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D'après le roman de A. Döblin
Un film en 13 épisodes et un épilogue
2 marks 50,
2,60...
2,70...
2,90... c'est tout.
Tout, c'est tout.
Et si je...
ne m'interromps pas...
et si malgré tout...
Non !
J'ai dit non, c'est non !
Je refuse de vivre
de l'argent que gagne une femme que j'aime.
Ça porte malheur !
Et puis, je l'ai juré, la première nuit.
Oui, Franz.
Jure-moi de ne plus en parler.
Un ''Korn'', Max.
D'accord.
Combien il y a de chômeurs à Berlin ?
Peut-être quelques centaines de milliers.
Vraiment ?
2 marks... 2,50...
2,90.
Bonjour, Meck.
Viens t'asseoir !
Santé.
Je prends une bière.
Les derniers sous ?
Eh oui.
Eh bien...
Oui ?
Faut voir.
COMMENT FAUT-lL VlVRE,
QUAND ON NE VEUT PAS MOURlR ?
Pourquoi le prolétaire sort sans cravate ?
ll ne sait pas la nouer !
ll achète
un fixe-cravate,
sans savoir s'en servir.
C'est de l'escroquerie.
Ça fait sombrer l'Allemagne encore plus bas.
Pourquoi personne ne veut de grands fixe-cravates ?
Car ils ressemblent à des pelles à ordures !
Pas même un nourrisson n'en veut !
Achetez ces cravates chez Tietz ou Wertheim.
Si vous ne voulez pas acheter chez les juifs, achetez ailleurs.
Moi je suis un aryen !
Les grands magasins n'ont pas besoin de moi
pour exister.
Achetez un fixe-cravate comme ceux-ci,
et étudiez la manière de l'attacher le matin.
Messieurs, qui a encore le temps de nouer sa cravate ?
Mieux vaut dormir un peu plus,
parce qu'on doit beaucoup travailler
et qu'on gagne peu.
Ce fixe-cravate
facilite le sommeil,
concurrence les pharmacies.
Celui qui achète les miens
n'a pas besoin de poison pour dormir.
ll dort
tel un nourrisson au sein, car il sait :
le matin pas de panique,
tout est prêt,
on n'a qu'à le glisser sous le col.
Vous achetez tant de saloperies !
Voilà de la bonne marchandise.
Ce n'est pas du celluloïd, mais du caoutchouc,
20 pfennigs pièce, 50 les trois.
Ne restez pas là,
vous serez écrasé, et qui nettoiera ?
Regardez comment ça se noue.
Ce n'est pas un casse-tête.
Facile à comprendre !
Vous prenez 35 cm de chaque côté,
et vous rabattez, pas comme ça,
ça ressemble à une punaise écrasée,
ça ne sied pas à l'homme chic.
Prenez mon appareil,
vous épargnerez du temps, donc de l'argent.
ll est prêt à l'emploi.
Regardez, voilà votre cadeau de Noël,
à votre goût, pour votre confort.
Si le plan Dawes vous a au moins
laissé un cerveau sous le crâne,
il vous dira :
Achète cet objet, pour te consoler.
Qui était cette femme ?
C'était Eva.
Je l'ai connue à l'époque.
Mais c'est terminé avec elle, c'était à l'époque.
Tu sais, Lina, je ne sais pas parler,
je ne suis pas un tribun.
Comme crieur, on me comprend,
mais je ne dis pas ce qu'il faut.
Tu sais ce qu'est l'esprit ?
Non.
L'esprit, c'est la tête,
c'est pas du boniment,
et un orateur... est un orateur.
T'en es un, Franz.
Tu parles, moi un orateur !
Non, sais-tu qui en était un ?
Tu vois ? Moi non plus.
Mais ça, c'est pas pour moi.
J'y ai réfléchi toute la journée,
je veux vendre des journaux.
Des journaux ?
Oui, des journaux.
Ça m'est venu à l'esprit, c'est resté,
et c'est une chose fondée.
Des journaux.
Voyons ce que je peux faire.
Toi, tu continues ici,
tu te débrouilles mieux que moi. Salut.
Alors, t'as réfléchi ?
Le fixe-cravate, c'est pas pour moi.
Je vends un truc dont je ne me sers pas.
Essaie donc l'information sexuelle.
Ça se fait beaucoup, et ça marche.
C'est quoi ?
Regarde, ça t'évitera de poser des questions.
C'est des filles nues, peintes.
Je n'ai que ce modèle-là.
Dis donc, collègue, ça t'amuse ?
Quoi donc ?
Ces filles, et ces dessins ?
''La Belle Vie'' !
lls peignent une femme nue, la chatte à l'air.
Elle fiche quoi, la chatte à l'air, dans l'escalier ?
C'est louche !
Je peux ? Je voudrais regarder.
Ça s'appelle ''Figaro'',
et ça : ''Le Mariage'',
celui-là : ''Le Mariage idéal'',
ah, c'est différent du mariage !
''L'Amour entre femmes''.
On peut les acheter séparément.
De quoi s'informer, si on peut payer.
C'est bigrement cher...
Dis donc...
il y a un os ?
Je voudrais bien savoir lequel.
Rien de tout ça n'est interdit.
J'ai l'autorisation pour tout ça.
Sinon je n'y touche pas.
C'est mauvais de regarder des images,
j'en sais long là-dessus.
Ça te fiche un homme en l'air.
Ça t'excite, et quand tu t'y mets,
t'as l'air d'un idiot car ça ne marche pas !
Je ne comprends pas.
Crache pas sur mes brochures,
ne tripote pas la couverture !
Tiens... lis ça.
''Les Célibataires''.
lls ont même un magazine pour eux !
Les célibataires... ils n'ont pas le droit d'exister ?
J'ai pas épousé Lina !
Regarde, lis ça.
Dis-moi si c'est vrai.
Par exemple :
''Vouloir régler la vie sexuelle
''des époux par contrat,
''et imposer par la loi
''le devoir conjugal,
''relève de l'esclavage le plus abominable
''que l'on puisse imaginer.''
Pourquoi ?
Alors c'est vrai, ou faux ?
Ces choses ne m'arrivent pas !
Une femme qui exige ça d'un homme... Non !
C'est possible ?
Lis !
lnouï, je voudrais bien la voir !
''Vouloir régler la vie sexuelle
''des époux par contrat,
''et imposer par la loi
''le devoir conjugal,
''relève de l'esclavage le plus abominable
''que l'on puisse imaginer.''
Bon.
Voilà ''L'Amour entre femmes''
et ''L'Amitié''.
Elles ne discutent pas, elles se battent.
Pour les Droits de l'Homme.
Où est leur problème ?
Le § 1 75, t'es pas au courant ?
C'est la pire des injustices,
elle frappe un million de personnes chez nous.
A faire se dresser les cheveux.
lls font vraiment pitié.
C'est pas mon problème.
Alors, t'as trouvé quelque chose ?
Oui, peut-être.
J'ai dit au vieux qu'on arrêtait la vente,
personne ne m'achète rien non plus.
ll y a une drôle d'histoire là-dedans.
Un chauve se promène un soir dans le parc
du Tiergarten,
il rencontre un beau jeune homme,
et passe son bras sous le sien.
Après une heure de balade,
l'envie prend au chauve
d'être tendre avec le jeune.
Le chauve est marié.
Ça l'avait déjà pris, mais cette fois,
il voulait essayer, parce que c'est délicieux...
ll lui dit : ''Tu es mon rayon de soleil, mon trésor.''
Et il est incroyablement tendre. Bizarre ces choses !
Alors le jeune lui dit :
''Allons dans un petit hôtel,
''tu me donnes 5 ou 10 marks,
''je suis fauché.''
Le vieux répond :
''Tout ce que tu voudras, mon soleil'',
et il lui donne son portefeuille.
Mais dans l'hôtel,
il y a des oeilletons aux portes.
Le patron regarde, appelle sa femme,
elle regarde aussi,
alors ils disent que c'est inadmissible
dans leur hôtel.
Que ce détournement est honteux,
et qu'ils le dénonceront.
Puis arrive le garçon d'hôtel,
la domestique, ils ricanent tous.
Le lendemain, le chauve s'achète
de l'alcool et part pour lîle de Helgoland,
apparemment pour se saouler et se noyer.
ll embarque,
et puis il se saoule,
mais finalement, il ne se suicide pas.
Un jour sa femme, alors qu'il était en cure,
doit signer pour lui un mandat de comparution.
Elle le fait,
mais elle le lit,
et tout y est écrit :
l'oeilleton,
le portefeuille et le charmant garçon.
Au retour du chauve,
elles pleurnichent autour de lui,
sa femme et ses deux filles.
ll lit alors le mandat.
''M. le Juge, qu'ai-je fait ?
''Je me suis enfermé dans une chambre d'hôtel.
''Je n'y suis pour rien s'il y a des oeilletons.
''ll n'y a pas eu d'infraction.''
Et le jeune le confirme.
''Qu'est-ce que j'ai fait ?''
Le chauve, dans sa fourrure, pleure.
''Est-ce que j'ai volé ?
''Est-ce que j'ai cambriolé ?
''Je me suis introduit dans le coeur d'un garçon,
''en lui disant :
''Tu es mon rayon de soleil.'' C'était vrai !
Alors,
toi aussi, tu as le genre d'histoire
décrite là ?
Pardon ?
Lina, attends !
Qu'est-ce que c'est ?
C'est idiot !
Non Franz, je ne te fréquente plus !
C'est terminé, tire-toi !
Ne sois pas stupide.
Lina, je vais lui rendre sa camelote.
Mon Dieu, Franz,
j'ai eu si peur.
Alors !
Tu sais, je...
En zone de combat, la tendre petite
risqua une attaque
à la ''Prince de Hombourg''.
''Friedrich von der Mark, mon oncle !
''Nathalie, non, non !
''Seigneur, c'en est fait de lui !''
Elle courut droit au stand du vieux,
Franz Biberkopf attendait
vaillamment dans le fond.
Se détachant sur le magasin de cigares
''Schröder lmport-Export'', il observait
le déroulement du combat, légèrement gêné
par l'électricité et les passants.
Les héros s'étaient empoignés,
testant leurs forces mutuelles.
Lina Przyballa,
unique fille légitime
d'un agriculteur de Cernowitz,
née après deux fausses couches,
a balancé le paquet de journaux.
Le reste se perdit dans le tumulte.
Quelle femme ! gémit, admiratif,
Franz, qui souffrait patiemment.
ll approcha la zone de combat,
en guise de troupe de renfort.
Non loin de la distillerie,
l'héroïne lui souriait déjà.
Mlle Przyballa, débraillée et radieuse,
cria : Franz, il ne l'aura pas volé !
Puis elle crut glisser
vers son coeur,
mais c'était en fait son sternum
et un lobe du poumon.
Elle triomphait.
''Te voilà maintenant entièrement mien,
''quel éclat se répand,
''vive le Prince de Hombourg,
''vainqueur de Fehrbellin.
''(Officiers et courtisanes
''sortent devant le château.)''
ll y a du savoir-faire !
Je sais faire ce que je sais faire.
J'ai perdu mon travail, mais toi, je t'ai, Lina.
Oui Franz, tu m'as.
On trouvera un travail.
Passe-moi mon sac.
Pardon ?
Mon sac !
Attends, je dois ***.
Six mille...
...six cent soixante-treize mille
...cinq cent quatre-vingt-deux.
Pardon ?
T'as demandé le nombre de chômeurs à Berlin.
Je me suis renseignée.
ll y en a 673 582.
Mais non, 673 583 !
Tu tiens ça d'où ?
J'ai dit : 673 582.
C'est simple. Tu m'as oublié.
Le dernier résultat est : 673 583, compris ?
La vérité reste la vérité, non ?
Oui, mais...
Pas de ''mais''.
Si, il y a 10 minutes,
il y avait 673 582 chômeurs à Berlin,
maintenant il y en a 673 583 !
Vrai, t'as raison.
Parfaitement.
Lina, tu sais
ce qu'est une étalagiste ?
Une étalagiste...
C'est...
elle doit... j'en sais rien.
Elle doit étaler les choses,
et vérifier, et...
c'est bien ça ?
Non, Lina, c'est pas ça.
Quand on est étalés ensemble sur le sofa,
tu es une étalagiste, moi un étalagiste.
Oui, voilà ce que c'est.
On se paie un plaisir ?
Aujourd'hui ?
Oui, hier c'est passé, demain pas commencé.
Je vois !
Bon, alors on va au ''Neue Welt'' ?
Au ''Neue Welt'' ?
Mais oui, à la Hasenheide, tu connais pas ?
Non.
Parfait. Faut connaître ce qu'on ne connaît pas !
ll sera ton maître,
quelle phrase redondante !
Elle ne vaut pas grand-chose,
si l'on sait que...
chez les époux siciliens,
le mari reste dehors,
quand l'ami est dedans avec elle,
sans aucune gêne, et ça arrive
dans les meilleures familles.
Bois, petit frère, bois,
laisse tes soucis chez toi.
C'est bien ce que je veux faire !
Maman, voilâ l'homme avec le charbon.
Boucle-la, je le sais.
J'ai pas d'argent, t'as pas d'argent,
qui a fait venir le livreur de charbon ?
Au Sud, le coup de soleil est gratuit,
mais â Berlin, il faut du charbon...
Et en plus, pour de l'oseille.
Allons, Franz,
personne n'est triste ici.
On vient pour s'amuser,
danser et rire, tu comprends ?
Oui, mais...
le monde...
On est ici au ''Neue Welt'' le Nouveau Monde !
Viens, on va boire un verre.
Essayez donc, pour 20 pfennigs,
le prix pour mesurer votre force,
pour savoir si vous êtes un homme.
Tu veux ?
Je sais pas.
Tu sais bien que tu es le plus fort !
La seule chose qu'une femme ne décide pas :
la force de son homme !
Deux bières.
Santé.
Et moi alors ?
Buvons â la santé
de la prostitution...
C'était bien ?
Vous chantez plutôt fort.
C'est vrai, j'ai une bonne voix.
Une voix très, très forte.
Ne me fixe pas comme ça,
regarde-moi.
Volontiers... je vous regarde.
Viens par là,
viens,
plus près... comme ça.
T'es un Allemand ?
Un pur Allemand ?
Oui.
Ton nom ?
Franz Biberkopf.
T'es un Allemand, tu le jures ?
Si tu fricotes avec les Rouges, t'es un traître.
Les traîtres ne sont pas mes amis.
Les Polonais,
les Français, la patrie, à laquelle on a donné son sang !
Voilà la gratitude de la Nation !
Dis-moi, tu es un véritable homme allemand ?
Un pur Allemand ?
Je l'ai vu tout de suite,
que tu étais un vrai Allemand.
Quel régiment ?
Peu importe le régiment,
puisque je suis chômeur.
Peu importe où j'ai servi !
Voilà l'injustice !
L'Allemand est au chômage, c'est comme ça !
Santé !
Tu sais quoi ?
Puisque t'es un Allemand, un pur,
puisque t'es chômeur,
que c'est ça la justice du monde,
que c'est injuste que ce soit la justice,
je vais te dire une chose, tu sais quoi ?
Non, tu ne peux pas le savoir.
Je suis le représentant berlinois
du journal Völkischer Beobachter
Tu sais ce que c'est ?
C'est le seul journal qu'un homme raisonnable
puisse encore lire.
Et puisque je le pense, puisque tu le penses,
je te donne une chance.
Comme je le dis toujours :
l'Allemagne aux Allemands, non ?
Harengs marinés, à la Bismarck,
filets sans arêtes,
rollmops en sauce...
avec cornichons...
Bon,
voilà qui a de l'allure !
C'est vrai, ça a de l'allure !
Qu'est-ce qu'il y a ?
Pourquoi ?
Vous regardez bizarrement.
Non...
je me demande si je n'ai rien oublié.
Non, je crois que tout est réglé.
Alors, bonne chance.
Je savais que j'oubliais quelque chose.
C'est ça.
C'est indispensable ? Vraiment indispensable ?
Pourquoi ? C'est pas honteux, un brassard.
Au contraire, c'est une distinction.
Bon, si vous le dites...
Venez, je vous l'ajuste.
Voilà !
Ça a une autre allure !
Ça impressionne !
Oui ?
Peut-être.
Comment ça, ''peut-être'' ?
Ça fait très bien, et ça impressionne.
Encore une fois : bonne chance.
Foutaise !
Völkischer Beobachter,
maintenant pour 20 pfennigs...
ll faut qu'au paradis l'ordre règne.
T'es nouveau ?
Oui.
Le Völkischer Beobachter !
ll paraît que ces types-là sont bien,
mais...
ils semblent être contre les juifs, non ?
Moi je n'ai rien contre eux, mais...
je suis pour l'ordre.
On sait que c'est nécessaire.
Au peuple pour la fête de la moisson :
''Détruisez enfin vos illusions,
''et punissez ceux qui vous trompent !
''Un jour viendra, où la vérité
''surgira, armée de l'épée de la justice,
''et du bouclier,
''pour vaincre l'ennemi.''
Ça vous trouble ?
Non... c'est sûrement le cours des choses.
A chacun son bonheur.
D'ailleurs, les temps sont ce qu'ils sont.
Bonne chance, collègue.
Je suis juif, tu sais.
Mais c'est sans rancune !
Bonne chance quand même !
Merci.
Saucisses chaudes...
C'est la vie.
Hé... Dreske !
Vous pourriez au moins dire bonjour en passant !
Mais c'est Biberkopf.
Mais oui, c'est Biberkopf.
Qu'est-ce qu'il fait avec cette croix gammée ?
Vous me dévisagez ?
Pourquoi, on a le droit de te regarder.
C'est la croix gammée ?
La croix gammée ?
C'est bien une croix gammée, Franz, non ?
Eh oui...
c'est une croix gammée.
Le fédéralisme, c'est l'antisémitisme...
La lutte contre le judaïsme est aussi la lutte
pour la souveraineté de la Bavière !
La lutte contre le judaïsme est la lutte
pour la souveraineté de la Bavière !
Alors tu te moques de moi, Richard. Et pourquoi ?
Parce que t'es marié ?
T'as 27 ans, ta femme 18.
Tu connais quoi de la vie ?
Que dalle ! Trois fois rien !
Et ce brassard, Dreske,
- regarde-le bien -
n'a rien d'irresponsable.
Je me suis révolté,
comme toi. Qu'est-ce qui s'est passé après ?
Que la bague soit rouge, or ou rouge-blanc-noir,
le cigare reste le même !
C'est le tabac qui compte, mon vieux,
la manière dont il est roulé, séché.
Qu'est-ce qu'on a fait ?
Dreske, dis-moi !
Je te regarde, Franz,
je te dis - et je te connais bien -
qu'ils t'ont bien entubé !
A cause du brassard ?
Sur tous les plans.
Laisse tomber.
T'as pas besoin de t'afficher comme ça.
Juste, t'en as pas besoin, Franz.
T'es un brave gamin, Richard,
mais on parle entre hommes.
T'as le droit de vote, mais surtout
ne te mêle pas de ça !
lls t'ont entubé !
On a eu l'inflation,
des billets de millions, de billions,
pas de viande, pas de beurre !
Et nous ?
On piquait les patates aux paysans.
Révolution ?
Dévisse le porte-drapeau, et mets la bannière
au placard.
Enfile tes pantoufles
et retire le brassard rouge.
Vous révolutionnez en paroles !
Votre république... est un accident du travail.
Une abeille vole au plafond,
un miracle, en hiver.
Ses semblables
sont déjà mortes, ou pas encore nées.
Elle traverse l'époque glaciaire,
seule et sans savoir pourquoi.
Le rayon du soleil est millénaire.
Quand on le voit, tout paraît fugitif.
ll parcourt X lieues, frôle l'étoile Y,
il est plus vieux que Nabuchodonosor,
qu'Adam et Eve.
Et voilà qu'il brille dans les bas-fonds du métro.
Franz est radieux, la lumière est descendue des cieux.
Nous avons tout bonnement échoué.
Avouons-le !
Avouez-le, vous et les autres ! ll n'y avait pas de discipline.
Personne ne commandait, chacun combattait l'autre.
On a été trahis, Franz.
En 18 et 19 par des pontes.
lls ont tué Rosa, et Karl Liebknecht.
il faut s'unir et agir.
Regarde en Russie, Lénine,
il y a une solidarité. C'est du ciment.
Patience !
Le sang doit couler...
plein de sang.
Je m'en fiche de tout ça.
A force de patience, le monde pourrit, toi avec.
Pour moi, la preuve c'est
qu'ils ont échoué, et elle me suffit.
lls n'ont rien réalisé du tout.
Je ne sais pas ce que donnera
cette histoire de brassard,
mais c'est autre chose, c'est ça l'important.
C'est un chardonneret ?
Femelle ?
Oui.
Que dis-tu de cette bestiole ?
Elle supporte même le boucan.
Qu'est-ce que t'en dis, c'est magnifique.
Y a pas trop de fumée, pour ses petits poumons ?
ll ne connaît que ça,
ici c'est toujours enfumé. Là, ça va encore.
Je vais m'abstenir de fumer.
On pourrait ouvrir un peu,
sans faire de courant d'air.
Le sang doit couler... plein de sang.
Bonsoir, Dreske.
5 bières, Max, et que ça gaze !
C'est quoi, cette boutique !
Ça manque d'ambiance. Y a pas de pianiste ?
Pour qui ? Ça n'est pas rentable.
Soit !
On va chanter sans piano, comme d'habitude.
C'est la lutte fiinale.
Groupons-nous et demain
L'lnternationale
Sera le genre humain.
Ça t'a plu, collègue ?
A moi ? Oui !
Vous avez de la voix.
Chante avec nous.
Non, je mange.
Après, je chante avec vous... ou une chanson à moi.
D'accord.
Santé !
Un type mangeait une saucisse.
Une fois dans l'estomac,
elle est remontée pour dire :
on a oublié la moutarde !
Puis, elle est redescendue.
C'est ça qui fait la bonne saucisse,
celle des bonnes familles.
Bon, on y va !
Alors, tu nous chantes quelque chose ?
Bien sûr,
je tiens mes promesses.
La chaleur vous donne la goutte au nez.
Qu'est-ce que je leur chante ?
lls connaissent rien à la vie,
mais j'ai promis.
Le poème
d'un détenu.
Un beau poème.
''Si tu veux devenir
''un sujet masculin sur cette terre,
''réfléchis avant de laisser la femme avisée
''t'entraîner vers la lumière.
''La terre est un nid de détresse !
''L'Etat, ce bon Père,
''te tient en laisse nuit et jour,
''te poursuit de ses paragraphes, de ses interdits.
''Ses commandements :
''1 . ll faut casquer ! 2. Boucle-la !
''Tu vis donc au crépuscule
''en état d'abrutissement.
''Les années ont passé,
''les mites t'ont grignoté les cheveux,
''ta charpente grince sérieusement,
''tes membres sont mous et flétris,
''ta cervelle se ramollit,
''et le fil s'amincit.
''Tu sens l'automne arriver,
''tu poses la gamelle, tu meurs.''
Un prisonnier l'a écrit,
ça fait longtemps, mais je m'en souviens.
C'est beau, c'est une leçon de vie,
mais une leçon amère.
Alors retiens ce qu'il dit de l'Etat,
ce ''bon Père'',
qui te tient en laisse !
ll ne suffit pas, collègue,
d'apprendre par coeur.
Sûrement pas !
Comme nous, ils n'ont ni huître ni caviar !
L'argent, il faut le gagner.
Dur pour un pauvre diable.
On peut s'estimer heureux d'être en liberté.
Y a manière et manière de gagner.
Alors, tu la chantes, cette chanson !
Tu tiens pas ta promesse !
Bon, vous l'aurez.
Promis, c'est promis.
Un appel retentit, semblable au tonnerre,
Au cliquetis des épées, au choc des ondes...
Le tambour appelait au combat,
il marchait â mes côtés,
du même pas...
Une balle vint â siffler,
est-elle pour moi, est-elle pour toi ?
Elle l'a déchiré,
il gît â mes pieds,
comme si c'était un peu moi...
il veut encore me tendre la main,
alors que j'étais en train de charger.
Je ne peux te donner la main,
va vers la vie éternelle,
mon bon camarade.
Descends de la table !
Un appel retentit, semblable au tonnerre,
au cliquetis des épées, au choc des ondes,
Le Rhin nous appelle, le Rhin allemand.
Nous voulons tous en être les gardiens.
Chère patrie, sois rassurée...
La garde est résistante et fiidèle,
la garde du Rhin...
ll y a des chaises ici !
Qu'as-tu mangé ?
ll y a des chaises, au cas où tu ne les aurais pas vues !
C'est pas de ça qu'on parle.
Dis-moi ce que tu as ingurgité.
Une tartine au fromage, andouille !
Je t'ai gardé la croûte, crétin !
L'odeur du fromage ne m'a pas échappé !
Comment tu te le payes ?
Pas de bagarre chez moi !
lci on ne se bat pas !
La paix, sinon c'est la porte !
Dégage !
On ne se bagarre pas, on règle des comptes !
Celui qui fait de la casse paie.
Je me rends.
Surtout qu'ils ne me touchent pas !
Je suis prêt à tout,
mais s'il me touche, je fais un malheur.
Qui est ce petit morveux, Dreske ?
Franz, je t'en prie.
Laisse-le parler, les fascistes en ont le droit.
Quoi qu'ils disent, ils ont la liberté de parole.
Tu vois ce qui arrive, avec tes chansons.
Non, moi, je ne m'en mêle pas,
j'ai jamais vu ça.
Un appel retentit, semblable au tonnerre...
Fasciste ! Boucher !
Donne le brassard !
Tu te remues !
Donne le brassard !
Je veux le brassard !
Je vais le lui prendre !
File, Biberkopf.
J'attendais Lina ici.
Je suis ici chaque soir.
Ces deux-là, je ne les ai jamais vus ici.
Fasciste, tu as le brassard dans ta poche.
Croix-gammiste !
Je l'ai expliqué,
j'ai tout expliqué à Dreske !
Vous ne pigez pas, alors vous gueulez !
Toi tu as gueulé La Garde du Rhin !
Faites du raffut, asseyez-vous sur ma table,
et on aura jamais
la paix sur cette terre. ll nous faut la paix
pour travailler, pour vivre.
ouvriers, marchands, nous tous !
On a besoin d'ordre si on veut travailler.
De quoi voulez-vous vivre, grandes gueules !
Vous faites de la casse, et rendez les gens perfides
jusqu'à ce qu'ils vous le rendent !
Vous vous laisseriez marcher dessus ?
Vous êtes inconscients !
Faut vous extirper
le grésil de la tête ! Vous ruinez le monde !
Faites gaffe qu'il ne vous arrive rien !
Salopards !
J'étais détenu à Tegel, quelle vie !
C'est quoi cette vie !
Celui de mon poème,
il sait parfaitement ce que j'ai vécu.
lda, faut pas y penser,
surtout ne pas y penser.
Vous n'avez absolument rien à me dire !
Personne au monde
n'a quoi que ce soit à me dire !
Nous, on le sait mieux !
On n'est pas allés dans les tranchées
pour vous voir venir en agitateurs...
Je veux la paix ! La paix !
La paix ! Je veux la paix !
Je vais saisir quelqu'un à la gorge,
je vais craquer, frapper.
Et moi qui pensais que le monde était intact.
Mais il ne tourne pas rond.
lls sont en face, terrifiants,
et j'ai l'impression d'être des leurs.
Deux êtres vivaient au paradis,
Adam et Eve.
Le paradis
était le jardin d'Eden.
Les oiseaux, les animaux y folâtraient.
Le nuage est passé,
Dieu soit loué, il est passé.
Les industriels du bois serrent la visse.
Krupp abandonne ses retraités.
1,5 million de chômeurs :
226 000 de plus en 15 jours.
Je pars,
le plaisir était pour moi.
Vos idées ne sont pas les miennes.
Demain, je paierai ce qu'il faudra.
Dreske, je regrette que ceci nous ait séparés.
Gloire au vainqueur et patates sans beurre !
Laissez ces crapules de rénégats calomnier
la constitution des Soviets,
avec la bourgeoisie et le chauvinisme socialiste.
Ça accélère la rupture
des ouvriers révolutionnaires d'Europe
avec les scissionnistes, etc...
Les masses opprimées sont avec nous.
Qu'est-ce que tu as ?
ll est arrivé quelque chose ?
Au fond, ça ne leur ressemble pas.
lls ont le sang chaud, et ne savent qu'en faire.
S'ils avaient connu la prison, ou vécu vraiment,
ils pourraient y voir clair.
Lina !
J'ai pensé que tu ne viendrais pas.
Lina, ma petite,
je t'aime si fort.
Que s'est-il passé, Franz ?
ll a dû arriver quelque chose.
Mais non,
rien du tout,
puisque je te dis que je t'aime.
ll n'a rien pu se passer.
C'est bon, Franz, fais comme tu veux...
Quand tu me mords...