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Nous sommes une famille ordinaire, à laquelle il arrive des choses extraordinaires.
"La gaieté de ton coeur apporte la joie et la paix là où il n'y en a pas."
Je vais souvent nager avec ce costume, ça me donne l'impression d'être une sirène.
Nous avons toujours su que Jazz était différente.
Les autres pensent que mes parents et moi, ce que nous faisons, c'est mal.
Mon père m'a expliqué comment les choses allaient évoluer pour Jazz, et se compliquer.
Pour le reste du monde, c'est une situation dont ils n'ont jamais entendu parler. Une situation qu'ils n'ont jamais vue.
Pendant longtemps, je me suis contentée d'enfouir ces informations et ces craintes dans mon esprit, comme une menace constante.
Vous avez les six mois qui viennent, pour prendre la décision de tout arrêter.
Je voudrais qu'elle reste une petite fille.
Nous nous soutenons et nous traversons toutes ces épreuves en famille. Nous essayons de profiter de la vie.
J'aime dire : "Je suis Jazz".
J'aime quand on m'appelle "Jazz". C'est merveilleux.
Je dis souvent "c'est merveilleux", parce que c'est vrai !
JE SUIS JAZZ Une famille en transition
Il y a une bonne dynamique dans cette famille, les enfants veillent les uns sur les autres.
Nous sommes une famille de rigolos, qui aiment faire des bêtises, se dépenser et profiter de la vie.
Nous sommes fiers de nos enfants et nous les encourageons dans leurs activités.
Vous nous verrez suivre leur match ensemble, assister au concert d'Ari avec son groupe...
Je profite beaucoup de mes enfants en ce moment, parce qu'ils deviennent des adolescents.
Et vous comprenez, ça me rend triste, j'aime cet âge où je peux les couver et j'ai presque envie de leur dire : arrêtez-vous, restez comme ça.
Greg et moi, nous nous sommes rencontrés quand il avait trois ans, et moi cinq.
Nous avons grandi ensemble, dans la même ville.
Nous nous sommes mariés en 93 et Ari est née en 95.
Ari avait 2 ans quand les jumeaux sont nés.
Voilà que j'avais trois bébés sur les bras.
C'était l'aventure ! Beaucoup de travail, mais on pensait que ça s'arrêterait là.
Et finalement, quand les jumeaux ont eu deux ans, et Ari quatre...
Je ne me suis pas sentie bien, on a cru que j'avais la grippe... Bien sûr, c'était notre bébé Jazz !
J'étais si contente quand il est arrivé ! Quand "elle" est arrivée.
Tiens, Ari ! C'est ton petit frère !
Oui, on est sûrs que c'est un garçon.
J'explique aux gens que j'ai le cerveau d'une fille et le corps d'un garçon.
Je pense en tant que fille, mais j'ai des... parties différentes.
Jazz est née avec un problème d'identité de genre. (sic)
On dit aussi qu'elle est "transgenre".
Dès son jeune âge, Jazz a manifesté une identité de genre différente de celle qui lui avait été assignée à sa naissance, en se basant sur l'apparence de ses organes.
Combien de familles comptent une petite fille qui est née "garçon" ?
Je veux dire : pour moi, c'est devenu naturel. Je la regarde et je vois une petite fille.
Mais pour le reste du monde, vous savez... Ils n'ont jamais entendu parler de ça. Ils n'ont jamais vu ça.
Les gens voient de plus en plus de personnes transgenres, dans les médias, ils savent que ça existe chez les adultes, mais...
les jeunes enfants, ça les choque.
Je croyais que j'étais "mal fichue".
Mais maintenant je sais que rien n'est mal fichu chez moi.
Je me plais comme ça. Je suis une personne qui a... qui a confiance en elle-même.
C'est comme ça que je me vois.
C'est une famille ordinaire. Deux garçons, deux filles.
Nous faisons tout ce que fait le foyer américain moyen.
Mais si on nous considère d'un point de vue extérieur, on nous trouvera différents.
Une fois, j'ai rêvé d'une bonne fée.
Elle est venue dans ma chambre, et je dormais tranquillement.
Elle m'a réveillée, et elle a dit qu'elle allait changer mon pénis en vagin.
Je me suis réveillée toute contente, et je suis allée demander à ma maman :
"Quand est-ce que la bonne fée va venir pour changer mon pénis en vagin ?"
C'est ce jour-là qu'elle a su qu'il se passait quelque chose.
J'ai eu les premiers indices sous les yeux vraiment très tôt, quand elle a appris à marcher ;
elle se faufilait dans le placard de sa soeur pour prendre les jolies sandales décorées.
Elle se promenait avec. Elle aimait le rose, les poupées... Excessivement féminine.
Vous lui donniez des jouets de garçon, ça ne l'intéressait pas du tout.
La cassette de Barbie !
Au début, c'était juste très mignon, mais ça s'est maintenu par la suite
et ça s'est même renforcé. Elle devenait de plus en plus grande et de plus en plus têtue.
Je savais que c'était plus qu'une phase.
Je crois que depuis le début, je me suis voilé la face.
Je réprimais ma capacité à accepter qu'un enfant puisse être transgenre.
Quand j'ai réussi à dépasser cette résistance, j'ai pu y croire : elle était de nature féminine.
Il fallait que je surmonte mes notions préconçues, et que je la soutienne.
Je remonte dans mes souvenirs jusqu'à l'âge de deux ans : je me rappelle quelques disputes.
Ma mère s'inquiétait, comme tout le monde, et comme moi, que je puisse être une fille.
C'est à ce moment que j'ai commencé à avoir des informations à ce sujet.
Le trouble d'identité de genre (sic) peut apparaître tôt et de façon extrême, comme c'était le cas pour Jazz,
ou émerger plus tardivement, et moins nettement.
De ce fait, il est presque impossible d'obtenir des statistiques exactes sur son développement.
Je m'inquiétais pour son avenir, je l'ai emmenée chez le pédiatre.
J'espérais qu'elle me dise, vous savez : "Ce n'est rien, ne vous inquiétez pas..." Mais elle aussi s'est inquiétée.
J'ai fini par l'emmener chez un spécialiste qui s'occupe de patients transgenres.
Cette dame a passé une heure avec Jazz, qui avait trois ans à cette époque.
Elle m'a dit : c'est clair, votre enfant a un trouble de l'identité de genre.
Pendant les huit dernières années, Greg et Jeanette ont consulté de nombreux experts de ce trouble de l'identité de genre.
Ils voulaient être sûrs de respecter leurs recommandations pour le bien-être de Jazz.
C'est mieux pour moi, fille que garçon. Je préfère être une fille, c'est ce que je veux. C'est ce que je suis à l'intérieur.
Et à l'extérieur. En grande partie.
Je suis heureuse en fille.
Son cinquième anniversaire. "Tout le monde sait comment il est ! Personne ne lui offrirait un ballon !"
Mon cinquième anniversaire a été très important pour moi.
J'ai eu le droit de porter un maillot de bain de fille.
Elle voulait porter ce maillot de bain qu'elle adorait, qu'elle utilisait toujours quand on était en privé.
Et c'était son anniversaire à elle ! "Très bien, tu peux porter ton maillot."
Et ça a marqué le début... A partir de là, ça n'avait plus d'importance si des gens la voyaient habillée comme ça.
Ils savaient que biologiquement, c'était un garçon de cinq ans, avec un maillot de fille. Et alors ? Nous, ça nous est égal.
C'est ton anniversaire, amuse-toi ! - J'étais si heureuse d'être moi-même.
Joyeux anniversaire ! - C'était la première fois que, devant nos amis, notre communauté, devant la société...
Nous affirmions notre décision de laisser Jazz être Jazz.
Et pour elle, c'était l'occasion de se présenter devant la communauté, de dire : "Je suis Jazz".
Après, je me souviens que je suis entrée à la petite école.
A partir de là, j'étais une fille. J'ai commencé une nouvelle vie avec cette nouvelle école.
C'est là que j'ai vécu la période la plus heureuse de ma vie.
J'étais une petite fille, officiellement.
Nous sommes sûrs que c'était la meilleure solution. Nous n'en avons plus douté depuis.
Je sens le regard des gens dans mon dos.
Alors j'en rajoute : "Tu t'es faite belle aujourd'hui ! Tu es trop mignonne !"
Bien sûr, les enfants venaient demander : "Pourquoi tu t'habilles comme une fille ?"
Je leur répondais : "c'est comme ça qu'elle aime s'habiller !"
On continue à gérer cet aspect quotidien, ces problèmes autour de Jazz,
mais on compte bien se battre pour elle autant qu'il le faudra.
On informera les gens tant que ce sera nécessaire.
Et elle aura les mêmes droits que tout le monde.
Vous voulez que vos enfants soient heureux. C'est ce que veulent tous les parents.
Si ils souffrent de quelque chose, ou sortent de la norme, vous ne pouvez que le reconnaître, et leur porter un amour inconditionnel.
Je suis la personne la plus chanceuse au monde, car j'ai ces deux parents merveilleux.
Nous ne cessons de communiquer avec Jazz, de lui demander ce qu'elle ressent.
Nous ne l'influençons pas, ni dans une direction, ni dans une autre.
Simplement, nous sommes 100% à ses côtés.
Bientôt, Jazz et ses parents vont devoir prendre une décision très importante.
La puberté plane comme une menace. Quand elle avait six ou sept ans, je n'y pensais pas, c'était loin. Je l'occultais.
C'est un terrain polémique, mais il existe des moyens médicaux de bloquer la puberté avant qu'elle se déclenche chez Jazz.
Ainsi, elle ne développera pas des caractéristiques masculines définitives.
Nous sommes maintenant prêts à aller voir le docteur à ce sujet. Il faut bloquer la puberté dès le départ, tant que c'est encore un enfant.
Jazz aura 11 ans dans quelques jours.
Il faut tout verrouiller. Intimer au corps un ordre d'annulation. Signifier qu'on ne veut pas d'un développement masculin.
C'est à dire, l'apparition des caractères sexuels secondaires.
Elle fait des cauchemars ayant trait à une puberté qui la transformerait en homme, depuis qu'elle est toute petite.
"S'il te plaît, maman, ne me laisse pas devenir toute poilue, avec une moustache et des poils sur la poitrine. Ne me laisse pas ressembler à un garçon."
J'ai repoussé cette échéance, mais elle se rapproche de plus en plus. La décision difficile nous attend au tournant.
A suivre
Un jour, pour aller à l'école... J'étais si désespérée de ne pas avoir de poitrine
que j'ai décidé de mettre un soutien-gorge.
Jazz explique aux gens ce qui lui arrive, mais ils détournent ses propos.
Je ne peux pas aller à l'école avec elle. Tout ce que je sais, c'est ce qu'elle me dit et ce que ses professeurs me disent.
Voilà notre salon.
En général, on ne joue pas ici sans notre mère. - Moi, ça m'arrive.
Voilà mon dessin préféré.
La Reine Bleue du Coeur Brisé et des Chagrins.
Je laisse défiler mes pensées quand je peins, et voilà ce que ça donne.
Et ensuite, j'invente un titre.
Voilà une photo de moi plus jeune, quand je vivais en tant que garçon.
Voilà à quoi je ressemblais.
On me reconnaît ?
La dernière année avant que j'aille à l'école, et la première année d'école.
Nous sommes une famille très soudée. Griffen et Sander, mes frères, sont gentils et très dynamiques.
Des fois, ils m'embêtent un peu, mais au bout du compte ils sont toujours là pour moi.
Ils sont super. Et ils sont aussi parfaits avec les filles. Ils voulaient que j'en témoigne.
Ici, avant c'était ma chambre, maintenant c'est la magnifique chambre d'Ari.
Ari est la plus réservée, selon les jours.
Mais les jours où je la vois, où je lui parle, on passe de très bons moments.
Je voudrais lui ressembler plus ***. Elle a une voix incroyable.
Ma chambre ! Voilà ma chambre. Et voilà mon placard.
Je viens juste de le ranger. Je suis fière de vous le montrer.
Jazz est pleine d'entrain, marrante, sportive... Elle a toutes les qualités.
Je crois qu'il y a quelque chose d'unique chez elle.
Mais je crois aussi qu'elle est comme Ari et les autres petites filles. Vraiment.
L'autre jour, pour aller à l'école, j'étais si désespérée de ne pas avoir de poitrine que j'ai porté un soutien-gorge. Le voici.
J'ai eu des ennuis avec ma mère.
Enfin... voilà. C'est un petit détail.
Dans le tiroir "pour plus ***". A côté, j'ai écrit : "ou pour tout de suite."
Parce que j'aimerais déjà en porter.
Quand elle était petite, elle jouait avec ses barbies, on ne comprenait pas pourquoi.
Mais il se trouve que c'est une fille, finalement, et ça me convient très bien.
Je n'ai jamais ressenti la perte de mon petit frère, ça n'a jamais été mon petit frère. Dès le départ, c'était une petite fille.
Je l'ai toujours ressentie comme une fille.
Quand Jazz explique aux gens ce qui lui arrive, ils déforment ses propos, ils répètent ça à leurs parents, et leurs parents...
Ils sont très troublés. Ils ne comprennent pas.
Au final ça arrive aux oreilles du principal, ça devient complètement disproportionné.
Jazz n'a subi aucune opération de réassignation chirurgicale.
Il y a aussi beaucoup de gens qui croient qu'elle est intersexe.
"D'accord, elle a des organes hermaphrodites."
Je réponds : "non, son corps est mâle à cent pour cent."
Alors ils essayent autre chose : "C'est un problème de chromosomes ?"
"Non, c'est le corps d'un garçon à cent pour cent, aucun problème que ce soit de chromosomes ou autre."
Jazz est celle qui l'explique le mieux. Elle dit : j'ai le cerveau d'une fille, le corps d'un garçon, et je suis exactement comme vous.
Je n'ai pas d'amis à l'école.