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Traducteur: Elisabeth Buffard Relecteur: Gautier Brunet
Je pensais que si j'entrais en sautillant, ça me détendrait,
mais en fait je fais une réaction paradoxale,
donc c'était une mauvaise idée. (Rires)
J'étais vraiment très heureux de recevoir l'invitation
à venir vous présenter une partie de ma musique et certaines de mes oeuvres
en tant que compositeur, probablement parce que ça convient
à mon narcissisme bien connu et important. (Rires)
Et je ne plaisante pas, je pense simplement que nous devrions
le dire et passer à la suite. (Rires)
Mais le fait est qu'un dilemme s'est rapidement posé,
et c'est que la musique m'ennuie vraiment,
et le rôle de compositeur m'ennuie vraiment,
et j'ai donc décidé de mettre cette idée, l'ennui,
au centre de ma présentation aujourd'hui.
Et je vais vous faire partager ma musique, mais j'espère
que je vais le faire d'une manière qui raconte une histoire,
une histoire sur la façon dont j'ai utilisé l'ennui comme catalyseur
pour la créativité et l'invention et comment l'ennui
en fait m'a obligé à modifier la question fondamentale
que je posais dans ma discipline,
et comment l'ennui aussi, dans un sens,
m'a poussé à endosser des rôles au-delà de la définition
la plus traditionnelle, la plus étroite de ce qu'est un compositeur.
Ce que j'aimerais faire aujourd'hui c'est commencer par un extrait
d'un morceau de musique au piano.
(Musique)
OK, c'est moi qui l'ai écrit. (Rires)
Non, (Applaudissements) Oh, merci.
Non, non, je ne l'ai pas écrit.
En fait, c'était un morceau de Beethoven,
et donc je n'officiais pas en tant que compositeur.
Là, j'officiais dans le rôle de l'interprète,
et me voilà, interprète.
Un interprète de quoi ? D'un morceau de musique, pas vrai ?
Mais on peut poser la question, " Mais est-ce de la musique? "
Et je dis cela pour la forme, parce que bien sûr
de quel côté qu'on le prenne, nous devons admettre
qu'il s'agit, bien sûr, d'un morceau de musique,
mais je l'ai placé là maintenant parce que,
juste pour le fixer dans votre cerveau pour le moment,
parce que nous allons revenir à cette question.
Elle va être une sorte de refrain
au cours de la présentation.
Nous avons donc ici ce morceau de musique de Beethoven,
et il me pose un problème, il est ennuyeux.
Je veux dire, vous, je suis là, ah, un silence, c'est comme, (Rires)
C'est Beethoven, comment pouvez-vous dire ça ?
Non, Eh bien, je ne sais pas, je le connais très bien.
J'ai dû m'exercer dessus quand j'étais petit, et j'en ai vraiment marre. Donc, (Rires)
j'aimerais essayer de le changer,
pour le transformer d'une certaine manière, de le personnaliser
donc je pourrais prendre l'ouverture, comme cette idée,
(Musique)
et puis je pourrais remplacer, (Musique)
et puis je pourrais improviser sur cette mélodie
qui va vers l'avant à partir de là, (Musique)
(Musique)
Voilà ce que ça pourrait être ... merci.
(Applaudissements)
Ce serait le genre de chose que je ferais,
et ce n'est pas nécessairement mieux que le morceau de Beethoven.
En fait, je pense que ce n'est pas mieux. Le fait est ...(Rires)
c'est plus intéressant pour moi. C'est moins ennuyeux pour moi.
J'insiste vraiment sur moi, parce que moi, parce que je dois
réfléchir aux décisions à prendre à la volée
pendant que ce texte de Beethoven défile en rythme dans ma tête
et j'essaye de trouver quels genres de transformations
je vais y apporter.
C'est donc une aventure où je m'implique,
et j'ai vraiment insisté sur ce pronom à la première personne,
et maintenant mon visage apparaît deux fois, donc je pense que nous pouvons convenir
qu'il s'agit d'une aventure fondamentalement solipsiste. (Rires)
Mais c'est un engagement, et c'est intéressant pour moi
pendant un certain temps, mais ensuite ça m'ennuie, et quand je dis ça,
je veux en fait dire le piano, parce qu'il devient,
c'est cet instrument familier, sa gamme de timbre est en fait
assez comprimée, tout du moins lorsque vous jouez sur le clavier,
et si vous ne faites pas de choses comme l'écouter
après y avoir mis le feu ou quelque chose comme ça.
Il devient un peu ennuyeux et donc très vite
je passe en revue d'autres instruments, ils deviennent familiers,
et finalement, je me retrouve à concevoir et construire
mon propre instrument et j'en ai amené un avec moi aujourd'hui,
et j'ai pensé que je vous en jouerais un peu
pour que vous entendiez le son qu'il produit.
(Musique)
Vous devez avoir des butées, c'est important. (Rires)
J'ai des peignes. Ce sont les seuls peignes que je possède. (Musique)
Ils sont tous montés sur mes instruments. (Rires)
(Musique)
Je peux vraiment faire toutes sortes de choses. Je peux jouer
avec un archet de violon. Je n'ai pas besoin d'utiliser les baguettes.
Nous avons donc ce son. (Musique)
Et avec une banque d'effets électroniques en direct,
je peux changer les sons radicalement. (Musique)
(Musique)
Comme ceci et comme ça. (Musique)
Et ainsi de suite.
Cela vous donne donc une petite idée du monde sonore
de cet instrument, qui je pense est tout à fait intéressant
et il me met dans le rôle de l'inventeur et ce qui agréable,
cet instrument s'appelle le Mouseketeer... (Rires) (Ndt, Mouse= souris)
et ce qui est sympa,
c'est que je suis le plus grand joueur de Mouseketeer du monde. (Rires)
D'accord? (Applaudissements)
Donc, à cet égard, c'est une des choses,
c'est l'un des privilèges,
et voici un autre rôle, d'être l'inventeur et d'ailleurs
lorsque je vous ai dit que je suis le plus grand du monde,
si vous avez suivi, nous avons eu le narcissisme et le solipsisme
et maintenant une bonne dose d'égocentricisme.
Je sais que certains d'entre vous se disent "c'est vrai !"! Ou, je ne sais quoi. (Rires)
C'est aussi un rôle vraiment agréable.
Je dois admettre également que je suis le pire joueur de Mouseketeer au monde,
et c'est cette distinction qui m'inquiétait le plus
quand j'étais dans l'anticipation de la séparation des fonctions.
Je suis heureux que ce soit terminé. Nous n'approfondirons pas.
Je pleure à l'intérieur. Il y a encore des cicatrices.
Mais je suppose que ce que j'avance est que toutes ces aventures
m'attirent par leur multiplicité, mais comme je vous les ai présentées
aujourd'hui, ce sont des aventures solitaires,
et donc assez vite je veux communier avec d'autres personnes et donc
je suis ravi en fait de composer des œuvres pour eux.
J'écris, parfois pour solistes et je travaille alors avec une personne,
parfois pour des grands orchestres, et je travaille avec beaucoup de gens,
et c'est probablement la capacité, le rôle, de manière créative,
pour lequel je suis probablement le mieux connu professionnellement.
Maintenant, certaines de mes partitions en tant que compositeur ressemblent à ceci,
et d'autres ressemblent à ça,
et certains ressemblent à ceci,
et je les écris toutes à la main, et c'est vraiment pénible.
Ça prend un temps fou d'écrire ces partitions
et à l'heure actuelle, je travaille sur un morceau
de 180 pages,
et c'est un gros morceau de ma vie, et je m'arrache les cheveux.
J'en ai beaucoup, et c'est une bonne chose, je suppose. (Rires)
C'est vraiment ennuyeux et vraiment fatigant pour moi,
alors au bout d'un un certain temps le processus de notation n'est pas seulement ennuyeux,
mais je veux en fait que la notation soit plus intéressante,
et ça m'a donc poussé à faire d'autres projets comme celui-ci.
Il s'agit d'un extrait d'une partition appelée
« La métaphysique de la notation ».
La partition complète fait 22 mètres de large.
C'est un tas de notation pictographique dingue.
Agrandissons-en une partie ici. Vous pouvez voir
qu'elle est plutôt détaillé. Je fais tout cela à partit de modèles de rédaction,
avec des règles, des pistolets à dessin et à main levée,
et les 22 mètres ont en fait été divisés
en 12 panneaux de 1,80 mètre de large qui ont été installés
autour du balcon de l'entrée du Cantor Arts Center Museum,
et elle a été exposée pendant un an au Musée,
et au cours de cette même année, elle a été vécue comme de l'art visuel
la plupart de la semaine, sauf, comme vous pouvez le voir sur ces photos,
les vendredis, de midi à une heure et seulement pendant ce temps-là,
divers artistes sont venus interpréter ces étranges
glyphes pictographiques indéfinis. (Rires)
Ce fut une expérience vraiment enthousiasmante pour moi.
C'était gratifiant musicalement, mais je pense que
le plus important est que c'était enthousiasmant parce que ça m'a permis de prendre
un autre rôle, surtout étant donné qu'elle a été exposée dans un musée,
et c'est celui d'artiste visuel. (Rires)
Nous sommes aller remplir tout ça, ne vous inquiétez pas. (Rires)
Je suis une multitude. (Rires)
Certaines personnes
diront, , « Oh, vous êtes un dilettante »
et peut-être c'est vrai. Je peux comprendre comment, je veux dire,
parce que je n'ai pas un pédigrée en art visuel
et je n'ai aucune formation, mais c'est juste quelque chose
que je voulais faire comme un prolongement de ma composition,
un prolongement d'une sorte d'impulsion créatrice.
Je peux comprendre la question, cependant. « Mais est-ce de la musique? »
Je veux dire, il n'y a aucune notation traditionnelle.
Je peux aussi comprendre ce genre de critique implicite
dans ce morceau, « S-tog », que j'ai fait lorsque je vivais à Copenhague.
J'ai pris la carte du métro de Copenhague et
j'ai renommé toutes les stations d'après des provocations musicales,
et les musiciens, qui sont synchronisés avec des chronomètres,
suivent les horaires, qui sont listés en fonction des minutes après l'heure.
C'est une affaire de réellement adapter quelque chose,
ou peut-être de voler quelque chose,
et puis de le transformer en une notation musicale.
Une autre adaptation serait ce morceau.
J'ai pris l'idée de la montre-bracelet, et je l'ai transformée en une partition musicale.
J'ai fait mes propres cadrans et les ai fait fabriquer par une entreprise
et les musiciens suivent ces partitions.
Ils suivent les trotteuses, et en passant sur les différents symboles,
les musiciens réagissent musicalement.
Voici un autre exemple d'un autre morceau,
et puis sa réalisation.
Donc à ces deux titres, j'ai été un charognard,
dans le sens où j'ai pris, par exemple, la carte de métro,
ou peut-être un voleur, et j'ai aussi été un designer,
dans le cas de la fabrication des montres.
Et encore une fois, c'est intéressant, pour moi.
Un autre rôle que j'aime prendre est celui de l'artiste de performance.
Certains de mes morceaux ont ces éléments un peu théâtraux,
et je les joue souvent. Je veux vous montrer une vidéo
d'un morceau intitulé « Écholalie. »
Il est en fait exécuté par Brian McWhorter,
qui est un artiste extraordinaire.
Regardons-en un extrait, et remarquez l'instrumentation.
(Musique)
OK, je vous entends rire nerveusement car
vous aussi avez pu entendre que la perçeuse était un peu forte,
l'intonation était un peu douteuse. (Rires)
Regardons un autre extrait.
(Musique)
Vous pouvez voir que le chaos continue et il y a,
il n'y a ni clarinettes ni trompettes
ni flûtes ni violons. Voici une morceau qui a
une instrumentation encore plus étrange et plus inhabituelle.
C'est « Tlön, » pour trois chefs d'orchestre et pas de musiciens. (Rires)
C'est inspiré de l'expérience de regarder
deux personnes se disputant violemment en langue des signes,
ce qui ne produit aucun décibels à proprement parler,
mais du point de vue affectif, psychologique, a été une expérience très forte.
Alors, oui, je comprends qu'avec des appareils bizarres
et puis l'absence totale d'instruments classiques
et cette surabondance de chefs d'orchestre, les gens peut-être,
se demandent, « Est-ce de la musique? »
Mais passons à un morceau où clairement je suis sage,
et c'est mon « Concerto pour orchestre ».
Vous remarquerez beaucoup d'instruments classiques
dans cette vidéo. (Musique)
(Musique)
En fait, ce n'est pas le titre de ce morceau,
j'étais un peu espiègle. En fait, pour le rendre plus intéressant,
J'ai mis un espace ici, et voici le vrai titre du morceau.
Continuons avec ce même extrait.
(Musique)
C'est mieux avec un fleuriste, non ? (Rires) (Musique)
Ou du moins c'est moins ennuyeux. Regardons encore quelques extraits.
(Musique)
Alors avec tous ces éléments théâtraux, cela me pousse dans dans un autre rôle,
et qui serait, peut-être, le dramaturge.
Je jouais bien. J'ai eu à écrire les passages de l'orchestre, non ?
D'accord ? Mais ensuite, il y avait cette autre chose, pas vrai ?
Il y avait la fleuriste, et je peux comprendre que,
une fois de plus, nous mettons la pression sur l'ontologie de la musique
comme nous la connaissons conventionnellement,
mais voyons un dernier morceau aujourd'hui que je vais partager avec vous.
Ce sera un morceau intitulé « Aphasie »
et c'est pour les gestes de la main synchronisés avec le son,
et cela invite un rôle de plus, le dernier
que je vais partager avec vous, qui est celui du chorégraphe.
Et la partition de ce morceau ressemble à ça,
et elle m'ordonne à moi, l'interprète, de faire
divers gestes de la main à des moments très précis
synchronisés avec une bande son et cette bande son
est composée exclusivement d'échantillons vocaux.
J'ai enregistré un chanteur formidable,
et j'ai mis le son de sa voix dans mon ordinateur,
et j'e l'ai déformé d'innombrables façons pour arriver à
la bande originale que vous êtes sur le point d'entendre.
Et je vais exécuter pour vous un extrait de « Aphasie » ici. D'accord ?
(Musique)
Ce qui vous donne un petit aperçu de ce morceau.. (Applaudissements)
Oui, OK, c'est un peu bizarre.
Es ce que c'est de la musique ? Voici comment je veux conclure.
J'ai décidé, en fin de compte, que c'est la mauvaise question,
que ce n'est pas la question importante.
La question importante est, « Est-ce intéressant ? »
Et je suis cette question, sans m'inquiéter de savoir si c'est de la musique,
sans m'inquiéter de la définition de cette chose que je crée.
Je laisse ma créativité me pousser
dans des directions qui sont tout simplement intéressantes pour moi,
et je ne m'inquiéte pas de la ressemblance du résultat
à une notion, un paradigme,
de ce que la composition musicale est censée être,
et qui m'a effectivement poussé, dans un sens,
à prendre un tas de rôles différents,
et donc ce à quoi je veux que vous réfléchissiez c'est,
dans quelle mesure pourriez-vous changer la question fondamentale
dans votre discipline et, d'accord,
je vais rajouter une petite note ici,
parce que je me suis rendu compte que j'ai mentionné
certains défauts psychologiques plus tôt et nous aussi,
en chemin, avons eu une bonne dose de comportement obsessionnel,
et il y avait un comportement délirant et des choses comme ça,
et ici je pense que nous pourrions dire qu'il s'agit d'un argument
pour la haine de soi et une sorte de schizophrénie,
au moins au sens populaire du terme,
et je veux vraiment dire le trouble dissociatif de l'identité , OK. (Rires)
Malgré ces dangers , je vous demande instamment
de réfléchir à la possibilité que vous pouvez assumer des rôles
dans votre travail, qu'ils soient voisins
ou éloignés de la définition de votre profession.
Et sur ce, je vous remercie beaucoup. (Applaudissements)
(Applaudissements)