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Les hijras sont une communauté indienne traditionnelle de femmes transgenres.
Autrefois, la société indienne les honorait, croyant qu'elles communiquaient avec les dieux.
Certaines occupaient même des postes élevés auprès des monarques et dans le gouvernement.
Puis les Britanniques sont arrivés, et les ont transformées en parias.
Les hijras d'aujourd'hui vivent dans des bidonvilles,
où beaucoup survivent en se prostituant.
Le virus du SIDA fait des ravages parmi elles.
Mais il ne leur est pas facile d'accéder au traitement adapté,
car le gouvernement commence à peine à reconnaître leur identité de genre.
Rejetées par la société, elles ont appris à s'entraider.
Je suis invité à rencontrer Gauri, qui a transformé sa maison en centre d'accueil.
Vous devez être Gauri ?
C'est pour vous souhaiter la bienvenue, selon la tradition.
C'est charmant ! - Vous êtes invité à entrer chez moi.
Voici notre centre communautaire.
Nous travaillons avec les hijras.
Elles peuvent rester quarante-quatre jours,
et quand elles vont mieux, elles repartent.
J'ai cru comprendre qu'il y avait un problème spécifique aux hijras
dans la mesure où elles sont aujourd'hui plus mal vues que jamais,
tant le taux d'infection au VIH est élevé.
J'ai lu qu'il atteignait 49%. C'est terrible.
Mais on ne peut rien y faire, la société a énormément changé
depuis les tous premiers jours de la communauté Hijra.
Elle avait alors une vision de la sexualité plus ouverte, directe, et même joyeuse.
Je suis d'accord. Ce qui s'est passé, c'est que les Anglais sont arrivés...
Ils n'aimaient pas ça. Dans la Bible, ils lisaient que la sodomie était contre-nature.
Mais moi, je vois bien que c'est naturel. Je n'ai jamais été attirée par une femme.
Berk, quelle horreur ! Je suis née grande folle !
Je suis née hijra, et ça me plaît d'être ce que je suis !
Personne n'a le droit de se mêler... C'est ma sodomie !
Vous avez donc décidé d'être opérée, pour...
voir votre sexe biologique réassigné.
C'était très brutal, à l'origine, non ?
On coupait tout, sans anesthésie, c'est vrai. On coupait simplement tout.
Mais aujourd'hui, c'est différent, vous avez de véritables chirurgiens...
Non, aujourd'hui encore, en Inde,
on ne peut pas se payer... Mes filles n'ont pas de quoi se payer mieux qu'un charlatan.
C'est une castration. Parfois, l'urètre est sectionné.
On ne peut plus contrôler son urine.
C'est vraiment terrible !
Mais vous voyez, elles décident : "Il faut m'enlever ça, il faut m'enlever ça !"
Mais il existe aussi une procédure appelée vaginoplastie, n'est-ce pas ?
Pour remplacer ce qui était le pénis...
C'est très coûteux. - Vous n'avez pas choisi cette solution ?
Si, j'ai déjà fait ma vaginoplastie. Je ne parlais plus que de mon futur sexe féminin.
Mais quand tout a été fini, l'opération terminée,
et l'infirmière m'a réveillée : "Votre opération est terminée."
"Tout est comme il faut, bien à sa place ?"
Je lui ai demandé ça, parce qu'en 25 ans, je n'avais jamais vu de sexe féminin !
C'était mon premier ! - Votre premier, c'était le vôtre !
J'ai demandé à l'infirmière : "Je peux comparer avec le vôtre ?" - "Non !"
"Regardez le vôtre !" Elle m'a donné un miroir.
Elle n'a pas voulu montrer le sien ?
J'ai regardé : "Berk ! C'est quoi ce travail !"
Vous voyez, je n'ai pas honte de moi. Je suis fière de moi.
Je n'ai pas eu de femme à qui mentir, et je ne me suis pas menti à moi-même.
Mais j'ai tout de même dû me tenir en face de mon père et l'affronter.
"Voilà qui est ton fils."
Je ne sais pas ce qu'il en pense aujourd'hui.
Mais je sais qu'il ne m'acceptera jamais.
C'est impossible. Je le sais.
Vivre seule, après avoir quitté sa famille, sa famille biologique...
On se recrée une famille entre nous.
Quand la famille nous rejette, le meilleur substitut, c'est de s'en créer une nouvelle.
Elles sont ma famille. - Exactement.
July n'a que dix-neuf ans. - Vraiment ?
Dix-neuf ans, et d'ici cinq mois, elle se fera opérer.
Si une Hijra se promène dans la rue, tous les passants lui disent :
"Salut beauté, tu es libre ce soir ? Jolie paire de nichons !"
Et ils la pelotent avant de filer.
Ils savent que s'ils s'en prennent à une hijra, personne ne dira rien.
Même s'il y a du monde dans la rue, on peut vous jeter dans le caniveau et s'en aller.
L'histoire de l'abandon des Hijras est tragique à entendre.
Cela me rappelle que, même dans la communauté LGBT que j'ai laissée en Angleterre,
les personnes transgenres sont souvent les plus critiquées, les plus incomprises.
La communauté LGBT d'Inde est en train de s'organiser.
Elle commence à se porter au secours de ses membres les plus vulnérables.
Ce pourrait être une leçon pour nous tous.
Nous sommes donc ici dans les locaux de l'association "Humsafar Trust" ?
C'est ici que nous recevons les adhérents,
les gens qui viennent faire le dépistage du VIH ou faire appel à nos autres services.
Abheena Aher tente de créer une alternative à la prostitution pour sa communauté.
Elle a monté la première troupe de danseuses transgenres en Inde : les Dancing Queens.
30% des personnes transgenres sont instruites ou ont au moins eu leur baccalauréat.
Mais on ne leur donne jamais l'opportunité de travailler, d'où leur prostitution.
Personne ne veut d'une voisine transgenre.
C'est la société, la société est comme ça.
C'est ridicule : tout le monde vénère Shiva,
qui s'incarne dans une combinaison de corps masculin et de corps féminin.
Mais avoir une voisine transgenre, ce n'est pas acceptable en société ?
Quand on parle des Hijras, on les imagine comme membres d'une caste sociale inférieure.
Privées de travail, privées de toute dignité.
Et par-dessus tout ça, on veut leur imposer un carcan de valeurs morales ?
"Elles se prostituent pour de l'argent..."
Mais c'est qu'elles n'ont pas le choix !
Nous voulons leur offrir une première chance.
Bien dit. Et le changement va se faire. Il sera sans doute trop lent,
à l'échelle de la patience d'un individu, mais il aura lieu.