Tip:
Highlight text to annotate it
X
Ha! Ha!
Quel bonheur de respirer l'air pur des champs!
Après dix ans passés dans nos murailles,
ah! quel bonheur de respirer l'air pur des champs
que le cri des batailles ne va plus déchirer.
- Que de débris! Un fer de lance! - Je trouve un casque!
- Et moi, deux javelots! - Voyez, ce bouclier immense!
Il porterait un homme sur les flots!
Quels poltrons que ces Grecs!
Savez-vous quelle tente en ce lieu même s'élevait?
Non! Dites-le... C'était?
- Celle d'Achille. - Dieux!
Restez, troupe vaillante!
Achille est mort,
vous pouvez voir ici sa tombe, la voici.
C'est vrai;
de ce monstre homicide Pâris nous délivra.
Connais-tu le cheval de bois,
qu'avant de partir pour l'Aulide construisirent les Grecs?
Ce cheval colossal, leur offrande à Pallas,
dans ses vastes entrailles tiendrait un bataillon.
On abat les murailles.
Dans la ville, ce soir, nous allons le traîner.
On dit que le roi vient tantôt l'examiner!
- Où donc est-il? - Sur le bord du Scamandre!
Il faut le voir sans plus attendre!
Courons! courons! Le cheval! le cheval!
Les Grecs ont disparu!
Mais quel dessein fatal
cache de ce départ l'étrange promptitude?
Tout vient justifier ma sombre inquiétude!
J'ai vu l'ombre d'Hector
parcourir nos remparts comme un veilleur de nuit,
j'ai vu ses noirs regards
interroger au loin
le détroit de Sigée...
Malheur!
dans la folie et l'ivresse plongée, la foule sort des murs,
et Priam la conduit!
Malheureux roi!
dans l'éternelle nuit,
c'en est donc fait, tu vas descendre!
Tu ne m'écoutes pas,
tu ne veux rien comprendre,
malheureux peuple,
à l'horreur qui me suit!
Chorèbe, hélas, oui, Chorèbe lui-même
croit ma raison perdue!
À ce nom mon effroi redouble!
Dieux! Chorèbe!
Il m'aime! Il est aimé!
Mais... plus d'*** pour moi,
plus d'amour, de chants d'allégresse,
plus de doux rêves de tendresse!
De l'affreux destin qui m'oppresse
il faut subir l'inexorable loi!
Malheureux roi!
dans l'éternelle nuit,
c'en est donc fait, tu vas descendre!
Tu ne m'écoutes pas,
tu ne veux rien comprendre,
malheureux peuple,
à l'horreur qui me suit!
Chorèbe!
Il faut qu'il parte et quitte la Troade.
C'est lui!
Quand Troie éclate en transports jusqu'aux cieux,
vous fuyez les palais joyeux
pour les bois et les champs, pensive hamadryade!
De vous on s'inquiète...
Ah! je cache à vos yeux
le trouble affreux dont mon âme est remplie!
- Cassandre! - Quitte-moi! - Viens!
Pars, je t'en supplie!
Moi, partir! Te quitter!
Quand le plus saint des nœuds...
C'est le temps de mourir et non pas d'être heureux.
Reviens à toi, vierge adorée!
Cesse de craindre en cessant de prévoir,
lève vers la voûte azurée
l'œil de ton âme rassurée.
Laisse entrer en ton cœur
un doux rayon d'espoir.
Tout est menace au ciel!
Crois en ma voix
qu'inspire le barbare dieu même à nous perdre acharné.
Au livre du destin mon regard a su lire,
je vois l'essaim de maux
sur nous tous déchaîné!
Il va tomber sur Troie!
À sa fureur en proie, le peuple va rugir
et de son sang rougir le pavé de nos rues,
les vierges demi-nues, aux bras des ravisseurs,
vont pousser des clameurs à déchirer les nues!
Déjà le noir vautour,
sur la plus haute tour a chanté le carnage!
Tout s'écroule!
Tout nage sur un fleuve de sang!
Et dans ton flanc le fer d'un Grec! Ah!
Pauvre âme égarée!
Reviens à toi, vierge adorée!
Cesse de craindre en cessant de prévoir.
La mort déjà plane dans l'air.
- Lève vers la voûte azurée - Et j'ai vu le sinistre éclair
- l'œil de ton âme rassurée. - de son froid regard homicide!
Laisse entrer en ton cœur
un doux rayon d'espoir.
Si tu m'aimes, va-t'en! pars!
Va rendre à ton père
un appui nécessaire à ses vieux ans,
inutile pour nous.
Eh, de quel œil, si de tels maux sur nous devaient tomber,
chère insensée,
mon père me reverrait-il,
fuyant ma fiancée au moment du péril?
Mais le ciel et la terre,
oublieux de la guerre,
proclament ton erreur.
Cette tiède douceur du souffle de la brise
et cette mer qui brise
si mollement ses flots aux caps de Ténédos,
sur la plaine ondoyante ces tranquilles troupeaux,
ce pâtre heureux qui chante
et ces joyeux oiseaux semblent ne faire entendre,
sous le céleste dais,
et partout ne répandre que l'hymne de la paix.
Signes trompeurs! calme perfide!
La mort déjà plane dans l'air,
et j'ai vu le sinistre éclair
de son froid regard homicide!
Quitte-nous dès ce soir, entends-moi, je t'implore,
dans nos murs que l'aurore ne puisse te revoir!
D'épouvante j'expire et mon cœur se déchire!
Pars ce soir, pars ce soir!
Te quitter, dès ce soir! Cassandre! et je t'adore!
Sauve-moi, je t'implore, d'un affreux désespoir.
Tu veux donc que j'expire?
Peux-tu dire, sans pitié peux-tu dire:
pars ce soir, pars ce soir!
Si de ton noble amour, Chorèbe, tu me crus digne un jour,
tu partiras!
Au nom des dieux du ciel et de l'Érèbe,
Cassandre, tu m'écouteras!
À tes genoux je tombe, à tes genoux, Cassandre!
À tant de douleurs je succombe!
Ô dieux cruels!
Te quitter, dès ce soir!
- Cassandre! et je t'adore! - Entends-moi, je t'implore,
- Sauve-moi, je t'implore, - dans nos murs que l'aurore
- d'un affreux désespoir! - ne puisse te revoir!
- Tu veux donc que j'expire? - D'épouvante j'expire
- Sans pitié peux-tu dire: - et mon cœur se déchire!
Pars ce soir, pars ce soir!
- Pars! - Cassandre!
Mon cœur se déchire! Ah!
- Pars ce soir! - Ô désespoir!
Aveugle et sourd comme eux!
Tu persévères à t'immoler à ton funeste amour?
Je ne te quitte pas!
L'épouvantable jour te verra donc combattre avec mes frères?
Je ne te quitte pas!
Eh bien!
voilà ma main
et mon chaste baiser d'épouse!
Reste!
La mort jalouse
prépare notre lit nuptial pour demain.
Viens! Viens!
Dieux protecteurs de la ville éternelle,
recevez notre encens,
et du bonheur de son peuple fidèle
entendez les accents!
Ô vous! divins auteurs
de notre délivrance,
Dieu de l'Olympe! Dieu des mers!
Régulateurs de l'univers,
acceptez les présents
de la reconnaissance.
Dieux protecteurs de la ville éternelle,
recevez notre encens,
et du bonheur de son peuple fidèle
entendez les accents!
Dieu de l'Olympe! Dieu des mers!
Andromaque et son fils!
Ô destin!
Ces clameurs de la publique allégresse,
et cette immense tristesse, ce deuil profond,
ces muettes douleurs!
Les épouses, les mères pleurent à leur aspect.
Hélas! garde tes pleurs, veuve d'Hector.
À de prochains malheurs
tu dois bien des larmes amères.
Du peuple et des soldats, ô roi!
la foule s'enfuit et roule comme un torrent,
on ne peut l'arrêter!
Un prodige inouï vient de l'épouvanter:
Laocoon, voyant quelque trame perfide dans l'ouvrage des Grecs,
a d'un bras intrépide lancé son javelot sur ce bois,
excitant le peuple indécis et flottant à le brûler.
Alors, gonflés de rage,
deux serpents monstrueux
s'avancent vers la plage,
s'élancent sur le prêtre,
en leurs terribles nœuds l'enlacent,
le brûlant de leur haleine ardente,
et le couvrant d'une bave sanglante,
le dévorent à nos yeux.
Châtiment effroyable!
Mystérieuse horreur!
À ce récit épouvantable
le sang s'est glacé dans mon cœur.
- Châtiment effroyable! - Un frisson de terreur
- Mystérieuse horreur! - ébranle tout mon être!
Laocoon! un prêtre!
Objet de la fureur des dieux,
dévoré palpitant...
dévoré palpitant par ces monstres hideux!
Châtiment effroyable!
Ô peuple déplorable!
Mystérieuse horreur!
À ce récit épouvantable le sang s'est glacé dans mon cœur.
Laocoon! un prêtre!
Objet de la fureur des dieux,
dévoré palpitant par ces monstres hideux!
Horreur!
Que la déesse nous protège,
conjurons ce nouveau danger!
Il est trop vrai, Pallas vient de venger un affreux sacrilège.
Pour l'apaiser, suivez mes ordres sans retard.
Déjà sur des rouleaux disposés avec art,
le cheval est placé, que chacun le conduise
vers le Palladium, en pompe l'introduise!
À cet objet sacré
formez cortège, enfants, femmes, guerriers,
couvrez de fleurs la voie, et que jusques dans Troie
la trompette et la lyre accompagnent vos chants!
- Malheur! Malheur! - Pallas, pardonne à Troie!
- Malheur! Malheur! - Ha, ha, ha!
Non, je ne verrai pas la déplorable fête
où s'enivre, en espoir
d'un brillant avenir, ce peuple condamné,
que rien, hélas! n'arrête sur la pente du gouffre.
Ô cruel souvenir!
Gloire!
Gloire de la Patrie!
Et voir s'évanouir
du bonheur le plus pur la séduisante image!
Ô Chorèbe! Ô Priam!
Vains efforts de courage,
des pleurs d'angoisse inondent mon visage.
Du roi des dieux, ô fille aimée,
- De mes sens éperdus - du casque et de la lance armée,
- est-ce une illusion? - sage guerrière aux regards doux,
- Les chœurs sacrés d'Ilion! - à nos destins sois favorable.
Rends Ilion inébranlable.
Quoi, déjà le cortège!
Belle Pallas, protège-nous.
Au loin je l'aperçois!
L'ennemi vient!
L'ennemi vient et la ville est ouverte!
Ce peuple fou qui se rue à sa perte
semble avoir devancé les ordres de son roi!
- Du roi des dieux, ô fille aimée, - Pallas!
- du casque et de la lance armée, - Pallas,
- sage guerrière aux regards doux! - protège-nous!
Entends nos voix, vierge sublime,
- L'éclat des chants augmente! - aux sons des flûtes de Dindyme
se mêler au plus haut des airs.
Que la trompette phrygienne
unie à la lyre troyenne
- L'énorme machine roulante s'avance! - te porte nos pieux concerts!
La voici!
Du roi des dieux, ô fille aimée,
du casque et de la lance armée,
sage guerrière aux regards doux!
Souriante guirlande, à l'entour de l'offrande
dansez, heureux enfants!
Semez sur la ramée la neige parfumée,
la neige parfumée des muguets du printemps.
Pallas!
Protège-nous!
Semez sur la ramée la neige parfumée,
la neige parfumée des muguets...
- Qu'est-ce donc? - Jupiter!
- Et pourquoi ce mouvement d'alarmes? - On hésite!
Et la foule s'agite!
Dans les flancs du colosse on entend un bruit d'armes.
On s'arrête...
- Ô dieux! Si... - Présage heureux!
Chantez, enfants! Fiers sommets de Pergame,
d'une joyeuse flamme rayonnez triomphants!
Arrêtez! arrêtez! Oui, la flamme, la hache!
Fouillez le flanc du monstrueux cheval!
Laocoon! Les Grecs! Il cache un piège infernal.
Ma voix se perd!
Plus d'espérance! Vous êtes sans pitié, grands dieux,
pour ce peuple en démence!
Ô digne emploi de la toute-puissance,
le conduire à l'abîme en lui fermant les yeux!
Ils entrent, c'en est fait,
le destin tient sa proie.
Sœur d'Hector, va mourir sous les débris de Troie!
Ô lumière de Troie!
Ô gloire des Troyens!
Après tant de labeurs de tes concitoyens,
de quels bords inconnus reviens-tu?
Quel nuage semble voiler tes yeux sereins, Hector?
Quelles douleurs ont flétri ton visage?
Ah! fuis, fils de Vénus!
L'ennemi tient nos murs!
De son faîte élevé Troie entière s'écroule!
Un ouragan de flammes roule des temples aux palais
ses tourbillons impurs.
Nous eussions fait assez pour sauver la patrie
sans l'arrêt du destin.
Pergame te confie ses enfants et ses dieux.
Va, cherche l'Italie
où pour ton peuple renaissant,
après avoir longtemps erré sur l'onde
tu dois fonder un empire puissant,
dans l'avenir, dominateur du monde,
où la mort des héros t'attend.
Quelle espérance encore est permise, Panthée?
Où combattre, où courir?
La ville ensanglantée brûle!
C'est notre jour fatal! Priam n'est plus!
Sortis du monstrueux cheval,
les Grecs ont massacré les gardes de nos portes.
Déjà d'innombrables cohortes, affluant du dehors,
courent de toutes parts attiser l'incendie
qu'alluma de leurs chefs l'infâme perfidie,
d'autres occupent les remparts.
Ô père! Le palais d'Ucalégon s'écroule!
Son toit fondant en pluie ardente coule!
- Suis-nous, Ascagne! - Aux armes, grand Énée!
Viens, la citadelle cernée tient encor!
À tout prix il faut y parvenir.
Prêts à mourir tentons de nous défendre.
Le salut des vaincus est de n'en plus attendre.
Le salut des vaincus est de n'en plus attendre.
Entendez-vous l'écroulement des tours?
la flamme dévorante? les hurlements des Grecs?
Toujours leur foule augmente.
Marchons! le désespoir dirigera nos coups.
Prêts à mourir, tentons de nous défendre,
le salut des vaincus est de n'en plus attendre.
Ô Mars! Érinyes! conduisez-nous!
Puissante Cybèle,
déesse immortelle,
mère des malheureux,
à tes Troyens sois secourable,
à leurs efforts sois favorable
en ces moments affreux!
Sauve de l'outrage et de l'esclavage
leurs mères, leurs sœurs.
Brise l'arme impie de la perfidie
aux mains des vainqueurs.
Puissante Cybèle,
déesse immortelle,
Cybèle, mère des malheureux,
à tes Troyens sois secourable,
à leurs efforts sois favorable
dans ces moments affreux!
Tous ne périront pas.
Le valeureux Énée et sa troupe, trois fois au combat ramenée,
ont délivré nos braves citoyens enfermés dans la citadelle.
Le trésor de Priam est aux mains des Troyens.
Bientôt en Italie, où le sort les appelle,
ils verront s'élever, plus puissante et plus belle,
une nouvelle Troie.
Ils marchent vers l'Ida.
- Et Chorèbe? - Il est mort.
Dieux cruels!
De Vesta, pour la dernière fois, à l'autel, je m'incline.
Je suis mon jeune époux.
Oui, cet instant termine mon inutile vie.
Ô digne sœur d'Hector!
Prophétesse que Troie accusait de démence!
De nous sauver, hier, il était temps encor,
quand elle prédisait cette ruine immense!
Bientôt elle ne sera plus.
Ô désespoir! Ô regrets! Ô regrets superflus!
Mais vous, colombes effarées,
pouvez-vous consentir à l'horrible esclavage?
et voudrez-vous subir, vierges, femmes déshonorées,
la loi brutale des vainqueurs?
Faut-il bannir tout espoir de nos cœurs?
L'espoir! Ô malheureuses!
Dans ces ténèbres lumineuses ne voyez-vous, n'entendez-vous donc pas
les cruels Myrmidons qui remplissent nos rues
et ceux qui du palais gardent les avenues?
C'en est fait, rien ne peut nous sauver de leurs bras.
Rien, dites-vous? Si l'honneur vous anime,
pour qui donc cet abîme est-il ouvert devant vos pas?
Pour qui ce fer et ces cordons de soie,
sinon pour vous, femmes de Troie?
Héroïne d'amour et d'honneur, tu dis vrai! Nous te suivrons!
Le jour ne vous trouvera pas par les Grecs profanées?
Non, Cassandre, nous le jurons!
Vous ne paraîtrez pas en triomphe traînées?
Jamais! jamais! Avec toi nous mourrons.
Complices de sa gloire, en partageant son sort,
des Grecs par notre mort flétrissons la victoire!
Pures et libres nous vivions.
En cette nuit fatale, pures et libres descendons
à la rive infernale!
Vous qui tremblez
et gardez le silence,
vous hésitez?
Ah! je me sens frémir!
Eh quoi!
vous subiriez une vile existence indigne des grands cœurs?
Hélas!
Déjà mourir!
Allez dresser la table et le lit de vos maîtres!
- Esclaves, loin de nous! - Pitié! - Honte sur vous!
Descendez vers ces traîtres,
jetez-vous à leurs pieds, embrassez leurs genoux!
Allez vivre!
Thessaliennes!
Honte sur vous! Sortez!
Vous n'êtes pas Troyennes! Sortez!
Cassandre, avec toi nous mourrons!
On ne nous verra pas par les Grecs profanées,
nous ne paraîtrons pas en triomphe traînées,
non, non, jamais, nous le jurons.
Complices de sa gloire, en partageant son sort,
des Grecs par notre mort flétrissons la victoire!
Pures et libres nous vivions.
En cette nuit fatale, pures et libres descendons
à la rive infernale!
- Ouvre-nous, noir Pluton, - Chorèbe! Hector! Priam!
- les portes du Ténare! - Roi! père! frère! amant!
- Fais retentir, Caron, - Je vous rejoins!
- ta funèbre fanfare! - Entendez leur serment, dieux des enfers!
- Mourez dignes de gloire, - Quoi! la lyre à la main!
- et, partageant mon sort, - de ce noble transport,
- des Grecs par votre mort - j'admire malgré moi
- flétrissez la victoire! - la sublime ironie!
- Pures et libres nous vivions. - Cassandre! qu'elle est belle
- En cette nuit fatale, - ainsi chantant la mort,
- pures et libres descendons - Bacchante à l'œil d'azur
- à la rive infernale! - s'enivrant d'harmonie!
Le trésor! le trésor!
Livrez-nous le trésor!
Nous méprisons votre lâche menace,
monstres ivres de sang, troupe immonde et rapace!
Vous n'étancherez pas, brigands, votre soif d'or!
Tiens! la douleur n'est rien!
Dieux ennemis! Ô rage! Couverts de sang,
du milieu du carnage, Énée et ses Troyens échappent à nos coups.
Et, maîtres du trésor, ils sortent!
Malgré vous, aux chemins de l'Ida déjà les voilà tous,
et nous bravons votre furie.
Sauve leurs fils, Énée!
Italie! Italie!
De Carthage les cieux semblent bénir la fête!
Vit-on jamais un jour pareil
après si terrible tempête?
Vit-on jamais un jour pareil?
Quel doux Zéphir!
notre brûlant soleil de ses rayons calme la violence,
à son aspect la plaine immense tressaille de joie,
il s'avance,
illuminant le sourire vermeil de la nature à son réveil.
Gloire à Didon,
notre reine chérie!
Reine par la beauté,
la grâce, le génie,
reine par la faveur des dieux,
et reine par l'amour de ses sujets heureux!
Nous avons vu finir sept ans à peine,
depuis le jour où, pour tromper la haine
du tyran meurtrier de mon auguste époux,
j'ai dû fuir avec vous, de Tyr à la rive africaine.
Et déjà nous voyons Carthage s'élever,
ses campagnes fleurir, sa flotte s'achever!
Déjà des bords lointains où s'éveille l'aurore
vous rapportez, laboureurs de la mer,
le blé, le vin et la laine et le fer,
et les produits des arts qui nous manquent encore.
Chers Tyriens,
tant de nobles travaux
ont enivré mon cœur d'un orgueil légitime!
Mais ne vous lassez pas,
suivez la voix sublime
du Dieu qui vous appelle à des efforts nouveaux!
Donnez encore un exemple à la terre:
grands dans la paix, devenez dans la guerre un peuple de héros.
Grands dans la paix, devenons dans la guerre un peuple de héros.
Le farouche Iarbas veut m'imposer la chaîne d'un *** odieux,
son insolence est vaine.
Le soin de ma défense est à vous comme aux dieux.
Gloire à Didon, notre reine chérie!
Chacun de nous est prêt à lui donner sa vie!
Tous nous la défendrons.
Nous bravons d'Iarbas l'insolence et la rage,
et nous repousserons jusqu'au fond des déserts ce Numide sauvage!
Chers Tyriens,
oui, vos nobles travaux
ont enivré mon cœur d'un orgueil légitime!
Tous nous la défendrons.
Soyez/Soyons heureux et fiers!
Suivez/Suivons la voix sublime
du Dieu qui vous/nous appelle à des efforts nouveaux!
Suivez/Suivons la voix sublime
du Dieu qui vous/nous appelle
à des efforts nouveaux!
Cette belle journée,
qui dans vos souvenirs doit rester à jamais,
à couronner les œuvres de la paix fut par moi destinée.
Approchez, constructeurs,
matelots, laboureurs,
recevez de ma main la juste récompense
due au travail qui donne la puissance et la vie aux États.
Peuple! tous les honneurs pour le plus grand des arts,
l'art qui nourrit les hommes!
Vivent les laboureurs!
nous sommes leurs fils reconnaissants, ils nous donnent le pain!
Ô Cérès!
L'avenir de Carthage est certain!
Gloire à Didon, notre reine chérie!
Chacun de nous est prêt à lui donner sa vie!
Prouvons-lui notre amour par des gages nouveaux.
Colons, marins, formons un peuple de héros!
Gloire à Didon,
notre reine chérie!
Reine par la beauté,
la grâce, le génie,
reine par la faveur des dieux,
et reine par l'amour de ses sujets heureux!
Les chants joyeux,
l'aspect de cette noble fête,
ont fait rentrer la paix en mon cœur agité.
Je respire, ma sœur,
oui, ma joie est parfaite,
je retrouve le calme et la sérénité.
Reine d'un jeune empire
qui chaque jour s'élève,
s'élève florissant,
reine adorée,
et que le monde admire,
quelle crainte avait pu vous troubler un instant?
Une étrange tristesse, sans causes, tu le sais,
vient parfois m'accabler.
Mes efforts restent vains contre cette faiblesse,
je sens transir mon sein qu'un ennui vague oppresse,
et mon visage en feu sous mes larmes brûler.
Vous aimerez, ma sœur...
Non, toute ardeur nouvelle est interdite à mon cœur sans retour.
- Vous aimerez, ma sœur... - Non!
Non, la veuve fidèle doit éteindre son âme,
éteindre son âme et détester l'amour.
Didon, vous êtes reine, et trop jeune, et trop belle,
pour ne plus obéir à cette douce loi :
Carthage veut un roi.
Puissent mon peuple et les dieux me maudire,
si je quittais jamais cet anneau consacré!
Un tel serment fait naître le sourire,
un tel serment fait naître le sourire de la belle Vénus,
sur le livre sacré les dieux refusent,
les dieux refusent de l'inscrire.
Sa voix fait naître dans mon sein la dangereuse ivresse,
déjà dans ma faiblesse, contre un espoir confus
je me débats en vain.
Ma voix fait naître dans son sein des rêves de tendresse,
déjà dans sa faiblesse, au doux espoir d'aimer,
elle résiste en vain.
Sichée! Ô mon époux, pardonne...
Didon, ma tendre sœur, pardonne
- ...à cet instant d'involontaire erreur, - si je dissipe une trop chère erreur,
- et que ton souvenir - pardonne si ma voix
- chasse loin de mon cœur - excite dans ton cœur
ce trouble qui l'étonne.
- Sichée! Sichée, pardonne! - Didon! ma sœur, pardonne!
- Pardonne, ô mon époux! - Pardonne, ma tendre sœur!
Échappés à grand peine, à la mer en fureur,
reine, les députés d'une flotte inconnue
d'être admis devant vous implorent la faveur.
La porte du palais n'est jamais défendue à de tels suppliants.
Errante sur les mers, ne fus-je pas aussi,
de rivage en rivage, emportée au sein de l'orage,
jouet des flots amers!
Hélas, des coups du sort je sais la violence
sur ceux qu'il frappe.
Au malheur compatir est facile pour nous.
Qui connut la souffrance
ne pourrait voir en vain souffrir.
J'éprouve une soudaine et vive impatience de les voir,
et je crains en secret leur présence.
Auguste reine, un peuple errant et malheureux
pour quelques jours vous demande un asile.
Je dépose à vos pieds les présents précieux,
débris de sa grandeur, que, par ma main débile,
au nom de Jupiter, vous offre un chef pieux.
De ce chef, bel enfant, dis-moi le nom, la race?
Ô reine,
sur nos pas une sanglante trace
des monts de la Phrygie a marqué les chemins jusqu'à la mer.
Ce sceptre d'Ilione, fille du roi Priam,
d'Hécube la couronne,
et ce voile léger d'Hélène où l'or rayonne,
doivent vous dire assez que nous sommes Troyens.
Troyens!
Notre chef est Énée,
je suis son fils.
Étrange destinée!
Obéissant au souverain des dieux ce héros cherche l'Italie,
où le sort lui promet un trépas glorieux
et le bonheur de rendre aux siens une patrie.
Qui n'admire ce prince, ami du grand Hector?
Qui de son nom fameux est ignorant encor?
Carthage en est remplie.
Dites-lui que mon port ouvert à ses vaisseaux l'attend.
Qu'il vienne,
qu'il oublie avec vous à ma cour
ses pénibles travaux.
J'ose à peine annoncer la terrible nouvelle!
Qu'arrive-t-il?
Le Numide rebelle, le féroce Iarbas
avec d'innombrables soldats s'avance vers Carthage.
Et la troupe sauvage égorge nos troupeaux
et dévaste nos champs.
Des armes! des armes!
Mais des malheurs nouveaux menacent la ville elle-même:
à nos jeunes guerriers dont l'ardeur est extrême
les armes vont manquer.
Que dites-vous, Narbal?
Que nous allons tenter un combat inégal.
Reine,
je suis Énée!
Ma flotte sur vos bords par les vents entraînée
à de rudes travaux fut par moi destinée,
permettez aux Troyens
de combattre avec vous!
J'accepte avec orgueil une telle alliance!
Énée armé pour ma défense!
Les dieux se déclarent pour nous.
Ô ma sœur, qu'il est fier, ce fils de la déesse,
et qu'on voit sur son front de grâce et de noblesse!
Sur cette horde immonde d'Africains, marchons, Troyens et Tyriens,
volons à la victoire ensemble!
Comme le sable emporté par les vents,
chassons dans ses déserts brûlants le Numide éperdu,
- qu'il tremble. - Qu'il tremble!
C'est le dieu Mars qui nous rassemble.
C'est le dieu Mars qui nous rassemble.
C'est le fils de Vénus qui vous/nous guide aux combats!
Exterminez/Exterminons la noire armée,
et que demain la renommée proclame au loin
la honte et la mort d'Iarbas!
Annonce à nos Troyens l'entreprise nouvelle
où la gloire les appelle.
Reine, bientôt du barbare odieux vous serez délivrée.
À vos soins généreux j'abandonne mon fils.
De mon amour de mère pour lui ne doutez pas.
Viens embrasser ton père.
D'autres t'enseigneront, enfant, l'art d'être heureux ;
je ne t'apprendrai, moi, que la vertu guerrière
et le respect des dieux,
mais révère en ton cœur et garde en ta mémoire
et d'Énée et d'Hector les exemples de gloire.
Des armes! des armes!
Sur cette horde immonde d'Africains,
marchez/marchons, Troyens et Tyriens,
volez/ volons à la victoire ensemble!
Comme le sable emporté par les vents,
chassez/ chassons dans ses déserts brûlants
le Numide éperdu, qu'il tremble.
C'est le dieu Mars qui vous/nous rassemble.
C'est le fils de Vénus qui vous/nous guide aux combats!
Exterminez/Exterminons la noire armée,
et que demain la renommée proclame au loin
la honte et la mort d'Iarbas!
Des armes! des armes!
Ao ao ao ao ao!
Italie! Italie!
Ha!
Dites, Narbal, qui cause vos alarmes?
Le jour qui termina la guerre et ses malheurs
n'a-t-il pas vu briller la gloire de nos armes?
Les Tyriens ne sont-ils pas vainqueurs?
Pour nous de ce côté plus rien n'est redoutable.
Les Numides chassés dans leurs déserts de sable,
près de nos murs ne reparaîtront pas,
et le glaive terrible du héros invincible
nous a délivrés d'Iarbas.
Mais Didon maintenant oublie
les soins naguère encore à son esprit si chers;
en chasses, en festins, elle passe sa vie,
les travaux suspendus, les ateliers déserts,
le séjour prolongé du Troyen à Carthage
me causent des soucis que le peuple partage.
Eh! ne voyez-vous pas, Narbal,
qu'elle l'aime, ce fier guerrier,
et qu'il ressent lui-même pour ma sœur un amour égal?
- Quoi! - De l'ardeur qui les anime
quel malheur craignez-vous?
Didon peut-elle avoir un plus vaillant époux,
Carthage, un roi plus magnanime?
Mais le destin impérieux appelle Énée en Italie!
Une voix lui dit: Pars!
Une autre voix lui crie: Reste!
L'amour est le plus grand des dieux.
De quels revers menaces-tu Carthage,
sombre avenir?
Je vois sortir de sinistres éclairs
du sein de ton nuage!
Jupiter! dieu de l'hospitalité,
en exerçant la vertu qui t'est chère,
avons-nous donc, avons-nous mérité
les coups de ta colère?
Vaine terreur!
Carthage est triomphante!
Notre reine charmante aime un héros vainqueur,
une chaîne de fleurs les enlace,
bientôt ils vont s'unir.
Telle est la menace du sombre avenir.
Ha! Ha!
Amaloué.
Midonaé.
Faï caraïmé.
Deï beraïmbé.
Assez, ma sœur,
je ne souffre qu'à peine cette fête importune.
Iopas, chante-nous,
sur un mode simple et doux, ton poème des champs.
À l'ordre de la reine j'obéis.
Ô blonde Cérès, quand à nos guérets
tu rends leur parure de fraîche verdure,
de leur massacre, un jour, épouvantent le monde!