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Film sur les événements de 2014. Les scènes de reconstitution ont été tournées avec les acteurs réels des événements.
Vladimir Poutine: J'avais invité au Kremlin les dirigeants de nos services de renseignements et du ministère de la Défense pour leur donner une mission:
sauver la vie du président ukrainien.
Dans la nuit du 22 au 23 février 2014 a été menée une opération sans précédent dans l'histoire contemporaine:
le président de l'Ukraine en flammes a été secrètement extradé sur ordre du chef de l’État russe.
Nos services de surveillance radio avaient en fait commencé à suivre son convoi.
Il était clair que Viktor Ianoukovitch allait prochainement tomber dans une embuscade. Il allait tout simplement être éliminé.
Le président légitime de l'Ukraine a demandé directement à la Russie de sauver sa vie.
Tous les détails de l'opération qui a suivi, il y a exactement un an, sont restés confidentiels
et n'étaient connus que de Vladimir Poutine et ceux qui remplissaient ses ordres.
Andreï Kondrachov: Si je comprends bien, vous avez personnellement passé la nuit entière à organiser l'opération pour le sauvetage de Ianoukovitch?
Tout à fait. Dans la nuit du 22 au 23. Nous avons terminé vers 7 heures du matin.
Au moment de nous quitter j'avais dit à tous mes collègues (ils étaient quatre):
"La situation est telle en Ukraine que nous devons commencer le travail pour le retour de la Crimée au sein de la Russie.
Parce que nous ne pouvons pas abandonner ce territoire et ses habitants en détresse aux nationalistes".
Et j'avais donné certaines directives, j'avais dit ce que nous devions faire et comment,
mais j'avais tout de suite souligné que nous le ferions uniquement si nous étions absolument convaincus que les habitants de la Crimée le voulaient eux-mêmes.
Il fallait offrir aux gens la possibilité de l'autodétermination, d'exprimer leur avis. C'était notre objectif.
Je vous le dis en toute sincérité.
Je me disais: si les gens le veulent, alors qu'il en soit ainsi.
Ils auront alors davantage d'autonomie et certains droits, mais au sein de l’État ukrainien – qu'il en soit ainsi.
Mais s'ils en décidaient autrement, nous ne pouvons pas les abandonner.
Crimée. Retour à la Patrie
Kiev. Février 2014
La confrontation s'aggrave considérablement à Kiev le 18 février.
Le premier coup de feu ciblé est tiré à 13h30.
De la même manière, d'une balle dans la nuque, meurent ensuite cinq hommes des forces nationales.
Les nationalistes du Pravy Sektor attaquent le bureau du Parti des régions, un employé est brûlé vif.
Le lendemain on compte déjà 25 morts dans le centre de Kiev.
Le 20 février, des tireurs d'élite ouvrent le feu sur le Maïdan. Sur les deux camps. Selon diverses estimations, entre 75 et 100 personnes sont tuées.
Tout change très vite. Le sang commence à couler. Avec les tirs sur le Maïdan.
Comment Ianoukovitch se comportait-il à ce moment ? Il devait forcément vous téléphoner pour demander une rencontre ?
Oui. Il m'a d'abord appelé le 21 au soir. Il a dit avoir l'intention de se rendre à Kharkov pour participer à une conférence régionale.
Je lui ai dit ce que je pensais, que dans une telle situation il ne valait mieux pas quitter la capitale.
Il a dit : "Je vais réfléchir. Je ne sais pas. Je vous rappellerai. On en reparlera".
Ce soir-là, alors qu'on tirait aussi bien sur les manifestants que les forces de l'ordre sur le Maïdan, Viktor Ianoukovitch retourne pour la dernière fois dans sa maison pour y passer la nuit.
Puis il a téléphoné pour dire qu'il avait tout de même décidé d'y aller.
J'ai dit : "Au moins, ne faites pas entrer de forces de l'ordre supplémentaires".
Il répond : "Oui, j'en suis parfaitement conscient". Et il est parti en retirant toutes les forces de l'ordre.
A 9h17 du matin, le 21 février, en sortant de sa résidence de Mejgorie, Viktor Ianoukovitch s'arrête un instant, comme pour dire adieu.
Il n'y reviendra plus jamais. Même si, en réponse à son accord de satisfaire toutes les exigences de l'opposition,
il attendait encore du Maïdan et des médiateurs européens des solutions pacifiques.
Au lieu de cela, comme vous le savez, l'opposition a occupé le jour même l'administration présidentielle et le gouvernement.
Après cela (le 22 février), Viktor Ianoukovitch a téléphoné encore une fois pour dire qu'il se trouvait à Kharkov
et voudrait me rencontrer pour parler de la situation.
Bien sûr, j'ai répondu que j'étais prêt à le faire : "Où préférez-vous le faire ?".
Ce jour-là, bafouant la Constitution ukrainienne, les leaders du Maïdan placent Alexandre Tourtchinov à la présidence du parlement ukrainien
et destituent de facto Viktor Ianoukovitch.
Le président ukrainien apparaît à la télévision depuis Kharkov.
Viktor Ianoukovitch : Je n'ai pas l'intention de démissionner. Je suis un président légitimement élu. Mais ce qui se produit aujourd'hui est du vandalisme et du banditisme : un coup d’État.
A peine Viktor Ianoukovitch avait-il quitté Kiev que tour à tour Radoslaw Sikorski de Pologne, Olivier Bailly de la Commission européenne
et Dalia Grybauskaite de Lituanie ont commencé à déclarer que l'accord d'association avec l'UE serait signé avec le nouveau gouvernement ukrainien,
c'est pourquoi le président légitime au pouvoir Ianoukovitch avait clairement commencé à devenir gênant pour les organisateurs du coup d’État de Kiev.
Il nous a paru clair, et des informations commençaient à arriver, qu'on préparait non seulement sa capture mais,
de préférence pour les auteurs du coup d’État,
son élimination physique.
Comme disait une personnalité connue : pas d'homme, pas de problème.
Et l'évolution de la situation l'a confirmé.
S'il disparaissait, il serait plus simple pour les forces d'opposition de remplir les tâches qu'ils s'étaient fixées.
Le 22 février, Viktor Ianoukovitch a quitté Kharkov et a téléphoné à Vladimir Poutine pour demander une rencontre, cette fois depuis Donetsk.
J'avais déjà proposé : "Rencontrons-nous quelque part à Rostov pour que vous ne perdiez pas de temps pour les vols.
Je suis prêt à venir personnellement". J'ai reçu un autre appel et la sécurité de Viktor Ianoukovitch a dit : "Nous avons de graves problèmes, nous ne pouvons pas décoller".
Personnellement, j'avais déjà compris que quelque chose d'extraordinaire était en train de se produire.
Plus ***, nous avons appris que son convoi (de Viktor Ianoukovitch) avait été attaqué,
qu'on avait tiré sur le procureur général, Viktor Pchonka, et qu'un de ses agents de sécurité avait été blessé.
Autrement dit, à ce moment-là le coup d’État avait déjà été commis,
et l'opération pour la capture ou l'élimination du président avait déjà été lancée par les forces d'opposition.
Les dirigeants des quatre structures de force de Russie avait reçu l'ordre du chef de l’État de sauver la vie du président ukrainien.
Dans le même temps, Ianoukovitch était recherché par plusieurs autres services de renseignements avec la mission inverse, à l'initiative du Maïdan de Kiev.
Mais après la tentative échouée de décoller de Donetsk, le président ukrainien a disparu.
Son convoi s'est comme vaporisé dans l'Est de l'Ukraine.
Il a réussi à quitter Donetsk pour partir sans savoir où aller, visiblement...
Il est parti en Crimée. Il est parti en Crimée, mais quand on m'a montré la carte de son itinéraire...
Avez-vous vu l'itinéraire de son déplacement?
Quand il téléphonait, notre service de surveillance radio a commencé à suivre son convoi. À chaque fois, nous le localisions.
Mais quand on m'a montré la carte, il était clair qu'il allait rapidement tomber dans une embuscade...
Plus encore, selon nos renseignements, des mitrailleuses lourdes étaient déployées - pour faire court.
Autrement dit, personne n'avait l'intention de l'arrêter ?
Tout porte à croire qu'il aurait été tout simplement éliminé.
Ses agents de sécurité ont été informés qu'ils ne pouvaient pas aller plus loin.
C'est une curieuse façon de procéder, parce que tout était commandé sur une ligne téléphonique ouverte, et nous en profitions pour comprendre où il se trouvait.
Mais avant qu'on le localise grâce à nos moyens techniques, nous ignorions où il était.
C'est pourquoi nous nous étions préparés à l'évacuer directement de Donetsk par la terre, la mer ou les airs.
Vous aviez donc donné l'ordre aux diverses unités de se préparer au sauvetage de Viktor Ianoukovitch?
Oui. Comme il était déjà loin de Donetsk, les vedettes avaient besoin de beaucoup de temps – entre cinq et six heure pour approcher de la côte.
Et vous leur avez dit de se rapprocher du littoral, c'est-à-dire vous avez averti que sa vie était en danger?
Oui. Ils ont fait demi-tour, nous avons donné des indications au convoi pour aller vers le littoral.
Et nous avons envoyé des hélicoptères avec des forces spéciales à bord.
Les recherches ont duré près d'une heure et demie, le survol des dizaines de kilomètres de la côte ne donnait aucun résultat
les pilotes n'avaient aucun contact avec le convoi de Viktor Ianoukovitch,
et l'adjudant du président ukrainien téléphonait désespérément au Kremlin.
A un certain moment nous avons compris qu'ils n'arrivaient pas à le trouver,
les hélicoptères manquaient de carburant et devaient renter.
Les hélicoptères s'apprêtaient à faire demi-tour quand les pilotes ont aperçu un flash –
les véhicules du convoi avaient fait un appel de phare pour indiquer leur emplacement.
Comment en ont-ils eu l'idée?
Nous leur avions dit.
Vous et vos collègues?
Oui, bien sûr. Les pilotes les ont vus et les ont évacués.
Pilotes (inaudible) : Occupez la zone deux, 7:45...
Autorisation 60:45. Occupez – préalablement 7-44. Atterrissage autorisé.
Mais l'histoire ne s'est pas arrêtée là, parce que Viktor Ianoukovitch ne voulait pas partir en Russie et avait demandé de l'envoyer en Crimée.
Pendant encore quelques jours, alors que tous les événements autour du coup d’État évoluaient, il se trouvait en territoire ukrainien.
Puis, quand il s'est avéré qu'il n'avait plus personne avec qui s'entendre à Kiev, il a demandé son évacuation en Russie, et nous l'avons mise en œuvre.
Quand on vous a informé de son sauvetage, qu'avez-vous ressenti?
Ressenti? Que nous avions sauvé sa vie, la vie des membres de sa famille – il me semble que c'est une cause juste, noble.
Je ne veux pas juger ses activités ni son travail.
Il a dit : "Je ne pouvais pas signer le décret autorisant l'usage des armes, ma main n'a pas pu se lever".
J'ignore s'il peut être blâmé pour cela.
Je ne pense pas avoir le droit de le faire.
Est-ce bien ou mal – les conséquences de l'inaction sont graves, c'est évident.
Reconstitution des faits
Des milliers de personnes, les moins protégées, en ressentaient déjà les conséquences à ce moment-là.
En s'emparant de Kiev, les nationalistes avaient lancé la chasse à tous ceux qui contestaient leurs méthodes d'arrivée au pouvoir.
R.Iakovlev (chef de convoi, résident de Simferopol):
C'était le 20 février. Nous rentrions à la maison.
A.Bely (mécanicien, résident de Simferopol):
La route était bloquée. Je ne sais pas quel nom leur donner. C'étaient des sauvages.
Korsoun-Chevtchenkovski, région de Tcherkassy, Ukraine, le 20 février 2014
Le jour où les tireurs d'élite ont complètement maîtrisé le Maïdan, des civils rentraient en bus de Kiev en Crimée.
Ils s'étaient rendu à un anti-Maïdan – des manifestations pacifiques où
des habitants de Crimée (non armés) cherchaient à faire connaître l'avis de la péninsule, différente de celui de l'euro-Maïdan.
Les voitures de la police ukrainienne, qui avaient commencé à escorter le bus à mi-chemin,
ont conduit les Criméens dans une embuscade.
A.Botchkarev (chef adjoint du régiment de la milice populaire de Crimée):
Le convoi a été bloqué des deux côtés et le pire a commencé.
Des hommes armés de battes, dont certains étaient en état d'ébriété, ou sous l'emprise de drogues...
Reconstitution des faits
R.Iakovlev (chef de convoi, résident de Simferopol): Un homme est arrivé avec un arme à feu, un fusil, et a commencé de tirer à bout portant.
A. Grebnev (passager du bus, résident de Simferopol): Le chauffeur a été abattu sur le siège avant d'avoir pu bouger.
Reconstitution des faits
R.Iakovlev (chef de convoi, résident de Simferopol): Une foule de barbares est arrivée, ils ont commencé à briser les vitres.
A.Bely (mécanicien, résident de Simferopol): Ils jetaient des pierres. Puis, ils ont crié : "Sortez ou nous allons vous brûler vifs".
Il était difficile de survivre dans cette situation.
Et même impossible si les assaillants trouvaient un drapeau russe ou des slogans comme "La Crimée est à nous, nous ne la donnerons pas à Bandera"
ou simplement des photos, même sur les téléphones portables, des sévices sur le Maïdan.
M.Goupalo (passager du bus, résident de Simferopol) : J'ai retiré la carte mémoire de mon téléphone et de mon appareil photo.
Je l'ai cachée sous ma langue. Les photos de ma famille et de ce qu'ils ont fait sur le Maïdan.
À tout moment j'étais prêt à l'avaler simplement pour sauver ma famille.
A.Grebnev (passager du bus, résident de Simferopol) : Quand nous sortions du bus, nous avons vu un fossé : ils nous jetaient simplement dedans.
Ils nous frappaient et nous jetaient. Et nos hommes abattus étaient au sol. Six hommes étaient au sol. Notre chauffeur était sorti du bus et posé à côté.
A.Bely (mécanicien, résident de Simferopol) : Nous avons été forcés de chanter l'hymne ukrainien et de crier "Gloire à l'Ukraine".
Et pendant ce temps ils nous frappaient avec des battes. J'ai sept points de suture sur la tête.
M.Goupalo (passager du bus, résident de Simferopol) : Nous étions assis en tas.
Ils tiraient nos hommes, des Criméens,
pour les forcer à ramasser les débris de verre du bus dans leurs poches,
certains ont été forcés à les manger.
Ils les forçaient à manger du verre?
M.Goupalo (passager du bus, résident de Simferopol) : Oui, du verre.
Les gens en mangeaient malgré eux, parce que tout le monde voulait survivre.
Reconstitution des faits
A.Bely (mécanicien, résident de Simferopol) : Un des hommes a essayé de s'enfuir par les champs.
J'ai vu personnellement quand ils ont tiré. Il est tombé, et j'ignore toujours s'il est encore en vie ou non.
Les bus en feu ont réjoui la foule.
Et pendant que les partisans du Maïdan étaient passionnés par ce spectacle, les Criméens qui avaient survécu ont profité de l'occasion pour s'enfuir.
Mais tout le monde n'a pas réussi à s'échapper.
Les nationalistes ont organisé des embuscades dans les champs et dans les forêts dans les règles de l'art.
Reconstitution des faits
A.Botchkarev (chef adjoint du régiment de la milice populaire de Crimée) : Tout le monde a vu des voitures spéciales circuler,
à la recherche de ceux qui avaient fui les bus.
A. Botchkarev (commandant adjoint du régiment de milice populaire de Crimée): Nous sommes tombés sur les champs, là-bas; dans la forêt…
Nous nous cachions de ces gars parce qu'ils étaient des fascistes, des bandits.
Je vous jure qu'ils dégageaient une véritable haine bien que nous ne leur ayons rien fait.
Reconstitution des faits
Ils battaient comme plâtre ceux qu'ils attrapaient, en expliquant d'abord à leurs victimes que si elles survivaient, leur vie serait désormais très différente.
A. Bely (garagiste, habitant de Simféropol): Ils m'ont menacé avec un pistolet. Ils l'ont posé sur ma tempe. C'est la vérité.
R. Iakovlev (chef d'une colonne automobile, habitant de Simféropol): Ils se sont fâchés contre nous parce que nous étions Criméens: "Parle ukrainien!".
J'ai répondu: "Je ne le connais pas"
"Alors j'irais chez toi en Crimée pour éliminer toute ta famille parce que vous parlez russe".
A. Botchkarev (commandant adjoint du régiment de milice populaire de la Crimée): Ils nous tabassaient, vous comprenez?
Ils voyaient notre sang et notre douleur. Et ils s'amusaient: ça leur faisait plaisir. De quoi peut-on donc parler?
Après cette tragédie nous avons compris qu'il était impossible pour nous de rester en Ukraine.
Ce sont des fascistes,clairement des fascistes. Des nazis réels.
Korsoun-Chevtchenkovski, région de Tcherkassy, Ukraine, le 20 février 2014
Le pogrom de Koursoun - c'est ainsi que les médias ont nommé ensuite cette tragédie -
a coûté la vie à sept personnes selon les données du ministère ukrainien de l'Intérieur.
Les nationalistes ont brûlé quatre des huit autobus criméens dans la région de Tcherkassy.
20 personnes ont été portées disparues.
Quand nous avons vu cet éclat de nationalisme extrême, il est devenu clair que les habitants de Crimée allaient faire face à des temps très difficiles.
C'est précisément à ce moment-là - je voudrais le souligner - que nous nous sommes rendus compte que nous ne pouvions pas laisser les gens à leur sort,
les abandonner dans cette situation critique.
Simféropol, désigné par Kiev comme un bastion des ennemis du Maïdan, a reçu un ultimatum: il lui fallait démolir son monument de Lénine sous dix jours.
Cela a soudé la population et l'a poussée vers la contestation même avant le pogrom de Korsoun.
Et alors que certaines régions ukrainiennes passaient un examen de fidélité aux nationalistes, les Criméens créaient des unités d'autodéfense.
S. Aksionov (chef de la République de Crimée, leader du parti ukrainien l'Unité russe (2008-2014): Nous organisions chaque jour des entraînements
pour nous préparer à repousser une attaque si quelqu'un voulait abattre ce monument.
Pour nous c'était plutôt un symbole de stabilité, de notre capacité de garder le contrôle de la situation.
Quand vous avez lancé votre propre printemps criméen, vous ne saviez pas que la Russie soutiendrait la Crimée.
Est-ce que vous aviez peur?
S. Aksionov (chef de la République de Crimée, leader du parti ukrainien l'Unité russe (2008-2014): Vous savez,
notre dignité nous aidait probablement à surmonter cette peur.
"Nous construirons tous ensemble notre Crimée! La Crimée veut la paix! Nous construirons tous ensemble notre Crimée!"
Comment Sergueï Aksionov, est-il apparu?
Je ne sais pas. Je ne l'ai jamais connu, vu ou rencontré.
Je ne vous cache pas qu'on m'a fait connaître son nom, que les députés le proposaient,
que le Parlement criméen (la Rada criméenne) voulait cette personne.
Les rebelles insistaient sur un leader qui serait réellement l'un des "nôtres". Ils voulaient que leur leader soit Sergueï Aksionov.
Ils faisaient pression sur les députés, c'est vrai.
Peut-être, je ne sais pas. Cette décision appartenait aux Criméens, ils sont très locaux vous savez.
Bien sûr, c'était leur affaire. C'est lui qui a organisé les escadrons etc.
Quand j'ai interrogé l'un d'eux, le président du parlement de la Crimée, sur son attitude envers Aksionov,
Quand j'ai interrogé l'un d'eux, le président du parlement de la Crimée, sur son attitude envers Aksionov,
il m'a dit: "Il est comme Che Guevara. Nous avons aujourd'hui besoin d'un homme comme ça".
S. Aksionov (lors d'un rassemblement): Nous aspirons à une Crimée pacifique, stable et multiethnique où tous les gens pourraient vivre normalement.
S. Aksionov (chef de la République de Crimée, leader du parti ukrainien l'Unité russe (2008-2014): Le printemps criméen
a probablement triomphé grâce à l'unité de gens et d'opinions, à la formation de patriotes réels ayant une approche et une vision communes.
Le 22 février fut le jour de l'unification des Criméens.
Les combattants de Berkout sont revenus à Sébastopol et Simféropol.
Ils avaient subi des brûlures sur Maïdan, des tirs et étaient accusés du massacre effectué par des tireurs d'élite.
Tourmentés et écrasés, ils ont vu chez eux ce qu'ils ne pouvaient même plus s'imaginer à Kiev.
La foule scandait: "Berkout! Berkout!"
Dans l'intervalle, partout en Ukraine, les combattants et les commandants de Berkout étaient ciblés par des procédures criminelles et des arrestations.
Lvov les a mis sur les genoux.
Dans la ville de Rovno les a transférés à Pravy sektor.
Kiev a proposé de créer sur la base de Berkout une unité spéciale consacrée aux héros de Maïdan.
Ennemis de tout le pays, ils étaient les héros de la Crimée.
I. Abissov (commandant du bataillon criméen de Berkout, commandant de l'unité de réaction rapide du Ministère de l'Intérieur de la République de Crimée depuis l'août 2014):
C'était un vrai baume au cœur, une gorgée d'eau, d'air frais.
La certitude d'être chez nous, notre Crimée, et que nous ne la céderions plus à personne.
Vous comprenez?
C'était donc une certaine limite?
A. Botchkarev: C'était effectivement une limite. La décision a été prise ici sur la place Lénine, avec le peuple, les Criméens.
Ce jour-là on a transféré des dizaines de blessés dans les hôpitaux,
enterré un officier de Berkout et deux combattants des forces de l'Intérieur tués sur Maïdan et,
revenus à la base, compris qu'il ne faudrait désormais plus protéger l'ordre public, mais la paix en Crimée.
Kiev avait déjà promis de mettre de l'ordre dans l'Est et dans le Sud, partout où on n'aimait pas les idées du Maïdan.
Compte tenu de la composition ethnique de la population criméenne, la situation aurait certainement été encore plus dramatique.
C'est pourquoi nous devions prendre certaines mesures pour empêcher un tel scénario négatif.
Pour éviter les tragédies qui ont ensuite eu lieu à Odessa où des dizaines de personnes ont été brûlées vives.
Il nous fallait absolument prévenir l'effusion de sang.
La foule scande: "Berkout est le héros! Berkout est le héros!"
Les habitants de Simféropol protégeaient la base de Berkout face aux nationalistes 24 heures sur 24.
Ils apportaient des sacs de sable pour repousser une attaque éventuelle de Kiev.
Le commandant distribuait des armes aux combattants.
I. Abissov (commandant du bataillon criméen de Berkout, commandant de l'unité de réaction rapide du Ministère de l'Intérieur de la République de Crimée depuis août 2014):
Nous comprenions comment cela pourrait se terminer. Ils ont cassé les mains de certains avec des piolets.
L’ un d'eux a dit: "Casse-lui sa main droite: il s'en est servi pour jeter des grenades".
Ils ont même cousu un œil ensanglanté en disant: "Il n'en aura plus besoin, cousez cet œil".
Dans le vif… C'était leur manière de se moquer de nous.
Allez, ouvre la porte.
C'est là que se trouvait notre véhicule blindé.
Nous montrions à tout le monde que nous étions prêts à relever n'importe quel défi, à accueillir les hôtes indésirables…
Alors, dans le cas où…
I. Abissov (commandant du bataillon criméen de Berkout, commandant de l'unité de réaction rapide du Ministère de l'Intérieur de la République de Crimée depuis l'août 2014): Oui-oui. Oui.
Un tir direct. Quand la menace approchait, quand nous sentions qu'elle existait, qu'ils voulaient allez chez nous,
nous étions prêts à faire face à tous les scénarios.
Arsen Avakov, nouveau ministre de l'Intérieur nommé par le Parlement ukrainien, a ordonné de dissoudre Berkout.
Je cite: "Pour sa discréditation complète auprès du peuple ukrainien".
Toute unité régionale refusant de se soumettre à ce décret était considérée comme un groupe armé clandestin.
I. Abissov: Le matin, j'ai réuni les officiers dans mon bureau.
Je leur ai dit: "Votons à main levée, comme dans un kolkhoze, pour voir qui va jusqu'au bout ou qui veut s'en aller.
Je vous comprendrai, tout le monde vous comprendra. Il faut décider où aller: se diriger vers les montagnes ou tenter d'atteindre une division russe…
J'y réfléchirai en tant que commandant, mais actuellement nous faisons notre choix. Nous tous".
Tout le monde a levé sa main, tout le monde a consenti. Tous sans exception.
Et vous avez décidé de vous défendre?
I. Abissov: Oui, nous avons d'abord décidé de nous défendre nous-mêmes, nos familles.
Après les événements du Maïdan les entraînements du Berkout criméen ont intégré des éléments tout à fait nouveaux.
Les combattants ont travaillé non seulement sur leurs propres schémas, mais aussi sur les moyens de réaction utilisés contre eux sur le Maïdan.
Tout cela était préparé en avance?
I. Abissov: Les Américains invitaient chez eux des experts ukrainiens et des membres des structures de force
pour les échanges d'expérience, des programmes de formation.
Ils leur donnaient une feuille de papier et disaient: "Écrivez comment vous réagissez à tel ou tel regroupement, quelle formation vous utilisez…"
Alors les commandants des unités ukrainiennes écrivaient…
I. Abissov: Oui, ils décrivaient leur tactique, leurs méthodes de réaction aux masses:
aux hooligans, aux ultras ou à la foule prenant part à des désordres massifs.
C'était en 2006. Et après on a vu apparaître des manuels intitulés
"Comment faire face à Berkout" et expliquant par exemple comment arracher le casque de ses membres…
Ils écrivaient déjà à cette époque-là des manuels pour Pravy sektor?
I. Abissov: Effectivement.
Le point central de la situation résidait dans le fait que l'opposition était officiellement soutenue par les Européens.
Mais nous étions au courant, nous savions que nos partenaires et amis américains tiraient les ficelles.
C'étaient eux qui aidaient à former les nationalistes et des unités de combat dans l'ouest de l'Ukraine aussi bien qu'en Pologne et partiellement en Lituanie.
Nos partenaires, qu'ont-ils fait? Ils ont favorisé la mise en œuvre du coup d’État.
Autrement dit, ils ont commencé à agir de manière musclée.
Et je doute que ce soit le meilleur moyen d'action sur l'arène internationale en général et par rapport aux pays postsoviétiques en particulier.
Parce qu'il s'agit d’États toujours fragiles, instables. Il faut être prudent par rapport à leur structure, leur Constitution et leur législation.
Tout cela a été jeté sur le bas-côté et écrasé. Et vous voyez que les conséquences sont très graves.
Une partie d'entre eux l'a reconnu, mais l'autre partie ne veut pas. Et le pays a été divisé.
Comme il est devenu clair après le Maïdan,
l'Ukraine avait été scindée de manière technologique, selon des manuels qui considéraient le sang comme une réglementation ordinaire.
Voici un moyen d'action du Maïdan baptisé de manière romantique "Le hêtre des Carpates".
S. Martchenko (commandant de l'unité spéciale de Berkout de la République de Crimée): Le premier rang avait les mains vides, il ne portait rien.
Mais le deuxième rang avait du vernis et de la peinture pour couvrir nos visières.
Le combattant touché levait donc sa visière et recevait un coup sur son visage avec du bois de hêtre des Carpates.
"Attention aux pierres!"
Sergueï Martchenko, commandant de l'unité spéciale de Berkout criméen, et ses combattants, ont subi tous les feux du Maïdan.
Aujourd'hui il peut lui aussi écrire des manuels sur les moyens d'action de la foule révolutionnaire.
S. Martchenko: Il y avaient des spécialistes qui trouvaient des brèches, des points faibles dans les formations tactiques.
Ils jetaient donc là-bas leurs cocktails Molotovs?
S. Martchenko: Ils les jetaient effectivement dans les brèches, sur les points non-protégés.
Chaque membre de Berkout a perdu sur le Maïdan cinq ou six uniformes à cause des brûlures.
Ils utilisaient parfois jusqu'à 20 extincteurs par heure pour éteindre les flammes l'un sur l'autre.
Le Berkout criméen a perdu un officier, et 32 personnes ont été blessées par balles pendant le premier jour d'action des tireurs d'élite inconnus.
I. Abissov: Si vous analysez leurs blessures, vous verrez que ce sont celles des mains qui portaient le bouclier (après quoi il n'était plus possible de le tenir),
et des genoux qu'ils frappaient.
Ces tireurs n'étaient donc pas des gens qui étaient tout simplement venus défendre leurs droits parce qu'ils n'aimaient pas le régime de Ianoukovitch.
Les combattants de Berkout faisaient face à des tireurs professionnels, qui avaient participé à des combats sur plusieurs points chauds.
Ces actions visant à renverser le gouvernement légitime avaient déjà été perfectionnées dans plusieurs pays. C'est tout.
Avant de mener les actions du 22 février à Kiev,
il fallait se pencher sur les conséquences pour le pays de ce genre d'actions pour résoudre les problèmes politiques.
Il est facile de mettre tout sens dessus-dessous,
mais il faut quand-même tenir compte des intérêts des partenaires si nous voulons que tout le monde se respecte.
En ce qui concerne l'injustice historique, nous avons toujours considéré Sébastopol comme une ville de gloire de la flotte russe.
Mais où était Sébastopol et la gloire de la flotte russe? Tout a été bouleversé.
L'histoire russe n'a connu aucune autre ville dont la défense ait exigé tant de sang. La ville héros, la ville forteresse, la ville amiral.
Elle avait un statut à part même à l'époque soviétique: toute la Crimée avait été transmise à la République soviétique d'Ukraine,
mais la glorieuse Sébastopol était toujours gérée au niveau de l'Union.
Ici l'amour envers la Russie était le plus fort et les
et les rassemblements antinationalistes à Sébastopol ont été plus importants que dans le reste de la Crimée.
La foule scande: Non au fascisme! Non au fascisme! Non au fascisme! Non au fascisme!
Encore une exception notable: les habitants de cette ville de jure ukrainienne, ont élu lors du rassemblement du 23 février un maire qui était un citoyen russe.
Alexeï Tchaly (président du parlement de Sébastopol): En 1991, quand Boris Eltsine a annoncé la décision d'enterrer l'Union soviétique après
les accords de Belaveja, je me suis dit: "C'est la fin". J'ai vu des changements subtils dans les choses tout à fait ordinaires: la devise, le contrôle frontalier,
l'enseignement dans les écoles et les jardins d'enfants… Et comme la télévision était publique, elle devait transmettre en ukrainien.
C'était un non-sens: personne ici ne parlait ukrainien.
Contrairement au reste de la Crimée, on n'a jamais enseigné l'ukrainien à Sébastopol à cause du statut spécial de la population.
Mais les autorités serraient progressivement la vis. Ils ont adopté plus de 40 lois limitant l'utilisation du russe.
Ainsi, tous les documents des entreprises devaient être rédigés en ukrainien.
Il y avait beaucoup de fonctionnaires envoyés de Kiev et de l'Ukraine occidentale.
Ils craignaient le séparatisme?
A. Tchaly: Oui, mais ils ne pouvaient rien faire.
Alexeï Tchaly a fait lui-même reconstruire la 35e batterie glorieuse de Sébastopol, sur ses propres fonds et les dons de la population.
Aujourd'hui les marins y prêtent serment.
Réplique: …les capacités de combat des navires et des unités, de perpétuer les traditions glorieuses de combat de la flotte de la Mer noire.
Réplique: Au service de la Russie!
Réplique: Reçu!
Il y a des années, des fonds privés ont également servi à publier un manuel d'histoire de Sébastopol qui contrebalançait,
dans les écoles, les cours officiels d'histoire faisant l'éloge du nationaliste Stepan Bandera.
Les habitants de cette ville de gloire russe gardaient donc leur culture historique, mais résistaient également à l'influence étrangère.
C'est pourquoi quand quelqu'un considère le printemps criméen comme la troisième défense de Sébastopol, les habitants de la ville le corrigent:
"Au printemps 2014, ce n'était pas la défense, mais l'attaque. La défense avait duré les 23 années précédentes".
V. Melnikov: (membre de la 3e compagnie de réaction rapide des forces d'autodéfense de Sébastopol, vétéran de la guerre en Afghanistan):
La gloire de Sébastopol est si impérissable que même après 23 ans d'occupation…
Considérez-vous cela comme une occupation?
V. Melnikov: Oui, une occupation. Je suis un officier qui n'a pas prêté le serment ukrainien.
Nous avons réussi à garder en nous l'amour pour la Russie, pour l'histoire. Après tout, Sébastopol est loin d'être une simple ville…
Viktor Melnikov, chef de détachement au sein du 13e régiment de réaction rapide de la Garde de milice populaire de Sébastopol.
La milice populaire s'est formée dans cette ville en décembre 2013, deux mois avant les tirs sur le Maïdan.
Après le coup d’État à Kiev, c'est comme si tous les habitants de Sébastopol s'étaient transformés en milice populaire.
V.Melnikov: En soixante ans je n'avais jamais connu d'événement historique où le peuple a défendu sa ville unanimement,
avec le cœur, l'esprit, de manière aussi dévouée et loyale.
L'avez-vous défendue?
V.Melnikov: Oui. Et nous le referions s'il le fallait.
Dans la conscience du citoyen russe et de l'homme slave, la Crimée est associée aux pages héroïques de notre histoire:
la période d'acquisition de ces territoires par la Russie, la défense héroïque puis la prise de la Crimée et de Sébastopol pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Crimée est associée à l'histoire russe, à la littérature russe, à l'art, à la famille impériale.
Globalement, tout le fil de l'histoire russe est d'une manière ou d'une autre entremêlé avec la Crimée.
26 février 2014, Simferopol. Le Conseil suprême de Crimée annonce une réunion extraordinaire.
Il était prévu d'organiser un référendum pour déterminer le statut de l'autonomie mais sur ordre de Kiev, le Mejlis (parlement) des Tatars de Crimée,
engagé par le Maïdan, a fait sortir sur la place plusieurs milliers de personnes.
Monsieur Aksionov, voici le lieu où s'est tenu le fameux rassemblement du 26 février.
Y avez-vous directement participé? Vous en souvenez-vous aujourd'hui? Comment tout s'est passé?
Sergueï Aksionov (dirigeant de la République de Crimée, leader du parti panukrainien Unité russe (2008-2014): Oui, je me souviens de tout!
C'est difficile à oublier. Kiev avait ordonné au Mejlis (parlement) de Crimée d'empêcher le déroulement de toutes les sessions sur le
territoire de la République de Crimée et, si possible, de prendre le bâtiment du parlement criméen.
La majorité des Tatars de Crimée affirment qu'ils n'ont jamais voulu de conflit.
Mais la police avait adopté une position erronée et nous devions commencer à concentrer nos hommes à gauche de l'entrée.
Ici.
Sergueï Aksionov: Oui.
Sachant que Kiev avait envoyé en renfort au Mejlis des représentants du Pravy Sektor, qui portaient des drapeaux de Bandera.
Ce sont ces hommes qui ont commencé la confrontation vers midi.
Igor Gueorguievski était présent au rassemblement et faisait partie de ceux qui tentaient d'empêcher la foule de pénétrer dans le bâtiment du Conseil suprême.
Igor Gueorguievski (cosaque du détachement des Cosaques du Terek en Crimée et à Sébastopol): Il y avait la bannière rouge-noir de Bandera.
Vadim Ilovtchenko: Il y avait déjà des bannières de Bandera.
Igor Gueorguievski: En plus des drapeaux ukrainiens.
Vadim Ilovtchenko (chef cosaque du détachement des Cosaques du Terek en Crimée et à Sébastopol): Ils voulaient montrer leur force.
Parfois, ils attrapaient sous les bras et décollaient même du sol. Pendant la confrontation, deux murs s'affrontaient et se poussaient.
C'était très fatigant. On se séparait pour reprendre notre souffle.
Mikhaïl Cheremet (chef de la milice populaire de Crimée): Ils séparaient la foule en coins, ils pressaient et passaient par derrière.
Je me trouvais ici avec le chef du premier régiment Sergueï Tourtchanenko. On m'a fait tomber ici…
A cet endroit?
Mikhaïl Cheremet: Oui. Je n'arrivais plus à me relever. Je le remercie, il m'a sorti pour éviter que je me fasse piétiner.
Ces images ont été enregistrées par le chef de section du 3e régiment de la milice populaire, Pavel Taran, vétéran afghan.
Les 30 individus hospitalisés ce jour-là s'en sont encore bien sortis, selon lui.
Pavel Taran (chef de section du 3e régiment "afghan" de la milice populaire): Il y avait une grande bousculade. Un vieillard était tombé près de nous.
Nous avons essayé de le retenir pour ne pas qu'il se fasse écraser. On nous a séparés. Nous n'avons pas réussi à retenir la foule.
Ce vieillard fait partie des victimes?
Pavel Taran: Oui, il est décédé.
Une voix dans la foule: Où est l'ambulance? Plus vite! C'est terrible!
A un moment des bouteilles avec de l'eau,
du sable et de la poudre ont été lancées de manière organisée de là où se trouvaient les drapeaux du Mejlis et du Pravy Sektor.
Les Criméens blessés ont été repoussés et la foule a pénétré dans le bâtiment du parlement.
Mikhaïl Cheremet (chef de la milice populaire de Crimée): Ils avançaient en hurlant vers les portes avec un seul but: les casser et pénétrer dans le bâtiment.
Quelle porte exactement?
Mikhaïl Cheremet: Nous la regardons. En principe, cette porte, la dernière.
Cependant, en pénétrant dans le bâtiment où siégeaient leurs compatriotes-députés, les Tatars de Crimée se sont perdus.
Les gens ne savaient manifestement pas quoi faire ensuite.
Le leader du Mejlis, Moustafa Djemilev, a cessé de donner des ordres par téléphone, et les extrémistes du Pravy Sektor
avec leur expérience de prise de bâtiment à Kiev n'ont pas réussi à pénétrer dans le parlement criméen.
Cris dans la foule: Gloire aux héros! Gloire à l'Ukraine!
Il s'est avéré que la milice populaire avait bloqué les intrus.
Les partisans du Maïdan de Kiev ont été identifiés malgré leurs efforts de se faire passer pour des manifestants ordinaires d'une protestation spontanée.
Extérieurement, cela ressemble à un rassemblement spontané.
Enver Kourtametov (chef du 13e régiment de la milice populaire de Crimée): Non, vous vous trompez. C'était un rassemblement préparé à l'avance.
Regardez l'homme en veste rouge – c'est également un superviseur. Vous voyez?
Ce sont tous des superviseurs avec une veste rouge, ils se tiennent à une distance d'une dizaine de mètres entre eux.
Et ici se trouve visiblement le chef de leur groupe. Il travaillait avec une capuche pour ne pas montrer son visage.
Le voici. Un là et un là.
C'est cette ligne de confrontation qu'ils voulaient constituer? Des Slaves d'un côté et des Tatars de l'autre?
Enver Kourtametov (chef du 13e régiment de la milice populaire de Crimée): Ils voulaient faire naître une ligne de confrontation entre les Slaves et les Tatars
pour qu'ils commencent à s'entre-tuer
Je suis moi-même Tatar de Crimée. Les gens ont été trompés.
Parce qu'on disait qu'en adhérant à la Russie nous serions déportés à Magadan ou dans l'Oural. Des absurdités…
On faisait peur aux Tatars en brandissant la menace des déportations?
Enver Kourtametov: Il y avait de telles rumeurs.
Les miliciens ont vu que la plupart des Tatars de Crimée présents au rassemblement étaient eux-mêmes surpris par les technologies
qui ont commencé à être utilisées de leur côté.
Enver Kourtametov: Je vais vous montrer un épisode. Vous voyez? Tout le monde commence à se protéger.
Certains avaient même préparé des masques pour respirer.
Outre le gaz neuroparalytique, ils ont utilisé une nouveauté – le verre de lampes luminescentes réduit en poussière.
Tous ceux qui tombaient dans le nuage de cette poudre ne pouvaient plus ouvrir les yeux pendant plusieurs jours.
Mikhaïl Cheremet (chef de la milice populaire de Crimée): Ça piquait les yeux. Les gens étaient tout simplement aveuglés.
Vadim Ilovtchenko (chef cosaque du détachement des Cosaques du Terek en Crimée et à Sébastopol): Je me souviens qu'à ce moment Sergueï Aksionov
arrivait de l'entrée centrale son visage avec des traces de coups. Il n'a pas non plus été épargné.
Réplique: Oui, il séparait aussi la bagarre.
Vadim Ilovtchenko: Il séparait la bagarre.
Sergueï Aksionov dans la foule: Les Cosaques, par ici! Les gars, à ma gauche!
Sergueï Aksionov (dirigeant de la République de Crimée, leader du parti panukrainien Unité russe (2008-2014): J'essayais de les séparer de toutes
mes forces. Sachant que certains de mes collègues appelaient à prendre les armes… Mais vous comprenez – résister à Kiev, au Pravy Sektor,
est une chose, mais commencer pour les Criméens un conflit armé avec une autre ethnie, c'est complètement différent.
Sergueï Aksionov au rassemblement: Les Criméens vous attendent tous, indépendamment de l'origine ethnique, pour passer des vacances, être amis et travailler.
Une partie des Tatars de Crimée a été influencée par leurs leaders.
Certains sont, je souligne, des combattants professionnels pour les droits des Tatars de Crimée, pour les droits de l'homme.
Pour certains d'entre eux la situation est très désagréable parce qu'en quelque sorte ils sont devenus inutiles.
Les Tatars de Crimée ne sont pas une masse homogène, il y a plusieurs profils.
La milice locale a agi de manière énergique, y compris en trouvant le soutien d'une partie de la population tatare de Crimée.
Et les tatars de Crimée ont coopéré avec la milice. Des Tatars de Crimée en faisaient également partie.
Les leaders du Mejlis persuadaient les gens que la réunification de la Crimée avec la Russie changerait la vie des Tatars de Crimée pour le pire.
Le chef du 15e régiment tatar de la milice Enver Kourtametov arrivait facilement à convaincre ses compatriotes du contraire:
la vie des Tatars de Crimée ne se détériorerait pas, parce qu'elle ne pouvait pas être pire.
Enver Kourtametov (chef du 13e régiment de la milice populaire de Crimée): Depuis toutes ces années nous n'avons rien vu de positif de la part de l'Ukraine.
Rien de bien. A l'époque de l'Ukraine, les gens avaient un salaire officiel de 1 200 hryvnias. Cela ne suffit pas pour nourrir la famille.
Vous voyez bien que les gens n'arrivent pas à créer des conditions de vie normales.
Voici le village de Mamout-Soultan, parmi tant d'autres sur les territoires historiques des Tatars de Crimée datant des XIV-XVIIe siècles.
De retour ici il y a 30 ans d'Asie centrale, ces gens sont retombés dans le Moyen Âge et n'arrivent toujours pas à s'en sortir: il n'y a pas d'eau,
pas de canalisations, pas de chauffage ni même d'électricité.
Lilia Okazova (résidente de Mamout-Soultan): Entrez, pas la peine d'enlever vos chaussures. Entrez.
Réplique: Allez-y.
Lilia Okazova (résidente de Mamout-Soultan): Entrez. Voici les lits. Nous vivons ici à trois. Mon fils travaille ici.
Voici les étagères avec nos affaires. Sinon, nous sommes cinq.
Dans cette petite baraque?
Lilia Okazova: Oui, oui.
Réplique: Moi, j'ai par exemple quatre enfants, mais je n'ai pas de maison.
Réplique: L’État ne nous a fourni aucune habitation.
Réplique: Il n'y a pas d'eau, d'électricité ou de bonnes routes. En hiver tu marches jusqu'aux genoux dans la boue.
Est-ce que Kiev tenait toujours ses promesses?
Lilia Okazova: Il ne l'a pratiquement jamais fait. Il nous manipule tout simplement. Il se sert de nous comme de leviers. C'est tout.
Enver Kourtametov se trouvait à Kiev quand les nationalistes persécutaient les Criméens russophones après la victoire du Maïdan.
Il a aidé 360 compatriotes à revenir chez eux par les champs et des sentiers peu connus.
Arrivé en Crimée, il a tout de suite formé un escadron multiethnique pour se protéger des nazis.
Enver Kourtametov (commandant de la 13e compagnie de la milice populaire de Crimée): Il fallait parfois se déplacer pendant plus de 24 heures consécutives,
il y avait des nuits sans sommeil. Nous et tous les miliciens garantissions le service 24 heures sur 24.
Un jour, une jeune fille fragile a rejoint la section médicale de sa compagnie. C'était, pour Enver, son propre printemps criméen.
Marina Kornitskaïa (femme d'Enver Kourtametov): Nous nous sommes mariés sept jours après notre rencontre.
C'était donc un coup de foudre?
Enver Kourtametov: Oui. Elle m'a vu, m'a conquis et m'a pris. C'est tout.
A Kiev on dit souvent que la Russie échouera en Crimée car les Russes n'arriveront jamais à s'entendre avec les Tatars de Crimée.
Qu'est-ce que vous en pensez, Marina?
Marina Kornitskaïa: Moi, j'ai sans doute trouvé un terrain d'entente avec les Tatars de Crimée.
Une fille lit un poème en tatare.
Les églises côtoient les mosquées depuis des siècles en Crimée, d'Alouchta à Simféropol en passant par Soudak et Kertch.
Bakhtchissaraï est l'ancienne capitale du khanat de Crimée. Mais est-ce que quelqu'un a glorifié ses jets d'eau mieux que Pouchkine?
Il existe 150 ethnicités en Crimée. Et l'importation de conflits interethniques est ici la source principale de préoccupation depuis la perestroïka.
Mais nous n'avons envie de vexer personne: les Tatars de Crimée, les Allemands qui y habitent, les Grecs, les Arméniens, les Russes ou les Ukrainiens.
Nous voulons que la région soit une famille unie.
Compte tenu des problèmes historiques auxquels font face les Tatars de Crimée,
nous considérons qu'il est de notre devoir de les résoudre avec tous les habitants.
Nous nous opposons à tout partage ethnique: nous sommes tous, aujourd'hui, citoyens de la Fédération de Russie.
Vous savez, dans ce contexte j'ai été agréablement surpris par les réponses des Criméens quand nous nous parlions lors de ces événements.
Je leur ai demandé: "Combien d'Ukrainiens y-a-t-il?" Et ils m'ont dit: "Vous savez, on ne fait pas un partage comme ça. Nous sommes tous une famille".
Le soulèvement et l'unité du peuple - qu'on appellera peu de temps après le "printemps criméen" - ont pris de l'ampleur en une semaine.
Le 22 février, le Berkout, brûlé sur le Maïdan, prête serment à la Crimée.
Le 23 février à Sébastopol, un grand rassemblement de contestation antifasciste élit Alexeï Tchaly comme son maire populaire.
Parallèlement, Simféropol lance le recrutement de la milice populaire de Crimée.
Le 24 février à Kertch, Evpatoria, Feodossia, Yalta, Sébastopol et Simféropol éclatent des manifestations et des rassemblements,
des appels spontanés à rejoindre la Russie.
Le 25 février lors d'un rassemblement à Simféropol, la Crimée décide de ne plus se soumettre aux autorités ukrainiennes.
Le 27 février: Kiev envoie vers la Crimée le dit "train de l'amitié", formé par Igor Mossiïtchouk, un des chefs de Pravy sektor qui a annoncé:
"Les séparatistes criméens vont payer pour tout".
L'heure H de la milice criméenne est donc arrivée.
20h15: heure de l'arrivée du train à Simféropol et donc du lancement de l'opération punitive.
Les miliciens se sont dirigés vers la gare pour accueillir les bandits qui avaient déjà fait couler le sang sur le Maïdan.
Ces derniers ont apporté avec eux tout le nécessaire, des bâtons et des barres en fer jusqu'aux cocktails Molotov
en passant par les armes à feu obtenues suite aux pillages des arsenaux de l'armée dans la région de Lvov. Toute la Crimée était au courant.
Mikhaïl Cheremet (commandant de la milice populaire de Crimée): Nous nous sommes réunis pour empêcher les fascistes de prendre notre terre natale.
Nous avons vu ce qu'ils avaient fait sur la place centrale de Kiev. Avez-vous vu ce qu'il en restait? Il n'y a plus rien que des ruines et des cendres.
Nous nous sommes soudés pour défendre notre région natale.
Défendre notre région, nos familles, notre maison.
Qui étaient les membres de votre grand régiment?
Mikhaïl Cheremet: Des hommes d'affaires accomplis, qui arrivaient dans des voitures de luxe et
rejoignaient les rangs comme des soldats tout à fait ordinaires, ainsi que des ouvriers et des bâtisseurs très simples, des représentants de tous les métiers.
Nous avions même une compagnie de forgerons qui nous a fourni des boucliers.
Oleg Krivoroutchenko (forgeron): Nous travaillions 24 heures sur 24 pour fabriquer environ 40 boucliers par jour. C'est ici que nous dormions et mangions.
Il nous fallait enjamber ceux qui étaient couchés par terre.
Nous avions pris en considération les expériences du Maïdan et supprimé les trous de regard au bas des boucliers pour
les protéger en cas de jets éventuels de cocktails Molotov.
Les miliciens ont même renoncé à l'aluminium, le matériel traditionnel des boucliers antiémeutes.
Oleg Krivoroutchenko: Ils sont bien sûr beaucoup plus solides. Ils sont en acier…
Ils peuvent donc arrêter une balle?
Oleg Krivoroutchenko: Il est peu probable qu'ils puissent arrêter une balle. Mais ils peuvent vous protéger contre une balle morte de pistolet.
Les armures qu'avaient mises les forgerons pour accueillir les nationalistes armés jusqu'aux dents n'étaient visiblement pas en mesure de les protéger
contre les tirs de fusils d'assaut de ces derniers. La foi était leur arme principale. Ils avaient peint leurs boucliers aux couleurs du drapeau russe.
La foule scande: "La Crimée! La Russie!"
Reconstitution des événements.
Mikhaïl Cheremet (commandant de la milice populaire de Crimée): Nous nous sommes encouragés l'un l'autre. Je voyais de la peur dans les yeux.
Nous comprenions où nous allions. Nous comprenions que ces gens ne venaient pas les mains vides. Nous connaissions leur objectif.
Nous avons surmonté nos craintes. Nous nous croyions capables d'arrêter ce train.
Après trois heures tendues d'attente le commandant de la milice a appris qu'ils arrivaient.
Reconstitution des événements.
Les miliciens ont serré les boucliers sur le quai. L'attente se poursuivait.
Mikhaïl Cheremet (commandant de la milice populaire de Crimée): Le train est arrivé deux heures après. Il faisait peur. Vous savez, comme un train fantôme.
Qu'est-ce que pensaient les gens à ce moment-là? De quoi parlaient-ils?
Mikhaïl Cheremet: Que nous ne les laisserions pas passer. Que nous tiendrions jusqu'au bout.
Les gens de toutes les origines et de toutes les religions se sont réunis. Nous nous sommes soudés autour d'un seul drapeau, le drapeau de Crimée.
Le train s'arrêtait devant les miliciens. Les fenêtres étaient ouvertes, les compartiments étaient éclairés.
Et tout le monde s'est rendu compte que le "train d'amitié" était vide.
Mikhaïl Cheremet: Je pense qu'ils avaient eux-aussi leur renseignement.
Ils ont eu des informations de la gare selon lesquelles les gens les accueilleraient, qu'ils n'allaient pas les laisser passer.
Et la peur tout à fait animale a prévalu: ils ont tiré le frein et foutu le camp.
Comme il s'est avéré après, ce groupe nazi a exigé d'arrêter le train avant l'arrivée en Crimée et débarqué plusieurs tonnes d'armes pendant trois heures.
Les services secrets ukrainiens avaient prévenu les leaders de Pravy sektor que 1 500 miliciens les attendaient à Simféropol.
Et les nationalistes n'avaient aucune envie d'aller à un tel rendez-vous.
Mikhaïl Cheremet (commandant de la milice populaire de Crimée): A mon avis Dieu merci que tout se soit passé comme ça.
Car nous sommes des gens pacifiques. Nous ne voulons pas de sang, nous ne voulons aucun affrontement.
Nous voulons tout simplement la paix et le bien-être. C'est cela qui nous a soudé.
Parce qu'au-delà de la nécessité de sauver sa terre, tout le monde a également un objectif personnel: sauver sa famille, l'arrière.
D'après vous, quel est le rôle des miliciens dans ce grand Printemps russe venu en Crimée?
Il est immense.
Je dirais qu'il est primordial.
Parce que je le répète, initialement, quand nous nous sommes quittés à 7 heures du matin,
Parce que je le répète, initialement, quand nous nous sommes quittés à 7 heures du matin,
j'avais dit à mes collègues que nous ferions tout cela uniquement si les gens le souhaitaient.
j'avais dit à mes collègues que nous ferions tout cela uniquement si les gens le souhaitaient.
Et, bien évidemment, nous devions prendre appui sur les milices locales.
Et, bien évidemment, nous devions prendre appui sur les milices locales.
Vous savez, à un certain moment il nous fallait même les retenir. Mais en réalité elles étaient presque tout le temps à l'avant.
Vous savez, à un certain moment il nous fallait même les retenir. Mais en réalité elles étaient presque tout le temps à l'avant.
Samvel Martoïan fait partie des chefs de milice populaire les plus connus.
C'est notre Patrie. En tant qu'hommes, nous devons avec toi défendre notre Patrie, n'est-ce pas?
Oui.
Il se décrit très brièvement comme un ancien-officier soviétique, Criméen.
En février 2014, il a réuni et pris le commandement d'un régiment d'hommes armés de manches de pelle.
Le 27 février, son 4e régiment a reçu sa première mission de la part de Sergueï Aksenov.
Le 27 février, son 4e régiment a reçu sa première mission de la part de Sergueï Aksenov.
Nous attendions. Sergueï Aksenov est sorti pour annoncer: "Il faut prendre l'aéroport".
Nous attendions. Sergueï Aksenov est sorti pour annoncer: "Il faut prendre l'aéroport".
Je dis: "Pas de problème. Avec quels moyens?".
Il répond: "Les seuls: des manches de pelle".
Va pour les manches de pelle, alors.
L'aéroport de Simferopol, le plus grand de Crimée, a commencé le 27 février à représenter l'un des plus grands dangers.
L'aéroport de Simferopol, le plus grand de Crimée, a commencé le 27 février à représenter l'un des plus grands dangers.
Pris de panique suite à la décision des députés de Crimée, Kiev s'apprêtait à envoyer à Simferopol des troupes aéroportées.
Les miliciens ne savaient même pas encore comment fermer l'aéroport aux avions militaires.
Les miliciens ne savaient même pas encore comment fermer l'aéroport aux avions militaires.
Des policiers armés leur avaient bloqué la route.
Samvel Martoïan (chef du 4e régiment de la milice populaire de Crimée): S'ils l'avaient voulu, ils nous auraient probablement tués.
Reconstitution des faits
La police se compose également de Criméens, de locaux, qui soutenaient furtivement les miliciens, c'est pourquoi elle leur a donné la possibilité d'agir.
La police se compose également de Criméens, de locaux, qui soutenaient furtivement les miliciens, c'est pourquoi elle leur a donné la possibilité d'agir.
Samvel Martoïan: On s'échange des regards: "On y va?", "On y va". Nous nous approchons de la clôture forgée et commençons à la casser.
Samvel Martoïan: S'ils l'avaient voulu, ils nous auraient probablement tués. Même s'ils étaient avec nous dans l'âme, honnêtement.
Reconstitution des faits
Le plan de Samvel Martoïan était simple mais efficace –
allumer sur la piste d'atterrissage des tonneaux de carburant pour que même visuellement,
les pilotes militaires ukrainiens puissent voir que l'atterrissage était impossible.
Samvel Martoïan (chef du 4e régiment de la milice populaire de Crimée): Nous avons installé les tonneaux et étions prêts à les mettre en feu.
Nous avons allumé les torches et j'ai téléphoné à Sergueï Aksenov pour lui rendre compte de la situation.
Nous avons allumé les torches et j'ai téléphoné à Sergueï Aksenov pour lui rendre compte de la situation.
Je dis: "Je suis sur la piste d'atterrissage et je suis prêt à mettre le feu".
"Attends mon ordre, Samvel", me répond-il.
Et dans littéralement 30 secondes il ordonne:
"Samvel, nous avons fait notre affaire. Il a été rapporté à Kiev que la piste d'atterrissage était prise, les avions n'y atterriront pas".
"Samvel, nous avons fait notre affaire. Il a été rapporté à Kiev que la piste d'atterrissage était prise, les avions n'y atterriront pas".
Reconstitution des faits
Mais les miliciens se sont réjouis trop vite. Le service de sécurité d'Ukraine était déjà en état d'alerte.
Or la direction du service de sécurité d'Ukraine comptait de nombreux soutiens du Maïdan.
Des hommes armés de fusils d'assaut ont couru vers nous.
ls nous ont encerclés. Nous sommes sortis devant le terminal et attendions.
ls nous ont encerclés. Nous sommes sortis devant le terminal et attendions.
Reconstitution des faits
- Qui êtes-vous?
- Nous sommes la milice populaire de Crimée, je suis chef de régiment, mon nom est Samvel.
- Pourquoi avez-vous cassé le portail?
- Chef, nous l'avons cassé parce qu'on ne nous ouvrait pas.
- Qui est derrière vous?- Le peuple de Crimée est derrière nous.
- Et dans quel but vous, peuple de Crimée, avez-vous cassé le portail?
- Chef, nous avons cassé, nous allons réparer. Tout ira bien.
- Vous êtes des locaux?- Oui, des locaux.
- Alors écoutez, les locaux, vous êtes sur un site sensible. Votre intrusion est considérée comme un acte terroriste.
- Ne haussez pas la voix, chef. Je vous explique…
- Prêt à tirer!
- Attendez.
- Vous avez deux minutes pour déposer les armes!- Nous n'en avons pas, ça ne va pas?
- L'heure tourne.- Quelles armes? Vous allez tirer sur des hommes désarmés?
A cet instant j'entends le bruit de camions.
Reconstitution des faits
Restez où vous êtes.
C'était le moment le plus critique.
Qu'avez-vous pensé à cet instant?
Honnêtement? Je me suis dit qu'on venait nous chercher pour nous tirer dessus.
Il y avait des policiers avec des fusils automatiques derrière et quatre camions KamAZ devant.
Samvel Martoïan (chef du 4e régiment de la milice populaire de Crimée): Je dis: "Préparez-vous au combat!".
Mais avec quoi se défendre? Nous n'avions que des manches de pelle.
Nous sommes restés. Aucun de mes hommes n'a fui, aucun n'a reculé.
Reconstitution des faits
Les KamAZ sont arrivés et des soldats ont commencé à en sortir.
Reconstitution des faits
Puis, nous avons compris que c'étaient nos soldats, russes.
Certains de mes miliciens ont même eu les larmes aux yeux. Nous avons commencé à applaudir.
Certains de mes miliciens ont même eu les larmes aux yeux. Nous avons commencé à applaudir.
Ils sont sortis en silence en passant devant nous. Nous avons commencé à crier que nous les attendions depuis longtemps.
Ils sont sortis en silence en passant devant nous. Nous avons commencé à crier que nous les attendions depuis longtemps.
Et nous nous sommes mis à crier: "En avant, la Russie!".
C'étaient ces mêmes hommes polis?
Oui, des hommes polis vêtus de vert.
Les miliciens n'ont pas remarqué tout de suite que les officiers du service de sécurité d'Ukraine et leurs hommes avaient disparu.
Reconstitution des faits
A ce moment les yeux des Criméens étaient rivés sur les hommes armés soudainement venus en aide.
Des hommes scandent: "Russie!"
Les fantassins de marine de la flotte de la mer Noire sont arrivés de Sébastopol.
Quelques minutes après, ils occupaient déjà toutes les positions stratégiques et l'aéroport de Simféropol était sous contrôle.
Le plus étonnant est que ni les passagers ni le personnel n'ont rien remarqué. L'aéroport continuait de fonctionner en régime normal.
Samvel Martoïan (chef du 4e régiment de la milice populaire de Crimée): Ils sont arrivés à temps.
Sans eux, la situation ici serait probablement pire que dans le Donbass.
Samvel Martoïan se souvient constamment du Donbass. Il s'y est immédiatement rendu en tant que volontaire dès le début des affrontements.
Il s'adressait aux Criméens de la ville détruite de Gorlovka: "Vous ne vous imaginez pas de quoi la Russie nous a sauvés pendant le Printemps criméen".
Fils de Samvel Martoïan: Papa, regarde, un avion.
Samvel Martoïan: Oui, je le vois. C'est beau, n'est-ce pas?
Fils de Samvel Martoïan: Oui. C'est vrai que tu as déjà piloté un avion?
Samvel Martoïan: Oui. Je te l'ai déjà raconté?
Fils de Samvel Martoïan: Oui.
Le gouvernement du Maïdan de Kiev a définitivement perdu le contrôle de l'aéroport de Simféropol quand les miliciens, non armés,
sont montés dans la tour de contrôle de l'espace aérien de la Crimée.
Pendant quatre jours, avec les contrôleurs aériens, ils retournaient dans le ciel les avions ukrainiens, et Kiev a perdu l'espoir d'une contre-offensive aérienne.
Samvel Martoïan (chef du 4e régiment de la milice populaire de Crimée): C'est bien que nous soyons déjà intégrés à la Russie, que tout cela soit derrière nous.
C'est bien que cette terre respire normalement.
Cela doit être génétique: cette terre produit cet air pour que les gens n'oublient pas…
Mon grand-père a versé son sang ici.
et que mon fils marchera sur elle et sera fier que nous soyons restés les mêmes.
Nous n'avons jamais pensé à détacher la Crimée de l'Ukraine. Jamais.
Mais après les événements liés au coup d’État et à la prise armée et anticonstitutionnelle du pouvoir,
ces gens auraient pu devenir les cibles des nationalistes.
Moi, j'y ai tout de suite pensé.
La première chose que j'ai faite fut de charger l'administration présidentielle d'organiser
un sondage secret concernant l'attitude de la population en Crimée et son opinion quant à un rattachement éventuel à la Russie.
Il s'est avéré que 75% de la population voulaient rejoindre la Russie.
Comme je l'ai déjà indiqué c'est notre territoire historique, où habitent des Russes.
Ils étaient en danger et nous ne pouvions pas les abandonner à leur sort.
Je le répète: notre objectif final n'était pas d'occuper la Crimée ou d'effectuer une annexion, mais de permettre aux gens d'exprimer leur opinion sur leur avenir.
Toutes mes instructions supposaient des actions très prudentes et l'appui - je l'ai dit au début! -
sur des gens qu'on pouvait déjà considérer comme des patriotes russes.
Il fallait s'appuyer sur eux et les soutenir avec des forces et des moyens beaucoup plus importants,
compte tenu de la présence en Crimée de plus de 20 000 militaires ukrainiens très bien armés.
Savez-vous ce que cela signifie? Que l'autorisation du Conseil de la Fédération concernant l'entrée de nos forces en Ukraine n'a même pas été nécessaire.
Je n'ai pas composé avec ma conscience.
Parce que nous avions le droit de déployer 20 000 personnes, même un peu plus, sur notre base militaire en Crimée selon l'accord international en ce sens.
Et même compte tenu de ces hommes ajoutés, que je viens de mentionner, il ne s'agissait pas de 20 000 personnes.
Comme nous n'avons pas dépassé les limites du personnel de notre base en Crimée,
nous n'avons strictement parlant rien violé ou déployé aucun contingent supplémentaire.
Les troupes ont assuré la protection des bâtiments des institutions principales dont le fonctionnement garantissait l'ordre et la stabilité en Crimée.
Il a pris aux unités spéciales moins de 30 minutes pour mettre en œuvre cette opération dans la nuit du 27 février.
Etiez-vous au courant?
Sergueï Aksionov (chef de la République de Crimée, leader du parti ukrainien l'Unité Russe (2008-2014): Non, je ne l'ai appris que le matin.
A 5h30 on m'a appelé pour dire que
les bâtiments du Conseil des ministres et du Conseil suprême de la République de Crimée avaient été occupés par des gens armés.
Il nous fallait assurer le fonctionnement du pouvoir législatif, c'est-à-dire du Parlement de Crimée.
Pour que le Parlement puisse se réunir et agir conformément à la loi, ses membres devaient se sentir protégés.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce parlement de Crimée était un organe représentatif du pouvoir tout à fait légitime et performant,
formé longtemps avant tous ces événements tragiques et compliqués.
Ces gens se sont donc réunis pour voter et nommer le nouveau chef du gouvernement criméen: Sergueï Aksionov.
Et le président Ianoukovitch, président de jure en exercice, a approuvé cette nomination.
Comme vous voyez, il n'y a eu aucune violation de la législation ukrainienne.
On peut certainement dire n'importe quoi et interpréter ces événements comme on veut.
Mais d'un point de vue juridique tout est parfaitement légitime.
Il nous fallait garantir la sécurité des gens, créer des conditions pour qu'ils n'aient pas peur pour eux-mêmes ou pour leurs familles.
Et nous l'avons fait.
Après le torpillage d'une session du Parlement criméen par les actions du Majlis des tatars de Crimée, les députés avaient en effet besoin de protection.
Et c'est l'apparition des "gens polis" dans le bâtiment et à ses alentours qui a permis aux parlementaires de poursuivre leur travail.
Vladimir Konstantinov (chef du Conseil d’État de la République de Crimée): C'est notre salle historique,
la salle des séances du Conseil suprême de la République autonome de Crimée.
Les événements qu'on appelle actuellement le "printemps criméen" se sont déroulés dans ce bâtiment.
61 voix "pour": ce sont les résultats du vote sur le référendum criméen. Un vote historique.
61 sur 64 parce que les trois députés restants n'ont tout simplement pas voté.
Vladimir Konstantinov (chef du Conseil d’État de la République de Crimée): Exactement.
Est-ce que la présence d'hommes armés aux point clés le 27 février de ce bâtiment a réellement été un facteur de sécurité?
Vladimir Konstantinov: Oui, bien sûr. Le facteur de sécurité était déjà crucial.
Comment pouvez-vous décrire les événements de la nuit du 27 février, la prise de tous les bâtiments stratégiques à Simféropol?
Sergueï Choïgou (ministre russe de la Défense): Il s'agissait d'une mesure forcée car
beaucoup d'instigateurs et de propagandistes tentaient d'opposer des religions et des groupes ethniques.
C'est à ce moment-là que nous avons pris cette décision.
A l'époque la Crimée a vu apparaître des "gens corrects", une véritable marque. Comment cette dernière s'est-elle formée? Par hasard?
Sergueï Choïgou: Vous savez, comme on dit dans ces situations, rien n'est laissé au hasard.
Personne n'avait envie de faire la guerre, mais de protéger et de prévenir.
Et les gars étaient bien au courant qu'il leur fallait être polis, se tenir correctement, car l'objectif n'était pas d'occuper, mais de protéger.
A l'époque où l'attention du monde entier se focalisait sur la Crimée,
une vidéo très populaire sur internet a montré une petite Criméenne embrasser un soldat russe.
Nous avons trouvé la personne qui l'avait filmée.
Pavel Taran (commandant de la 3e compagnie "afghane" de la milice populaire de Crimée): C'est ici que j'ai pris ces cadres. Le soldat se trouvait là-bas.
De nombreuses voix considéraient à l'époque cette vidéo comme une mise en scène, car c'était selon elles impossible dans la vie réelle.
En vérité la fille a tout simplement reconnu l'homme qui lui avait, la veille, offert du chocolat.
Pavel Taran: Je me suis aperçu qu'il donnait des sucreries aux enfants criméens et ces derniers lui étaient reconnaissants.
Beaucoup de scènes de ce genre n'ont pas été filmées.
Ainsi, un soldat a poliment arrêté une jeune femme avec une poussette à Simféropol.
Pavel Taran: Il dit: "Pouvez-vous me le montrer?" Elle répond: "Montrer quoi?" "Votre enfant".
Elle prend son bébé: "Voilà". Et il dit, les larmes aux yeux: "Moi aussi, j'ai un enfant âgé de quatre mois à la maison".
Et voici une histoire que racontent les militaires ukrainiens.
Les combattants de l'unité spéciale du FSB russe sont arrivés dans une base ukrainienne en Crimée.
Les Ukrainiens ont barricadé la porte.
Les soldats russes l'ont enfoncée pour entrer et parler avec leurs collègues.
Ensuite ils ont acheté une nouvelle porte et l'ont installée.
A partir de cette date les deux unités ont mené certaines opérations ensemble.
Pavel Taran (commandant de la 3e compagnie "afghane" de la milice populaire de Crimée): Ils étaient en effet polis.
Ils ne juraient pas, ne montraient aucune agression. Ils nous aidaient tout à fait sincèrement.
Savez-vous ce qui était notre avantage?
Le fait que je m'en sois occupé personnellement.
Mais il ne s'agit pas d'une certaine lucidité extraordinaire de ma part: si les chefs d’État s'impliquent, il est plus facile pour les exécutants de faire leur travail.
Ils le sentent, le comprennent et se rendent compte qu'ils suivent un ordre direct et pas une décision arbitraire.
Et si les institutions publiques sont en état de décomposition totale ou partielle,
les ordres n'existent pas, n'atteignent pas les exécutants ou provoquent des doutes sérieux concernant leur légitimité.
La nécessité de prendre le contrôle de la frontière ukrainienne est devenue évidente:
personne n'avait envie d'attendre chaque jour l'arrivée des nationalistes dans les villes criméennes.
Les combattants du Berkout, ceux qui connaissaient mieux les nazis ukrainiens, ont été les premiers à se diriger vers l'isthme de Perekop,
le passage de Tchongar et le rempart de Perekop.
Contrairement au Maïdan, ici personne ne les empêchait de préparer comme il fallait l'accueil de leurs "vieux amis".
Combattant du Berkout: Nous avons monté des barrages efficaces avec des engins d'alerte, des mines et des explosifs pour que personne n'arrive franchir la frontière.
Seul problème: les combattants du Berkout de Sébastopol étaient trop peu nombreux: 24 personnes au total sur tous les passages,
y compris leur commandant Sergueï Kolbine. Alors que, de côté ukrainien, le Pravy sektor avait déjà réuni plusieurs centaines d'hommes armés.
Alexandre Ovtcharenko (commandant adjoint de l'unité spéciale du Berkout (Sébastopol): Les nazis ont dit: "La Crimée nous appartiendra ou n'appartiendra à personne. Nous éliminerons tous les dissidents sans distinction".
Ils ont reçu un message téléphonique de leurs collègues de la région de Kherson: "Les nazis lanceront une attaque aujourd'hui ou demain". Le Berkout se préparait au pire.
Alexandre Ovtcharenko: Nos gars ont décidé: "Il vaut mieux mourir debout que vivre à genoux".
Mais, contre toute attente, ils ont vu arriver des autobus qui ont débarqué des hommes sérieux et impressionnants, qui se sont tout de suite mis à se ranger.
C'étaient les combattants de l'Armée de cosaques du Kouban.
Alexandre Ovtcharenko: Ils sont arrivés avec des accordéons et leur cuisine mobile…
Nikolaï Dolouda (chef de l'Armée de cosaques du Kouban): Quand nous sommes arrivés dans la nuit du 28 février,
il y avait 11 combattants du Berkout sur le rempart de Perekop, six combattants sur l'isthme de Perekop et encore sept à Tchongar.
Ivan Bezougly (chef de la section de Taman de l'Armée de cosaques du Kouban): En cas d'attaque sur un poste de contrôle ou une offensive des nationalistes, les combattants du Berkout auraient été écrasés.
Non parce qu'ils manquaient de courage, mais parce qu'ils étaient peu nombreux.
Mais quand nous, les cosaques, sommes arrivés en masse, cela a été une *** froide pour les nazis.
D'abord, les forces situées à l'autre côté de la frontière considéraient ces renforts puissants comme des unités de l'armée russe avant qu'un soir les cosaques se mettent à jouer de l'accordéon.
Ce sont des hommes dotés d'une grande âme. Ils aiment travailler, faire la guerre et bien se reposer.
Ils travaillaient de manière très disciplinée et efficace, faisaient preuve d'une approche très responsable. Et puis ils travaillaient avec des jeunes gens, des hommes, des unités et des miliciens locaux.
Autrement dit, c'était une grande famille. Les gens allaient là-bas en suivant leur cœur et leur âme.
Viktor Svetlitchny (chef de la section d'Ekaterinodar de l'Armée de cosaques du Kouban): Après les événements du Maïdan nous recevions beaucoup de lettres de la part des cosaques de la Crimée et de la population russe - des parents etc.
- qui s'inquiétaient d'attaques éventuelles des nazis ukrainiens. Les cosaques se sont réunis pour s'adresser à leur chef et envoyer là-bas leurs troupes.
Nikolaï Dolouda, chef de l'Armée des cosaques, a presque immédiatement décidé d'avancer. Les volontaires sont arrivés à Kertch dès le 27 février.
Mais Kiev a ordonnée aux autorités locales de tout faire pour que ces centaines de Russes ne trouvent pas d'hébergement et de transport.
Restés dans la rue sous la pluie et le vent de février, les cosaques se sont dirigés vers l'église de l'apôtre André. Cette dernière leur a servi de toit.
Père Nikolaï (doyen de l'église du Saint apôtre André, à Kertch): Ils étaient très fatigués et avaient besoin d'un peu de repos. Nous avons ici dans l'église un plancher chaud.
Nous avons réussi, Dieu merci, à l'installer. Nous avons donc bien réchauffé ce plancher, et ils se sont couchés ici.
Réplique: Pour que tous les peuples de la Terre se réunissent au sein d'une famille…
Ensuite les centaines de cosaques du Kouban ont quitté l'église de l'apôtre André pour aller protéger les frontières de la Crimée à Perekop, à Tchongar et au rempart de Perekop.
Ces premiers combattants arrivés en Crimée se sont donc installés ici, où nous nous trouvons actuellement?
Nikolaï Dolouda (chef de l'Armée de cosaques du Kouban): D'abord ces 450 cosaques sont arrivés à la frontière entre la République de Crimée et l'Ukraine.
Ils ont creusé des tranchées et veillé ici du 1er au 18 mars pour que les combattants de Pravy sektor n'arrivent pas à s'infiltrer sur le territoire de la République de Crimée.
Les cosaques ont créé de véritables camps sur tous les passages frontaliers. Il s'est bientôt avéré qu'ils n'avaient pas besoin de ravitaillements: les locaux apportaient des tas de produits pour leurs cuisines mobiles.
Alexandre Danilov (chef de la section de Maïkop de l'Armée de cosaques du Kouban): Ces gens étaient infiniment reconnaissants. De vielles femmes tombaient à leurs genoux et priaient: ne partez pas!
Et nous l'apprécions vraiment! Elles apportaient du borchtch pour nourrir les cosaques…
Face aux renforts de cosaques, les nationalistes n'ont pas tenté de percer la frontière criméenne. Mais ils n'ont pas renoncé à leurs plans pour autant. Ils ont demandé à leur tour des renforts à Kiev et le pouvoir a envoyé son armée.
Viktor Svetlitchny (chef de la section d'Ekaterinodar de l'Armée de cosaques du Kouban): Nous avons vu arriver une grande colonne de blindés, des unités spéciales ukrainiennes.
Ils avaient un système de missiles Grad et des mortiers de 80 millimètres.
Selon certaines informations, des systèmes de missiles Grad s'approchaient de la frontière du côté ukrainien.
Oui, nous l'avons appris grâce aux renseignements aériens.
Les ukrainiens ont envoyé des lance-roquettes multiples. Nous avons été obligés de fournir nos propres systèmes, qui en cas d'action de la part… Nous les aurions détruits au premier tir.
"L'armée russe nous dépasse d'un pas", déploraient à l'époque les commandants ukrainiens au parlement.
Quand ce matériel lourd envoyé par Kiev a atteint la frontière, les combattants du Berkout et les cosaques en avaient déjà beaucoup plus.
A votre avis, est-ce qu'il existait une menace réelle de provocation militaire en Crimée, comme en 2008 en Ossétie du Sud?
Sergueï Choïgou (ministre russe de la Défense): Oui.Suite à l'apparition des premières unités ukrainiennes, le Berkout s'est tout de suite dirigé vers les deux passages et Perekop.
Ses combattants ont fermé la frontière et surveillaient la situation. L'essentiel était que de l'autre côté de la frontière,
on avait accumulé des forces pour lancer une offensive et créer une situation similaire à ce qui se passe actuellement dans l'est de l'Ukraine.
Alexandre Ovtcharenko (commandant adjoint de l'unité spéciale du Berkout (Sébastopol): Nous avons pris une avance de six ou huit heures sur eux.
Les Ukrainiens?
Alexandre Ovtcharenko: Oui, nous avons pris de l'avance sur les gens qui auraient dû prendre les entrées en Crimée, c'est-à-dire le rempart de Perekop, le poste de contrôle de Perekop et le passage de Tchongar.
Le deuxième échec de leur offensive a forcé les nationalises ukrainiens à changer de tactique. Ils ont décidé de faire exploser la Crimée de l'intérieur.
Kiev s'est donc mis à y transférer tout ce qui pourrait transformer la péninsule en nouveau Maïdan: des bâtons, des couteaux, des boucliers, des casques et bien sûr des armes.
Nikolaï Dolouda (chef de l'Armée de cosaques du Kouban): Un jour un camion ne s'est arrêté qu'après plusieurs tirs de fusils d'assaut. Nous avons ciblé ses roues. Pourquoi?
Parce qu'il avait accéléré entre deux blocs et tenté de s'échapper en se dirigeant vers Armiansk.
Quand nous l'avons enfin arrêté pour interroger le chauffeur, il s'est avéré que ce dernier transportait trois lance-grenades, 24 grenades et 12 boîtes de munitions.
Le 10 mars, un camion militaire ukrainien a tenté de pénétrer en territoire criméen via le rempart de Perekop, après avoir contourné tous les hérissons tchéques et les blocs de béton.
Sergueï Kolbine (commandant de l'unité spéciale du Berkout (Sébastopol): A ce moment-là Oleg passait en revue les gardes. Il a immédiatement sauté dans son automobile et l'a positionnée pour bloquer le camion.
Reconstitution de l'événement.
A l'intérieur de la cabine de ce camion de Kiev, les combattants ont trouvé plusieurs armes à feu et des munitions. Les actions d'Oleg Gorchkov, vétéran de la guerre en Afghanistan, lui ont valu une décoration.
Sergueï Kolbine (commandant de l'unité spéciale du Berkout (Sébastopol): A mon avis, son expérience de guerre l'a aidé. Pourquoi?
Parce que dans cette situation extrême il a tout de suite compris qu'il lui fallait arrêter à tout prix ce camion.
Oleg Gorchkov, titulaire de l'ordre de l'Etoile rouge pour les combats à Kandahar, est arrivé dès le début au rempart de Perekop pour aider le Berkout et les cosaques.
Mon cher fils…
C'est la mère d'Oleg Gorchkov qui a reçu sa médaille pour la restitution de la Crimée.
Ayant posé sa voiture devant le camion ukrainien allant à tout vitesse, il a miraculeusement survécu à la collision… mais son cœur s'est arrêté quelque temps après.
Réplique (cosaque): Nous voulions aider les Criméens et nous l'avons fait. Pour garantir l'ordre et la stabilité. Parce que la Crimée c’est la Russie.
Pour nous la Crimée n'est pas un territoire quelconque.
C'est un territoire historique russe avec une population majoritairement russe.
Et nous étions obligés d'agir ainsi car ils nous avaient mis dans ces circonstances, ces conditions.
Ils n'ont nous de fait laissé aucun choix: c'était notre devoir de protéger ces gens.
Le temps était le facteur principal. Il fallait toujours avoir un pas d'avance sur ses adversaires pour prévenir l'effusion de sang.
Kiev donnait à ses structures de force des ordres de plus en plus durs et vagues, mais recevait chaque fois la même réponse: "Il est déjà trop ***.
Il est impossible de pénétrer en Crimée par les airs. Et les frontières terrestres ont été fermées".
Mais en mars la situation en mer a brusquement changé, ce qui ne s'expliquait pas par des actions de Kiev.
Les pays de l'Otan ont lancé des exercices en mer Noire: un torpilleur américain s'approchait de la Roumanie,
un groupement de porte-avions se trouvait en Méditerranée alors que l'escorteur d'escadre américain Donald Cook a mis le cap sur la Crimée.
Mais personne ne savait à l'époque qu'un système de missiles antinavire Bastion avait déjà été transporté en Crimée depuis le territoire russe.
Avez-vous également pris cette décision?
Oui. Car le commandant suprême est le seul qui a les compétences nécessaires pour donner un tel ordre.
Bastion est un système défensif qui protège notre littoral, notre territoire. Il ne sert à attaquer personne. Mais c'est une arme efficace, moderne et très précise.
Mais c'est une arme efficace, moderne et très précise. Pour le moment, personne n'a d'équivalent. A mon avis, il s'agit du système de missiles antinavire le plus efficace au monde d'aujourd'hui.
Oui, nous avons transféré ces systèmes de missiles en Crimée pour que tout le monde comprenne que la péninsule était bien protégée.
Qui plus est, nous les avons déployés de telle manière qu'ils soient visibles de l'espace.
Est-ce qu'on peut nous voir depuis l'espace?
Alexandre Ostrikov (commandant adjoint de la flotte russe de la mer Noire): Peut-être. En tout cas, il vaut mieux qu'ils nous voient et comprennent qu'il y a ici des armes qui n'ont pas d'équivalent dans le monde.
De quoi est capable ce système de missiles?
Alexandre Ostrikov: Le caractère unique de ce système réside principalement dans ses missiles supersoniques très modernes.
Ils sont invincibles pour tous les systèmes antimissiles et pratiquement invisibles au radar.
Ce missile est en mesure de faire plusieurs détours si la cible se trouve derrière un obstacle naturel, des montagnes etc. Il est capable d'identifier la cible la frapper avec 100% de réussite.
Réplique: Attention! Alerte de combat! Préparez-vous aux lancements!Réplique: Équipe! Alerte de combat!
Réplique: Préparatifs de frappe de missile. Cible isolée.Réplique: Cible isolée.
Alexandre Vitko (amiral, commandant de la flotte russe de la mer Noire): A l'époque nous avions également le croiseur Moskva muni de missiles d'une portée plus importante que ceux de Bastion.
Mais il s'agit de missiles conçus dans les années 1970 alors que Bastion est un produit moderne et unique que nous n'avions pas en Crimée.
Les écrans du croiseur Moskva, vaisseau amiral de la flotte de la mer Noire, montraient les déplacements de l'escorteur américain qui s'approchait du littoral criméen en couvrant la péninsule par la portée de ses missiles Tomahawk.
Mais ensuite le système Bastion déployé près de Sébastopol a activé son radar Monolit.
Réplique: Informations de Monolit.Réplique: Type de la cible: un croiseur.
Réplique: Identification de la cible: une cible étrangère.Réplique: Étrangère.Réplique: Oui.
Qu'a fait l'escorteur américain Donald Cook après avoir capté l'émission de nos missiles?
Alexandre Vitko (amiral, commandant de la flotte russe de la mer Noire): Il s'est immédiatement retourné vers le sud et a mis le cap sur le détroit du Bosphore à toute vitesse.
Ces émissions lui ont donc indiqué qu'il se trouvait dans la ligne de mire?
Alexandre Vitko (amiral, commandant de la flotte russe de la mer Noire): Oui. Cela veut dire que vous êtes sur la ligne de mire et que nous pouvons ouvrir le feu à tout moment.
D'après le commandant Alexandre Vitko, la trajectoire de l'escorteur américain Donald Cook qui fuyait à la vue de Bastion, formant comme un huit, était de jamais-vu en mer Noire.
Est-ce vous avez tout de suite compris, dans vos conversations avec les leaders occidentaux, que ces derniers ne s'impliqueraient pas par des moyens militaires?
Non. Il était impossible de le savoir dès le début.
C'est pourquoi j'ai été obligé d'orienter tout de suite nos forces armées, leur donner des ordres directs concernant des actions éventuelles de la Russie et de son armée dans le cadre de tout scénario possible.
Est-ce que nos forces nucléaires étaient également en état opérationnel?
Nous étions prêts. Je disais à mes collègues, aussi ouvertement que je vous le dis maintenant, que la Crimée est notre territoire historique,
que des Slaves y vivent et se retrouvent aujourd'hui en danger, que nous ne pouvons pas les abandonner. Nous n'avons pas commis de coup d’État. Les nationalistes et les radicaux l'ont fait. Vous les avez soutenus.
Mais où êtes-vous? A des milliers de kilomètres? Alors que nous sommes ici, c'est notre terre.
Pourquoi voulez-vous vous y battre? Vous ne savez pas? De notre côté nous savons - et nous sommes prêts.
C'est une position honnête, ouverte. C'est le cas.
Et c'est pourquoi je ne pense pas que quelqu'un veuille faire dégénérer la situation en conflit mondial.
Mais nous n'avions pas l'intention de nous jeter dans la gueule du loup.
Ils nous ont simplement poussés à le faire. Et je le répète, nous étions prêts au pire des scénarios.
Mais je partais du fait qu'on n'en arriverait pas là. Et qu'il était inutile d'exacerber excessivement la situation.
C'est plus *** que le ministère de la Défense a expliqué qu'à ce moment certains spécialistes militaires suggéraient à Vladimir Poutine,
en tant que chef des armées, d'utiliser tous les moyens à disposition pour montrer la disposition de la Russie à défendre ses intérêts nationaux. Le président a répondu:
"Malgré toute la complexité et le caractère dramatique de la situation, la Guerre froide est terminée et nous n'avons pas besoin de crises internationales comme celle de Cuba".
D'autant que la situation ne nécessitait pas de telles actions, et cela aurait été à l'encontre de nos propres intérêts.
"En ce qui concerne nos forces de dissuasion nucléaire, elles sont toujours parfaitement opérationnelles", avait ajouté le président.
Et pendant ce temps, en mer Noire plus de dix "seals" américains du destroyer Donald Cook ont donné leur démission, selon la presse.
La cause prétendue était, entre autres, le passage de notre avion Su-24 à une distance dangereuse du navire déjà repoussé par les missiles du système russe de défense côtière Bastion.
Alexandre Vitko (amiral, chef de la flotte de la mer Noire de la marine russe): Nous devons faire des démonstrations de force et de détermination à l'employer pour refroidir l'ardeur des forces américaines.
Et pour cette démonstration nous avons utilisé l'aviation d'assaut navale qui était à portée de l'objectif.
Ce n'était pas votre décision de survoler à ras le destroyer?
Non. Ils ont pris cette initiative sans rien me dire.
En fait, vous faisiez de la Crimée une forteresse.
Nous avons fait de Crimée une forteresse: en mer et au sol.
Quand la Crimée était bien protégée de l'extérieur, il restait encore à assurer la sécurité intérieure.
193 unités militaires ukrainiennes étaient déployées dans la péninsule.
Le pays n'avait jamais connu une telle concentration de forces, comme si depuis 23 ans Kiev se préparait à une guerre en Crimée.
Le niveau élevé de militarisation du territoire était évident: plus de 20 000 hommes complètement mobilisés et armés, je crois 43 systèmes sol-air S-300, 18 ou 20 Bouks et d'autres armements lourds, dont des blindés.
C'est un poing très sérieux. Je le répète en toute sincérité: nous n'avons jamais planifié les événements qui se sont produits. Tout s'est produit spontanément. Nous avons agi en partant de la situation du moment.
Comment avez-vous donné des ordres par la suite pour nos forces en Crimée?
Pour assurer l'expression de la volonté des habitants de la Crimée il fallait empêcher l'effusion de sang et empêcher les forces armées ukrainiennes déployées en Crimée d'agir,
ainsi que faire en sorte que les forces de l'ordre n'empêchent pas les gens d'exprimer leur volonté.
Nous devions désarmer les unités militaires ukrainiennes et les forces de l'ordre ou les persuader de ne pas empêcher la population d'exprimer son avis, c'est-à-dire se joindre à nous dans cette tâche.
Vous y croyiez?
Je n'en doutais pas.
Le peuple est immédiatement monté à l'avant pour empêcher l'effusion de sang, ce qui a contribué au succès.
Les Criméens manifestaient partout devant les garnisons militaires et encourageaient les militaires à passer du côté de la Russie.
Les gens scandent: "Russie! Russie!".
Dès les premiers communiqués relatant le passage des militaires criméens du côté de la Russie, le pouvoir du Maïdan en rage a commencé à déclarer: à toutes les unités, en cas de tentative de pression des forces prorusses –
tirez à vue. Mais l'annoncer à la tribune parlementaire est une chose, et faire appliquer les ordres par les chefs sur place en est une autre.
Les militaires n'exécutent pas d'ordres donnés à la télévision. Et c'est là que Kiev a ***é.
Les chefs militaires avaient peur d'autoriser par leur signature l'effusion de sang, sans cryptage, via des canaux ouverts, et les lignes protégées à ce moment-là étaient déjà coupées.
Il faut dire honnêtement que nous avions tout fait pour les priver des transmissions spéciales. Pour cela il existe l'unité d'élite GRU, elle sait ce qu'elle doit faire et comment le faire.
C'est la raison pour laquelle ils utilisaient des canaux ouverts pour communiquer et nous contrôlions toutes les communications et ressentions l'état intérieur des unités militaires sur place et des commandants dans la capitale.
Tout le monde cherchait à fuir une responsabilité individuelle.
Reconstitution des faits
Des rassemblements ont eu lieu pendant plusieurs jours dans la ville balnéaire de Yalta. Les locaux incitaient l'unique garnison du littoral à passer du côté de la Russie.
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Je suis né dans le centre de l'Ukraine, région de Dniepropetrovsk, ville de Dnieprodzerjunsk. Je suis originaire d'Ukraine, mais dans l'âme je suis Russe.
Vitali Pounko, président du motoclub Night Wolves de Yalta, était l'un des organisateurs de la manifestation à Yalta.
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): L'Ukraine et la Russie ont toujours eu des relations fraternelles.
Entre les Russes et les Ukrainiens?
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Oui. Mais les Américains ont tout gâché. Comme partout.
En Crimée, grâce à Poutine et aux gens comme nous, la guerre a été empêchée.
Or la guerre aurait pu éclater.
Le directeur du département pour le travail avec le personnel des garde-frontières d'Ukraine, le général Mikhaïl Koval, est parti le 5 mars de Kiev pour se rendre dans la division de vedettes de la sécurité maritime de Yalta.
Il transportait dans son attaché-case le fameux ordre de tirer à vue.
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Nous avons appris sa visite.
Quel en était le but?
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Remettre les ordres aux garde-frontières et les faire passer du côté de l'Ukraine.
A ce moment-là il n'y avait plus de communication entre Kiev et cette unité?
Vitali Pounko: Non. Il devait venir personnellement.
Notre motoclub Night Wolves a élaboré un plan.
Vitali Pounko: Une partie du groupe devait détourner l'attention de ceux qui accompagnaient Koval, un autre groupe devait le capturer.
Et un troisième groupe, nous, devait le faire sortir.
La Mercedes du général ukrainien est arrivée, escortée par des voitures avec des chefs locaux à bord.
Les garde-frontières observaient en silence la situation par la fenêtre de la division. Dès que le convoi de Mikhaïl Koval s'est enlisé dans la foule de manifestants, l'opération a été lancée.
Les ordres sanguinaires dans l'attaché-case et le général lui-même ont été rapidement chargés dans une autre voiture.
Pour éviter les agents des services de sécurité d'Ukraine, Vitali Pounko est parti dans la vieille ville de Yalta pour brouiller les pistes en empruntant des ruelles étroites.
Dans l'ensemble, le service de sécurité d'Ukraine était une organisation sérieuse à ce moment-là? Que savaient-ils réellement faire?
Vitali Pounko: Bien sûr. Quand nous avons chargé le général dans ma voiture pour l'amener, moins de 20 minutes plus *** les procureurs de Kiev ont commencé à appeler.
Les recherches du service de sécurité d'Ukraine n'ont donné aucun résultat.
Soit à cause du chaos général, soit parce que les caméras ont cessé d'enregistrer automatiquement les voitures –
les Criméens ont commencé activement à coller des drapeaux tricolores russes sur leurs plaques minéralogiques.
Toi aussi, tu avais un tel autocollant?
Vitali Pounko: Oui, il cache le drapeau ukrainien. Pour montrer au moins de cette manière que nous étions déjà en Russie.
Le général Koval a été transporté jusqu'à Simferopol. L'émissaire de Kiev demandait pendant tout ce temps de le relâcher.
Et quand on lui en a fait la promesse, il a critiqué le Maïdan en signe de gratitude.
Le général Koval se trouvait ici, dans cette voiture, sur le siège arrière?
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Oui.
Et le siège pour enfant installé ici, il est pour qui?
Vitali Pounko: C'est pour ma fille Pauline. Après la victoire définitive, nous avons décidé d'avoir un autre enfant.
J'ai deux fils. Et je viens d'avoir une fille, on l'a appelée Pauline. Même si Victoire convenait davantage.
Ce jour-là les garde-frontières fêtaient leur victoire à Yalta.
Après que le général Koval a échoué à leur transmettre l'ordre de faire verser le sang en Crimée, toute la division est passée sous les ordres de la Russie.
Quelle a été la réaction des garde-frontières à l'arrivée de Koval?
Vitali Pounko (président du motoclub Night Wolves de Yalta): Quand Koval se faisait embarquer dans la voiture, ils applaudissaient debout.
Mettez-vous à la place du général. C'est un militaire,
il obéit aux ordres de son supérieur, et non à une structure amorphe et floue qui n'endosse aucune responsabilité pour ses actes.
C'est pourquoi les militaires ukrainiens en Crimée se sont retrouvés dans une position très difficile.
Ils ne voulaient aucune effusion de sang, ils ne voulaient pas servir les usurpateurs du pouvoir, les nationalistes.
En fait, ils nous aidaient aussi. Je le répète: ce ne sont pas nos agents. Ce sont des inconnus qui ont agi à l'appel de leur cœur et de leur conscience.
Après son échec en Crimée, le général Koval a poursuivi sa mission sanguinaire: la guerre dans le Donbass sera lancée sur son ordre.
Il est nommé ministre de la Défense par le leader du Maïdan Tourtchinov – compte tenu de son héroïsme à Yalta où, selon le compte-rendu du général, il a dû faire face seul aux unités d'élite russes.
Début mars, près de 20 garnisons ukrainiennes de Crimée passent du côté de la Russie.
Mais Kiev engage des poursuites pénales contre certains chefs militaires, intimidant et accusant les officiers de complicité avec l'ennemi.
Les nouveaux chefs militaires du Maïdan exigeaient de tenir les armes prêtes et promettaient de donner l'ordre d'attaquer le jour du référendum prévu en Crimée. Les forces d'activistes ne suffiraient plus.
Il faut un personnel très spécifique, aussi bien en termes de quantité que de qualité, pour bloquer et désarmer 20 000 hommes.
Nous avions besoin de spécialistes.
J'ai donc donné l'ordre au ministère de la Défense,
pour ne rien cacher, de projeter en Crimée des unités spéciales de la direction centrale des renseignements, l'infanterie de marine et des troupes aéroportées sous prétexte de renforcer nos sites militaires en Crimée.
14 hélicoptères ont été projetés sur les aérodromes de Katcha et Djankoï,
cinq IL-76 de transport effectuaient en permanence des aller-retour, des milliers d'officiers et de soldats de diverses unités ont été déployés dans la péninsule en l'espace de quelques jours.
La limite du personnel de l'armée russe en Crimée fixée dans l'accord international permettait d'envoyer encore 3 500 hommes, mais cela été suffisant pour assurer la sécurité de tous les sites sensibles.
C'était une tâche difficile, parce qu'en aucun cas on ne pouvait admettre d'effusion de sang et il fallait assurer l'expression de la volonté des habitants, comme je l'ai déjà dit.
La milice populaire de Crimée, de Sébastopol, les Cosaques et les simples citadins,
cette fois avec une armée derrière eux, continuaient de neutraliser les garnisons ukrainiennes à qui Kiev empêchait de faire un choix: rester en Crimée sous le drapeau russe, démissionner ou partir en Ukraine.
La longue confrontation devant le QG de la marine ukrainienne à Sébastopol s'est terminée le 19 mars.
Avant cela, Kiev avait réussi à remplacer plusieurs commandants et déplorait que chacun d'eux commence à sympathiser à la Russie.
C'est effectivement surprenant, mais les marins russes trouvaient à chaque fois le contact avec les Ukrainiens.
Et c'est peut-être en raison du lieu précis où le destin avait déterminé leur rencontre.
Chersonèse taurique, dans les chroniques slaves – Korsoun. Le prince Vladimir y a été baptisé.
La christianisation de la Russie y démarre à partir de 988.
Est-ce un hasard si ce lieu orthodoxe et sacré a été choisi pour les contacts avec l'armée ukrainienne pendant le Printemps criméen?
Alexandre Vitko (amiral, chef de la flotte de la mer Noire de la marine russe): Nous l'avons fait intuitivement. Avec les commandants ukrainiens nous aspirions probablement à la pureté, à la vérité, à la sécurité.
C'est probablement une tentative de dire la vérité.
Ils envoyaient des commandants de marine différents à chaque fois. L'un des commandants a catégoriquement refusé de passer du côté des autorités criméennes. J'ai demandé aux vétérans de travailler avec lui.
Personnellement demandé?
J'ai personnellement demandé.
Mais était-il suggéré d'agir autrement?
Il était suggéré d'employer la force. J'ai simplement dit directement à nos militaires: "Envoyez les vétérans".
Mais il faut dire qu'ils étaient sceptiques quant à ma proposition. Mais ces vétérans sont venus et ont parlé avec lui jusqu'à 7 heures du matin.
Quoi qu'il en soit, à 7 heures du matin il a pris une feuille et un stylo pour rédiger sa démission.
Alexandre Vitko (amiral, chef de la flotte de la mer Noire de la marine russe): Le conseil des vétérans avait proposé son aide et dans le même temps, nous avions reçu l'ordre de faire appel à eux.
Ils travaillaient pratiquement tous les jours au sein de toutes les garnisons.
Comment avez-vous géré la flotte ukrainienne?
Alexandre Vitko (amiral, commandant de la flotte russe de la mer Noire): C'était une décision improvisée.
Que pouvait-on faire avec ces navires pour éviter des victimes et ne pas les forcer à utiliser leurs armes? Nous avons donc décidé d'agir de manière à ce qu'ils ne puissent pas quitter la baie d'Akhtiar.
Les marins se sont rappelés de l'histoire de la Grande Guerre patriotique, quand on utilisait des barrières flottantes à ces fins. Ils ont trouvé des barrières et des câbles dans un entrepôt, qui ont servi à bloquer les baies.
Alexandre Vitko: Pour que les Ukrainiens comprennent que nous étions tout à fait sérieux, nous avons déployé des remorqueurs à proximité: si un navire avait tenté de démarrer, ces derniers l'auraient repoussé.
Et ensuite, vous étiez obligés de couler un bateau?
Alexandre Vitko: A ces fins nous nous sommes servis du navire déclassé Otchakov et de deux vedettes de plongeurs. Nous avons fait sauter ces dernières pour qu'il soit impossible de soulever Otchakov.
Avez-vous coulé ce bateau justement sur le trajet des navires ukrainiens?
Alexandre Vitko: Oui, justement à proximité du lieu de stationnement de Slavoutitch et de Ternopol. Il s'est avéré que les bateaux ukrainiens ne pouvaient plus partir, voire bouger…
Ils étaient piégés?
Alexandre Vitko: Oui. Ils étaient complètement bloqués.
Alexandre Vitko échangeait, avec les marins ukrainiens bien armés, tout seul et sans arme. Les négociations ont duré des jours entiers.
Si les marins acceptaient de prêter serment à la Russie, ils pouvaient garder leurs grades, décorations et ancienneté.
Vous savez, je voudrais souligner la dignité de ces gars, des militaires ukrainiens.
Ils tentaient de rester fidèles à leur serment, mais il n'était pas clair à qui ils l'avaient prêté: il n'y avait pas d’État, le président avait été renversé.
Bien qu'à l'époque ce dernier était le commandant suprême légitime des forces armées du pays. Qui donnait donc les ordres? Des usurpateurs du pouvoir? Des gens tout à fait illégitimes?
Les derniers navires refusant de coopérer étaient ceux où s'étaient infiltrés des supporters du Maïdan. Ces derniers menaçaient de se venger contre les marins russes et ukrainiens, ce qui a provoqué des opérations spéciales.
Les leaders occidentaux ne cessaient certainement pas de vous appeler à ce moment-là. Quelle était la teneur de ces conversations?
J'ai reçu beaucoup d'appels. Nos collègues américains disaient ouvertement que nous bloquions des unités militaires ukrainiennes.
Je répliquais qu'il n'existait plus aucune unité militaire, seulement des groupes de militaires désarmés, qu'il n'y avait aucune menace pour eux et que nous ferions tout pour prévenir toutes les dérives liées à l'utilisation d'armes.
En tout cas il ne s'agissait plus des forces armées, mais d'une chose assez différente.
Le caractère romantique du printemps criméen a empêché les esprits malveillants de créer une image machiavélique de la Russie.
Les soldats étaient corrects, les Criméens étaient heureux, et la nouvelle procureure ne ressemblait à aucun de ses prédécesseurs.
Parmi ces portraits de procureurs, il n'y a aucune femme. Vous êtes donc pionnière dans histoire du parquet criméen. Qu'en pensez-vous?
Natalia Poklonskaïa (procureure de la République de Crimée): Oui, tous les procureurs de la République ont été des hommes.
Il était donc grand temps qu'une femme ait sa place parmi ces portraits remarquables.
J'espère que je serai à la hauteur de la tâche.
Natalia Poklonskaïa a travaillé pendant 12 ans au Parquet général ukrainien et dirigé plusieurs enquêtes retentissantes impliquant des acteurs remarquables.
Natalia Polkonskaïa: Notamment l'enquête - jetée depuis longtemps aux oubliettes - concernant Vitali Klitchko, qui criait à une époque sur le Maïdan.
Il était en bons termes avec l'ancien chef du Conseil de sécurité d'Ukraine, ce qui s'est soldé par la mort d'Andreï Netchiporenko.
J'ai enquêté sur cette affaire, mais je n'ai pas été en mesure de la mener jusqu'au bout.
L'arrivée du Maïdan a clos des affaires et la bouche des procureurs sous prétextes politiques.
Un jour, Natalia Poklonskaïa est arrivée au travail pour s'apercevoir des activistes du Pravy sektor vérifiaient les documents des employés à l'entrée du bâtiment, au lieu des policiers.
Elle a donc revêtu sa bande de Saint-Georges et écrit une lettre de licenciement pour partir chez elle en Crimée.
Natalia Poklonskaïa: Nous, ma sœur, son mari et moi, prenions du thé dans la cuisine. Et Andreï, son époux, s'est mis à rigoler: "Ça va, Natacha, je vais t'aider à construire un petit poulailler.
Tu vas élever les poules, développer l'agriculture". Vous savez , j’ai travaillé 12 ans au parquet .
Et j'ai répondu: "Pas de problème, je n'ai rien contre les poules. Le principal est que ces nazis n'arrivent pas ici".
Je ne savais pas quoi faire.
Et le 8 mars je me suis allée chez Sergueï Aksionov. Nous ne nous connaissions pas à l'époque. J'avais seulement vu des reportages télévisés et supportais ces hommes de tout mon cœur.
Je pensais: "Seigneur, puissent-ils réussir! Bravo, les hommes! Il y a enfin un leader en Crimée capable de mettre fin à ce désordre".
Je me suis arrivée et entrée dans son bureau: "Bonjour, je voudrais vous aider comme bon vous semble".
Sergueï Aksionov (chef de la République de Crimée, leader du parti ukrainien l'Unité russe (2008-2014): Et que pensez-vous, Natalia, du travail au parquet? Elle me répond: "J'y vais".
Elle ne craignait pas une situation qui faisait peur aux hommes.
Natalia Poklonskaïa dit qu'elle connaissait la suite car elle avait fait un vœu de Nouvel an malgré le Maïdan.
Et la Crimée a ensuite rejoint la Russie.
Natalia Poklonskaïa: Dieu merci! A mon avis, ce vœu n'était pas seulement le mien. Beaucoup de gens le faisaient depuis des années. Et il est devenu réalité.
Cette initiative a pourtant considérablement compliqué la vie de Natalia Poklonskaïa: la procureure criméenne a subi plusieurs tentatives d'assassinat.
Natalia Poklonskaïa: Il y avait des explosifs, des lettres etc. Mais ni moi ni mes employés n'avons eu peur. Est-ce que quelqu'un craignait tout cela?
Non. Ce sont eux qui devaient s'inquiéter. Notre cause est juste. Dieu est avec nous et nous aide.
Je suis bien sûr fière d'être la procureure de la République de Crimée, qui fait désormais partie de la Fédération de Russie.
De surcroît une procureure russe, parce que la Russie est une grande puissance. Tout le monde le comprend. Ce qui explique ces assauts.
A un moment donné Moscou a été obligé d'envoyer en Crimée une unité n'ayant pas d'équivalent en Crimée, car il n'avait jamais existé dans la péninsule de menaces de ce genre.
On a reçu des informations concernant des attentats éventuels. Certains responsables ukrainiens radicaux, y compris dans les structures de force, étaient prêts à mener des actions pouvant entraîner un grand nombre de victimes.
Les services secrets russes ont désarmé un explosif placé sous le barrage du réservoir d'eau. La Crimée manque constamment d'eau, ce qui est immédiatement devenu un levier de pression.
L'échec de la destruction du barrage n'a pas arrêté les extrémistes.
Sergueï Tourtchanenko (commandant d'un régiment de la milice populaire de Crimée): C'est le réservoir de Simféropol qui approvisionne en eau toute la ville. Les gens l'appellent "la mer de Simféropol".
Sergueï Tourtchanenko est un vétéran de la guerre en Afghanistan. Il a rejoint la milice criméenne dès le début de ces événements.
Son unité a trouvé et neutralisé un groupe de nationalistes qui étaient prêts à devenir terroristes.
Sergueï Tourtchanenko: Nous avons arrêté des activistes du Pravy sektor, un groupe de sabotage qui détenait des tubes de substances chimiques toxiques. Nous avons tout confisqué.
Qu'ont-ils tenté de faire?
Sergueï Tourtchanenko: Il ne fait aucun doute que ces gens tentaient d'empoisonner les réservoirs criméens, y compris celui-là qui approvisionne en eau la population. Cela aurait provoqué énormément de victimes.
L'approche du référendum a entraîné une recrudescence de l'activité des extrémistes, dirigés par des forces situées en dehors de la Crimée.
La Commission électorale centrale de Simféropol a connu deux attaques: les cosaques ont repoussé l'assaut de dizaines d'inconnus qui tentaient de s'emparer des bulletins de vote.
Des combattants du Maïdan arrivaient sous couvert de tourisme. Beaucoup d'eux ont été arrêtés dans les trains avec des armes en leur possession.
Mais les Criméens étaient la seule force capable de faire face à ceux qui avaient réussi à s'infiltrer dans leurs villes.
Sur les lieux d'incidents, les premiers étaient toujours les motards, probablement grâce à leur moyen de transport.
Alexandre, pour vous le Printemps criméen a commencé bien avant le printemps 2014.
Comment? Comment et pourquoi les motards de Night Wolves ont fait leur apparition à Sébastopol, à Simféropol, à Yalta, et en Crimée en général?
Alexandre Medvedev (président du motoclub Night Wolves de Crimée): Nous organisons un moto-show tous les ans.
Quand nous avons vu que certains voulaient faire de Sébastopol une ville à la gloire de Bandera, au lieu d'une ville ou beaucoup de sang russe avait coulé,
notre club a décidé d'organiser son moto-show à Sébastopol pour rappeler que c'est une ville de gloire russe.
le moto-show du club Night Wolves est depuis longtemps le principal événement du monde de la moto, et pas seulement en Russie.
Ce club a également uni les motards des ex-républiques soviétiques et d'Europe. L'idée patriotique de l'événement est tombée sur un terrain fertile à Sébastopol.
La ville de la gloire russe a établi un record. Des dizaines de milliers de motards ont commencé à se rassembler dans ces carrières abandonnées près de la montagne de Gasfort, le nombre de spectateurs a atteint 100 000 personnes.
L'idée de l'unité des Russes n'était pas pour autant opposée à l'Ukraine, et les drapeaux étaient toujours à proximité.
Vladimir Poutine: Vive l'Ukraine! Vive la Russie! Vive la moto!
Sébastopol, Gasfort, le 24 juin 2010.
Alexandre Medvedev (président du motoclub Night Wolves de Crimée): Dès notre arrivée à Sébastopol nous avons immédiatement affiché le drapeau russe.
On a tenté de l'interdire, de nous arrêter pour séparatisme, même de le voler – il a fallu le garder.
Mais Alexandre Zaldostanov, surnommé Le Chirurgien (fondateur du club Night Wolves à l'époque soviétique),
le président de la succursale de Crimée Alexandre Medvedev et tous leurs collègues ont décidé d'aller jusqu'au bout et ont fait, selon eux, ce que le peuple attendait d'eux en Crimée.
Quand le sang a commencé à couler à Kiev, les Night Wolves en Crimée étaient déjà dans les rassemblements avant d'ériger, avec tous les autres, les premières barricades.
Les tâches pour protéger la Crimée des visiteurs indésirables étaient si nombreuses que les hommes ne dormaient que deux heures par nuit.
Et pratiquement personne ne savait qu'Alexandre Medvedev courait sur un seul pied:
peu de temps avant les événements il avait perdu la plante de son pied dans un accident – la prothèse était provisoire et les médecins lui interdisaient tout effort.
Mais il protégeait la Crimée, devenue sa maison, au détriment de sa santé.
Alexandre Medvedev: Nous n'avions pas le temps de nous reposer et je pensais: "Je soignerai mon pied plus ***, après".
Et quand tout s'est terminé, quand j'ai enfin pu m'occuper de mon pied, il était trop *** – il fallait opérer.
Il était impossible de guérir la blessure après de tels efforts. Les médecins ont dû amputer 10 cm supplémentaire de sa jambe.
Alexandre Medvedev: Mais ce n'est pas le plus important. Le plus important est que la Crimée fait aujourd'hui partie de la Russie, que la vérité a triomphé et que la péninsule sera toujours russe désormais.
L'une des opérations des Night Wolves a certainement sauvé des dizaines de vies.
Leurs espions infiltrés au sein du Pravy Sektor ont rapporté que Kiev envoyait des chargements destinés à être entreposés à Aï-Petri.
Mais on ignorait où exactement se trouvait la cache des nationalistes.
Le motard surnommé Gvozd (Clou) a aidé – il travaillait comme garde forestier dans la réserve du plus beau mont du littoral
et se souvenait qu'à l'époque du président Viktor Iouchtchenko des émissaires de l'Ukraine occidentale avaient aménagé une grotte cachée dans la forêt.
Les Night Wolves ont lancé les recherches.
Ils ont réussi à retrouver cette grotte.
Un abri parfait: un orifice naturel servait d'évacuation de fumée pour le feu et la nourriture, des explosifs, des armes et des munitions étaient cachés entre les parois calcaires.
Vadim Gvozd (garde forestier de la réserve d'Aï-Petri): Des hommes qui ont transporté tout cela ici. Le sol était retourné à cet endroit.
On ignore combien de sabotages ont été ainsi empêchés contre la Crimée, mais les Night Wolves ont commencé à être poursuivis.
En mars, avant le référendum, sur le chemin du retour après avoir fait le tour des bureaux de vote, Alexandre Medvedev a aperçu dans sa cour des hommes enfilant des masques.
Ils ont attaqué en premier? Comment tout cela s'est passé?
Alexandre Medvedev: Oui, mais j'ai eu le temps de faire demi-tour et de neutraliser deux d'entre eux avec un pistolet traumatique, ceux qui couraient derrière.
A ce moment-là l'un de ceux qui se trouvaient à l'angle a tenté de me frapper avec un couteau.
Où?
Alexandre Medvedev (président du motoclub Night Wolves de Crimée): Ici, derrière.
Oui, au niveau du cœur, par derrière.
Au niveau de l'inscription Russie?
Alexandre Medvedev: Oui, ils frappaient dans la Russie!
(S'adresse à son fils): Tape-moi cinq! Bien joué! Et ta mère?
Fils d'Alexandre Medvedev: Papa, mamie.
Le danger d'un conflit d'envergure en Crimée se réduisait au fur et à mesure du passage des militaires ukrainiens du côté russe.
75 navires de la marine ukrainienne ont au final hissé la Croix de Saint-André, et 193 garnisons sont devenues russes.
Dans certains cas, les commandants des garnisons ukrainiennes bloquées eux-mêmes s'adressaient à leurs homologues russes:
"Vos hommes peuvent entrer. Nous devons rapporter à Kiev que nous avons été pris, et alors nous-mêmes nous hisserons le drapeau russe".
Statistiques: sur plus de 20 000 militaires ukrainiens, seulement 2 500 sont partis en Ukraine.
18 000 soldats et officiers sont restés en Crimée pour servir, selon leurs termes, la "nouvelle armée russe".
Le monde est sous le choc: l'armée est complètement différente.
C'est le résultat d'un long travail laborieux.
Rappelez-vous la fin des années 1990-début des années 2000, les opérations sanglantes dans le Caucase du Nord.
L'armée était délabrée. Les choses sont complètement différentes aujourd'hui. Durant ces années nous avons avancé aussi bien du point de vue de rééquipement que de la formation.
Et surtout le personnel militaire est convaincu qu'il sert une cause utile pour l’État.
En l'occurrence, ils ne craignent pas de sacrifier sur l'autel de la Patrie tout ce qu'ils possèdent de plus cher, y compris la vie.
L'opération est restée confidentielle pendant plus d'un an après les événements en Crimée.
Théodosie, le premier bataillon d'infanterie de marine des forces ukrainiennes. La seule unité qui a été prise d'assaut par les troupes russes.
Parce qu'au fond, elle n'était plus ukrainienne.
Alexandre Ostrikov (chef adjoint de la flotte de la Mer noire de la marine russe): Il s'agissait d'une unité formée dans la structure de l'Otan.
On ne pouvait donc s'attendre qu'à une seule chose – l'éclatement d'un conflit armé qui devait être empêché à tout prix dans une telle situation.
En plein Maïdan, le 8 janvier, cette unité de Théodosie s'est officiellement engagée dans le service opérationnel au sein de la force de réaction rapide de l'Otan.
Voici les passeports des objectifs du partenariat. Des pointeurs aériens avancés sous le code otanien L0318.
Contre qui les officiers ukrainiens devaient-ils orienter l'aviation de l'Otan? On ne peut que le supposer
L0001 fait référence aux opérations terrestres.
Alexandre Ostrikov (chef adjoint de la flotte de la Mer noire de la marine russe): C'était leur seule tâche – exprimer la volonté de l'Etat voisin, et non de leur Etat, dans cette situation.
Avec qui étaient-ils en liaison?
Alexandre Ostrikov: Ils étaient en contact avec des représentants du consulat général des USA à Kiev, qui donnaient les directives directement -
notamment l'ambassade - et tout était fait pour utiliser une force concrète contre les civils, contre les habitants de Théodosie.
Les négociations et le blocage de la garnison ont duré trois semaines.
Les services de renseignements ont ensuite intercepté des informations, selon lesquelles les fantassins de la marine ukrainienne préparaient une percée armée en Théodosie.
Leurs chefs avaient reçu sur leurs comptes en banque d'importantes sommes d'argent, promises par le consulat général des USA.
Alexandre Ostrikov: Nous avons dû prendre des mesures d'action souples pour régler le problème du foyer de tension en Théodosie.
L'assaut a été lancé le 24 mars, trois heures avant l'aube.
Les forces d'élite russes allaient affronter l'unité ukrainienne la plus opérationnelle –
des fantassins de marine ayant suivi 22 programmes de formation dans huit pays de l'Otan, dans les meilleures bases comme Lackland ou Fort Benning aux USA.
Les munitions réelles étaient tirées uniquement sur l'armurerie, pour empêcher les partenaires de l'Otan de s'armer, puis l'on passait aux munitions à blanc.
Ce bataillon n'acceptait pas de Criméens. Il comptait essentiellement des Ukrainiens occidentaux, qui parlaient anglais et possédaient des certificats otaniens.
Toutefois, plus de la moitié du personnel était passé du côté de la Russie avant l'assaut. Aucun des combattants restants n'a été blessé au cours de cette grande opération.
Alexandre Ostrikov: Les militaires capturés au cours de l'opération ont été ensuite envoyés en Ukraine.
Je sais qu'ils ont directement participé à l'opération nationaliste contre les Républiques de Donetsk et de Lougansk.
Voilà ce qu'ils ont laissé derrière eux à Gorlovka. Les anciens fantassins de marine otaniens se sont distingués par leur cruauté en Novorossia comme s'ils avaient été spécialement formés.
Même en Théodosie, ils appelaient leur bataillon "Galicie". Ils avaient pour emblème un rictus de loup.
Alexandre Ostrikov (chef adjoint de la flotte de la Mer noire de la marine russe): Aujourd'hui ces symboles sont arborés par des unités qui tuent des civils.
En fait, c'est la reprise du Wolfsangel, le crochet de loup.
Alexandre Ostrikov: Oui, c'est un Wolfsangel qui est affiché aujourd'hui par les extrémistes ukrainiens.
Alexandre Botchkarev (chef adjoint du régiment de milice populaire de Crimée): J'ai beaucoup vécu, je remercie infiniment la Russie pour le retour de la Crimée à la maison.
Nous voyons la tragédie de Donetsk et de Lougansk Croyez-moi, cette tragédie aurait été pire ici, en Crimée.
Cette haine fasciste envers les Criméens…
Ils nous ont toujours considérés comme une partie de la Russie, et nous aussi nous considérions comme une partie de la Russie, vous comprenez?
Sergueï Aksenov (chef de la République de Crimée, leader du parti Unité russe (2008-2014): Dieu merci. Vous savez, s'il n'y avait pas autant d'imbéciles au gouvernement ukrainien, nous n'aurions peut-être pas rejoint la Russie.
Personne ne s'attendait à l'immense taux de participation au référendum. Il y avait des files d'attente depuis 10 heures du matin. De très longues files d'attente devant tous les bureaux de vote.
Avec un taux de participation record, 96,7% des habitants de Crimée ont voté pour l'adhésion à la Russie, et 95,6% de la population de Sébastopol.
Le référendum du 16 mars s'est transformé en fête dans toute la Crimée. Restait à savoir si la Russie était prête à accepter la Crimée.
La question a été posée par les sociologues à travers le pays. Le 14 mars, les instituts de sondage VTsIOM et FOM ont uni leurs efforts pour couvrir les 83 sujets de la Fédération de Russie et interroger près de 50 000 Russes.
Les citoyens de Kaliningrad à Vladivostok ont répondu à quatre questions. Les résultats ont été publiés le 16 mars.
Est-ce que la Russie doit défendre les intérêts des Russes et des représentants d'autres ethnies résidant en Crimée? Oui à 94%.
Est-ce que la Russie doit le faire même au détriment des relations avec d'autres pays? Oui à 83%.
Est-ce que vous pensez que la Crimée, c'est la Russie? Oui à 86%.
Et enfin, acceptez-vous le rattachement de la Crimée à la Russie en tant que sujet de la Fédération? Oui à 91%.
Dans l'ensemble, ce résultat coïncidait avec le vote des Criméens au référendum. Seul l'avis de Washington et de Bruxelles était inverse.
D'ailleurs, la position de l'Occident concernant le référendum n'a pas toujours été stable?
Ils partaient d'abord du fait que nous n'oserions probablement pas le faire. Puis, lorsqu'ils ont compris qu'on ne s'arrêterait pas, ils ont commencé à proposer diverses options.
Autrement dit, ils cherchaient à empêcher la réunification de la Crimée avec la Russie par tous les moyens et sous toutes les formes.
Ils voulaient manifestement une fois de plus écarter la Russie de ses intérêts. C'est difficile à faire. Et pour être honnête – impossible.
Tout s'est passé en douceur, d'après vous?
Dans l'ensemble, oui. A l'exception peut-être d'un léger incident, quand en projetant la première unité il y a eu une certaine confusion:
quelque chose n'a pas été compris et il a été ordonné de faire demi-tour. J'ai attiré l'attention sur ce fait en l'apprenant.
Du ministre?
Oui, du ministre. Il m'a répondu: "J'ai ordonné de faire demi-tour".
J'ai dû lui demander: "Qui vous a autorisé à le faire?". Sa réponse fut immédiate: "Ils reviennent déjà". Dans la seconde!
Je n'ai aucun reproche à formuler à ce sujet, parce qu'après avoir donné les directives je n'ai pas pris contact avec le ministère de la Défense pendant environ 20 heures, j'étais occupé par d'autres problèmes –
juridiques, politiques et internationaux. Et cela pouvait donner l'impression que j'avais probablement changé d'avis. C'est difficile d'assumer une telle responsabilité.
Mais aucune défaillance n'a été commise, je le souligne.
C'était un travail difficile de par son ampleur, l'usage de divers moyens et forces - à la première étape, l'unité d'élite GRU, les troupes aéroportées, l'infanterie de marine, puis d'autres unités.
Le travail du ministère de la Défense a été très professionnel, tout comme celui d'autres départements:
le ministère des Affaires étrangères, les services juridiques, ceux qui sont chargés de la politique nationale –
tout a été coordonné de manière claire, nette, précise et opportune, à tel point que je me demandais: "Est-ce bien nous?".
Mais tout s'est passé comme on voulait.
Nous connaissons les résultats du référendum et nous avons agi comme on devait le faire.
Extrait de l'allocution à l'Assemblée fédérale
Le 18 mars 2014, Vladimir Poutine prononçait la première allocution extraordinaire de l'histoire à l'Assemblée fédérale.
Toutes les personnes présentes au Kremlin supposaient évidemment qu'il serait question de la Crimée et de Sébastopol,
mais personne ne savait jusqu'au dernier moment quelle décision le président demandera de soutenir.
Vladimir Poutine: Il était impossible de s'imaginer alors que l'Ukraine et la Russie pouvaient être séparées, pouvaient être des États différents.
Mais cela s'est produit. L'URSS a éclaté, et quand la Crimée s'est retrouvée au sein d'un autre État, la Russie s'est sentie volée, pillée.
L'expression "Russie pillée" est de vous?
Oui. Je l'ai écrite avec mon cœur. J'ai réuni les rédacteurs de discours pour leur donner les phrases de conclusion.
A savoir: "Je soumets à l'Assemblée fédérale la loi sur l'adhésion de la Crimée et de Sébastopol et je demande son soutien".
Extrait de l'allocution à l'Assemblée fédérale
Vladimir Poutine: Aujourd'hui, en s'appuyant sur les résultats du référendum en Crimée, sur la volonté du peuple,
je soumets à l'Assemblée fédérale la loi constitutionnelle sur l'adhésion à la Russie de deux nouveaux sujets:
la République de Crimée et la ville de Sébastopol.
Vous aviez conscience à ce moment-là que c'était un instant historique?
Si tu penses sans cesse que tu es en train de faire l'histoire, que tu es un homme important, ton travail va perdre très rapidement son caractère positif.
Mais si tu es vraiment certain de la justesse de tes actions, si tu es sûr de les mener pour le bien du pays et qu'elles protègent les intérêts du peuple russe, si tu as une telle certitude intérieure, tu arrives à tout faire.
Mais si tu es vraiment certain de la justesse de tes actions, si tu es sûr de les mener pour le bien du pays et qu'elles protègent les intérêts du peuple russe, si tu as une telle certitude intérieure, tu arrives à tout faire.
C'est pourquoi l'initiative criméenne a été un succès?
Exactement.
La foule scande: Russie! Russie!
Si l'histoire se répétait, vous referiez la même chose?
Mais bien sûr. Qu'en pensez-vous? Est-ce qu'on aurait pu agir autrement?
Je ne l'aurais jamais fait si je ne pensais pas que nous étions obligés d'agir de cette manière.
Et quand on évoque les sanctions…
Les sanctions font toujours mal. Mais il faut les introduire contre ceux qui organisent des coups d’État et soutiennent des putschistes.
Nous avons agi dans l'intérêt des Russes et de tout le pays.
Il est donc absolument inacceptable d'échanger cela contre de l'argent, d'échanger des gens contre des biens, des hommes et des femmes contre des contrats éventuels ou des tranches financières.
Si nous agissions avec une telle logique, nous perdrions tout, nous perdrions tout le pays.
Cela ne signifie pas que nous ne devons pas respecter le droit international ou les intérêts de nos partenaires.
Cela signifie que nos partenaires doivent respecter la Russie et ses intérêts.
Conclusion.
L'interview avec Vladimir Poutine a été enregistrée "à chaud" pour ne perdre aucun détail.
Je vous passe un grand bonjour collectif de la part des Criméens, nos compatriotes.
Merci.
Nous nous sommes entretenus encore une fois un an après ces événements en Crimée.
Monsieur le président, lors de notre dernière rencontre il semblait impossible de même s'imaginer l'ampleur des changements qui avaient eu lieu au cours de cette période assez brève.
Impossible de s'imaginer? Pourquoi? C'était tout à fait imaginable.
Quand j'ai lancé nos actions progressives et assez dures en Crimée, je me rendais compte que des événements comme ceux auxquels nous assistons aujourd'hui dans le Donbass pouvaient survenir.
Nous étions donc obligés de prendre ces mesures pour garantir un suffrage libre des Criméens et prévenir les scénarios de ce genre.
C'est pourquoi il nous fallait agrandir notre contingent en Crimée: la quantité de nos militaires devait créer les conditions nécessaires pour organiser un référendum, qui plus est un référendum sans effusion de sang.
Je suis sûr que si nous étions restés les bras croisés, les événements en Crimée auraient suivi un scénario similaire à celui que nous voyons aujourd'hui dans le Donbass.
Il aurait même été encore plus dur, bien que la dureté du drame actuel de Lougansk et de Donetsk semble indépassable.
La Crimée fait partie de la Russie. Comment vous imaginez-vous l'avenir de la péninsule?
La première chose qu'il faut faire est de résoudre les problèmes dans le domaine du développement économique et social.
Tout d'abord, cela concerne la structure de l'économie et l'infrastructure.
Il faut construire un pont pour relier la Crimée au Caucase, au territoire de la Fédération de Russie.
Il faut le faire d'urgence et nous avons les ressources nécessaires.
Ensuite, il faut créer en Crimée des conditions pour qu'elle développe son propre secteur énergétique.
Enfin, il faut restituer la gloire ancienne de la Crimée en tant que région balnéaire pour que les citoyens russes puissent profiter de la nature et du climat uniques de la péninsule.
Il est non moins important de réanimer la composante humanitaire de la Crimée comme une partie intégrale de notre culture et de notre patrimoine culturel.
Quand nous atteindrons tous ces objectifs, nous pourrons dire que nous n'avons pas seulement rattaché la péninsule mais fait tout ce qu'attendaient de nous les citoyens russes, notamment les Criméens.
Qu'est-ce que vous voudriez souhaiter aujourd'hui aux Criméens?
Du bonheur.