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Traducteur: Patrick Brault Relecteur: Shadia Ramsahye
2014 est pour moi une année très spéciale :
cela fait 20 ans que je suis consultant,
20 ans que je suis marié,
et je vais avoir 50 ans dans un mois.
Ce qui signifie que je suis né en 1964 dans une petite ville d'Allemagne.
C'était un jour maussade de novembre,
et j'avais dépassé le terme.
La maternité de l'hôpital était vraiment débordée
parce que beaucoup de bébés étaient attendus en ce jour de novembre.
En fait,
1964 a été l'année avec le taux de natalité le plus élevé en Allemagne :
plus de 1,3 millions.
L'année dernière, nous avons tout juste dépassé 600 000,
la moitié de mon nombre.
Ce que vous voyez là est la pyramide des âges allemande,
et là, le petit point noir au sommet, c'est moi.
(Rires) (Applaudissements)
En rouge, vous voyez la population active potentielle,
les gens qui ont entre 15 et 65 ans ;
je ne m'intéresse en fait qu'à cette zone rouge.
Procédons maintenant à une simple simulation
de la façon dont cette répartition des âges
va évoluer dans les prochaines années.
Comme on peut le voir,
le pic se déplace vers la droite,
et moi, avec beaucoup d'autres baby-boomers,
je prendrai ma retraite en 2030.
Au passage, je n'ai pas besoin de prédire les taux de natalité
pour prévoir l'évolution de cette zone rouge.
Cette zone rouge,
la population active potentielle en 2030,
est déjà gravée dans le marbre aujourd'hui,
sauf si les taux migratoires augmentent énormément.
Et si on compare la zone rouge de 2030 avec celle de 2014,
elle est beaucoup plus petite.
Avant que je ne vous montre le reste du monde,
qu'est-ce que cela implique pour l'Allemagne ?
Ce que nous dit ce graphique, c'est que la force de travail,
c'est à dire les gens qui fournissent ce travail,
va diminuer en Allemagne, et de façon significative.
Qu'en est-il maintenant de l'offre d'emploi ?
C'est là que ça se complique.
Comme vous le savez sans doute, la réponse préférée des consultants
quelle que soit la question, c'est : « Ça dépend. »
Je dirais donc que ça dépend.
On ne voulait pas prédire le futur.
Trop hypothétique.
On a procédé autrement.
On a pris la croissance du PIB et de la productivité en Allemagne
sur les 20 dernières années,
et on a élaboré le scénario suivant :
si l'Allemagne veut poursuivre ce taux de croissance du PIB et de la productivité,
on peut directement calculer
combien de gens il faudra pour soutenir cette croissance.
C'est la ligne verte : l'offre d'emploi.
L'Allemagne va très vite être confrontée à une énorme pénurie de talents.
Il manque 8 millions de personnes,
ce qui représente plus de 20 % de notre population active actuelle,
c'est un chiffre énorme, vraiment énorme.
Nous avons étudié plusieurs scénarios,
et le résultat est toujours le même.
Pour combler ce manque,
l'Allemagne doit augmenter l'immigration de manière significative,
amener beaucoup plus de femmes à travailler,
augmenter l'âge de la retraite,
(au passage, nous venons juste de l'abaisser cette année)
et prendre toutes ces mesures à la fois.
Si l'Allemagne n'y parvient pas, l'Allemagne stagnera.
Nous n'aurons plus de croissance. Pourquoi ?
Parce qu'il n'y aura plus de travailleurs pour générer cette croissance.
Et les entreprises iront chercher les compétences ailleurs.
Mais où ?
Nous avons également simulé l'offre et la demande de travail
pour les 15 plus grandes puissances économiques du monde,
qui représentent plus de 70 % du PIB mondial,
et voici à quoi ressemble le tableau d'ensemble en 2020.
Le bleu indique un excédent de main-d’œuvre,
le rouge indique un manque de main-d’œuvre,
et les pays qui sont limites sont en gris.
2020 verra un excédent de travailleurs dans certains pays,
comme l'Italie, la France, les États-Unis,
mais ce tableau va changer radicalement en 2030.
En 2030, nous ferons face à une pénurie mondiale de main-d’œuvre
dans la plupart de nos grandes puissances économiques,
y compris dans 3 des 4 BRIC.
La Chine, avec son ancienne politique de l'enfant unique, sera touchée,
tout comme le Brésil et la Russie.
Pour dire la vérité,
en réalité, la situation sera encore plus difficile.
Ce que vous voyez là sont des moyennes.
Nous les avons détaillées
et nous les avons séparées par niveaux de compétences,
et nous avons trouvé
des déficits encore plus élevés pour des gens hautement qualifiés,
et un excédent partiel de travailleurs non qualifiés.
Ainsi, en plus d'une pénurie générale de main-d’œuvre,
nous allons faire face dans le futur à un énorme manque de compétences,
ce qui posera d'énormes problèmes aux gouvernements et aux entreprises
en termes d'éducation, de qualification,
et d'amélioration des compétences.
Ensuite, nous nous sommes intéressés aux robots,
à l'automatisation, à la technologie.
Est-ce que la technologie va modifier le tableau, et stimuler la productivité ?
Une réponse courte serait de dire
que nos chiffres intègrent déjà une augmentation significative
de la productivité entraînée par la technologie.
Une réponse plus longue dirait ceci.
Prenons à nouveau l'Allemagne.
Les Allemands ont une certaine réputation mondiale
en ce qui concerne la productivité.
Dans les années 90, j'ai travaillé dans notre bureau de Boston,
pendant presque 2 ans,
et quand j'en suis parti, un des associés principaux m'a dit, littéralement :
« Envoyez-moi davantage de ces Allemands, ils travaillent comme des machines. »
(Rires)
C'était en 1998.
Seize ans plus ***, on dirait plutôt l'inverse :
« Envoyez-moi davantage de ces machines, elles travaillent comme des Allemands. »
(Rires) (Applaudissements)
La technologie va remplacer beaucoup d'emplois, des emplois ordinaires.
Pas seulement dans le secteur de l'industrie,
même les employés de bureau sont en danger
et pourraient être remplacés par des robots,
par l'intelligence artificielle, le big data, ou l'automatisation.
La question n'est pas de savoir si la technologie
va remplacer certains de ces emplois,
mais quand, avec quelle rapidité, et jusqu'à quel point ?
En d'autres termes,
est-ce que la technologie va nous aider à résoudre
cette pénurie mondiale de main-d’œuvre ?
Oui et non.
C'est une version plus sophistiquée de « Ça dépend ».
(Rires)
Prenons l'industrie automobile, par exemple,
parce que là, plus de 40 % des postes sont déjà tenus par des robots,
et l'automatisation s'est déjà produite.
En 1980, moins de 10 % du coût de production d'une voiture
venait des éléments électroniques.
Aujourd'hui, ce chiffre est supérieur à 30 %
et il augmentera jusqu'à plus de 50 % en 2030.
Et ces nouveaux éléments électroniques et leurs applications
requièrent de nouvelles compétences,
et ont donné naissance à plein de nouveaux métiers,
tels que les ingénieurs en systèmes cognitifs
qui optimisent l'interaction entre le conducteur
et les systèmes électroniques.
En 1980, personne n'avait la moindre idée qu'un tel métier existerait un jour.
En fait,
le nombre global de personnes impliquées
dans la fabrication d'une voiture
n'a que très peu changé au cours des dernières décennies,
malgré les robots et l'automatisation.
Que faut-il en conclure ?
Oui, la technologie va remplacer beaucoup d'emplois,
mais on verra arriver également beaucoup de nouveaux métiers
et de nouvelles compétences,
et cela veut dire que la technologie va aggraver
notre manque global de compétences.
Ce genre d'étude détaillée
révèle la difficulté cruciale qui se pose aux gouvernements et aux entreprises.
Ainsi, ce qui comptera dans les dix prochaines années,
ce seront les gens, les gens hautement qualifiés, les talents.
Et si ce sont eux la ressource limitée,
nous devons chercher à les comprendre beaucoup mieux.
Est-ce qu'ils sont vraiment prêts à s'expatrier ?
Quels emplois préfèrent-ils ?
Pour le savoir, nous avons effectué une étude à l'échelle mondiale,
portant sur plus de 200 000 demandeurs d'emploi
dans 189 pays.
L'immigration est certainement une mesure-clé pour combler le manque,
en tout cas à court terme,
nous avons donc posé la question de la mobilité.
Plus de 60 % de ces 200 000 demandeurs d'emploi
sont prêts à s'expatrier.
J'ai été étonné par ce chiffre élevé.
Si l'on prend les employés âgés de 21 à 30 ans,
leur nombre est encore plus élevé.
Si on étudie chaque pays séparément,
le monde est mobile, oui, mais en partie seulement.
Les pays les moins mobiles sont la Russie, l'Allemagne et les États-Unis.
Ensuite, quelles sont leurs destinations préférées ?
En septième vient l'Australie, où 28% des gens auraient envie d'aller,
puis la France, la Suisse, l'Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni,
puis la destination préférée dans le monde,
les États-Unis.
Quelles sont leurs préférences en matière d'emploi ?
Que cherchent-ils ?
Sur une liste de 26 thèmes, le salaire n'est que 8e.
Les quatre premiers thèmes tournent tous autour de la culture.
En quatrième,
avoir une bonne relation avec son patron ;
troisième, bénéficier d'un bon équilibre entre le travail et la vie personnelle ;
second, avoir une bonne relation avec ses collègues ;
et la priorité dans le monde entier
est d'être reconnu pour son travail.
C'est-à-dire : est-ce qu'on me dit merci ?
Pas seulement une fois par an avec le bonus annuel,
mais chaque jour.
Ainsi, la crise mondiale de la main-d’œuvre
devient très personnelle.
Les gens recherchent la reconnaissance.
Ne cherchons-nous pas tous à être reconnus pour notre travail ?
Je vais maintenant relier tout ça.
Nous allons faire face à une crise mondiale de la main-d’œuvre
qui consistera en une pénurie générale de travailleurs
ajoutée à un énorme manque de qualification,
plus un gros problème culturel.
Et cette crise mondiale de la main-d’œuvre arrivera très vite.
Aujourd'hui, nous sommes à un tournant.
Que pouvons-nous, que peuvent faire les gouvernements et les entreprises ?
Chaque entreprise,
mais aussi chaque pays,
doit élaborer une stratégie démographique,
et agir immédiatement en conséquence.
Cette stratégie démographique doit comporter quatre points.
Premièrement, un plan qui permettra
de prévoir l'offre et la demande dans les différents métiers
et les différentes compétences.
La planification de la ressource humaine va devenir plus importante
que la planification financière.
Deuxièmement, un plan qui permettra d'attirer des gens de qualité :
la génération Y, les femmes, mais également les retraités.
Troisièmement, un plan qui permettra
de les éduquer et d'augmenter leurs compétences.
Il y aura un énorme défi à relever dans l'amélioration des compétences.
Et quatrièmement, un plan
qui permettra de retenir les meilleurs,
ou, en d'autres termes,
comment construire une culture de la reconnaissance
et des relations humaines ?
Cependant, un facteur déterminant et sous-jacent
sera le changement d'attitude de notre part.
Les employés sont des ressources, des atouts,
pas des coûts, pas des têtes de bétail,
pas des machines,
pas même les Allemands.
Merci.
(Applaudissements)