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Saskia : Bonjour Aliette de Laleu
Aliette : Bonjour Saskia
Saskia : Ce matin vous avez envie de rendre hommage à des personnalités de l’ombre…
Oui c’est en lisant un excellent livre sur la pratique musicale féminine que je me suis
dit qu’autant parler de compositrices et musiciennes cette année, il ne fallait pas
oublier toutes les personnes qui ont oeuvré pour justement nous renseigner, nous faire
parvenir des partitions, des lettres, des éléments biographiques sur ces vies effacées,
oubliées par l’histoire.
Ces personnalités de l’ombre ce sont les musicologues, les chercheurs, les historiens
historiennes….
Il faut leur rendre hommage parce que grâce à certains de leurs travaux les musiciennes
et compositrices sont devenues visibles.
Pendant longtemps, surtout jusqu’à la moitié du 20e siècle, l’histoire de la musique
s’écrit sans les femmes.
J’ai encore eu récemment dans les mains un ouvrage généraliste sur la musique classique
et parmi les presque 200 compositeurs cités, pas une femme n’est présentée.
A partir des années 70/80 des chercheurs vont lancer les premiers travaux poussés
sur la place des femmes dans l’histoire de la musique.
Grâce à cet élan, des publications diverses vont enfin rétablir une vérité : oui, il
existe des compositrices, oui elles sont talentueuses, oui elles méritent toute leur place dans
l’Histoire et oui, des facteurs sociologiques, politiques, psychologiques les ont effacées
de nos mémoires…
Saskia : Quel a donc été le travail des musicologues pour nous rafraîchir un peu
la mémoire Aliette ?
Un travail de titan.
Les premières traces des femmes dans la musique remontent à l’Antiquité donc on joue un
peu au spéléologue dans les couloirs sombres des archives, des bibliothèques.
Tout ça me fait penser à une petite anecdote personnelle.
J’ai étudié 1 an dans une grande école parisienne donc je baignais au milieu de futurs
chercheurs, professeurs et autre.
Un jour je rencontre une étudiante, mon âge, on échange quelques banalités et elle me
parle de son projet de recherche qui consiste à traduire un poème italien du 16ème siècle.
Je me souviens être restée très sceptique face à cette élève qui pleurait presque
d’émotion en me parlant de ce petit bout de papier jamais traduit.
Et dans ma tête cette question qui se répétait : Mais bon dieu à quoi ça va servir ?!
Et bien il faut croire qu’en 3 ans j’ai mûri puisqu’aujourd’hui je comprends,
je respecte et je salue tous ces gens qui consacrent 10 ans de leur vie ou plus à aller
fouiller des textes, des partitions, des correspondances, des petits bouts de papier vieux de plusieurs
siècles… Parce que grâce à eux, on peut continuer à écrire et réécrire l’histoire
et faire encore des découvertes sur des sujets que l’on croyait acquis.
Si personne n’avait eu le courage de se pencher, depuis les années 70, sur les compositrices,
on aurait fait une impasse immense sur la musique, mais aussi sur les mentalités et
la vie des femmes à cette époque.
Vous aurez remarqué que j’ai employé le mot ‘courage’ parce qu’il en faut pour
balayer les préjugés sexistes qui persistent encore aujourd’hui.
Certaines voix se sont élevées pour affirmer que le génie était masculin, que si les
compositrices n’étaient pas connues c’est parce qu’elles n’avaient pas assez de
talent.
Oui il y a une absence de Mozart ou Bach au féminin mais qui s’explique.
Par exemple les femmes n’ont pas eu le même accès que les hommes à la musique puisque
leur vie, leur rôle était de tenir le foyer.
D’autres ont été écrasées, effacées, on l’a vu avec *** Mendelssohn et Clara
Schumann..
Et les mémoires sont courtes.
Seuls les écrits sont responsables ce que l’on veut conserver… Les musiciennes que
l’on commence à connaître aujourd’hui étaient la plupart du temps des stars à
leur époque, reconnues, jouées, écoutées, célébrées.
Grâce au travail d’une poignée de musicologues, on rétablit enfin la vérité.
Bien sûr il faudra encore du temps avant que les manuels d’histoire, les cours de
conservatoire, les programmes scolaires et les ouvrages sur la musique changent et mettent
en avant celles qui ont contribué à l’histoire de la musique.
Et encore plus de temps avant que l’on puisse hésiter sur les trop nombreuses versions
d’une oeuvre d’une compositrice parce qu’aujourd’hui si on trouve une version,
c’est presque de l’ordre du miracle…
*Hildegarde von Bingen : Responsory ‘O felix anima’*
Saskia : Merci Aliette de Laleu. Qu'est-ce qu'on écoutait là ?
Aliette : C'était Hildegarde Von Bingen
Saskia : Et bien on réécoute Reponsory O Felix anima sur francemusique.fr en podcast pour cette chronique
Puis merci aux musicologues et merci aux musiciens de nous aider à découvrir
de somptueuses personnalités comme Mariana Martinez qu'on retrouve sur ce disque
Berenice, che fai
Nouveau disque d'Opera Fuoco avec vous Lea Desandre mais aussi Natalie Perez et Chantal Santon-Jeffery
deux sopranos. Vous David Stern à la direction d'Opera Fuoco
Disque qui paraît chez Aparte