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*LE PROJET IMAGINE
*MATHILDA MAY ACTRICE
Il y a un domaine où je me suis toujours sentie fragile,
depuis toute petite, c'est l'écriture.
Je m'étais interdit de rêver qu'un jour, je pourrais écrire,
tellement c'était inaccessible et impensable.
Et puis, à l'âge adulte,
j'ai mis de côté cette idée même de...
J'avais envie de raconter des histoires.
Je sentais que j'avais envie de partager.
En fait, ça s'exprimait plus sur l'idée du partage.
J'avais envie de partager des sensations.
Et puis une rencontre magique a eu lieu.
C'est cette rencontre qui a changé la donne
entre la personne que j'ai été avant
et la personne que je suis devenue par la suite.
Il s'agit de mon éditeur, Thierry Billard,
qui travaille chez Flammarion.
C'est un éditeur que j'ai rencontré lorsque j'ai eu l'idée
de faire une sorte de livre-document sur l'enfance maltraitée,
car je travaillais avec une association
qui aidait les enfants maltraités. Donc je rencontre cet éditeur
pour ce bouquin,
et je commence à lui parler de ce que veux faire.
Pour plein de raisons, ça ne se fait pas.
Et là, il me dit :
"Vous"... On se connaissait très peu.
"Est-ce que vous pensez à écrire ?"
"Oui, mais ce sera un scénario."
"Vous voulez me le raconter ?"
Donc je lui raconte.
Quand je lui raconte cette histoire, je vois une émotion dans ses yeux.
Je vois les yeux qui rougissent de manière imperceptible, mais...
Il me dit : "C'est intéressant.
"Vous voudriez bien écrire cette histoire ?"
Pendant un an, je me mets la rate au court-bouillon
à essayer de transcrire cette histoire en roman,
puisqu'il s'agissait de la raconter par écrit.
Moi, je voyais les images.
C'était absolument impossible.
Il me dit : "Pourquoi vous n'essaieriez pas autre chose ?"
Cette phrase-là,
"Pourquoi vous n'essaieriez pas autre chose ?",
ça a été... Je ne peux pas vous dire...
Une sorte de déclic,
de libération.
Une phrase toute simple.
J'ai eu l'impression qu'un nœud dans le ventre s'était défait,
mais instantanément, physiquement.
J'étais, mais complètement, comme en état de choc.
Je suis rentrée chez moi comme un zombie.
Une sorte d'errance, comme ça.
Je me suis plantée devant mon ordinateur,
j'ai commencé à écrire mon premier roman.
Les premières phrases sont celles qui sont sur le roman.
J'ai commencé à écrire, et je n'ai pas lâché...
400 pages,
un an de... Voilà.
Donc c'est vraiment
une rencontre qui a un poids symbolique.
Lui n'en a pas forcement conscience.
Mais pour moi, la résonance que ça a eu,
l'impact que ça a eu sur ma vie,
la confiance que ça m'a donné,
la satisfaction, ça, je le dois à lui,
mais je me le dois à moi, ce travail-là, en tout cas.
C'est pas juste car j'aurais été bien choisie
par un metteur en scène pour faire un film.
C'est uniquement mon travail, mes émotions,
et ce que j'ai eu envie de raconter, moi.
C'est un peu une étape.
Comme si j'étais passée, grâce à lui, à l'âge adulte.
J'étais un peu en situation d'infantilisation,
comme on peut l'être quand on est comédien,
où on dépend un peu des autres, du regard de l'autre, et tout.
Là, c'est ma responsabilité.
C'est une démarche adulte.
C'est un peu comme si Thierry Billard,
depuis son bureau de Flammarion,
m'avait dit : "Tu es assez grande pour faire ça. Tu peux le faire."
J'aurais très bien pu être dans une autre disposition d'esprit,
rencontrer ce type, qu'il me dise ce qu'il m'a dit,
et dire : "'Autre chose'... Facile à dire."
Et en rester là.
Être réellement réceptif,
c'est ressentir parfois ce que l'autre perçoit de vous
que vous-même, vous ignorez.
C'est fantastique.
Sous-titrage : Eclair Group