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Ce sont les choses du film dont je me souviens.
La nuit, l'eau et des ronds lumineux.
Et certains éléments évoquent aussi les films politiques de Godard.
Autour de 1970...
Il y a une femme asiatique nue qui est malmenée -
- par un Européen déchu habillé en blanc...
- Dans un costume tropical ? - Oui.
C'est bien possible.
Godard n'est pas un de mes... j'étais trop jeune pour être un fan de Godard.
Je n'ai jamais tellement aimé ses films.
Jmrgen Leth est absolument fasciné par Godard. Mais...
Bien sûr, on peut l'interpréter politiquement.
On n'avait aucune intention politique, je crois.
S'il est habillé comme ça, c'est parce qu'il arrive du Caire.
Et il a dû arriver en Europe de façon très précipitée, -
- car il n'a pas eu le temps de mettre des vêtements plus adaptés.
Donc, en réalité, c'est juste... Tous ces trucs visuels, ces effets -
- sont en fait une sorte de psychologie.
Pas pour le travail des acteurs, mais...
À un moment, on ferme des portes et les rideaux sont à l'extérieur.
C'est encore un truc psychologique: fermer les portes est si important -
- que ça ne fait rien si les rideaux sont à l'extérieur.
Tout ça devient des symboles, ce qui, dans un sens -
- rachète le manque de psychologie dans l'histoire et les personnages.
- "Symboles" est un bon mot. - Oui, essayons...
Mais on n'avait pas prévu les symboles de cette façon.
Je n'ai pas vraiment réfléchi à comment on l'a fait.
Pour nous, c'était très clair, si quelque chose était excessif, -
- et là où ça devait finir.
Un symbole c'est super mythologique et l'interprétation peut être biunivoque.
C'est exact, mais en même temps, j'avais, -
- et je vois encore clairement comment les choses doivent être.
Si ça devient trop mythologique, on n'arrive plus à regarder.
Ou trop symbolique... On ne veut pas voir les choses comme des symboles.
Ce n'était pas fait pour avoir des symboles du genre:
"Cette image doit être interprétée comme ça et comme ça."
C'est juste qu'on n'avait aucun doute sur ce qu'on mettrait dans le film.
On aurait pu faire du... c'est quoi son nom...?
Beineix, c'est ça ?
Il a fait quelque chose avec quelqu'un dans une baignoire.
Je ne me souviens plus. Un film très célèbre. Je ne le supportais pas.
C'était trop chic. On a essayé d'enlever le côté chic.
Ces réalisateurs français des années 80, Beineix et Carax, -
- ont fait ces films très "papier glacé"...
Oui. On était contre les trucs papier glacé. On a essayé de l'éviter.
Mais on n'a peut-être pas réussi.
Mais on a essayé en retirant les couleurs avec différentes techniques.
Trois ans plus ***, tu as fait "Epidemic", -
- qui était un film très différent.
Les images sont très stylisées et ça fonctionne sur deux niveaux.
Sur un niveau, c'est sur deux jeunes types qui ont des fonds pour un film.
Ils sont nerveux, car le consultant sur le film, Claes Kastholm, -
- vient dîner, vêtu de son éternel anorak.
C'est un tout petit film, à sa façon, mais avec de grandes idées.
Puis il y a des extraits de ce film...
On avait très peu d'argent pour ça, mais c'était...
Moi, Tomas Gíslason et Tom on s'était séparés, à un moment.
On était comme un groupe pop qui se sépare, -
- quand il n'arrive plus à être ensemble.
Pour différentes raisons. Je ne sais pas...
Je ne sais pas... Oui, bon... Il y avait un petit peu de jalousie.
On était très jeunes et on avait fait ces films ensemble.
Mais en tout cas, Niels et moi avons continué.
Tomas et Tom ne voulaient pas participer à "Epidemic".
Ils ne voulaient rien avoir à faire avec ce film.
J'ai filmé moi-même, en plus des scènes en 35 mm d'Henning Bendtsen.
Je trouvais que c'était une alliance super mythologique -
- pour ainsi dire...
Ça a été fait très rapidement. On l'a écrit, -
- car on avait un autre projet que Claes devait financer.
Comme je l'ai souvent expliqué, on a passé un accord.
Il fallait 9 millions pour l'autre film. On n'a eu que 5 millions.
J'ai dit: "On en fera deux. Un pour 1 million et l'autre pour 9."
On n'a pu faire que le premier, puis Claes Kastholm est parti.
Mais c'était un escroc et un tricheur, alors ça devait lui convenir.
C'est peut-être mieux, qu'on n'ait jamais fait l'autre film.
On a eu du mal à faire ce film avec un budget aussi réduit.
Niels et moi, on a fini par devoir porter le matériel.
On a tiré de ça d'étranges interviews aux Archives nationales.
Il suffisait d'utiliser les idées qui étaient là.
Mais ce film n'a jamais eu de succès.
Surtout à Cannes, où il a été vu comme une preuve -
- qu'un film comme "The Element of Crime" ne se reproduirait pas.
Mais comparé à "The Element of Crime", -
-je trouvais que c'était beaucoup plus compréhensible et simple.
S'il y avait quelque chose qui était "actuel", c'était bien ce film.
C'est aussi assez amusant...
Il devait l'être.
On voulait faire les posters dans le style des comédies danoises, -
- où Niels et moi on aurait d'énormes têtes sortant d'une Volkswagen...
Mais ça n'a jamais vraiment... En fait...
Soyons réaliste: ça a fait un flop, au niveau commercial.
Il n'y a pas photo. Je crois que 356 personnes ont vu le film.
- Ça n'est pas beaucoup. - Non, en effet.
Ma scène préférée est celle où tu dissèques un tube de dentifrice -
- pour savoir comment les rayures sont faites. C'est intemporel.
Ça m'est venu par pure curiosité. On ne l'avait pas fait avant.
On a effectué la dissection dans une chambre d'hôtel en Allemagne.
Ces scènes avec toi jouant ce docteur idéaliste -
- qui arrive en hélicoptère...
As-tu jamais pensé en faire un vrai film ?
- Non. - Ce n'était que des fragments...
Je ne sais plus comment... On avait probablement un système.
Comme Claes l'a dit, "pathétique, au mieux."
Il était très amusant. On a eu du mal à le décider.
Il avait peur de le faire. Le salaud.
Il se donnait toujours des grands airs, tu sais.
Mais on l'a eu... Il n'a pas changé. Que fait-il ?
Il occupe un poste important au Conseil artistique danois.
Putain... Oui.
C'est comme ça, quand on chie sur le sofa. On finit par s'asseoir dessus.
Ça a toujours été une histoire très positive, du point de vue de Claes.
La partie mémorable est celle des anoraks.
Oui, il les a beaucoup portés.
C'est un film avec beaucoup d'humeurs et d'atmosphères différentes.
De la vision étroite et lumineuse, au champ plus large dans l'obscurité.
Il y a la scène avec l'hypnose, qui devient vraiment effrayante -
- et très David Lynch.
Tu as dit que David Lynch est venu un peu trop ***...?
Oui, mais le problème, avec David Lynch...
Non, j'ai vu "Mulholland Drive" et j'ai vraiment bien aimé.
Sinon, je n'ai pas vraiment... J'ai adoré "TWin Peaks".
En fait, ça débouche sur "The Kingdom".
Mais sinon, ses films sont un peu trop papier glacé à mon goût.
C'est surtout une affaire de goût, car en réalité -
- on peut dire qu'on a suivi des voies différentes, à un moment.
Mais c'était un peu trop chic et un peu trop...
Je n'ai pas tellement aimé ces films. Mais celui-là, j'ai bien aimé.
C'est rafraîchissant, comparé a... Je vois rarement les nouveaux films, -
- mais j'ai tout de même une idée de ce qui sort.
Comme tu l'as dit, ça t'a inspiré pour "The Kingdom".
Les scènes des Archives nationales annoncent aussi "The Kingdom".
Oui, il y a un peu...
Les scènes avec Olaf Ussing, Ole Ernst et lb Hansen, -
- qui devaient tous parler anglais. Bizarre, mais c'est comme ça.
Il y a cette longue histoire où les docteurs prennent le contrôle du pays.
Le gynécologue devient le ministre du Transport, je crois.
Quand on regarde toute la trilogie, vois-tu "Epidemic" -
- plus comme un intermède entre deux grands films -
- plutôt que comme une vraie suite du premier ?
Je dois le voir comme une vraie suite, vu que c'est le film qui...
Peut-on l'appeler le réglisse dans les bonbons assortis ?
Et puis j'aime plutôt bien "Epidemic".
Pour moi, c'est comme un film de famille.
C'était vraiment étrange et fait de telle façon que...
"The Element of Crime" et "Europa" étaient des films très purs -
- dans la mesure où on les a planifiés et on a essayé de rester -
- le plus près possible de notre plan.
"Epidemic" est beaucoup plus vague, -
- alors il y a beaucoup de choses dans ce film qui ne vont pas.
Il fallait que ça soit fait, alors on a continué et on l'a fait.
Le plus cher, dans le film, ce fut le logo dans le coin.
- Ce fut extrêmement cher. - C'est la seule chose en couleur.
Oui. Comme ça on a pu dire que c'était un film en couleur.
Puis trois années ont passé et "Europa" est sorti.
C'est très planifié, comme tu dis. C'est assez évident.
Il y a beaucoup de niveaux différents. Il a dû falloir beaucoup planifier.
Oui, beaucoup. Notre story-board était énorme.
Je me souviens de ce réalisateur français.
Jean-Marc avait travaillé avec lui sur "Le Grand bleu".
-...comment il s'appelle...? - Luc Besson.
Il est venu sur le tournage et il a été choqué de voir -
- que tout le monde avait un story-board épais comme ça.
Quand il faisait des story-boards, ils étaient top secret.
Mais là, chacun y avait accès et il avait plusieurs couches, -
- car on utilisait beaucoup de rétroprojections, etc.
Tout ça était très compliqué et le story-board était très détaillé.
Je ne sais pas s'il existe encore On a conserve certains dessins.
Le film voyage à rebours jusqu'à la grande cicatrice du XXe siècle.
Pas seulement 39-45, mais aussi l'Holocauste.
Pourquoi était-ce important ? Pourquoi avoir choisi cette période.