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Maestro, selon vous,
quel fut le processus dans la musique cubaine
qui donna ce phénomène que nous connaissons aujourd'hui
en tant que "Timba cubaine" ?
La rumba est je crois le début de tout ce qui peut être dansant,
à partir de la rumba, du son, jusqu'à ce que l'on arrive à la Timba.
Mais nous ne devons pas oublier Irakere
quand ils ajoutèrent
tous les cuivres, puis NG, puis ainsi,
jusqu'à que nous arrivions à nos jours,
et nous sommes également partie prenante aujourd'hui
comme moi, un homme de Timba maintenant.
C'est une chose féroce, n'est-ce pas ?
La polyrythmie, mais aussi l'attaque violente des cuivres ?
Et aussi la forme est très dépendante du chant
de cette époque où...
- ils avaient une autre manière de chanter que celle des soneros, n'est-ce pas ?
Un autre timbre également ?
Oui, un autre timbre également.
Un autre timbre, parce que le timbre
de Miguelito Valdès,
le timbre de Miguelito Cuni,
même celui de Raul Plane,
le timbre de tous les chanteurs qui avaient le même timbre coloré à cette époque
qui avaient du coffre
en incluant ceux qui chantaient avec un timbre très spécial...
très particulier...Je voulais savoir également,
ce genre, qui continue encore de se développer dans ces groupes,
avec NG La Banda...
...NG La Banda, Los Van Van également,
ont participé beaucoup
au développement de la Timba
la Charanga ?
La Charanga,
tous les groupes qui ont montré...
Mais je crois qu'à partir de
ce qui sorti d'Irakere
et ce que fit Van Van aussi.
Los Van Van ont apporté quelque chose de très significatif à cette musique
Dans ces années là, nous ne réalisions pas encore
que nous développions la Timba cubaine
Parce que pour beaucoup
ce n'était pas plus que de la salsa dura,
même si nous sentions que
ce n'était pas la même musique qui se faisait à New-York ou Puerto-Rico,
où l'on joue une salsa plus douce romantique, avec d'autres critères,
et nous nous étions en train de travailler sur une chose
comme la Timba cubaine et nous défendions beaucoup à cette époque,
avec ce critère qui était de s'adresser aux danseurs
Parce que ce que danse le public cubain ici à Cuba,
ce n'est pas la salsa qui vient de l'extérieur,
c'est la salsa qui vient d'ici,
mais qui comprenait ses propres critères différents,
qui au final est nommée différemment et qui est la Timba cubaine,
et que nous défendons bec et ongle.
[Los Van Van - Te pone la cabeza mala - 1995]
Tu crois que l'on doit considérer également les besoins du danseur ?
oui, aussi, bien-sûr,
On doit penser qu'historiquement tous les musiciens,
le compositeur, le directeur d'orchestre
est toujours très attentif...
Il regarde beaucoup les danseurs ?
Exactement, il doit penser à ce qu'est la demande du danseur,
qu'est-ce qu'exige le danseur, qu'est-ce qu'il demande à tout moment.
Historiquement, cela s'est fait comme cela,
Juan Formell a fait sa propre référence au Songo,
qui a véhiculé toute une série d'éléments distincts
dans sa musique un peu comme
une réponse à une nécessité du danseur.
Ainsi à tout moment c'est lui qui a alimenté la création populaire dansante
Et si une nouvelle musique dans les années 90
cela aussi signifiait un aspect médullaire
pour ce changement
dans la manière de faire notre musique cubaine.
Est-ce que, dans un sens, tu crois
que les émotions sont manipulées à travers la Timba ?
Et comment cela se reflète dans la danse?
Je pense que oui, je pense que cela se manipule
justement parce que ce sentiment de liberté,
cette nécessité de liberté d'expression, de liberté d'action,
cette nécessité d'un peu de...
de sortir de la réalité, nous dirons,
servi à refléter dans ce qui se danse comme un acte de libération
un acte de libération,
mais très agressif,
c'est une danse agressive par excellence,
c'est une danse qui est tendue,
dans tous les moments de séparation du couple de danseurs.
C'est cette séparation, au moment où les danseurs se dispersent
et ce qui me parait important d'éclaircir : c'est que
ce n'est pas dans tous les morceaux de la Timba
que nécessairement la danse casino se perd.
Je pense que un grand pourcentage du répertoire
des parties qui alimentèrent le répertoire du timbero
oui viennent toujours de cette danse, le casino,
surtout dans la partie initiale du morceau...
Après quoi vient ce que l'on appelle la partie "montuno",
et après, le casino se perd
[Pupy Y Los Que Son Son - Mi Timba Cerra - 2005]
Et il y a ce terme spécial qu'utilisent les musiciens jouant le montuno
oui et cela donne les bases de la coloration musicale
En effet, dans le montuno il y a un changement de structure musicale.
Avec la Timba, c'est l'ascension/avenement d'une nouvelle section,
ou plutôt un mini section de montuno la que eux ils appelent
bomba (la "bombe"), masacote, picadillo (le "hachis")
ce sont des noms très spéciaux/étonnants...
c'est là où se fait le trembleque !
C'est là où cela prend son ampleur
c'est l'introduction d'un instrument musical
qui participe...
comme le picadillo ou le masacote
[Bamboleo - Ya No Hace Falta - 1999]
Je dirais que la Timba est pour moi
comme une nécessité de l'environnement/ambiance et du moment
justement parce que mon influence
dans la musique cubaine la plus proche
sont les influences de Irakere, AfroCuba et Opus13
C'est eux qui ont réellement marqué mon début,
mes goûts et mes préférences pour ce genre de musique
parce que justement ils avaient
une combinaison très intéressante et révolutionnaire
Comment tu définirais aujourd'hui en 2007,
la Timba que toi, tu te sens investi ?
En vérité j'ai changé de point de vue en cours de route,
parce que...hum...qu'est-ce qui s'est passé...
à un moment j'ai fini...
je dirai en 1995-96, cela a pris une autre tournure...
Il fallait organiser la Timba,
moi j'aimais la Timba organisée/structurée
A partir de là, j'ai entammé un nouveau style avec "tu no me calculas"
où je commencais tout doucement, avec tempo tranquile
c'est-à-dire accompagné d'instruments mélodieux
et je chantais des chansons de façon mélodieuse
et je faisais des textes très romantiques au début
et ensuite je termine en "déroulant" !
C'est le style qui a commencé à se développer à partir de cette époque.
[Paulito FG - De la Habana - 1995]
Parlons du futur : est-ce que beaucoup de personne utilisent la Timba comme moyen d'expression à Cuba ?
Je dirai que l'on a entammé une période de déclin,
où l'on ne retrouve pas autant d'effervescence que dans les années 90.
Surtout depuis l'avenement d'autres modalités, d'autres genres musicaux,
comme la fusion, le pop, le reggaeton...
Ce n'est pas que nos timberos ont cessé de faire de la timba,
mais ils l'ont fait à travers d'autres cultures
ils se mélangent
excactement : il ne faut pas oublier que la Timba est par essence issue de mélanges
- oui entre le jazz et la rumba - exactement, c'est que nous avons fait :
jusqu'au point où nous l'avons classé comme un inter-genre
enfin tel que l'on le désigne en musicologie, au sens académique
Il y a eu plusieurs discussions et tentatives pour savoir comment classer la Timba
Il y a des gens qui l'associent plutôt à un mouvement culturel
mais nous (musicologues) nous le classifions comme un inter-genre
avec des caractéristiques musicales propres et l'on défini ce style de cette manière
C'est un inter-genre qui est née de la fusion,
des mélanges, là où se font les connections avec d'autres genres et d'autres styles
qui ne sont pas forcement cubains
Si la Rumba est influant comme le Son,
il y a les harmonies issues du jazz, les emprunts au Rap...
Il faut se rappeler que des groupes qui l'ont expérimenté
comme la Charanga Habanera a eu une production nettement orientée Rap,
non seulement pour les choeurs, pour les chanteurs, pour leurs mouvements, les effets graphiques
c'est un peu une projection de cette identité hip-hop
[La Charanga Habanera - La Timba con Mona - 2004
J'aimerais ajouter que nous avons envisagé le travail d'Irakere
comme des classiques de la musique cubaine.
Par classique, j'entends le fait d'avoir créé une forme nouvelle,
ce qui peut constituer un socle pour la jeunesse.
Une base pour que la jeunesse poursuive son propre travail.
Car je crois que la jeunesse met beaucoup de coeur dans sa musique
et un orchestre doit se développer comme il doit se développer,
poursuivre son évolution...
Il y a beaucoup de jeunes, beaucoup d'écoles, d'instituts
et je suis sûr que le futur de la musique cubaine est assuré.
Maestro, vous avez commencé avec un groupe à la pointe de la modernité comme Irakere,
où votre association avec les idées de Chucho Valdès
vous avez participé à un moment crucial où s'est cristalisé
ce nouveau mouvement que l'on a identifié plus *** comme "Timba".
Qui continue toujours d'ailleurs!
Merci beaucoup, et à bientôt dans un prochain "Otros Tiempos".
[Chucho Valdès - Bacalao Con Pan - 2006]