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Ils ont installé un homme dans ma cellule.
Le soir même, cet homme m'a annoncé :
A partir de maintenant, tu vis avec moi, tu es ma femme, et tout ce qui s'ensuit.
Il est vite devenu violent, il a essayé de me frapper.
Comme je ne voulais pas d'ennuis, j'ai accepté de devenir sa femme.
C'est comme ça que ça s'appelle, ici. C'est ce que tous ces hommes veulent.
Une fille transgenre qui soit assez jolie,
pour passer du bon temps à volonté.
CRUEL ET INHABITUEL
C'est vraiment inhumain d'enfermer des gens qui, à l'extérieur, menaient une vie de femme,
de leur arracher cette identité et de les forcer à vivre au milieu d'hommes
qui sont frustrés, violents, et dont certains sont des prédateurs sexuels.
Femmes transgenres en prison
On croit parfois que la prison est un trou au fond du désert où on jette les criminels.
Mais si on veut être une société civilisée, il faut pouvoir faire un peu mieux que ça.
La Constitution a essayé d'imposer cette idée.
Nous n'avons pas le droit d'être cruels avec eux sous prétexte qu'ils ont enfreint la loi.
"Eviter les peines d'une durée excessive, les amendes d'un montant excessif...
les châtiments cruels et inhabituels."
Oui, je me considère comme une femme retenue dans un pénitencier pour hommes.
Chaque fois que je me réveille, et que je vois tous ces hommes autour de moi,
je me dis : "Qu'est-ce que je fais là ? Ce n'est pas ma place."
Deux jours après mon arrivée en prison, le gardien est entré dans ma cellule et a dit :
"Tu as un pénis ou un vagin entre les jambes ?" J'ai dit que j'avais un pénis. "Montre-moi."
J'ai baissé mon pantalon. Il m'a dit : "Tu n'auras pas droit au traitement, ici."
"On ne reconnaîtra pas ton statut, tes besoins médicaux, tu ne recevras aucun traitement."
"Tu finiras par te suicider, c'est plus que probable."
Il m'a donné ma tenue, il est sorti et la conversation s'est finie comme ça.
Et c'était la façon correcte de procéder. C'était mon entrée dans le circuit.
Cette fois, il n'y aurait pas de solution.
J'ai su que j'étais différente dès l'âge de sept ans.
J'étais une petite fille à la naissance, mais j'étais née dans un corps de garçon.
Quand on me laissait m'habiller et être moi-même,
j'étais une petite fille très heureuse, à cette époque-là.
J'aimais faire ce que font les petites filles, jouer à la poupée et ce genre de choses.
Je ne me suis jamais sentie garçon, jamais.
Je me suis toujours identifiée aux filles.
En fait, jusqu'à un certain âge, j'ai cru être une petite fille comme les autres.
Je crois que j'avais cinq ans la première fois qu'on m'a surprise, derrière chez moi,
en train de troquer mes vêtements.
Mais les adultes n'ont pas compris que c'était un échange, ils n'ont vu que le déshabillage.
"Il n'a que cinq ans, et il convainc déjà les filles de se déshabiller pour lui !"
Le genre est divisé en deux camps ; on est soit dans l'un, soit dans l'autre.
Les transsexuels occupent la zone intermédiaire dont notre culture nie l'existence.
Le trouble d'identité de genre a fait partie de la liste des troubles psychiatriques.
Cela ne veut pas dire que ces gens sont fous, absolument pas.
"Trouble d'identité de genre" est le nom d'un diagnostic.
Il est répertorié parmi les troubles mentaux.
Trouble d'identité de genre : identification au sexe opposé,
et détresse considérable expérimentée du fait de son sexe biologique.
La polémique existe : de nombreuses personnes pensent que ce n'est pas un trouble mental,
car la transition améliore en fait la santé.
Ils ne sont pas dysfonctionnels. Ils peuvent travailler, faire leur vie, être épanouis,
tisser des relations harmonieuses. Je n'appelle pas cela un trouble.
Un trouble rend le patient dysfonctionnel.
J'étais avec un homme transsexuel, ce jour-là,
et on s'est bagarrés, "avec coups et blessures".
Les témoins m'ont vue le frapper.
Il me disait que j'allais crever comme toutes les autres drag queens.
Je me suis énervée, et je lui ai cogné dessus.
J'ai été arrêtée, je suis allée au tribunal...
Nous sommes à Elisabeth dans le New Jersey, et nous allons au tribunal.
Nous allons assister à l'audience préliminaire dans le procès d'une femme transgenre,
qui a déjà passé quinze mois en prison.
Ils m'ont conduite en prison, chez les femmes,
car ils ignoraient que j'étais transgenre jusqu'à ce que je leur dise.
Ils m'ont immédiatement sortie de la cellule des femmes, et m'ont enfermée toute seule.
Le quatorzième jour, il y a eu une altercation
et un garde l'a plaquée au sol et lui a disloqué l'épaule.
On l'a conduite à l'hôpital pour une radio, et c'est là qu'elle a tenté de s'échapper.
Ce soir-là, j'étais très agitée car je me désintoxicais de la drogue que j'avais prise.
On m'a emmenée à l'hôpital. Je me disais : wah, c'est dingue ! Là-bas, on m'a habillée.
J'étais nue sous la blouse d'hôpital, toute nue.
Le garde est sorti, j'étais toute seule. J'ai pensé : libre ! Et je me suis enfuie.
Elle a couru hors de l'hôpital, elle a sauté du haut d'un terre-plein ;
le garde qui la poursuivait a sauté lui aussi et il s'est cassé la jambe.
Elle est accusée de tentative d'évasion.
C'était une immense envie de fuir, de ne pas affronter mes problèmes.
Je n'ai pas réfléchi, j'ai couru tout droit.
Yolanda a 21 ans, c'est une femme transgenre, passée du masculin au féminin.
Elle prend des hormones depuis qu'elle a peut-être douze ou treize ans.
Elle a arrêté l'école en sixième.
Elle n'a jamais connu son père.
Sa mère se droguait.
C'est une personne remarquable, si on considère les difficultés qu'elle a eu dans sa vie.
Je me suis prostituée de l'âge de dix ans à l'âge de dix-neuf ans.
Il fallait bien que je mange, que je vive quelque part, que je m'habille.
Je n'avais pas le choix, je n'avais pas d'autre moyen de travailler.
J'ai essayé de reprendre l'école, j'ai tout tenté pour échapper à ça
mais c'était devenu mon mode de vie.
Yolanda attend son procès pour tentative d'évasion et blessure d'un agent public.
On estime que 30% des personnes transgenres aux Etats-Unis ont déjà été incarcérées...
un chiffre trois fois supérieur à la moyenne.
Les chiffres de l'incarcération transgenre sont disproportionnés. Je veux dire par là
que la proportion de personnes transgenres incarcérées, par rapport à leur population,
est absurdement supérieure aux chiffres du reste de la population.
La question est : pourquoi ?
Il est souvent difficile de rester scolarisé, de gagner sa vie...
Car la discrimination envers la transidentité est toujours légale aujourd'hui aux Etats-Unis
presque partout, avec de rares exceptions.
Vous risquez donc de perdre votre travail, votre logement...
Rien d'étonnant que de nombreuses personnes dans cette situation
se retrouvent complètement marginalisées, incapables de gagner leur vie honnêtement.
Elles se tournent alors parfois vers des activités criminelles.
J'avais 17 ans quand j'ai braqué cette banque.
Je n'avais rien planifié, c'était un acte spontané.
J'avais l'intention de prendre cet argent et d'aller vivre à San Francisco,
pour recevoir un traitement.
Ophelia souhaitait une opération de réassignation de sexe.
Je ne voulais blesser personne : en réalité, il n'y avait pas de balles dans mon revolver.
J'ai été condamnée pour ce braquage à 67 ans de prison ferme.
Je suis une fille bien qui a mal tourné.
J'ai toujours été douée, je suis allée à l'Université, j'ai eu une bonne éducation.
Mais j'ai abandonné l'école en apprenant à me faire de l'argent facile.
J'allais à la banque, je me faisais passer pour une autre personne, j'ouvrais un compte.
J'avais des documents d'identité pour me faire passer pour cette personne.
Je me présentais à la banque en son nom, je demandais un chéquier et je le dépensais.
Je n'étais vraiment pas fière de faire ça.
Mais une fois que vous avez commencé, vous devenez accro à cet argent facile.
J'ai été condamnée à 25 ans de prison pour faux et usage de faux.
J'ai encore 4 ans de prison devant moi.
Il n'existe pas vraiment de population strictement mâle, ou strictement femelle,
ou "autres", qui soit homogène. Il faut bien répartir les détenus, mais de quelle façon ?
Aux Etats-Unis, que ce soit dans les prisons fédérales ou dans les prisons d'Etat,
on se base sur les organes génitaux, non sur l'identité de genre.
Dans tout le pays, les femmes transgenres dotées d'organes masculins
sont envoyées dans des prisons pour hommes.
La rumeur disait que j'avais un vagin, car tout le monde voyait que j'avais des seins.
Et je venais d'une autre prison, où j'avais été incarcérée pendant les premiers mois.
Le gardien m'a convoquée dans son bureau et m'a ordonné de me déshabiller.
Il m'a fait enlever et déposer mes vêtements.
J'ai obéi, et il m'a dit qu'il vérifiait la rumeur selon laquelle je serais une femme.
Soit-disant, il craignait d'avoir des ennuis s'il gardait une femme dans son unité.
Lors du contrôle à l'arrivée, on doit déjà se déshabiller.
On doit se tourner sous toutes les coutures.
Alors, vous voyez...
Je n'aurais jamais pu passer cette étape en cachant ce que j'avais entre les jambes.
Je travaillais à la clôture extérieure, dans la zone de sécurité minimum.
Le sergent avait déjà abusé de moi une fois. Un matin, alors que je rentrais du chantier,
il a décidé qu'il allait recommencer mais cette fois, devant tout le monde.
Il s'est approché derrière moi, et s'est mis à toucher ma poitrine.
Il pinçait mes tétons entre ses doigts.
Il m'a retournée et a attrapé mes fesses.
Il les pinçait et les palpait.
Vraiment...
Il agissait comme un pervers.
Vous ne pouvez rien faire, à part rester là et subir.
J'avais des codétenus à l'intérieur, c'est à ce moment-là qu'ils sont sortis.
Ils m'ont dit que je n'en sortirais pas vivante - je ne quitterais pas cette prison vivante.
Je me suis rendue à la salle où on distribue les uniformes.
Je pouvais voir le couloir par une vitre au long du mur.
Une foule de détenus se pressait pour essayer de m'apercevoir.
Je ne voyais même pas le mur du couloir, leurs têtes remplissaient tout l'espace.
Ils tapaient contre la vitre, me montraient du doigt... Et ça, c'était avec la vitre !
Une fois dans le couloir, j'avais peur qu'ils m'attrappent tous en tirant sur mes bras :
"C'est un homme, cette fille !" J'avais peur.
Dès qu'on savait qu'une fille était arrivée dans l'enceinte, ils voulaient tous la voir.
A deux occasions, j'ai été poignardée par l'un de ces hommes
car je refusais de sortir avec eux.
Ces hommes, ici, ont vraiment l'impression que vous êtes là pour les satisfaire sexuellement.
Vous vous sentez tellement faible face à eux !
Vous voyez, vous n'avez pas votre mot à dire.
Vous ne voulez pas non plus faire trop d'histoires, pour ne pas aggraver les choses.
Elle a l'apparence, la démarche d'une fille ; peu importe ce qu'elle a entre les jambes.
Elle a toujours le côté arrière, et sa bouche.
Elle ne veut pas, ce n'est pas un problème, ils se servent.
De toute façon, les gens comme ça ne sont pas fichus de se défendre.
Les gardes ici ne se soucient de rien.
Ils sont très zen, vous voyez ? Si ça arrive devant leurs yeux, ils interviendront ;
s'ils n'ont rien vu, ça ne les regarde pas. C'est comme ça que ça marche ici.
Un homme sur dix se fait violer en prison.
Il n'existe pas de statistiques concernant le viol des détenues transgenres.