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Depuis 1880, Casa Beethoven est un lieu de pélerinage
pour des musiciens de toute génération.
Amants de la musique classique, du blues ou du pop.
Mais aujourd'hui, nous sommes venus chercher une chose spéciale.
Celle-là peut être intéressante parce que tu as plein de musique...
Tout ça nous intéresse... Tu sais?
Les années 1800, la Renaissance catalane du XIXe siècle, le Noucentisme, le Modernisme...
Ces musiques catalanes que nous devons refaire découvrir.
Regarde ce qu'il y a!
Il y a beaucoup de dossiers mystérieux
que je n'ai pas ouverts depuis des années.
DANSES POPULAIRES CATALANES
Combien d'histoires oubliées contiennent ces dossiers?
De quoi parlent tant de mélodies qui reposent en silence?
Marina vient souvent remuer les papiers.
Elle sait que ces musiques sont plus que le témoignage d'une époque.
C'est comme un retable magique, un catalogue de sentiments.
On trouve ici toutes les partitions
qui ont survécu aux changements de la mode, des tendances,
et qui laisse la trace des piliers de l'être humain:
la vie, la mort, l'amour...
Elles ont survécu au passage du temps.
Elles sont là et quiconque peut les reconstruire, les lire,
les faire revivre.
Tout ce qu'on veut.
Marina Rossell, en plus d'être une personne qui séduit
par sa douce folie, est une femme très intelligente.
Elle comprend bien les chansons.
Elle sait de quoi elles parlent.
Elle tente de savoir de quoi parlent les chansons de sa terre.
Ce que je trouve interessant,
c'est qu'elle les récupère comme si elle les lavait au savon.
Il reste une chose propre, transparente, translucide
qui se voit favorisée par la voix de Marina, claire comme l'eau.
Elle les a récupérées
et leur a donné une dimension plus personnelle et humaine.
La personne qui les a écrites y avait sûrement pensé.
C'est comme si on découvrait soudain
qu'il y a un monde plein d'intensité, de beauté,
de force suggestive.
C'est très important d'avoir conscience des vérités.
De pourquoi ces chansons ont un envoûtement énigmatique.
Marina possède une sensibilité très spéciale pour ces choses.
Elle a une petite antenne qui se déploie automatiquement.
Comme une fleur.
Jours, idées et amour qui brûlent comme le feu.
Jours, idées et amour qui passent comme un jeu.
Jours bleus, de terre chaude
même si la pluie est fraîche et appelle ton coeur.
Jours bleus, de terre chaude
même si la pluie est fraîche et appelle ton coeur.
L'âme de la terre,
l'âme de la terre
et vivre est delicieux.
Les vieilles partitions sont comme une carte au trésor à découvrir.
Nous commençons à chercher.
La première étape de notre voyage est Cabanes,
un village de l'Alt Empordà, où nous espérons découvrir des choses.
Avec les chansons de la Renaissance, du Noucentisme, du Modernisme
que j'ai abordées ces 10 derrières années,
je voulais approfondir, m'immerger,
me salir les deux mains
et prendre ces chansons, ces partitions, ces versions,
le lieu où elles furent conçues,
comment elles ont été structurées, l'ambiance qu'elles respiraient.
J'ai ressenti un besoin spontané mais délibéré
pour pouvoir les réapprendre, les revisiter,
de les pénétrer de manière presque irrationnelle.
Quand j'ai fait ce travail, je n'ai rien pu faire d'autre
que de savourer cette époque et ces mélodies.
Peu de gens savent que la Grand place de Cabanes
a une grande place dans l'histoire de la musique populaire.
Aussi bien Josep Pla que Victor Català
racontent que l'une des choses les plus belles et magiques
qui peuvent t'arriver dans cette vie terrestre,
c'est d'écouter, un soir, sur une petite place,
"Per tu ploro".
Je vous invite à l'écouter là où elle résonna pour la 1ère fois,
il y a 133 ans.
Vers cinq heures de l'aprés-midi, le 25 janvier 1875,
un vieux musicien de cobla arrivait sur cette place:
Josep Maria Ventura i Casas. On l'appelait Pep Ventura.
Il avait 57 ans et c'était un homme respecté.
Il êtait venu en guimbarde accompagné de ses musiciens.
À peu prés le même nombre de musiciens
et les mêmes instruments que ceux des filles et des garçons
de la Cobla Empordanesa de Castelló d'Empúries.
Génial. C'est un bel instrument.
On dirait des dulzainas.
Là derrière, ça dit qui l'a faite.
-Le fabriquant. -Le fabriquant.
Tu l'as depuis longtemps?
Environ huit ans,
mais cet instrument a environ 65 ans.
Ventura est considéré comme l'inventeur de la cobla moderne.
C'était un remarquable interprète de tenora,
un instrument que, 25 ans auparavant,
l'artisan de Perpignan, Andreu Turon, avait réformé.
Ce soir de l'hiver 1875,
la place de Cabanes était pleine.
Ventura devait présenter sa derrière sardane.
Il l'avait intitulée "L'enamorada".
La raison de ce titre était un mystère.
La pièce connut un grand succès que Ventura ne put savourer.
Il mourut exactement deux mois plus ***.
Mais la célébrité de cette mélodie était sans fin.
Surtout quand Joan Maragall écrivit des paroles et l'intitula
"Per tu ploro".
Mais que cache le titre originel "L'enamorada"?
La musicologue Anna Costal a enquêté.
Il y a plusieurs possibilités.
Il s'agit peut-être de l'orchestre que Pep Ventura dut laisser tomber
à cause des différences, ils se sont séparés.
On dit qu'il ne s'entendait pas avec son fils
et l'orchestre a dû se séparer.
C'est peut-être le titre d'une zarzuela.
-C'est une mélodie très lyrique. -C'est l'époque.
À cette époque, il faisait des sardanes
sur des musiques d'opéra ou de zarzuela.
Ou bien, comme elle fut écrite en 1874,
à la fin de la Première République, à la restauration bourbonienne,
il était triste que sa bien-aimée, la première République,
finisse de manière si éphémère.
Elle a duré moins d'un an, quelques mois seulement.
C'est peut-être la première sardane protestataire de l'histoire.
Mais le mythe romantique présente Ventura comme une figure mystique.
Et les origines de la longue sardane, comme une danse élevée.
La réalité semble différente.
Pep Ventura, à qui sont dédiés beaucoup de places de villages
et un arrêt de métro à Barcelone,
est né en Andalousie. C'est un homme mystifié,
il existe des légendes sur lui.
Que peux-tu nous dire de Pep Ventura?
C'était un républicain fédéral, comme beaucoup à Figueres,
la capitale fédérale de la Péninsule Ibérique.
La sardane était un élément de propagande républicaine fédérale
chargée en...
Il y avait même des sardanes avec des coups de canons.
C'était le reflet sonore de l'époque.
Rien à voir avec la sardane morale et sage
que connut Joan Maragall
ou la sardane du début du XXe siècle, plus bourgeoise.
La sardane du XIXe siècle était républicaine fédérale, ouvrière...
Tâchée de sang.
Cartelle était l'époque à laquelle ils vivaient.
Adieu, rose d'avril
adieu, rose carmin
demain loin de ton rosier
de mélancolie je mourrai.
Quand on t'annoncera ma mort
pleure pour moi qui pleure pour toi,
pleure pour moi tout doucement,
car tes larmes ne sont point amères.
Essuie tes pleurs, ne pleure pas beaucoup,
le souffle de l'air te flétrirait.
Ne pleure pas du tout, ne pleure pas, non.
Pour toi et moi, qui le sais bien, je suis mieux placé pour pleurer.
Ne pleure pas du tout, ne pleure pas, non.
Pour toi et moi, qui le sais bien, je suis mieux placé
pour pleurer.
"L'emigrant" est une chanson qui est toujours d'actualité.
Elle permet de nous rendre compte ce que c'est,
pour diverses raisons, de quitter son lieu d'origine.
Au revoir, mes frères;
au revoir, mon père,
je ne vous reverrai plus!
Alors que Pep Ventura composait "L'enamorada" à Figueres,
dans le port de Barcelone, un jeune poète et prêtre
embarquait pour Cadiz
où il s'engagea comme aumônier sur le Guipúzcoa,
de la compagnie transatlantique du Marquis de Comillas.
Pendant deux ans, il se rendit plusieurs fois à Cuba.
C'est sûrement lors du premier voyage que Jacint Verdaguer
écrivit le poème "L'emigrant".
Mais Verdaguer n'écrivit que les paroles.
Antoni Ros Marbà connaît bien l'oeuvre de l'auteur de la musique.
Beaucoup ignorent qui est le compositeur de "L'emigrant".
Le compositeur, c'est évidemment Amadeu Vives.
On peut se demander:
"Comment peut-il être l'auteur de "L'emigrant"
après avoir écrit "Doña Francisquita" ou "Bohemios"?"
Ça montre la versatilité de ce compositeur
qui, à son tour, fut l'un des créateurs de l'Orfeó Català.
Le choeur d'hommes de l'Orfeó Català chanta "L'emigrant"
le 8 avril 1894.
Ce fut un succès troublant dès le premier soir.
On sait que quand Vives félicita Verdaguer pour le succès de sa pièce,
le poète se contenta de dire: "Mes paroles n'ont pas d'importance.
C'est le cintre de la musique."
Aussi bien Verdaguer que Vives
ont créé la pièce à une période difficile de leur vie.
"L'emigrant" ne parle peut-être pas seulement du mal du pays.
Quand Verdaguer et Amadeu Vives composèrent "L'emigrant",
leur mère venait de mourir.
Je trouve qu'on y ressent la mort de la mère.
Mais il y a aussi l'adieu à l'enfance,
la nostalgie de l'enfance en tant que patrie qui nous manque.
Ah, si au cimetière
où gît ma douce mère,
j'avais mon lit!
Quand tu t'embarques dans un projet ou un voyage,
tu ne sais pas oû le vent te mènera.
Mais tu sais et tu désires
que le vent te soit favorable et qu'il te mène à bon port.
Je crois que le vent m'a été favorable,
mais j'ai toujours hissé les voiles et ne suis pas allée contre le vent.
Ah, marins
le vent qui m'en exile,
qui me fait souffrir!
Je suis malade, alors, ah!
ramenez-moi à terre,
je veux y mourir.
Une des pièces que Marina a redécouvertes,
c'est la sardane "El cavaller enamorat".
Avec les paroles et la musique de Joan Manén.
Manén fut un violoniste et compositeur remarquable
qui, à 16 ans, composait déjà des oeuvres.
Une petite place lui est dédiée en Allemagne.
Ici, peu le connaissent.
Celle-là était épuisée.
Peut-être que depuis ton disque...
-"Clàssics Catalans"? -Exactement.
Ils ont réédité cette pièce, mais jusqu'alors,
elle était dure à trouver. Pres que impossible.
-Marc! -Bonjour.
Ça va?
-Je suis contente de te voir. -Moi aussi.
Les partitions ne sont qu'un guide pour arriver à la chanson.
Il faut passer par la cuisine qu'est le studio.
Marc Parrot était le producteur musical de "Clàssics Catalans"
qui contient 20 chansons.
-Il faut chercher le disque dur. -Non.
-On le fait directement? -Oui.
Les chansons se reconstruisent à nouveau.
Elle renaissent.
D'une belle enfant subit le joug le Chevalier
si triste et si amoureux qu'il en perd la raison,
De son château au loin il contemple la sombre silhouette
et, une nuit après l'autre, il rôde aux alextours.
Le fait de les retrouver dans ce registre,
je trouve que ça donne envie de s'approcher.
De les récupérer et sentir
qu'elles font partie de notre histoire.
On dit que quand une chanson est bonne,
on peut en faire plusieurs versions, ça marchera toujours.
Marina mise sur des arrangements très soignés et essentiels.
Viendra le temps où tu regretteras celui qui pour toi a été
le Chevalier énamouré!
-Trés bien. -Ça a été, Marc?
Fantastique, Marina. C'est dans la boite.
On connaît tous la chanson "Rosó".
Pour moi, c'est comme "O Sole mio", "Pel teu amor".
Mais on connaît peu de choses d'elle.
On connaît son auteur, Josep Ribas, son époque, et c'est tout.
On la découvre peu à peu.
Le 22 février 1923,
un visiteur très spécial arriva à Barcelone.
À cause d'un malentendu, personne n'alla le chercher à la gare.
C'était Albert Einstein, à qui on offrait un dîner d'hommage.
Il écrivit dans son journal que ce qui lui avait plu le plus,
c'êtait la soprano Andreua Fornells interprétant des chansons catalanes.
Une chanson en particulier.
Pour en savoir plus sur cette chanson,
nous allons à Torroella de Montgrí, dans le Baix Empordà.
Sur la Côte du Levant, une jeune fille,
alors que la lumière claire s'embrasait à l'horizon...
Au Musée de la Méditerranée, est conservé le piano
sur lequel un musicien local composa vers 1921
une sardane dédiée à un ami, capitaine d'un navire.
Il l'intitula "Llevantina".
S'il y a une chanson qui reflète la lumière de la Méditerranée,
cette lumière bleue, transparente, c'est "Llevantina".
Vicenç Bou i Geli était l'auteur de "Llevantina".
Il jouait du flabiol et dirigeait la cobla Els Montgrins.
Né à Torroella en 1885,
Bou était connu pour sa facilité à inventer des mélodies
et à séduire les jeunes filles.
Mais ses connaissances musicales étaient rudimentaires.
En examinant le clavier, on voit
que deux octaves lui suffisaient pour composer ses sardanes.
On voit que le maestro Bou n'utilisait que ces deux octaves,
la partie centrale du piano,
pour composer ces si belles mélodies.
Regardez, les touches les plus usées sont celles du milieu.
Regarde, Marina.
Je vais te montrer ce qu'on garde ici, au Musée de la Méditerranée.
C'est justement le fond de ce maestro, Vicenç Bou.
Ce sont des photos des différents moments de la vie de Bou.
Là, c'est un jeune homme.
Là, il est un peu plus vieux, devant le piano.
C'est le piano sur lequel il composa la plupart...
-Celui qu'on a vu avant? -Oui.
Celui qui est exposé au musée.
Son béret.
C'est un des éléments personnels qui l'accompagnaient dans sa vie.
Cette époque du milieu du XXe siècle...
-Nos grands-parents. -Ils portaient souvent un béret.
C'était la casquette de l'époque.
Exactement. Maintenant, la tradition s'est perdue, mais ça se faisait.
Il y a un autre élément curieux, le diapason.
Pour donner le ton.
Il marche encore.
On conserve aussi différents éléments.
Une autre curiosité, ce sont les lunettes.
Il les a portées à la fin de sa vie.
-Des lunettes à la Lennon. -Oui.
Ramon Ribera et Joan Serracant ont écrit "Llevantina".
Avec d'autres sardanes de Bou comme "El saltiró de la cardina",
elle triompha dans les années 1920
avec la voix de Mercè Serós, Raquel Meller, Conxita Supervia
et celle qui a séduit Einstein, Andreua Fornells.
Ça donne l'impression d'être devant un vieux piano
qui contient une chanson épique.
Et surtout, que tu te trouves dans un espace
si minuscule, mais où l'auteur a respiré.
Bou était ici, respirant le même air que nous respirons maintenant.
Écoute, ma belle,
tu es la plus aimée des femmes.
Écoute, ma belle,
jamais je ne t'oublierai.
Toi, n'oublie pas, n'oublie pas
l'amour le plus constant
ne l'oublie pas, ne l'oublie pas,
cet amour pur et saint.
Levantine! Levantine!
Toujours je te serai fidèle et dans mes yeux tu verras un ciel
qui te donnera la joie de la paix divine.
Albert Einstein ne fut pas le seul à être séduit
par les chansons et sardanes de l'époque.
Igor Stravinski, fasciné par Juli Garreta,
composa une sardane qui a été perdue.
Thomas Mann parle de cette danse étrange en cercle, la sardane,
dans "Montagne Magique". Et tant d'autres.
Mais c'est aujourd'hui un répertoire très méconnu.
Il y a eu deux ruptures.
La franquiste et la modernisatrice.
La culture populaire et traditionnelle fut abandonnée.
On est revenu à zéro dans la culture catalane des années 60.
Il y a un mépris de la tradition,
les secteurs intellectuels ne cherchent pas à la récupérer.
C'est très intelligent de récupérer cette vision de la...
On pourrait appeler ça la chanson de l'époque moderniste.
Car, à ce moment-là, la bourgeoisie catalane
était très ouverte à l'héritage de la tradition folklorique.
Mais elle essayait aussi de traduire son niveau de formation,
le niveau de savoir musical
acquis au conservatoire et dans les académies de bon ton.
Dans cette espèce de flux communicatif
entre le culte et le populaire qui se produit en Catalogne,
émergent les possibilités qu'il y ait une Cançó
saine et vigoureuse qui puisse admettre
le travail des générations successives.
Il y a un auteur derrière la plupart de ces chansons,
comme parfois le fameux Amadeu Vives.
Je trouve cette récupération très intéressante
car beaucoup de gens méconnaissent ce patrimoine
qui fut si important pour notre culture.
On dit que les chansons les plus populaires
sont celles dont on oublie le plus vite les auteurs.
"Rosó" est un bon exemple.
Beaucoup la connaissent, mais ignorent son histoire.
Notre enquête nous a menés
aux Archives Historiques de la Ville de Barcelone.
Regarde. On voit que "Pel teu amor", "Rosó",
a été jouée au théâtre Tívoli.
C'était un jeudi après-midi. Jeudi soir.
Le 21 décembre 1922.
Ça faisait partie d'une saynète.
Ce fut la demière saynète de la soirée.
Aucune autre chanson n'a perduré. En revanche, "Pel teu amor", "Rosó",
dure encore.
Miquel Poal Aragall en a écrit les paroles.
On sait peu de choses du compositeur, Josep Ribas i Gabriel,
né à Gracia en 1884.
En plus des danses, il composa plusieurs saynètes lyriques,
comme celle qui contient la fameuse aria.
Jeudi, "Rosó" a été jouée
et le samedi, est sortie la critique dans "La veu de Catalunya".
Le critique de l'époque n'a pas beaucoup aimé.
Il dit qu'elle manque de personnalité et imite Puccini.
Il reconnaît tout de même que la chanteuse, Mme Bugatto,
et Emili Vendrell triomphèrent ce soir-là,
qu'ils durent répéter la chanson qui eut beaucoup de succès.
Ça fait de ça 86 ans.
Le ténor mythique, Emili Vendrell, chanta cette pièce.
Il était maçon et se fit connaître comme chanteur de l'Orfeó Català.
Nous savons que Lluís Millet, le chef de l'Orfeó, le gronda
car il trouvait frivole de chanter cette zarzuela au Tívoli.
En tout cas, aucune pièce ne le rendit plus célèbre que "Rosó".
Dessinant des zones de lumière et d'ombre de jardins intérieurs
ou de galeries de l'Eixample,
c'est à ça que me fait penser "Rosó" et autres chansons de l'époque.
Une lumière urbaine barcelonaise,
mais qui transmet un amour pour la simplicité du populaire
et est capable de se mettre à la portée de tous,
de tous les niveaux musicaux.
Prisonnier à tous moments
de ta voix si claire
qui éloigne les mauvaises pensées
et n'inspire que bonté.
Parce qu'elle est fraîche et elle est douce
et c'est un éclat de poésie
et il semble, sous le ciel bleu,
qu'elle rend notre coeur joyeux.
Alors, puisque tu me tiens prisonnier
un jour et un autre jour...
Et que je m'y trouve si bien,
Roser, ma Roser,
veuille bien me faire compagnie.
Rosó, Rosó,
lumière de ma vie!
Rosó, Rosó,
ne brise pas mon espoir!
Mais la musique des racines n'est pas une langue du passé.
C'est une langue d'aujourd'hui pour raconter des choses.
Un art qui se réinvente constamment.
Avec l'air de ces chansons, Marina en a composé des nouvelles.
J'ai écrit "Mare de Déu del Món" pour contribuer,
apporter quelque chose de personnel, de mon monde contemporain,
de ma vie quotidienne à ces chansons religieuses de l'époque.
C'est une chanson qui se veut d'être
une chanson religieuse oecuménique, de toutes les religions.
Mère de Dieu du Monde
que la vie nous donne un petit peu, un petit peu de tout,
Qu'elle nous fasse meilleurs et elle nous nettoie le coeur,
Mère de Dieu du Monde.
Mère de Dieu du Monde que le ciel soit bleu
et il nous console, qu'il nous console.
Que dans notre coeur survive l'amour,
Mère de Dieu du Monde.
Et je porterai une image près de mon coeur.
Tout près, tout près de mon coeur,
Tout près, tout près de mon coeur.
Et je porterai une image près de mon coeur.
Tout près, tout près de mon coeur,
Tout près, tout près de mon coeur.
Et je porterai une image près de mon coeur.
Tout près, tout près de mon coeur,
et une bougie aussi.
Nous avons fait un voyage pour connaître la bande sonore
d'une époque qui perdure dans son art.
Ce qui est beau est toujours d'actualité.
Borges disait que les livres, une fois écrits, s'ils sont bons,
n'appartiennent plus à l'auteur.
C'est pareil pour ces chansons qui appartiennent au peuple.
Adieu, rose carmin.
Nous ne chantons pas les chansons,
les chansons nous chantent.
"Per tu ploro" est une de mes préférées.
Car la mélodie est très belle.
Comme "Llevantina", et son histoire aussi,
en plus d'une mélodie magnifique, elle est très dramatique.
Je n'avais jamais réfléchi à ce qu'elles racontent.
C'est donc comme une redécouverte.
Rose d'avril,
Vierge Noire de les collines,
Etoile de Montserrat...
Il existe une magie très concrète: la simplicité.
Le fait que ce soient des oeuvres
qui ne prétendent pas être une musique culte,
mais une musique qui tente d'unir.
Écoute, ma belle,
tu es la plus aimée des femmes.
Écoute, ma belle:
jamais je ne t'oublierai.
J'aime beaucoup "Llevantina" car ma grand-mère la chantait,
ça fait partie de mes souvenirs d'enfance.
Quand je l'entends, je retourne dans le monde de mon enfance.
La musique, c'est comme la Madeleine de Proust.
C'est extrêmement important
de récupérer les vérités du passé des chansons
pour qu'elles puissent exister dans le futur,
pour que nos langues puissent
séduire les oreilles, les nôtres et celles des autres.
Nous avons suivi la trace d'une kyrielle de chansons
qui veulent perdurer.
Nous nous trouvons devant un arbre, un ginkgo biloba,
qui a vécu au temps des dinosaures
et dont on dit qu'il a vocation d'éternité.
C'est l'arbre sacré.
J'en ai vu au Brésil, en Irak, en Israël, en Palestine...
J'en ai vu au Mexique, à Francfort et à Ciudad de la Plata.
Et j'ai ici des petites graines prêtes à être plantées,
comme s'il s'agissait d'une nouvelle chanson.
J'aimerais que le vent me mène à la placidité de la vie,
au fait de savoir qu'il faut profiter
tant que nous sommes en vie.
Pas quand elle s'en va, ni regretter ce qu'elle aurait pu être.