.
...qui inonderont tes joues.
Si vous voyiez ce qu'elle m'écrivait.
Je vais en perdre la raison.
Un si bon cœur !
Une pareille traînée ! Où cela mènera-t-il ?
À quoi tout cela mènera-t-il ?
Marie ! Non ! Ce n'est plus elle. Elle n'est plus la même.
Laissez-moi...
Où vas-tu, homme oublié de Dieu ?
Ce démon qui lui a tourné la tête...
Oh ! où cela mènera-t-il ?
Tu vas me le payer !
Tous les jours se ressemblent.
Ce qui n'arrive pas aujourd'hui
arrivera demain,
lentement
mais sûrement.
Comment dit la chanson déjà, mère ?
Si un oiseau emporte chaque jour
un grain de sable de la montagne,
à la fin, il réussira.
Je crois que tu délires.
À la fin, un grain de sable chaque jour,
l'année en a dix, vingt, trente, cent...
Laissez-moi, mère, je suis bien portant.
M. de Mary veut passer le semestre à Lille.
Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Il n'est pas des plus malins.
Fichtre ! Comment vais-je lui faire oublier sa métaphysique ?
Pour connaître l'homme,
il faut à mon avis commencer par la femme.
Ce que les autres ont en trop, il n'en a pas assez.
Par la femme, dites-vous ? Ce serait comme
commencer par les moutons.
Non, ce qu'est l'homme...
L'entendre philosopher me fera mourir !
J'ai remarqué que,
ce mois-ci, on ne peut pas faire un pas hors des murs de la ville
sans voir un soldat caresser une fille.
C'est parce que les gens ne pensent pas.
Mais penser ne vous empêche-t-il pas de pratiquer l'exercice ?
Pas du tout, c'est purement mécanique.
Un régiment de fous doit faire des miracles !
Qui va là ?
Stolzius ?
Oui, monsieur.
D'où diable sortez-vous ? Et dans cette tenue ?
Comme vous êtes changé,
amaigri, et pâle !
Vous pourriez me dire cent fois
que vous êtes Stolzius, je ne vous croirais pas.
C'est la moustache, monsieur.
J'ai appris que Votre Grâce cherchait un serviteur,
et comme le colonel a confiance en moi,
il m'a donné la permission
de venir ici vous servir.
Bravo !
Vous êtes un brave gars !
Il me plaît de vous voir au service du roi.
La vie de philistin ne mène à rien !
Et vous avez de la ressource.
Vous pouvez mener une existence honnête et aller loin dans la vie.
Je m'occuperai bien de vous,
vous pouvez en être sûr.
Tu te comportes envers lui
d'une manière honteuse !
Je ne vois aucune différence
entre ton attitude envers Desportes
et maintenant ton attitude envers Mary.
Et que veux-tu que je fasse, Charlotte,
maintenant que Desportes est parti,
puisqu'il est son meilleur ami
et le seul qui puisse nous donner de ses nouvelles ?
S'il ne te couvrait pas de cadeaux,
tu ne te comporterais pas ainsi avec lui.
Dois-je lui jeter ses cadeaux à la figure ?
Tu ne dois pas sortir avec lui.
Je ne le supporte pas.
Mais il faut bien que je sois polie,
puisqu'il est mon seul correspondant.
Marie-couche-toi-là !
Personne ne peut t'aider, tu te comportes comme telle.
À votre service, M. Mary.
Avez-vous bien dormi ?
Incomparablement,
ma chère mademoiselle.
J'ai revu en rêve les feux d'artifice d'hier soir.
C'était vraiment très beau, M. Mary.
Cela doit avoir été beau, si tel est votre avis.
Je ne suis pas connaisseuse en la matière.
Je répète simplement ce que j'ai entendu.
Nous sommes encore en plein remue-ménage.
Ma sœur sera prête dans un instant.
Mlle Wesener nous accompagne ?
Pourquoi ? N'y a-t-il pas de place pour moi ?
- Oh si ! je resterai debout à l'arrière. - Et votre valet ?
Mon Caspar marchera devant.
Écoutez, votre soldat ressemble beaucoup à une certaine personne.
Et vous l'avez envoyé promener !
C'est aussi la faute de Desportes.
Il me l'a fait payer.
Êtes-vous prêtes ?
Lejeune maître n'est pas encore revenu ?
- Non, madame, pas encore. - Donnez-moi la clé, et allez dormir.
- Je lui ouvrirai moi-même. - Mlle Kathy a...
- Qu'a Mlle Kathy ? - Elle avait une forte fièvre ce soir.
Retournez voir si mademoiselle est encore éveillée.
Dites-lui que je n'irai pas me coucher.
Je viendrai à une heure la relayer.
Certainement, madame.
Faut-il donc qu'un enfant
cause du souci à sa mère jusque dans la tombe ?
Il commence à assombrir mes jours.
Je ne lui ai jamais mis de barrières.
Si je me suis mêlée de ses affaires, c'était en amie, jamais en mère.
Pourquoi se met-il soudain à me faire
un mystère de ses histoires d'amour
alors qu'il ne m'a caché aucune de ses folies de jeunesse ?
Et moi, parce que je suis femme,
je savais chaque fois lui donner le meilleur conseil possible.
Si seulement il n'était pas mon seul enfant
et n'avait pas hérité de moi un cœur aussi sensible !
Faut-il donc qu'un enfant
cause du souci à sa mère jusque dans la tombe ?
Mais enfin, chère mère, où est le serviteur ?
Ces maudits domestiques !
S'il n'était pas si ***,
je ferais appeler la garde sur-le-champ !
C'est moi qui l'ai envoyé se coucher.
N'est-il pas suffisant
qu'il doive veiller sur toi toute la journée ?
Faut-il encore qu'il renonce à dormir à cause de toi ?
J'ai à te parler sérieusement, jeune homme.
Chère mère, je vous jure
que je n'ai pas de secrets pour vous.
Après dîner, vous m'avez rencontré avec Mlle Wesener.
En raison de l'heure et des paroles que nous échangions,
vous en avez tiré certaines conclusions.
C'est une brave fille, et voilà tout.
Je ne veux pas en savoir plus,
si tu crois devoir me cacher des choses.
Je sais que Mlle Wesener
n'a pas très bonne réputation, mais je crois
que ce n'est pas de sa faute.
Il paraît que la pauvre enfant a été trahie.
Exactement, chère mère,
c'est là son malheur ; si vous saviez dans quelles circonstances...
Je dois tout vous dire.
Je sens que je prends part au destin de cette fille.
Et pourtant, il a été si facile de la tromper.
Un cœur si simple, si ouvert, si innocent !
Cela me torture, maman !
Mon fils,
laisse-moi le soin de m'apitoyer.
Quitte la ville, et sois assuré
que Mlle Wesener sera bien traitée ici.
Elle trouvera en moi son amie la plus dévouée.
Me le promets-tu ?
Calme-toi.
C'est une fille malheureuse.
Ça ne fait pas de doute.
Ne t'en mêle pas. Je vais le torturer.
Mais que racontes-tu là ? Il t'a oubliée.
Il n'est pas venu depuis trois jours, et tout le monde raconte
qu'il est amoureux de la petite Mme Duval de la rue de Bruxelles.
Tu ne croirais pas combien le comte se montre complaisant envers moi.
Lui aussi est apparemment déjà promis.
Si seulement nous pouvions croiser Mary
au bras de sa madame.
La comtesse La Roche demande si vous êtes à la maison.
Mon Dieu, la mère du comte ! Dites-lui...
Ma sœur, que doit-il dire ?
Dites-lui que nous serons très honorées.
As-tu perdu ta langue ?
Dites-lui que nous serons très honorées.
Bien que nous soyons ici dans le plus grand désordre.
Non, attendez.
Je viens moi-même jusqu'à la voiture.
Il faut nous pardonner,
madame.
- Ma chère enfant ! - Tout est ici dans un désordre affreux.
Considérez-moi comme votre meilleure amie.
Je vous assure
que je suis très sincèrement concernée
partout ce qui peut vous arriver.
J'ignore ce que j'ai fait pour mériter une telle bonté.
Savez-vous, ma chère nouvelle amie,
que l'on parle beaucoup de vous en ville ?
Je sais qu'il y a partout de mauvaises langues.
Pas seulement les mauvaises, les bonnes aussi parlent de vous.
Mais dites-moi, je vous en prie, d'où vous est venue l'idée
de chercher un mari au-dessus de votre condition ?
La beauté n'est jamais le moyen de faire un mariage heureux,
et personne n'a plus de raison de trembler qu'un joli minois.
Oh ! madame, je sais bien que je suis laide.
Vous êtes belle, c'est la punition du Ciel.
Pauvre enfant !
Comme vous auriez rendu heureux un honnête bourgeois !
Mais il m'aime !
Décidez-vous, brave petite.
Malheureuse,
oubliez tous vos projets concernant mon fils.
Il est promis.
Mais venez habiter chez moi.
Votre réputation a reçu un choc terrible.
C'est le seul moyen
de la rétablir.
Madame !
Hélas ! rêves des jeunes années,
vous êtes trop beaux pour ce monde !
Notre plus belle fleur se fane.
Le meilleur de nous-même meurt longtemps avant nous.
Hélas ! rêves des jeunes années, vous êtes trop beaux pour ce monde...
Devenez ma demoiselle de compagnie !
Ô madame, permettez-moi
d'y réfléchir.
Très bien, chère enfant,
faites pour le mieux, je dois partir.
Adieu, chère enfant.
Marie s'est enfuie !
Mes chers camarades !
Répondez, je vous prie, à une seule question...
Ceux qui subissent l'in justice doivent-ils donc trembler,
et seuls ceux qui font le mal être joyeux ?
Qui sait ce que Desportes fera de nous !
Comme je te le dis,
c'était une putain dès le départ,
et elle ne s'est attachée à moi que parce que je lui faisais des cadeaux.
Mon frère, avant que j'aie pu me retourner,
je reçois une lettre de la fille.
Elle veut me rejoindre à Philippeville.
Tu peux imaginer le spectacle
si mon père était tombé sur elle !
Que faire ?
J'ai écrit à mon garde-chasse
de l'accueillir,
et de lui interdire de quitter ma chambre.
Mon garde-chasse est un costaud.
Elle trouvera le temps long, seule dans une chambre.
Écoute, Desportes, c'est malhonnête.
Quoi, malhonnête ? Que veux-tu ?
N'aura-t-elle pas tout ce qu'il faut si mon garde-chasse l'épouse ?
Et pour une pareille...
Elle était pourtant très bien vue de la comtesse ;
et, que le diable m'emporte, je l'aurais épousée
si le jeune comte ne m'avait barré le chemin.
Tu te serais mis une belle salope sur le dos.
Dépêchez-vous de servir à monsieur sa soupe au vin !
Quand j'ai appris qu'elle s'était enfuie de chez la comtesse...
Pourquoi continuer à parler de cette garce ?
Je te le dis, mon frère,
tu me ferais plaisir de ne plus m'en parler.
Cela m'ennuie de devoir penser à elle.
Vraiment ?
Je sens une douleur !
Marie !
J'ai été empoisonné !
Ne vous donnez pas la peine.
C'est déjà fait.
Je meurs content, puisque je peux emmener celui-là avec moi !
Et je suis Stolzius, de la fiancée duquel tu as fait une putain.
Elle était ma fiancée.
Si vous ne pouvez pas vivre
sans causer le malheur des femmes,
pourquoi vous tournez-vous vers celles
qui ne peuvent pas vous résister,
qui croient tout ce que vous leur dites ?
Ma Marie !
Dieu
ne peut pas me damner.
Notre Père qui êtes aux cieux...
Laissez-moi !
Je ne suis pas amateur de ce genre de choses.
Partez !
Allez rejoindre vos soldats !
Pour l'amour de Dieu, faites l'aumône, monsieur.
Les dépravées ne manquent pas ici.
Si l'on faisait l'aumône à chacune, on n'en verrait plus la fin.
Monsieur !
Voilà trois jours
que je n'ai pas mangé un seul morceau de pain.
Âme impure, n'avez-vous pas honte
d'accoster ainsi un honnête homme ?
Qui sait où ma fille demande maintenant l'aumône ?
Ô Dieu !
...mais délivrez-nous du mal.