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SDECE Service Action Maquis du Groupement de Commandos Mixtes Aéroportés (GCMA)
Provinces de Xieng Khouang et de Sam Neua (Laos)
Juillet 1953 - Mars 1955
Récitant : colonel Jean Sassi (1917-2009)
Nous sommes en avril 1954.
Depuis des semaines la bataille fait rage à Diên Biên Phu (Viêt-nam)
et je me sens de plus en plus concerné et menacé.
En ce début d'avril, en dépit de l'optimisme du généchef (H. Navarre)
Diên Biên Phu est condamné d'après mes renseignements.
Le 6 avril, Touby Lyfoung m'affirme que les Méos (Hmong)
accepteraient de monter avec moi vers le nord pour
secourir la garnison assiègée.
Par message j'informe le colonel Roger Trinquier et lui
demande d'obtenir du général Henri Navarre l'autorisation de
constituer une colonne de secours
ainsi que l'attribution d'une unité parachutiste
pour mieux encadrer mes maquis et leur permettre
d'agir par petites équipes sur les arrières Viêt-Minh,
baliser des itinéraires de repli et servir de
recueil pour une éventuelle sortie de la garnison.
Mais rien ne vient. Je tente vainement moi-même de
plaider ma cause à Saïgon (Viêt-nam). De retour à Khang Khay (Laos)
le 21 avril, j'alerte mes adjoints de commencer à
faire mouvement avec leurs troupes.
Le feu vert vient des autorités le 28 avril.
Ma mission est de porter un maximum de
mes partisans et commandos des provinces de Xieng
Khouang et de Sam Neua aux abords de Diên Biên Phu.
Le colonel Trinquier doit être ensuite parachuté avec un
bataillon "para" pour prendre le commandement de l'ensemble.
Le 28 avril 1954, l'Opération D commence réellement.
2 000 Méos et Laotiens, pieds nus pour la plupart, dans
leur tenue noire traditionnelle mais armés jusqu'aux dents,
convergent à marche forcée à travers ce pays
aux montagnes inhospitalières vers l'objectif qu'ensemble
nous sommes biens décidés à atteindre.
Pour seul encadrement, sous mon commandement,
3 lieutenants (dont Vang Pao), 15 sous-officiers français
pour 2,000 partisans.
Lors de nos traversées dans les villages, nous apportons
quelques soins aux villageois comme d'habitude
et laissons nos blessés.
Nous avons souvent droit à la cérémonie de bienvenue,
le « baci », et au traditionnel alcool de jarre.
La marche acharnée continue pour arriver à la DZ
(zone de largage) du nord de Muong Peu pour y recevoir les
parachutages des éléments du 1er Bataillon Parachutiste
de Choc (1er BPC). Le 4 mai nous sommes à Phou Vieng.
Le 5 la Nam Khan est franchie en pirogue.
Le 7 à Ban Pitou, puis à Ban Na Poung.
Le 8 l'avant-garde est à Ban Houei Kine et opère la liaison
avec les premiers éléments des maquis Servan
du Lieutenant Bréhier venus de Pa Thi, Pa Kha,
Nong Khang et Houei Tao.
En cours de progression, au passage, nous ratissons les
éléments du Sergent-Chef Marcellin, du chef de village
Xienfong et de ses 400 partisans.
Finalement, par dix itinéraires différents,
l'armée clandestine des montagnes est présente au
rendez-vous de Ban Na Poung.
Nous continuons notre progression jusqu'au 11 mai,
date à laquelle, je reçois l'ordre formel de
retourner sur nos bases
le plus rapidement possible.
Néanmoins, nous assurons sur place le recueil
des rares évadés de Diên Biên Phu,
150 environ, et en redescendant
nous "nettoyons" les zones traversées.
Après le cessez-le feu de 1954,
nos compagnons d'armes Hmongs et partisans de
toutes natures ont poursuivi la lutte
seuls... pour leur survie.
Certains continuent encore de nos jours de résister,
d'autres ont émigré.
De là vient cette nostalgie tragique
qu'entre nous appelons familièrement
« le Mal jaune »...