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Le lieu commun, qui revient le plus souvent,
lorsqu'on compare le français de France
au français parlé au Québec,
c'est...
Bin les Français lô,
y utilisent plein d'anglicismes.
Les Québécois, ils ont à coeur de parler français.
Ils traduisent tout.
La périlleuse question des anglicismes.
[ orgue ]
Qui en utilise vraiment le plus ?
Je ne me ferai pas que des amis,
mais, à mon humble avis,
les Québécois recourent davantage, et malgré eux,
à l'anglais que les Français.
C'est mon instinct qui parle.
Mais pour les départager, de manière quasi scientifique,
j'ai choisi de regarder, devant vos yeux,
un film québécois
et son remake [ beep ]
français.
Ben, déjà j'ai perdu un point pour moi.
Comment vous dites, les Québécois, " remake " :
sa " reprise ".
Starbuck vs Fonzy.
Euh ... J'ai peur de, euh ...
ça.
Mais il faut ce qu'il faut, pour la science.
Je vais scrupuleusement,
en compagnie de mon ami Robert,
noter les points, de part et d'autre,
et débriefer [ beep ] , en votre compagnie, juste après.
Starbuck, film québécois sorti en juillet 2011,
un an plus *** en France,
réalisé par Ken Scott,
avec Patrick Huard.
[ bande-son du film ]
Ahh !!
Euh, j'fais une p'tite pause et je regarde le prochain.
Ok ?
Fonzy,
film français d'Isabelle Doval, sorti en 2013,
avec José Garcia.
Je crains le pire.
[ Grosses respirations ]
C'est pour la bonne cause. On y va !
[ bande-son du film ]
Nous sommes le jour d'après.
Il m'aura fallu, au moins, 16 heures pour me remettre de cette merde intergalactique
qu'est Fonzy.
Je te défends formellement de consacrer une heure quarante de ta vie, à ce film.
Ne le fais pas !
Ne le faites jamais !
Je m'étais, un petit peu, ennuyée à voir Starbuck, pour la deuxième fois.
Mais quel film formidable, lorsqu'on doit s'infliger son remake français !
Je me suis rendue compte de la puissance de la réalisation,
de la direction artistique, des dialogues, du jeu d'acteurs, des costumes, du casting québécois.
Résultat des courses :
Voici la page Fonzy.
Voici la page Starbuck.
L'anglicisme est bel et bien présent dans le paysage québécois.
Alors, dans Starbuck,
nous avons Flasher qui permet de se "Pôrker " [ parker ]- se garer -
Pas " parker ", hein ... " Pôôrker ".
J'ai mis mon flasher, autrement appelé clignotant, ici en France.
Alors pas de chance, c'est assez connu,
tout le vocabulaire entourant la voiture est très, très, très anglicisé.
À un moment, le personnage principal, il est à la banque
et il dit au banquier : " Ah oui, c'est un pawnshop, ici. "
Un pawnshop ... Un mont de piété, un prêteur sur gages.
Voilà.
Fancy.
Les Québécois, parfois, le Y de l'anglais finit en É.
Comme, au lieu de dire sexy, il vont dire séxé
donc, au lieu de dire fancy, il vont dire fancé.
Ils parlent des meubles fancy
- un peu tape-à-l'oeil, sophistiqués, fantaisistes -
Quand c'est écrit " anglicisme " dans le dictionnaire mais que c'est dans le dictionnaire,
est-ce que je le compte comme un anglicisme ? Je sais pas.
Oh allez, je vous le laisse. Le hold-up, je le laisse.
" Let's go ". Y'a une histoire de football, de sôccer dans l'film.
Donc " Let's go ", c'est la formule d'encouragement.
Là où les Français vont dire " Allez ! "
Les Français gagnent. Je suis désolée. Les Français utilisent un mot français.
Les Français disent : " Allez ! "
Les Québécois disent : " Let's go ! "
ou " Come on ! "
C'mooon !
" Donne-moi un break ! "
C'est clairement décalqué de l'américain : " Give me a break ! "
Donne-moi un break !
Comment diraient les Français ?
Ils diraient : " Fous-moi la paix ! " Fous-moi la paix !
Des " scratchs ".
Le personnage principal prête son camion ...
" Pis tu me le ramènes avec pas de scratchs ! "
Enfin, des égratignures, des rayures.
" Fly ! "
Pour dire à quelqu'un : " Disparais ! ", que tu veux plus voir
ou " Vas-t'en avant que ça tourne mal ! ", tu vas dire : " Fly ! "
La fly, c'est aussi la braguette, chez les Québécois.
Bon, c'est pas utilisé dans Starbuck
mais au passage, " R'mont' ta fly ! " ou " Ferme ta fly ! ",
" T'as la fly ouverte ".
Au Québec, on dit la job, une job et en France, c'est un job.
Y'a des drôles de féminins masculins, comme ça.
Dans le Petit Robert,
job est masculin.
Bon, c'est dans le dictionnaire. C'est écrit anglicisme mais bon, je le compte pas.
À un moment, la fille, elle dit : " Sloguer ". " J'ai envie d'le sloguer ".
J'avais jamais entendu ça.
Ça va faire onze ans
que je suis partie du Québec
donc la langue évolue.
C'est ça qui est assez fascinant.
Ahahah !!
C'est drôle ça. Ça vient d'un terme du cricket.
Slog : Frapper fort.
Mais c'est bel et bien un anglicisme, hein. [ Attention : lire l'annotation ]
Slogan puis Sloop.
Désolée, ce n'est pas dans le Petit Robert.
J'ai appris un mot : Focusser.
Focusser.
Je trouve ça tellement beau comme verbe. Focusser, pour se concentrer.
Fôquiousse !
Est-ce que c'est dans le dictionnaire ? Je crois pas, hein ...
CLEAN.
" Y'avait l'air clean ".
Quelqu'un de confiance, propre sur lui, bien habillé.
" Y'avait l'air clean ".
C'est beau, c'est très beau mais c'est un anglicisme.
" J'fais d'la business ".
Et là, pareil, à mon avis, on dit un business et pas une business.
Alors, il est aussi dans Fonzy, ce mot-là
donc, je sais pas, je l'annule.
Je l'annule.
ANYWAY.
" Anyway, j'suis pô responsab' ! "
" Anyway ! "
" De toute façon ! ", " Anyway ! ".
Alors là, bien sûr, bienvenue dans l'anglicisme total.
Alors " Cool ", il était aussi dans Fonzy
donc je l'annule.
Bon , " cool ", ça va, quoi.
CUTE.
Désolée, CUTE.
Hein, anglicisme, hein.
Alors GANG. La gang. [ prononcez : gagne ]
Là où en France, un gang, c'est tout de suite : la drogue, les armes.
Le gang, c'est des malfaiteurs, forcément.
Au Québec, la gang,
la gang, c'est la bande.
Ah, c'est rigolo.
C'est écrit bande, clan.
Sens vivant au Québec sous la forme gang,
repris, au 20e siècle, du mot anglais équipe.
Si ça se trouve,
le mot anglais vient d'un mot français.
Je vous le laisse celui-là, amis Québécois.
Gang.
Bon, la GAME.
La game, je peux pas, j'ai pas le choix.
Donc la game, la partie, quoi.
Ou " T'es pas game ! ",
c'est une autre expression, aussi québécoise, qui n'est pas dans le film.
Mais " T'es pas game ! ", c'est : " T'es pas cap' ! "
LE FUN. Alors j'en ai déjà parlé, hein.
***, c'est un anglicisme. ***.
" Y était tout ***é. J'ai ***é " ... J'ai merdé.
Au Québec, c'est fôque, c'est comme fôn [ Fun ].
Fun, c'est un O comme le téléphone.
Et ***, c'est un O comme le phoque, l'animal.
" ***ée. Tu l'as ***ée, ma radio est ***ée " ...
Elle est morte, elle marche plus.
Quelqu'un de ***é, c'est quelqu'un qui est bizarre,
qui va pas bien dans sa tête.
Y'en a pour qui Solange, elle est ***ée.
Solange, elle est ***ée. T'es comme perdue et bizarre.
TOUGH.
Mais alors Tough, bonjour, bonjour !
" C'est tough ! "
C'est dur, c'est difficile, c'est tough.
C'est une traduction littérale de l'anglais.
Alors, " T'es weird ! "
Ben, Solange, Solange, elle est weird aussi. Elle est bizarre, weird.
Et le fait de le dire en anglais augmente la singularité, l'étrangeté.
Le dernier, j'avais mis FREAKANT.
" C'est freakant ! "
" Freak " qui vient de monstre, monstrueux.
" C'est freakant ça ! " ... Ça me fait peur.
Mais si j'ai fait tout ça,
c'est, pas du tout, pour pointer du doigt les Québécois et leur dire :
" Ah, vous voyez. Vous parlez mal. Vous utilisez de l'anglais. "
Pas du tout !
Je suis, pas du tout, anti-anglicisme en fait.
Je trouve, au contraire, que le québécois est une langue vivante
qui se panache et qui s'hybride au contact du bilinguisme environnant.
Et ça me touche vraiment. Ça m'émeut.
Je ferai, peut-être, une autre vidéo sur les rappeurs québécois
qui utilisent le franglais mais d'une manière virtuose, au possible
et qui moi, me fait monter les larmes aux yeux
parce que ça me rappelle mon enfance, où j'étais entourée d'enfants d'immigrés
qui parlaient le français, l'anglais mélangés à leur langue maternelle
et où, on se comprenait comme ça
et où, quand on utilisait un mot en anglais, ça avait un sens
et quand j'entendais des anglophones parler anglais et utiliser un mot français,
ça avait aussi un sens.
Donc, je suis pas du tout, là, à mettre mon doigt accusateur vers le Québec.
Par contre, ce qui m'énerve, c'est que les Québécois pensent que les Français
utilisent plus d'anglicismes qu'eux.
Ce qui est, selon moi
et d'après ce petit test très arbitraire, faux.
C'est faux.
Bien sûr, y'a des mots qui font rigoler les Québécois
comme parking, pressing, casting
qui est finalement le seul anglicisme que j'ai trouvé dans Fonzy, c'est casting.
Là où, dans la version française, dans Starbuck, il dit : " audition ".
Il a bien raison de dire audition
mais en France on dit casting.
Et les Français ont aussi tendance à penser
que les Québécois luttent et se battent pour tout traduire.
Ce qui est vrai mais à l'écrit
et dans la langue officielle des documents et de l'affichage
où vous aurez droit à tous ces néologismes
comme courriel, clavardage, baladodiffusion.
Tout ce lexique spécifique qui naît de l'anglais
et dont le Québec se dit, non, je veux pas prendre le mot de l'anglais.
Faut que j'en invente un à moi.
Mais le Québécois de tous les jours, dans son quotidien,
sa langue, elle est hybride.
Y'a de l'anglais dedans et on va pas le nier.
Ok, le score final
[ Clochette ]
24 à 1.
Ouais !!
Conclusion :
c'est pas pour rien que ça a marché, Starbuck.
Fallait pas s'aventurer à le refaire.
C'était une très mauvaise idée.
Thumbs up Le Québec !