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Les Studios GORKI de Moscou
ICI LES AUBES SONT CALMES
En deux parties
Scénario: Boris VASSILIEV et Stanislav ROSTOTSKI
Réalisation: Stanislav ROSTOTSKI
Directeur de la photographie: Viatcheslav CHOUMSKI
Décors: Serguéi SÉRÉBRENNIKOV
Musique de Kiril MOLTCHANOV
Sous-titres français: Alexandre KARVOVSKI
Dans les rôles principaux:
Andréi MARTYNOV
lrina DOLGANOVA
Elena DRAPEKO
Ekatérina MARKOVA
Olga OSTROOUMOVA
lrina CHEVTCHOUK
avec
N. ÉMÉLIANOVA et A. TCHERNOV
Première partie
DANS LES DEUXlÈMES LIGNES
Tu me parles d'un chef de section adjoint qui trouve pas ses bottes...
La voilà, la botte! Je l'avais balancée sous le lit.
Dans son répertoire.
Ceux qu'on relève des 1-ères lignes ont une terrible envie de vivre.
Eh bien moi, je ne souffre pas qu'on enfreigne le Règlement.
Salut au camarade commandant!
Cinq jours d'arrêts!
Elle se laisse pas faire sans son foulard.
Bon. Ton rapport, je te colle un blâme et te donne des troupes fraîches.
Après quoi on recommence par le commencement?
Vous avez qu'à nous envoyer des qui boivent pas, qui courent pas le jupon...
Des eunuques, vous voulez dire?
Les chefs décideront.
Pas fichu de mettre de l'ordre au cantonnement. Des bonnes femmes...
L'habitant n'est pas à mes ordres, de lui vient tout le mal.
Camarade commandant, vous entrerez pas un instant? Le samovar chauffe.
Merci, je dois partir.
Ça va, Vaskov.
T'entends, chef de section adjoint, tu files te mettre à la disposition du PC.
Compris.
Et toi, Vaskov, je t'envoie du monde
qui s'intéresse encore moins que toi à la gnole et aux jupons.
- Si on restait? - En route!
Revenez avec la victoire!
Calme-toi...
- Ils sont pas mal ces hommes-là. - Mais c'est bien de notre faute.
Salut au commissaire!
Ne nous en voulez pas!
Bien légers, les chefs, bien légers, je te dirais.
Trois jours que nous restons sans couverture.
Ça, le commandant a été un peu vite en besogne. Petit problème.
Peuvent pas trouver deux sections appropriées.
Quel calme tout à coup.
Pardi, encore à cause de vous.
J'aurais expulsé tout le contingent féminin de la zone des combats.
Au Goulag!
Comment ça? Qui c'est qui lavera vos caleçons...
On y est! Tout le monde descend!
Une bonne chose de faite, camarades soldats!
Une unité de la D.C.A.
Ils ont leur chef?
Ça n'a pas l'air, Fédote Evgrafovitch.
À la bonne heure. Deux capitaines sur le pont y a pas pire.
Les enfants, les gens de la D.C. A qui arrivent!
Courons vite voir!
Former le rang!
- Arrivés à bon port? - Exact!
À vos gardes, fixe!
Camarade adjudant chef,
Les pelotons 1 et 2, 5-ème compagnie du Bataillon de défense antiaérienne
sont à disposition pour la protection du cantonnement!
Chef de section adjoint Kirianova.
Donc... On nous a trouvé des qui boivent pas.
- Attrape! - Et que ça saute!
- Du nerf, les filles! - Par ici!
Trouve quelque chose d'un peu moins lourd.
La roulante sur la berge.
T'attraperas pas une hernie.
T'as les jambes qui flageolent?
Pressez, les filles, on finit le déballage.
Je signale que les hommes de la D.C.A. Logeaient chez l'habitant.
Les hommes, ça se peut. Nous on est des femmes.
- Et tu t'appelles comment? - Britchkina. Lisabeth.
- T'es d'où? - De Vologda.
Tu travaillais au kolkhoze?
Oui, mais je donnais aussi un coup de main à mon père.
Ça marche dans ta tête.
La table maintenant.
Alors voilà. Pas un pas hors du cantonnement sans mon autorisation.
- Même pour cueillir les airelles? - Elle sont pas mûres.
Et l'oseille, on peut?
Pour mettre dans la soupe. On voudrait pas s'étioler.
La rivière et pas plus loin. Y en a des quantités sur les bords.
Liouda, Véra, Katia - prendre la garde.
C'est-à-dire?
Qu'y a-t-il, camarade adjudant chef?
- Katia prend le commandement. - Merci de nous faire confiance.
La pose des sentinelles se fait selon le Règlement, strict.
Vous voulez rire ou quoi...
Et le Règlement... Le Règlement, pour le soldat, hein...
Nous, camarade adjudant chef, on a l'autorisation du commandant d'armée.
Pour le secret militaire.
Vous voulez pas nous laisser un instant, qu'on fasse le ménage.
Et songez à nous trouver un local.
- Quel local encore?
On voit guère de buissons dans le voisinage.
Tu vieillis, Fédote?
Attention, te trompe pas de dimension.
Te fais pas de bile.
Nous n'avons plus que toi, ici. Comme qui dirait, pour la reproduction.
Tu vas faire comme le berger, une maison après l'autre.
Pauline, t'exagères! T'es une soldate ou une demoiselle?
- Alors tu te conduis en rapport. - Eh oui, Fédote...
Les femmes, tu sais ce que c'est. Elle peuvent pas sans ça.
Nous aussi on te dit merci...
nous autres, les bonnes femmes.
Maria, t'auras de la gnole?
On va boire le thé, Rita?
Faut dormir, les filles. Retraite!
On frappe avant d'entrer. C'est pas un moulin, c'est une caserne.
- Qu'est-ce que c'est que ça? - Vous voyez pas?
- Et le camouflage? Ôtez-moi ça! - On a un ordre, nous.
- Quel ordre? - Celui qu'il faut.
Les militaires du sexe féminin sont
autorisées à étendre leur linge sur tout le front, aux fins de camouflage.
Je vérifie. Si la disposition n'existe pas, j'enlève tout ça etje le brûle.
Qui c'est qui vous permettra de brûler le fourbi du personnel?
Le fourbi!
Vous m'avez vu ce vieillard impressionnable?
Ça va, vous...
Alerte de combat! Tout le monde à son poste!
En vitesse!
On n'oublie pas son arme.
Britchkina! Demikopek!
On se remue, les filles, on se remue!
- Premier peloton à droite! - Deuxième peloton à gauche!
La population dans les abris!
Feu à vue!
Sur le douze!
Chargé à droite!
Chargé à gauche!
- Vitesse 140! - Compris, 140!
- 18! - Compris, 18!
Rafale courte!
- Je le cible! - Feu!
Vitesse 150!
Douze!
Dix!
Huit!
Des Messers à droite! Cibler l'avion de tête!
Vitesse 180! Rafale longue!
Feu!
- Portée 16! - Compris, portée 16!
Lida!
Feu!
Pourquoi qu'elles tirent sur les deux à la fois? Faut en viser un...
Tu leur donnes des leçons? Elles font la guerre, et toi, comme le cafard?
Va donc là-bas, auprès des filles. Au lieu de pavaner parmi les jupons.
À la guerre, chacun a son poste.
Alors, Lisabeth? Comment va-t-elle?
- En bouillie. - Ça guérira.
Les Messers s'en vont!
Dans le collimateur! Le trois!
Vitesse 140!
Corriger la visée!
Rafale courte!
Tire, Rita!
Tire!
- J'ai la cible. - Feu.
Touché! Comme ça!
- Comme ça, les filles! - Descendez-les!
Voilà où commence mon travail.
- Où allez-vous! - On les prend vifs.
Retourne!
Bravo, Ossianina!
- Son parachute ne s'est pas ouvert. - Peut-être qu'il est blessé?
N'empêche qu'il passe un sale moment.
Garde tes cartouches, tu ne l'auras pas.
Il y en a un deuxième qui se balance.
Regarde, Vaskov qui veut le sauver.
Il va le capturer.
Où il va atterrir, dans l'eau ou dans le bois?
Arrête!
Touché!
Le deuxième est cuit.
- Les filles, une civière. - On le portera bien comme ça?
Vaut mieux avec la civière.
T'as vu comment elle l'a eu.
Attention!
De la bonne besogne.
Non, mauvaise! Il fallait les prendre vivants.
Va te faire voir, toi.
Tu sais où, ou je dois te montrer le chemin?
Garde-à-vous!
- Camarade commandant! - Repos.
Je vois bien. Qui a fait le travail?
Sergent Ossianina.
Oui, mais pas tout seule, avec le peloton.
C'est bien. Je te proposerai pour la décoration.
J'ai pas besoin de décoration.
- Vous avez capturé les pilotes? - Ils sont tombés dans l'eau.
Il y en a un, son parachute ne s'est pas ouvert.
L'autre nous tombait dans les mains, c'est elle qui...
- Dommage. - C'est ce que je dis.
Savoir pourquoi ils sont venus reconnaître vos positions, hein?
Nous avons deux blessés.
Nous les prenons, les blessés. Etje vous amène du renfort, voici.
Voulez-vous venir, Marguerite?
Je vous salue, les nouvelles recrues.
- Vous êtes là pour longtemps? - Faudra voir si on se plaît.
Des bottes cousues main...
Je connais un officier à l'État-major, un homme marié.
Il s'est trouvé, comment dire, une petite amie.
Pourquoi vous me dites ça?
Faites pas attention, écoutez plutôt.
Le conseil disciplinaire a eu vent de la chose,
le colonel en question a de gros ennuis, et son amie, j'ai l'ordre
de lui trouver une autre occupation.
Je vois.
- Puis-je aller? - Allez.
Les filles, voilà Rita!
Chef de peloton Ossianina.
Soldat Komelkova.
Soldat Gurwizc
Pourquoi as-tu refusé la décoration?
J'ai un compte personnel à régler.
Dis donc! Tu te crois pas rien.
Y a des gens que je ne comprends pas.
- C'est moi? - Par exemple.
On t'a déjà fait un rapport? Vas-y, fais mon éducation.
Tu commences tout de suite, ou après l'extinction des feux?
- J'avais un mari, Génia. - Une autre te l'a soufflé?
Tu peux ne pas m'en parler, je ne te plaindrai pas.
Personne ne me l'a soufflé. On me l'a tué, le 24 juin.
Et alors, pendant qu'il gelait dans la neige,
sa femme elle s'est mise avec le vétérinaire du régiment.
Après, il a récupéré son gamin par décision judiciaire.
Et il l'a expédié chez ma mère.
Demain, journée sanitaire. Toute la garnison aux bains!
Vous viendrez toucher le savon.
C'est pour ça que j'ai demandé à être versée ici. Pour être plus près d'eux.
Maintenantje ne suis plus seule.
J'irai les voir demain.
Tu as de la chance.
Moi j'ai personne.
Mon petit frère, ma petite sœur, maman - fauchés à la mitrailleuse.
- Pendant une attaque? - Non. Une exécution.
Les familles de tous les gradés ont été fusillées à la mitrailleuse.
La voisine, une Estonienne, m'a cachée chez elle.
J'ai tout vu.
Génia, et ce colonel?
Comment as-tu pu faire ça?
Comme ça, j'ai pu.
Commandant Loujine à vos ordres.
Bienvenue à vous.
Faites connaissance, ma fille Eugénia.
J'ai pu faire ça.
Donne pour deux, moi et Tatiana.
- Qui c'est qui vous frottera le dos? - Le commandant.
Pourquoi pas, un homme pas mal du tout.
Il faut le tirer à la courte paille.
Tu parles, cette vieille souche moisie.
Sait pas plus de 20 mots, et encore, tous appris dans le Règlement.
Raconte pas, sa patronne en est très contente.
C'est pas vraitout ça!
Elle en est amoureuse! Elle s'en est toquée!
Les filles, notre Britchkina qui s'est toquée d'un militaire!
On va les marier!
Vous devriez avoir honte...
Tu devrais pas nous raconter tout ce que tu apprends au village.
Tu parles, la veuve du héros!
Si tu la fermais! T'es la première à...
Je te signale, camarade sergent chef,
que je suis nerveuse et que j'ai plus rien à perdre.
Tu dis?
Vous allez pas vous disputer, les filles?
Tenez, je vous lis un poème. Vous voulez?
Allons, quoi, grosse bête...
Je sais plus, Rita, je sais plus rien...
Nous étions dans la zone frontalière, il n'y avait personne d'autre.
Mon père était garde forestier.
Maman n'arrêtait pas de me dire:
Tu dois y croire, ma fille.
Le bonheur, tu le rencontreras peut-être demain,
tu en auras ta part, tu verras...
Vous partez?
Demain.
- Qui est-ce? - Moi.
Quoi, tu t'ennuies?
Je m'ennuie.
Faut pas faire des bêtises, même si on s'ennuie.
Au début du printemps, il m'envoie une carte postale.
Lisa, tu dois faire des études.
Viens chez nous en août. Je ferai le nécessaire pour le collège, le foyer.
C'était l'année dernière, en 41.
Tu dois y croire, Lisa. Sans faute.
C'est peut-être vrai que le bonheur il est pas loin.
Et que tu le rencontreras demain.
Sauf qu'il n'y a pas de billet retour.
Sonia, tu nous lis encore quelque chose?
Je vous aimais, l'amour, il se peut être,
N'est en mon cœur pas éteint tout à fait;
Mais qu'à présent cela ne vous inquiète,
En rien je ne voudrais vous affliger.
Je vous aimais sans mots ni sans chimères,
Rongé de crainte ou bien de jalousie;
Si tendrement, d'une âme si sincère...
Plût au Seigneur qu'un autre vous aimât ainsi.
Voyons, quoi?
Qu'as-tu?
De quoi elle se plaint, Ossianina?
Elle a été mariée, elle a eu un enfant.
Alors que moi à 18 ans j'étais déjà dans cette peau. Et moi non plus je...
Arrête.
T'as tout devant toi.
Génia, il a sa famille.
Mais je l'aime, papa.
Arrêtez!
- Camarade colonel! - Que veux-tu?
Voilà...
Génia? D'où sors-tu?
Qu'est-ce que vous faites!
Arrêtez!
Des assassins!
Qu'est-ce qu'il t'arrive, Génia?
Moi aussi j'ai un compte à régler.
- Pour qui? - Komelkova.
- Pour qui? - Demikopek.
- Tiens. - Pas besoin.
Tiens.
- Pour qui? - Iolkina.
Merci.
Les filles, faut pas m'en vouloir, hier...
J'ai tout entendu, hier, j'ai pas fait exprès.
Je dirai rien à personne, jusqu'à mon dernier souffle.
Sucre, concentré. J'en ai d'autre.
Apprêtez-vous, on va aux bains.
Prends, Rita.
Peloton, halte!
Repos. Rompez les rangs!
- À la pêche, camarade adjudant chef? - Non, se baigner.
L'eau est fraîche, vous craignez pas d'attraper froid?
Les bains c'est mieux.
Des fois qu'une écrevisse vous pince?
Venez avec nous, on vous frottera le dos!
- Arrête, Lisa. - Attendez donc!
Mais vous m'ennuyez, quoi!
Salut, les filles!
Génia, mais tu es comme une ondine!
Elle est transparente ta peau.
Un modèle pour les sculpteurs...
Ce que tu es belle...
Une fille comme toi, et en treillis...
Voyons ça, que je vous ajoute un peu de vapeur...
La marmaille, vous touchez à rien!
Comme c'est bon...
Quand on est soldat, la journée du bain est une vraie fête.
Un jour on sera vieilles, on maternera les petits-enfants
et on se souviendra de ce bain de vapeur.
Faudrait commencer par avoir des enfants.
Les filles, regardez!
Le beau linge est mon point faible.
Tu mets ton point faible etje te flanque une corvée avant ton tour.
Tu sais combien ça m'en a déjà valu, des corvées!
- Et tu t'obstines à le porter? - Surtout que ça sert à quoi?
Les filles, ce que je suis mal faite, moi...
Mais qu'est-ce que tu racontes, Galia, arrête.
Viens ici.
Vois comme tu es bien faite.
On va faire de toi une prima!
- Et si on s'offrait un bal? - Chiche!
- Un bal pour fêter quoi? - Pour faire la nique à la guigne.
Voilà le village. Voilà le lac de Legonte.
La ligne de Mourmansk. Le canal de la Mer blanche.
Et des flèches, des cercles partout. Qu'est-ce que ça signifie?
Toutes les routes sont indiquées.
Ils savent absolument tout.
Tout et pas tout. Ils savent comment contourner le lac.
Le marécage aussi y est. Et il est signalé infranchissable.
Les filles ont été demander le phono de Paulina, elles font la fête.
Faudrait pas qu'elles se saoulent après le bain de vapeur.
Je vais leur en donner, de la fête.
Allez, va.
Génia, tu es une sorcière...
Dommage qu'on ait pas de cavaliers.
Allez, au bonheur la chance.
Orphelinat Nina Kroupska:
Il me disait:
Sois à moi
etje vivrai
une passion brûlante.
Sourire charmeur,
regard mutin,
tout me promet
les joies du paradis.
À mon pauvre cœur il parlait ainsi,
à mon pauvre cœur il parlait ainsi,
Mais il ne m'aimait pas,
il ne m'aimait pas,
non, il ne m'aimait pas du tout.
Micha!
Micha!
Nous partons aujourd'hui.
Pour vous.
Merci.
Je sais que vous aimez.
Les Allemands ont pris Minsk.
Je sais pas danser.
Compris.
Et voilà un cavalier. Tenez bon la rampe!
- Le commandant. - Voilà Vaskov.
Petit-père, quelle peur... Garde à vous!
Camarade chef de la garnison!
L'unité que je commande est au repos.
Quatre sentinelles en poste. Pas de malades.
Nous vous remercions pour le bain.
Sergent chef Kirianova.
Dansez, que je vois ça aussi.
- Tu auras le temps de faire ton tour? - J'ai peur que non.
- La danse russe. - Je vais voir.
Qu'est-ce que vous aimez le plus?
Il est temps d'aller dormir. Lever à 6 heures.
Attends un peu, Rita.
Génia nous en chante encore une. Le camarade adjudant chef écoute.
Fini, les filles. Le concert est terminé. Le Règlement c'est le Règlement.
C'est vrai qu'on tombe de sommeil.
Puisqu'il faut s'en aller...
Pauline, reste. Regarde cette pluie, tu vas être trempée.
Bon, si c'est comme ça...
Surtout que je n'ai pas du tout sommeil, il fait si clair.
Assez, les filles, retraite! Tout le monde dort.
Camarade commandant! Camarade commandant!
Camarade commandant!
Que veux-tu?
Les Allemands sont dans le bois.
- Comment le sais-tu? - Je les ai vus. Des parachutistes.
Y en a 2. Ils ont des mitraillettes.
Alerte de combat! Kirianova à moi! Au pas de course!
Compris!
Alerte de combat!
Kirianova chez le commandant!
Deux!
Sergent Ossianina.
J'ai décrété l'alerte, camarade chef. S'agirait de ratisser le bois
Vous m'autorisez à lancer les recherches?
Puisque les Allemands ne sont que 2. Au cas où, je m'en charge moi-même.
Tant qu'ils n'ont pas déguerpi.
À vos ordres, commandant.
Et toi, qu'est-ce que tu faisais là-bas à quatre heures du matin?
Rien. Mes besoins.
Puisque je vous ai mis la tinette pour ça.
Quoi, elle est trop petite?
Il y a des questions auxquelles une femme n'est pas tenue de répondre.
Ici, il n'y a pas de femmes!
Il y a des soldats et des chefs. C'est la guerre!
Et tant qu'elle a pas fini, tout le monde est du sexe neutre.
C'est pour ça que votre lit est défait, camarade adjudant chef du sexe neutre.
Garde à vous!
Repos!
Ossianina, commandez. Qui y va?
Génia!
- Galia! - Un instant, Ossianina.
On va cueillir les Allemands, on va pas à la pêche.
Et ils ont des mitraillettes.
- Elles savent tirer, au moins? - Elles savent.
Je peux en être?
Pas d'objection.
Oui, une chose encore. Quelqu'un sait l'allemand, peut-être?
Moi.
Dites, vous n'avez pas lu le Règlement? Votre rapport!
Soldat Gurwizc.
Et où sont les calots?
C'est comment > en allemand?
Hände hoch.
Exact.
Bon, viens, Gurwizc. On est parti pour deux journées.
Tu es seule, Maria?
Seule.
Au cas où l'ennemi est repéré ou qu'il y a un problème,
quelqu'un peut imiter un cri de bête ou d'oiseau?
Je parle sérieusement!
Tu peux pas donner de la voix dans la forêt. Les Allemands sont pas sourds.
Je peux.
- Un cri de quoi? - Braire comme les ânes.
C'est vrai que ça ressemble.
Il n'y a pas beaucoup d'ânes par ici.
Bon. Vous allez m'apprendre à crier comme le canard.
Ça c'est le mâle qui appelle la femelle.
Deux fois - attention, je vois l'ennemi.
Trois fois - tous à moi. C'est bien clair, camarades soldats?
Formez les rangs! Et un peu plus vite! Britchkina!
Garde à vous, fixe!
Pour me suppléer tout le temps que durera l'opération
je désigne le sergent Ossianina.
Et le canard, oubliez pas.
À gauche, gauche! En avant, marche!
Nous vous attendons, les filles!
Génia!
En colonne par deux, marche!
Galia! Ne prends pas de risques inutiles!
Tu as ton papa et ta maman, ou bien t'es orpheline?
Orpheline? Plutôt orpheline, je crois...
Tu veux dire que tu n'en es pas sûre?
Peut-on être sûr de quelque chose en ce moment, camarade adjudant chef?
C'estjuste.
Ils sont à Minsk, mes parents. Moi je faisais mes études à Moscou. Et là...
- Tu as des nouvelles? - Pensez-vous...
- Tes parents sontjuifs? - Naturellement.
Naturellement... S'ils étaient à Moscou, j'aurais pas demandé.
Peut-être qu'ils ont eu le temps de partir?
Crénom de...
Vous vouliez jurer? Jurez, j'ai déjà l'habitude.
- Tu es morte? - Non.
Voyons un peu, soldat Gurwizc, tu me cries trois fois.
- Pourquoi faire? - Pour voir si on est prêt au combat.
T'as oublié commentj'ai montré?
Qu'y a-t-il?
Rien. Autrement, les archanges là-haut vous souhaiteraient déjà la bienvenue.
Vois-la qui gambade queue en l'air comme la génisse.
- Fatiguées? - Non, mais!
Parfait alors. Qu'avez-vous donc aperçu sur votre chemin?
Rien de spécial. Une brindille cassée au tournant du bois.
C'estjuste, bravo. Et vous?
Rien non plus. Calme complet.
- Une traînée fraîche dans la rosée. - Toi tu as l'œil!
C'est bien, soldat Britchkina.
Et quelques empreintes de chaussures laissées par les parachutistes boches.
Telles qu'elles se présentent, ils sont partis pour faire le tour du lac.
Ça va leur faire une belle trotte, dans les 60 kilomètres.
Grand bien leur fasse. Nous les cueillerons au plus court.
Comment ça?
Pas ici. Je connais le sentier.
Et maintenant, 10 minutes pour fumer et se soulager.
Et bouche cousue!
Rompez!
On ne s'éloigne pas trop.
C'est profond là-bas?
Par endroits... En somme, jusqu'où je pense.
Vous en aurez jusqu'à la ceinture. Prenez garde à vos armes.
On me suit. On ne s'écarte pas d'un centimètre.
Cochonnerie!
- Komelkova, on ne s'arrête pas! - J'arrive...
Allez, allez...
Demikopek, n'y va pas! Ossianina, sors-toi de là toute seule!
Avance, Galia.
- Camarade adjudant chef... - Qu'est-ce que tu veux?
Ne vous arrêtez pas... Vous allez y rester!
J'ai perdu ma botte...
- Tu l'as pas retrouvée? - Non...
- Où vas-tu! Bouge pas! - Je veux l'aider...
Arrête! On peut pas revenir sur ses pas...
Britchkina, tu lui tends la perche!
Sors de là, Komelkova!
Suivez-moi, en avant!
Et ma botte?
Comment veux-tu la retrouver maintenant?
Allez, Komelkova, un dernier effort...
Tien-la bien, Génia...
Doucement, doucement... L'îlot est là.
Il faut avancer. Allons...
On me suit, on marche comme moi...
Sur les genoux?
C'est pas grave.
Est-ce qu'il y a des sangsues?
Lci il n'y a rien du tout. Un endroit malsain, complètement mort.
N'ayez pas peur, c'est le méthane qui remonte.
Les vieux disent que c'est dans des coins comme ça qu'habite le sylvain.
- Qui? - Le sylvain.
Des histoires, bien sûr.
C'est dans les livres.
Pas de précipitation, hein. Tout doux, ici on fait une pause.
Ça fait du bien...
Moulues?
- Moulues. - Reposez-vous alors.
Comment tu t'y es prise? Fallait replier les orteils.
Et qu'est-ce que j'ai fait?
Y a pas de mal, on va lui bricoler une sandale.
Vu.
- Mais après le marécage. Tu pourras? - Je pourrais.
C'est-y pas bon après le bain, hein?
Je suis mouillée jusqu'aux... En somme, vous en aurez jusqu'à la ceinture.
T'aurais dû mettre ton beau linge.
Génia.
Debout!
On enlève les perches et on me suit dans l'ordre précédent.
On se sèchera, on se chauffera après. De l'autre côté.
Génia, tu as ta glace?
Génia, tu me recoiffes.
Tu es bien assez jolie comme ça. Coiffe-toi toi-même.
- Génia, assez barboté! - J'arrive, oui.
Tout le monde est prêt? Allez-y, ça passe.
Alors, camarades soldats de l'Armée rouge, ça va?
Ça va, camarade adjudant chef.
- On n'a pas froid? - Puisqu'y a personne pour réchauffer.
- Attends, tu vas encore transpirer. - J'aimerais voir ça...
Chausse ça.
Ça c'est de la bottine...
- T'es à l'aise? - Très bien. Mieux qu'avec la botte.
En route, camarades soldats! On a encore 1 h 30 de marche devant nous.
Au pas de course, on me suit...
On presse l'allure, vivement...
- Alors, Komelkova, tu t'es réchauffée? - Du moins je transpire pas encore.
De là partent les hauteurs de Sinioukhine.
Un autre lac les serre de l'autre côté.
Le lac de Legonte il s'appelle.
Un moine du nom de Legonte était venu vivre là.
Il cherchait le silence.
C'est pas ce qui manque dans le coin.
Les Allemands n'ont qu'un chemin: Entre les deux lacs, par les hauts.
La bataille continue, la paix nous est un songe,
À travers sang et poussière galope le cheval de la steppe,
sous ses sabots l'herbe folle...
Camarades soldats.
L'ennemi au nombre de 2 boches progresse en direction du lac de Vope,
il a pour objectif de sortir en secret sur la voie ferrée de Kirov
et le canal Mer blanche-Baltique qui porte le nom du camarade Staline.
J'ai décidé d'attendre l'adversaire sur cette position de base
et de le sommer de se rendre.
Au cas où il résiste, l'un d'eux sera tué, l'autre devra être pris vif.
- C'est clair. - Comme la souris dans son trou.
- C'est moi qui parle le premier. - En allemand?
En russe. Vous traduirez s'ils comprennent pas. On a saisi?
Si vous vous découvrez comme ça pendant l'affaire,
y a pas d'infirmerie dans le voisinage, et y a pas de maman non plus...
Avec les Allemands, mieux vaut faire la guerre à distance...
Pendant que vous rechargez la carabine, il vous a transformé en passoire.
Aussi j'ordonne de rester allongé.
Aussi longtemps que j'ai pas commandé >.
Parce que là, y a pas de sexe féminin qui tienne.
Et on dort pas, on observe le terrain.
- Les Allemands? - Où?
Nom d'un chien... J'ai des visions.
Vous feriez un petit somme, Fedote Evgrafovitch.
Pense-tu, Ossianina. C'est rien, un coup de fatigue.
J'aurai droit au grand sommeil si on a raté les boches.
Quand ils auront descendu un grand chef ou fait sauter un objectif important,
tâche de leur expliquer, au tribunal,
pourquoi au lieu de ratisser le bois et de neutraliser les boches
je me suis fourré le diable sait où.
J'ai voulu épargner mes gens?
J'ai eu peur de vous envoyer au casse- pipe - c'est pas une justification.
Quelle justification, si la mission qui m'est confiée n'est pas accomplie.
Et s'ils étaient en train de dormir?
- Dormir... - C'est quand même des hommes, non?
Vous disiez que les hauts sont le seul accès praticable de la voie ferrée.
- Et pour les atteindre ils ont... - 60 kilomètres.
Et en terrain inconnu, et en suspectant le moindre buisson.
Marguerite... c'est comment ton patronyme?
Dites Rita, simplement.
Je peux?
À mon cher défenseur de la Patrie.
Un cadeau.
- Grilles-en une, camarade Rita. - Je ne fume pas.
Mais pour ce qu'ils sont aussi des hommes, j'y avais pas pensé.
L'idée estjuste.
- Tu les teins, je parie? - Pas du tout...
Une ondine.
On ne peut même plus se peigner?
Arrange-toi.
Camarade adjudant chef, vous permettez?
Je permets.
Camarade adjudant chef, vous êtes marié?
Je suis marié, soldat Komelkova.
Où est-elle, votre femme?
Pardi, à la maison.
Vous avez des enfants?
Des enfants?
J'avais un petit gars.
Pourquoi - vous aviez?
Comme ça. La grand-mère a pas su le garder.
Enfin, comment?
Elle nous a quittés, l'épouse.
Rita, raconte-lui donc ton histoire.
Je lui dirai quand nous rentrerons.
On voit tout de suite que t'en as vu d'autres, soldat Britchkina.
Installée dans les règles de l'art, et tu fais le canard comme il faut.
- Tu n'as rien à signaler? - Calme plat pour le moment.
Note bien tout, Lisabeth.
Du mouvement dans la broussaille, les oiseaux qui s'effarouchent...
Tu viens de la forêt, toi, tu sais tout.
Comme on est bien, hein...
Comme si il n'y avait pas la guerre.
Lisa, Lisa, Lisabeth, quand m'écriras-tu une lettre?
Pourquoi tu chantes pas, drôlesse? Est-ce que ton drôle point t'intéresse?
On a une comptine comme ça au pays.
Et vous, camarade adjudant chef, vous êtes d'ici?
Il y a longtemps que je sers dans la région.
Chez nous, on chante...
Toi et moi, on chantera après, Lisabeth.
Nous accomplissons notre mission et nous chantons.
- Vous donnez votre parole? - Puisque je te le dis.
Attention, camarade adjudant chef, vous avez promis.
Ceux qui sont nés pendant la débâcle
n'ont pas souvenir du chemin.
Nous sommes les enfants des années noires en Russie,
nous ne pourrons jamais oublier.
Années incendiaires...
Porteuses de folie, porteuses d'espoir?
Jours de guerre, jours de liberté -
sur nos visages votre reflet sanglant...
sur nos visages votre reflet sanglant...
À qui tu lis ça?
- À qui tu lis, je te demande. - À personne. Pour moi.
Pourquoi à voix haute alors?
Comment, ce sont des vers.
Tu t'abîmes les yeux.
On voit comme en plein jour, camarade adjudant chef.
Je dis ça comme ça, hein. T'assois pas sur le rocher.
En froidissant il va prendre ta chaleur Plie ta capote et mets-toi dessus.
Oui, camarade adjudant chef. Merci.
Mais ne lis pas tout haut, hein?
Le soir l'air est humide, épais, et les aubes, ici, sont calmes.
On entend tout à 5 kilomètres à la ronde.
À Sonia pour toujours. Micha.
Pourquoi que tu te serres comme ça?
J'ai froid.
Mais ne remue pas, quoi.
Tu as de la fièvre, camarade soldat.
Ce que c'est le marécage, ce que c'est la botte.
Tu avales comme ça ou je coupe?
- Qu'est-ce que c'est? - Une potion.
- Une potion... de l'alcool! - De l'alcool.
Je veux pas!
Bois et discute pas. C'est un ordre.
Bois!
Ma petite maman...
Respire pas.
Les mamans c'est après, pour ceux qui survivront à la guerre.
Ma tête qui s'en va...
C'est pas grave. Tu la rattraperas demain.
- Et vous, sans votre capote? - T'en fais pas, j'ai de la santé.
Mais tu me guéris à demain matin. Fais ça pour moi, tu dois guérir.
Je vais tâcher.
Les mamans c'est après, pour ceux qui survivront à la guerre.
Où en sont les Allemands?
- Bouge pas, on a l'ordre de dormir. - Alors, Galia?
- Et Rita, elle est où? - Restée avec Vaskov.
Quoi?
Tu entends?
Les oiseaux qui crient.
Des pies. Des pies grièches qui font du raffut.
Ça veut dire que quelqu'un vient, qu'on les dérange.
Le signal, Ossianina, alerte la troupe. Que ça saute! Gurwizc à moi.
Mais sans se faire voir! Attention!
Bonjour, camarade adjudant chef.
Salut. Comment elle est, Demikopek?
Elle dort. On a préféré ne pas la réveiller.
Vous avez bien fait. Reste avec moi pour la liaison. Mais te montre pas.
Je me montre pas.
Les voilà.
Tu les vois? Les voilà. Tous les deux.
Les trois.
Les quatre.
Cinq.
Six.
Six. Sept.
Huit. Neuf.
Neuf. Dix.
Onze.
Douze.
Douze. Treize.
Quatorze. Quinze.
Quinze. Seize.
Coucou, gentil coucou, combien d'années me reste-t-il à vivre?
Un.
Deux.
Trois...
Fin de la 1-ère partie.