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Quand vers toi le Maître vint...
...pour subir ton rite saint...
...il choisit pour lui la croix...
...nous donnant ses douces lois
Son baptême nous lava
Son supplice nous sauva
Guide très sûr !
Précurseur pur !
Prends-nous par la main...
...jusqu'au vrai Jourdain !
Restez ! Un mot !
Rien qu'un seul mot !
L'écharpe ! Vois ! Là-bas sans doute !
Enfant distraite ! Encor chercher !
Pardon d'oser parler ainsi !
Une réponse, une demande...
...que n'oserais-je point encore ?
La vie ou le trépas ?
La joie ou la douleur ?
Un mot unique les peut donner: demoiselle, dites...
Voici l'écharpe
- Ô ciel ! La broche ! - Tombée aussi ?
Le jour de joie, ou la nuit de mort ?
Dois-je connaître ce que j'espère...
...ou dois-je apprendre ce que je crains:
Demoiselle, dites...
Et voici la broche
Viens, fille !
Tes deux objets sont là. Ô ciel ! à mon tour j'oublie mon livre !
Ce mot si bref, le dites-vous ?
Ce mot, qui doit fixer mon sort ?
Oui ou non ! Un simple mot: demoiselle, dites...
...êtes-vous fiancée ?
Vraiment, Messire !
Vous nous comblez d'honneur:
la garde d'Eva vous cause grand souci ?
Dois-je aviser son père de vos visites proches ?
Oh ! pourquoi suis-je entré chez lui !
Fi donc ! Que veut dire ce mot ?
Dans Nuremberg vous arrivez à peine, y trouvez-vous l'accueil maussade ?
Cuisine et cave, tout vous fut offert, n'est-ce donc rien pour vous ?
Ô Lène ! Il ne dit pas cela ! De moi seule il veut savoir...
...comment le dire ?...
...le sais-je vraiment - je crois l'entendre comme en un rêve !
Il demande si je suis fiancée
Grand Dieu ! Parle plus bas !
Vite, retournons chez nous ; ici l'on peut nous voir !
- Non pas sans m'avoir tout dit ! - Vois donc, l'église est vide
C'est bien pourquoi j'ai peur ! Messire, ailleurs qu'ici !
Non ! Ce seul mot !
Ce mot ?
David ? Hé ! David ici ?
Que dire ? Toi, parle !
Seigneur, le mot qui vous fait languir ne se dit point si promptement
La fille à Pogner est bien promise...
...mais nul encore n'a vu le promis !
L'époux, c'est vrai, n'est point connu
Demain pourtant il sera nommé:
seul un Maître Chanteur obtiendra ce prix...
Ma propre main le doit couronner
Un Maître Chanteur ?
L'êtes-vous pas ?
- Un chant d'épreuve ? - Devant les juges
À qui le prix ?
À l'élu des Maîtres
Et l'enfant choisit ?
- Vous, ou personne ! - Quoi ? Eva ! Eva !
Perds-tu la tête ?
Non, Lène ! fais qu'à ce noble on m'accorde !
Hier tu l'as vu pour la première fois ?
Et c'est d'où vient mon soudain tourment...
...car j'ai cru voir son portrait souvent
Dis, n'est-il pareil à David même ?
Es-tu folle ?
- Ici David ? - Ici David le roi
Ah ! tel qu'il est peint sur le blason des Maîtres...
...barbe longue et la harpe en main ?
Mais non ! vainqueur de Goliath, qu'il renverse...
...le glaive au flanc, la fronde à la main...
...le front nimbé de boucles d'or...
...et tel que Maître Dürer le peint
Ah, David ! David !
Je suis là !
Plaît-il ?
Ah, David ! Que de malheurs vous faites !
Le cher fripon ! las ! il le sait !
Voyez ! et même, il nous enferme ?
Dans mon cœur seulement !
Visage trop cher !
Or, ça ! Vous faites là vos farces ?
Vous dites ? farces ?
Un grave objet ! Je prépare tout pour les Chanteurs
Quoi ? Grande séance ?
Non, simple épreuve: l'élève y finit son temps d'étude...
...pourvu qu'il se conforme à la tablature:
Maître on le nommera bientôt
Le chevalier arrive au bon moment
Viens, Eva, viens, allons-nous-en
Chez Maître Pogner je vais vous conduire
Ici demeurez, il va venir
Pour gagner la main d'Eva...
...l'endroit et l'heure, tout vous sert
- Sur ce, rentrons vite - Que dois-je entreprendre ?
Que David vous dise l'épreuve prochaine !
David ! écoute, cher ami:
demeure avec Messire et parle-lui !
De fins régals je vais te combler...
...et demain plus encore peut-être...
...si ce jeune homme aujourd'hui devient Maître
Vous reverrai-je ?
Ce soir, à coup sûr !
Mais ce que j'ose, comment le dire ?
Tout dans mon cœur est nouveau...
...toutes ces choses me sont nouvelles !
Une m'importe...
...une m'est chère:
de tout mon être vous faire mienne !
Non par l'épée, soit ! je veux quand même...
...en tant que Maître, lutter et vaincre
Ici vous corps et biens !
- Mon cœur, sainte ardeur... - Pour vous la sainte ardeur du chant !
...pour vous fera maints vœux aimants !
Rentrons, il n'est que temps !
Lui, Maître ?
Hoho ! d'emblée ?
David !
Allons ? Au travail !
Aide à mettre le marquoir !
Je fus avant vous à la tâche
C'est votre tour ; j'ai d'autres caprices !
Quel grand orgueil !
L'élève modèle !
Il sert un poète ès semelles !
S'il faut l'alène, il tient la plume
S'il rime, il prend le ligneul
Il fait ses vers sur la peau écrue
Nos poings lui tannent son cuir !
« Commencez ! »
- Quoi donc ? - « Commencez ! »
Le « Marqueur » parle
Il faut qu'on chante !
L'ignorez-vous ?
- Quel est ce juge ? - L'ignorez-vous ?
Vîtes-vous pas de concours de chant ?
Jamais où l'artisan se fît juge !
Vous êtes « Poète » ?
Plût à Dieu !
Êtes-vous « Chantre » ?
Sais-je, moi ?
« Ami de l'École » et d'abord « Écolier » ?
Ces mots sont tout nouveaux pour moi
Et tout droit vous voulez être Maître ?
La chose est-elle si difficile ?
Ô Lène ! Lène !
Quel grand émoi !
Ô Magdalene !
Conseillez-moi !
Seigneur ! le nom de Maître ès chant...
...ne s'obtient pas en un moment
De Nuremberg un Maître illustre, mon professeur, Hans Sachs...
...depuis un an met tout son zèle à m'inculquer son art
Cordonnerie et poésie, tout m'est enseigné d'un seul coup
Ai-je battu le cuir à force, sur les voyelles on m'interroge
Ai-je ciré bien droit le fil, c'est de la rime qu'il s'agit
L'alène en main, le poinçon brandi...
...mots sourds, mots clairs, mesures et pieds...
...la forme aux genoux, mots longs, mots courts...
...sons durs, sons doux, forts ou muets...
...qui tombent, s'élident, s'allongent...
...les pauses, les « graines », les « fleurs », les « ronces »...
...sur tout cela j'ai longtemps peiné:
à quel point, dites, suis-je arrivé ?
Ici quelque paire de bons souliers ?
Oh ! nous n'y sommes point encore !
Un « chant » est fait de « stances » groupées
En savoir la juste règle est dur
Cousues ensemble du fil voulu...
...les « stances » font la paire, montant la forme entière
Et c'est alors l'« envoi du chant »...
...pas trop petit, mais pas trop grand
Nulle rime n'y doit rester, qui dans la stance ait sonné
Celui qui sait bien tout cela...
...néanmoins n'est pas un Maître encor !
Grand Dieu ! Serai-je donc bottier ?
L'art lyrique me plairait bien mieux
Oui, je n'ai pas même de « Chantre » le rang !
Qui peut croire quel mal il faut pour ça ?
Des Maîtres les tons et modes sont fort nombreux et divers
Des rudes et des tendres qui peut dire tous les noms !
Les tons « bref », « long », et même « très long »...
... » le blanc vélin », et « l'encre noire »...
...tons « rouge », « bleu », et « vert » aussi...
... » buisson fleuri », « paille », « grain de fenouil »...
... » le tendre », « l'aimable »...
... » la rose de mai »...
... » amour fugace », « douloureux oubli »...
... » bouquet de thym », « fleur de giroflée », et « l'arc-en-ciel », « la voix du rossignol »
« Étain d'Angleterre », « parfum de cannelle », « fraîches oranges », « rameau de tilleul »
« Les grenouilles », « les veaux », « le *** chardonneret »...
...le « mode du goinfre décédé »...
... » alouette », « limace », « aboi du chien »
« La jolie mélisse », « la fleur de marjolaine », « la peau du lion », « le bon pélican »
- « Le fil du cordonnier habile » ! - Dieu juste !
Pourquoi ces modes sans fin ?
Ce n'est que leurs titres
Sachez les dire, tels que les Maîtres les ont faits !
Que mots et notes, tout soit sonore, l'élan de la voix, sa chute aussi !
N'allez pas trop haut, trop bas non plus, que votre voix demeure au point
Ménagez le souffle, qu'il ne s'épuise et vous trahisse avant la fin
Que la voix au départ jamais ne grelotte...
...que le son vers la fin ne chevrote
Posez chaque « fleur » et chaque « ornement »...
...brodez comme les Maîtres l'ont dit
Si vous innovez, si vous errez...
...et vous perdez, et vous embrouillez...
...quand même tout le reste irait au mieux, cela vous ferait exclure !
Malgré ma peine et tous mes soins, j'en suis moi-même encor bien loin
Ici tous mes essais, à tous mes échecs...
... » le ton des coups » m'est chanté par mon maître
Et si dame Lène ne vient m'assister...
...je chante « le mode du pain sec » !
Je peux servir d'exemple...
...quittez un vœu trop haut
« Chanteur », « Poète », prenez vos grades:
nul n'est « Maître » tout d'abord
- David ! - Qui est Poète ?
- David, viens-tu ? - Tout à l'heure, oui !
Poète, vrai ?
Déjà de « Chantre » portant le titre...
...et sachant des Maîtres les justes formules...
...si vous groupez des vers rimés...
...bien à leur place et bien coupés, propres à l'un des « tons reçus »...
...lors, vous serez « Poète élu »
Hé David ! Faut-il le dire au maître ?
Fais donc trêve à ton sot bavardage !
Oho ! Oui-da ! Car si je ne viens...
...sans mon aide, tout ira mal ici !
De grâce:
être « Maître », comment ?
Pour ça, Messire, sachez la loi !
Le Poète qui tout seul compose...
...sur vers et rimes créés par lui...
...un chant non moins neuf, une forme neuve...
...au rang de « Maître Chanteur » est élu !
Mon seul espoir est la maîtrise alors !
Si je chante, telle est l'issue:
créer moi-même et mes vers et mon chant !
Que faites-vous là ? Oui, si je n'y veille...
...la loge est mise par vous de travers !
Est-ce donc « classe » ?
Point du tout ! trop grand le marquoir !
C'est « jour d'essai » !
Entre tous et partout David est le plus fin
Tous les honneurs lui sont dus, c'est certain:
c'est jour d'essai, il va chanter...
...sur tous ses rivaux il croit l'emporter !
Des « gifles » il sait le sûr refrain...
...le mode aussi « du meurt-de-faim »
Mais « le coup de botte », voilà son grand air...
...son maître l'enseigne net et clair !
Riez toujours ! Rien ne m'atteint
Un autre va s'offrir à l'épreuve
Il n'est « Élève », ni « Poète », ni « Chantre », et franchit les grades !
Car il est noble, et d'un seul élan...
...croit-il, sans efforts et tout droit, il pense avoir rang de « Maître »
Aussi dressez-lui le marquoir à point !
Leste !
Preste !
Le tableau sur le fond...
...le Marqueur l'aura tout juste à sa main !
Oui, oui ! Il « marque » !
Ça vous fait peur ?
Par lui déjà plus d'un fut évincé
Sept erreurs vous sont accordées...
...qu'il marque de craie blanche ici
Si plus de sept erreurs l'on commet...
...l'on échoue et l'on est exclu !
Aussi, prenez garde !
Le Marqueur vous guette
La chance vous soit bonne !
Tâchez d'avoir la couronne !
Couronne verte aux jolis satins...
...le beau chevalier t'aura-t-il demain ?
« Couronne verte aux jolis satins...
...le beau chevalier t'aura-t-il demain ? »
Ma foi d'ami vous est un gage
Ce que j'ai fait vous doit servir:
Ici cette joute allez sans crainte
Auprès de vous qui peut lutter ?
Mais si vous maintenez la clause...
...qui seule, j'avoue, me rend songeur...
...de dire non puisqu'Eva est libre...
...que sert mon rang de Maître ici ?
Eh ! dites donc, sur toutes choses ne devez-vous pas gagner ses vœux ?
Si de son cœur vous n'êtes maître...
...pourquoi briguer le nom d'époux ?
Eh oui ! Sans doute ! Aussi je prie...
...qu'à votre enfant vous expliquiez...
...combien ma flamme est douce et digne...
...et que Beckmesser vous convient
- Avec plaisir - Il n'en démord !
Comment sortir de tels dangers ?
- De grâce, Maître ! - Vous, Messire ?
Ici, dans notre École d'art ?
Si les femmes savaient ! Pourtant des fadaises...
...leur plaisent mieux que la poésie
Je vous retrouve au bon endroit
Parlant sans fard...
...à Nuremberg un grand désir m'amène, et c'est l'amour de l'art
Je vous devais hier l'apprendre...
...or, aujourd'hui je viens le dire:
de Maître Chanteur je rêve le nom
Vous, Maître, ouvrez-moi la Guilde !
Kunz Vogelgesang ! Cher Nachtigall !
Dites, le cas n'est point commun !
Ce noble chevalier, mon jeune ami, vers notre art dirige ses efforts
Je vais m'y remettre, mais s'il ne m'écoute...
...je veux par mon chant toucher sa fille
Le soir tombe, d'elle seule entendu...
...j'essaye si ma chanson lui plaît
Quel est cet homme ?
Certes, c'est bien ! Le temps jadis revit ainsi !
- Il me plaît fort peu ! - Tous vos désirs...
- Que cherche-t-il ? - ...s'il tient à moi...
- Quel regard joyeux ? - ...seront comblés
J'ai de vos biens bien dirigé la vente dans la Guilde...
- Holà Sixtus ! - ...ici je vous fais accueil
Prends garde à lui !
Merci, cher hôte, du fond de mon âme ! Faut-il que j'espère ?
Et puis-je sur l'heure briguer ici le rang...
...de Maître en l'art du chant ?
Oho ! Tout doux ! Tête en bas, quille tombe !
Messire, marchons selon la règle
C'est jour d'épreuve: je vous présente
Nos Maîtres ici volontiers m'écoutent
Que Dieu vous garde !
Nous sommes en nombre ?
Hans Sachs est bien là !
Lisez la liste !
Pour une épreuve, en cour plénière...
...nous convoquâmes la Guilde entière:
d'après nos lois, à haute voix...
...je fais l'appel selon le rite et l'air...
...moi-même ayant pour nom Fritz Kothner
En premier, Veit Pogner ?
Le voici
- Kunz Vogelgesang ? - Vint aussi
Hermann Ortel ?
Juste à son coin
- Balthasar Zorn ? - N'est jamais loin
Konrad Nachtigall ?
Prêt à chanter
Augustin Moser ?
N'y veut manquer
Niklaus Vogel ?
- Rien ? - Au lit !
Que Dieu le guérisse !
- Amen ! - Merci !
- Hans Sachs ? - Le voilà !
La peau te cuit ?
Pardon, Maîtres ! Sachs est ici
Sixtus Beckmesser ?
Tout près de lui, pour apprendre à rimer: « vert et fleuri ! »
Ulrich Eisslinger ?
Là
Hans Foltz ?
Debout
Hans Schwartz ?
Dernier: c'est tout !
Le compte est bon d'après la loi
Ici quand le choix d'un nouveau Marqueur ?
Après la Saint-Jean ?
L'emploi lui plaît ? Je le lui cède volontiers
Non pas, mes Maîtres !
Laissez cela
De graves choses je veux vous parler
Sur l'heure, Maître ! Dites !
Oyez, et pesez ceci !
La belle fête, Saint-Jean d'été, demain, sera joyeuse:
aux prés fleuris, aux verts bosquets, par jeux et danses, et gais ébats...
...heureux du jour de liesse, quittant soucis et peines...
...chacun s'amuse à sa façon
L'École d'art qu'on tient ici, les Maîtres la transforment
Musique en tête, sortant des murs, parmi la plaine ils vont en corps...
...afin qu'au temps de fête, le peuple des profanes entende...
...aussi leur « Libre-Chant » !
Pour les concours et jeux du chant il est des prix qu'on offre
Partout l'on vante à grand renom les dons non moins que les strophes
Je fus comblé de biens par Dieu
Chacun doit faire ce qu'il peut...
...aussi je mis mon zèle au choix d'un prix insigne...
...et qui me fasse honneur
Sachez donc mon dessein
Souvent, au cours de mes voyages, j'ai vu, non sans tristesse...
...que l'on nous juge, nous, bourgeois, avares et cupides:
les nobles, et le peuple aussi, m'ont ressassé l'amer propos...
...que la richesse et l'or sont tout pour nous, bourgeois
Seuls, dans le vaste pays germain...
...de l'art nous servons la cause, et nul cependant n'en tient compte:
le noble emploi qui fait notre orgueil...
...l'ardeur dont tous ici révèrent l'utile et le beau...
...l'honneur que nous rendons à l'art...
...je veux les montrer à tout l'univers
Sachez, Maîtres, le don, que pour prix j'entends offrir:
l'artiste qui sera vainqueur devant le peuple au grand concours...
...demain, au Jour Saint-Jean, quel qu'il soit par le sang...
...aura de moi, ami des arts...
...de Nuremberg Veit Pogner...
...avec tout le bien qui m'est acquis...
...Eva, ma seule enfant, pour prix
C'est là parler - en noble cœur !
Ici Nuremberg voilà comme on fait !
Aussi toujours l'on vous louera...
...vous, le grand bourgeois Pogner Veit !
- Ici jamais, en tous lieux: Pogner Veit ! - Qui n'aimerait briguer ce prix !
Pour lui plusieurs donneraient leur femme !
Veufs et garçons ! Vite au concours !
J'insiste sur un grave point !
Je donne un prix vivant et libre:
l'enfant doit être à vos côtés
Les Maîtres jugent seuls des chants
Mais pour l'***...
...il est prudent...
...que la fiancée ait droit de dire oui ou non
- Aimez-vous ça ? - Si j'ai compris...
...bien plus que nous l'enfant choisit ?
Péril fâcheux !
S'ils gênent le sien, comment serons-nous libres dans nos choix ?
Que la fille choisisse seule...
...et que les Maîtres soient hors du débat !
Mais non ! Pourquoi ?
Veuillez comprendre !
Bien que seuls vous nommiez l'élu...
...l'enfant peut ne point le prendre...
...mais non en choisir un autre:
un Maître Chanteur doit seul l'avoir
Seul votre élu la peut briguer
Pardon ! Déjà vous fûtes un peu loin
Un cœur de fille, un Maître d'art ne brûlent pas des mêmes feux
Le goût des femmes, fort peu savant...
...au goût du peuple ressemble en tout
Si vous voulez montrer au peuple...
...l'honneur rendu à l'art...
...et si de son choix l'enfant est libre...
...mais doit confirmer l'arrêt:
laissez le peuple juger aussi
Il verra les choses comme l'enfant
Oho ! Le peuple ? Oui, ce serait beau !
Ici Dieu le chant, à Dieu tout art !
Non, Sachs ! Pour sûr, ça n'a point de sens ! Vous immolez la règle au peuple ?
Mais non, mais non ! L'étrange erreur !
Voyons, je sais la règle à fond
Pour que la Guilde y veille toujours...
...moi-même j'ai fait de longs efforts
Mais une fois l'an je trouve sage que l'on contrôle aussi nos lois...
...qui, dans la routine de l'usage, perdraient leur vie ainsi que leur poids:
savoir si vous suivez la franche vérité...
...seul le peut, qui rien ne sait de la « Tablature » !
Hé ! ils sont contents, les drôles !
Votre art n'en a point d'atteinte...
...si tous les étés, au Jour Saint-Jean...
...loin de laisser venir le peuple...
...du haut nuage où vous trônez vous-même vous allez vers lui
Au peuple si vous voulez plaire, j'estime plus sensé...
...qu'on lui permette de dire...
...si l'art qu'on lui sert lui va
Le Peuple et l'Art, verts et fleuris...
...c'est votre but, pour moi...
...Hans Sachs
Vous y croyez ?
- Et bien à tort ! - Le peuple parle, je tais mon bec
Notre art s'abaisse et perd son prix, lorsqu'il demande au peuple avis
Il fait d'ailleurs comme il le dit: couplets des rues, voilà ses poèmes
Cher Sachs...
...je tente déjà beaucoup: qui trop exige s'en repent
Qu'il plaise à nos Maîtres de dire...
...si la clause leur convient ainsi ?
Tout va bien, puisqu'Eva peut dire non !
Ce cordonnier me met en rage !
Lequel d'entre vous s'inscrit ? La règle est d'être garçon
Ou veuf peut-être ? Qu'en pense Sachs ?
Non pas, beau juge !
Plus jeunes gars que vous et moi doivent être admis...
...pour qu'Eva accepte l'élu choisi
Que moi aussi ? Rustre insolent !
Qui cherche épreuve approche ici !
Quelqu'un d'annoncé est-il candidat ?
Oui, Maîtres !
C'est l'ordre du jour même ! Sachez donc tous ici...
...qu'à mon devoir soumis, je présente un jeune noble...
...qui veut briguer le titre de Maître en l'art sacré du chant
Seigneur de Stolzing...
...approchez !
J'en étais sûr ! Pogner y vient donc ?
Maîtres, je crois qu'il est un peu ***
- Le cas est neuf - Un chevalier ?
Est-ce un bonheur ?
Y a-t-il danger ?
Cependant c'est beaucoup pour lui...
...si Maître Pogner en répond
Le chevalier est le bienvenu...
...pourvu qu'à l'épreuve il soit reçu
Je parle franc ! Certes, il m'est cher
Des lois pourtant je ne saurais l'exempter
Donc, qu'on l'interroge !
Il faut tout d'abord qu'il dise...
...s'il est né de franche lignée
La chose est inutile...
...car je me porte ici garant qu'il est d'un libre et noble sang:
Stolzing, de Franconie
Son nom, sa race, me sont connus
De cette race dernier fils...
...il a quitté son vieux castel:
de notre ville il veut ainsi devenir franc bourgeois
Trop d'herbe folle gâte un pré
Quand Pogner parle, il nous suffit
L'ancienne coutume des Maîtres dit:
manant et noble nous sont égaux
Seul qui vaincra dans l'art du chant pourra de Maître avoir le rang
Je vais donc demander: quel Maître vous a guidé ?
Au cher foyer du vieux château...
...qu'Hiver couvrait d'un blanc manteau...
...comment l'Avril passé sourit...
...comment l'Avril prochain fleurit...
...au temps jadis un livre écrit me l'a souvent fait connaître:
Herr von der Vogelweid, c'est lui qui seul fut mon maître
Un sage Maître !
Mais bien défunt: comment peut-il lui montrer nos lois ?
Mais dans quelle école existante...
...apprîtes-vous comme on chante ?
Mais quand le pré fleurit plus beau et quand parut l'été nouveau...
...le rêve éclos durant l'hiver au livre ancien souvent ouvert...
...chantait joyeux dans l'arbre vert, musique claire et vibrante:
aux grands bois que charmait l'oiseau, j'appris comment l'on chante
Oh ! Pinsons et mésanges vous font des chants de Maître ?
Les vôtres seront tout pareils !
Voilà deux stances bien présentées
Sans doute, Maître Vogelgesang, puisqu'aux oiseaux il emprunte son chant ?
Que pensent les Maîtres du candidat ?
Pour moi, il n'a rien à faire ici
L'épreuve en est facile:
si l'art vraiment l'inspire...
...si ferme est son savoir, qu'importe de qui il le tient ?
Êtes-vous prêt à réussir, musique et vers, un chant de Maître...
...qui tout entier soit vôtre...
...devant la Guilde sur l'heure ?
Des longs hivers, des arbres verts, des prés, des bois, du livre...
...du vieux poème aux nobles vers, le doux secret m'enivre
Des vifs palefrois aux fiers tournois, des rondes du soir devant le manoir...
...je garde encor mémoire:
cherchant ici le don chantant, le prix de la victoire...
...dans mon poème, dans mon chant, ces hymnes vont renaître
Devant les Maîtres leur accent fera mon chant de Maître
Ce flux de mots a-t-il un sens ?
Ma foi, il ose !
Cas singulier
Or, Maîtres...
...s'il vous plaît, que le marquoir soit prêt
Faites-vous choix d'un sujet sacré ?
Pour texte saint j'ai pris l'amour: c'est ma bannière, c'est mon chant
Soit, chant profane
Donc, tout seul, Maître Beckmesser, qu'on s'enferme !
Pénible emploi, surtout aujourd'hui
La craie me réserve maints tourments
Seigneur, voyez: Sixtus Beckmesser est Marqueur
Là, dans sa loge, il vaque sans bruit au dur emploi
Sept erreurs vous sont accordées...
...qu'il marque de craie ici:
si dans plus de sept erreurs vous tombez...
...plus d'espoir pour le beau seigneur !
Très fin d'oreille...
...mais ne voulant vous troubler pourtant...
...par son aspect, il reste enfermé...
...caché dans son réduit...
...laissant Dieu vous assister
Pour vous guider en votre chant...
...voici nos lois de « Tablature »
« Un Chant de Maître bien construit... »
« ...a clairement sa mesure en lui, »
« par des divisions notoires, pour tous obligatoires »
« Tout d'abord, le chant contient deux stances, égales d'airs et d'importances... »
« ...en vers pareils comme sont les airs ; la rime est tout au bout du vers »
« Ensuite vient le chant d'envoi, dont les vers ont aussi leur loi... »
« ...et qui, par son timbre spécial à l'air des stances n'est point égal »
« Un Chant aux règles bien conforme redit plusieurs fois cette forme »
« Et si l'artiste, avec grands soins... »
« ...n'imite en plus de quatre points les Chants reçus qu'il doit connaître... »
« ...il peut briguer le rang de Maître »
Asseyez-vous dans cette chaire !
Là, dans la chaire ?
La loi le veut
Pour toi, aimée, j'y consens !
Il est assis
Commencez !
Commencez !
Ainsi l'Avril dit au bois, qui vibre à cette voix:
l'écho, parmi les plaines, transmet ces doux accents
Un bruit de voix lointaines approche à flots puissants
Le son grandit...
...et le bois redit ce tumulte plein d'ivresse
Et, fort et clair, éclatant dans l'air, vers l'azur des cieux,
carillon joyeux, résonne un rythme d'allégresse !
Les voix du bois, qui disent la merveille...
...d'un monde qui s'éveille...
...ont chanté...
...le chant suave de l'Avril !
Dans une haie obscure, rongé d'amer dépit...
...et prêt à mainte injure...
...l'Hiver se tient tapi:
couvert de ronce et de houx...
...il songe, il guette, jaloux...
...comment au *** ramage il peut porter dommage
Mais: commencez !
Ainsi mon cœur dit un jour avant de connaître l'Amour !
Un vœu secret m'agite, je sors d'un rêve anxieux
Mon cœur, plus fort et plus vite, bondit en mon sein joyeux:
mon sang, qui bat pour un fier combat, frémit de neuve tendresse
Des chaudes nuits ont jailli des bruits...
...flots débordants de soupirs ardents...
...sauvage et douce ivresse
Le cœur vainqueur, qu'enivre la merveille...
...d'un monde qui s'éveille...
...va chanter le chant sublime de l'Amour !
C'est fini, je pense ?
- Que dites-vous ? - Mon tableau...
...est fini du moins
De grâce ! En mon dernier couplet je vais chanter celle que j'aime
Chantez autre part ! Ici, c'est jugé
Vous, Maîtres, là, voyez mon tableau:
de mémoire d'homme...
...rien de pareil
Quand bien même vous l'auriez juré !
Peut-on permettre...
...qu'il m'interrompe ? Personne ici ne veut m'entendre ?
Un mot, Marqueur !
Vous n'êtes calme !
Qu'un autre à ma place soit Marqueur !
Mais la défaite du jeune homme, je demande aux Maîtres d'en juger d'abord
Sûr, c'est un fatigant travail: où le prendre...
...ce chant sans queue ni tête ? Des nombres faux, des rythmes boiteux...
...certes, je ne dis rien ; trop court, trop long...
...nul n'en voit la fin ! Qui peut prendre ça pour un Chant ?
Au « langage obscur »...
...moi, je me tiens:
vit-on jamais sens plus insensé ?
On s'est trompé ! J'en fais l'aveu. Ce chant vraiment n'avait pas de fin
Et puis cet air ! Quel sot ramassis...
...de « grande aventure », « bleu pied d'alouette »...
... » altier sapin », « hardi jeune homme ! »
Je n'y comprends rien pour ma part !
Cadence absente...
...pas d'ornements, de mélodie aucun semblant !
Quel nom lui donner ?
- Cela faisait peur ! - Oui, cela faisait peur !
- Quel bourreau d'oreilles ! - Et rien là derrière !
Il a sauté debout de la chaise !
Faut-il procéder au compte des fautes ?
Ou juger d'un mot qu'on le refuse ?
Hé ! Maîtres ! Pas tant de hâte !
Je suis d'un autre avis que vous
Le chant qu'on vient d'entendre...
...m'a semblé neuf, mais non confus
L'auteur quitta nos routes, mais d'un pas ferme il marche au but
Vous exigez la règle...
...où rien ne suit vos règles à vous:
laissez d'abord vos codes...
...pour comprendre sa règle à lui !
Ah ! Très bien !
Il parle clair: aux ânes Sachs promet secours...
...afin qu'ils aillent et viennent, sans peine et sans contrainte
Vous, dans les rues chantez le peuple:
nous, nous n'admettons rien hors des règles
Seigneur Marqueur, pourquoi ce zèle ?
Que n'êtes-vous plus calme ?
Il vous faudrait pour être juste mieux écouter d'abord
Aussi, je vous demande à tous...
...d'écouter le chevalier jusqu'au bout
Nous tous ici, la Guilde entière...
...auprès de Sachs comptons pour rien
Que Dieu me garde de former un vœu contraire à nos sages lois !
Mais tous y peuvent lire:
« afin qu'un bon Marqueur soit pris, »
« il faut qu'amour ni haine ne pèse en rien sur ses avis »
D'un prétendant s'il a l'allure...
...combien chez lui l'envie est grande...
...de faire honte à son rival, ici, devant le tribunal !
- Ça va trop loin ! - Soupçon direct !
De grâce, Maîtres, point de conflit !
Eh ! qu'a donc Maître Sachs à dire sur mes allures à moi !
Plût au ciel qu'il se mît plus en peine de garantir mes orteils !
Mon cordonnier, devenu grand poète...
...me laisse aller quasiment nu-pieds !
Voyez, partout, le cuir a cédé !
De tous couplets et rimes je le tiendrais bien quitte...
...d'histoires, pièces, farces, refrains...
...s'il me livrait mes souliers demain !
L'avis, sans doute, est bon ; pourtant, vous tous, voyez:
si, quand je chausse un pauvre diable, j'écris pour lui quelques vers...
...pourquoi le très savant greffier de la ville n'en aurait point ?
Des vers qui soient bien dignes de vous, avec tout mon pauvre esprit de rimeur...
...j'en cherche encore en vain ; mais je les vais trouver...
...si le seigneur poursuit son chant: qu'il chante donc outre, librement !
- Ne continuez pas ! Finissons-en ! - Arrêtons-en là ! assez !
Sus, pour qu'enrage le Marqueur !
Pourquoi continuer d'entendre ? L'on cherche à vous surprendre !
Au noir buisson de ronce l'orfraie a fait grand bruit...
Chaque erreur, petite ou grande...
...sa voix obtient réponse...
...voyez-la à la craie ici
...des vils oiseaux de nuit !
- Déjà l'on voit en chœur... - « Vers boiteux »
- ...glapir avec fureur... - « Paroles confuses »
- ...perçant de cris les oreilles... - Le chevalier est mal en point
- ...hiboux, corbeaux et corneilles ! - « Longue chute », « effets vicieux » !
Que Sachs le défende à son plaisir, c'est trop ici daigner l'ouïr !
- Haut dans l'air... - Ah ! quel courage !
- ...ouvrant deux ailes d'or... - Quel noble feu !
- ...prenant son libre essor... - « Rime en fausse place »
- ...un noble oiseau s'élance... - « Gauchi », « tortu », le Chant complet
- ...et dans l'azur reluit - Mon jeune noble est mal en point !
- ...planant au ciel immense... - Vous, Maîtres, faites silence !
- ...son vol joyeux s'enfuit
Paix, quand Sachs vous en adjure !
- Mon cœur ressent un doux tourment... - Marqueur, là-bas ! trêve à vos cris !
- Qu'on puisse entendre ! - « Langage obscur », « changements »
« Souffle hors place », « trop brusque attaque »
Incompréhensible mélodie !
Et lui, nul ne veut l'entendre
...aux bois si verts que charmait l'oiseau, où Maître Walther m'apprit le beau
Hé ! Le chevalier s'y met dur !
Maîtres, comptez après moi les fautes !
La chance vous soit bonne: tâchez de gagner la couronne !
Couronne verte aux jolis satins, le beau chevalier t'aura-t-il demain ?
Hans Sachs avait bien choisi !
C'est trop d'un tel chant !
Donc finissez !
Vous, Maîtres, tous élevez la main !
- Adieu ! vous, Maîtres en bas ! - Sans grâce, refusé !
Saint-Jean demain ! Saint-Jean demain !
Fleurs et guirlandes...
...à pleines mains !
« Couronne verte aux jolis satins, »
« quand te verrai-je à portée de ma main ! »
- Pst ! David ! - Quoi ! qu'est-ce encore ?
Dites seuls vos refrains stupides !
David, voyons ? Sois moins grognon...
...ouvre les yeux, tu verras mieux !
« Saint-Jean demain ! Saint-Jean demain ! »
Sa douce l'appelle en vain !
David !
- Viens donc ! écoute un peu ! - Ah ! dame Lène ! Vous ici ?
J'ai là quelque chose de bon ! Vois là-dedans !
Tout ça, c'est pour mon cher trésor
Mais tout d'abord, le jeune gentilhomme ?
L'as-tu conseillé ? Et l'a-t-on reçu ?
Las, dame Lène ! Triste affaire:
- tous le jugèrent échec et mat ! - Échec ! et mat !
Pourquoi tel émoi ?
Ôte tes pattes ! Rien à prendre !
Grand Dieu ! Notre sire est exclu !
*** ! *** ! le jeune épouseur !
Combien l'on goûte sa cour !
Tous nous en fûmes spectateurs: l'astre de son amour...
...seul bien qui pour lui compte...
...lui prit le panier, sans à-compte !
Que faites-vous là ? Voulez-vous vous taire ?
Saint-Jean demain ! Saint-Jean demain !
L'on voit partout l'amour en train
Le Maître en est ! L'élève en est !
Pris d'un beau feu, tous frétillent !
Le vieux choisit minois jeunet, le jeune prend la vieille fille !
Ohé ! Ohé ! Saint-Jean demain !
Encor ?
Je te prends à te battre ?
Pas moi ! Ils chantent des chants grossiers
Laisse-les ! Fais mieux qu'ils ne font !
Assez ! rentrons ! Ferme, et allume !
Aurai-je étude ?
Non, pas ce soir !
Ainsi je punis ta frasque dernière:
tes souliers neufs...
...met-les sur la forme !
Voyons si Maître Sachs est là ?
J'entrerais chez lui pour lui parler...
Il est chez lui: sa lampe brille
Le dois-je ? Ici quoi bon !
Plutôt non !
Ici quelqu'un qui a des vues nouvelles...
...quel avis peut-on lui faire entendre ?
Ne jugeait-il pas que moi, j'allais trop loin ?
Mais lorsque je m'écartai du droit chemin, ne le fis-je pas à sa façon ?
Était-ce peut-être un peu d'orgueil ?
Et toi, ma fille...
...ne dis-tu rien ?
Une enfant docile répond seulement
Si fine !
Si sage !
Viens, sur ce banc de pierre asseyons-nous tous deux
L'air semble frais... il fit bien lourd
Non pas, la brise est douce ; le soir descend, si tiède
Le ciel promet le plus beau jour, joyeuse et brillante fête
Enfant, sens-tu parler ton cœur, ému de ton prochain bonheur...
...quand Nuremberg, la ville entière, bourgeois et gens du peuple...
...Conseil et Guildes, tous états, vers toi viendront ensemble...
...pour qu'en donnant le prix du chant...
...tu prennes pour époux un Maître élu par toi ?
Cher père...
...dois-je donc prendre un Maître ?
Comprends: un Maître de ton choix
Oui, de mon choix
Mais viens, rentrons - oui, Lène, oui ! - la table est mise
Mais nous n'avons pas d'hôte ?
- Le jeune homme ? - Comment ?
- Ne l'as-tu pas vu ? - Il m'a peiné
Mais non !
Quoi donc ? Hé ! Suis-je aveugle ?
Cher père, viens ! Va te changer !
Hum ! Quelle drôle d'idée me suit ?
- Qu'as-tu appris ? - Pas même un mot
- D'après David, il aurait échoué - Notre hôte ?
Dieu bon ! que faire alors ?
Oh ! Lène ! j'ai peur: où puis-je apprendre ?
Peut-être auprès de Sachs ?
Ah ! lui m'aime bien !
Pour sûr, j'y courrai
Pourtant, sois prudente !
Le père gronde, si l'on s'attarde
Après souper:
et puis, j'ai du neuf à te dire. Quelqu'un m'a confié tantôt la chose
- Qui donc ? Notre hôte ? - Non pas ! Non !
Beckmesser
Un beau secret, bien sûr !
Fais voir ! - c'est bien
Près de la porte mets le banc, la table... ainsi !
Puis, va te coucher ! sois prêt dès l'aube
Endors la sottise, sois sage demain !
- Encore à l'ouvrage ? - Que t'importe ?
Qu'avait Magdalene ?
Dieu sait quoi !
Qui force le Maître de veiller ?
- Toujours là ? - Bonsoir, Maître
Bonsoir !
Combien ce soir cet arbre embaume...
...parfum puissant et doux !
Son charme emplit mon être...
...il veut que nous causions tous deux...
Qu'importe ce que je puis te dire ?
Je suis un simple, un pauvre esprit !
Si la besogne m'est lourde...
...ami, tais-toi plutôt:
mieux vaut marteler la semelle...
...sans plus désormais rimailler !
Eh bien ! je ne peux pas
Je sens, et ne comprends pas...
...il fuit ma mémoire...
...pourtant, il me hante
Je crois le saisir...
...et perds sa mesure !
Mais quelle est la mesure...
...d'un art qu'il ne faut mesurer ?
Aucune règle ne semblait adaptée...
...pourtant rien n'était fautif
Écho ancien, pourtant si nouveau...
...chansons d'oiseaux, refrains de mai:
si quelqu'un, chimère folle, veut imiter l'oiseau...
...sur lui pleuvront les rires !
Vœu du Printemps, divin tourment...
...ainsi tout germe en son cœur:
il chante comme il doit !
Et comme il doit, il sait chanter...
...j'en lis bien la remarque:
l'oiseau qu'on vient d'ouïr...
...il a bon bec et larges ailes:
bien qu'il déplaise aux vieux...
...il chante clair et Hans Sachs l'aime
Bonsoir, mon Maître !
Encore à l'œuvre ?
Eh quoi ! Chère Eva ! Toi, si *** ?
Pourtant, j'en crois savoir la cause: tes beaux souliers ?
Vous avez mal deviné ! Ceux-là, je ne sais pas s'ils vont bien
Ils sont si beaux...
...brodés si fin...
...que je ne les ose encore essayer
Demain pourtant, tu les porteras pour tes fiançailles ?
- Et quel serait donc l'époux ? - Sais-je, moi ?
- Vous dites bien qu'on m'épouse ! - Oh ! ça ! Chacun le sait
Oui, chacun le sait...
...et Sachs doit en savoir autant
Ou même, un peu plus...
Et quoi encore ?
Peut-être veut-il de moi l'apprendre ?
Suis-je un peu sotte ?
Je ne le dis pas
Et vous bien rusé ?
Je ne le sais pas
Il ne sait rien ? Il ne dit rien ?
Eh, cher Sachs ! N'allons pas confondre la poix et la cire
Je vous aurais cru plus habile
Enfant ! Les deux, cire et poix, je les connais
La cire brille aux réseaux de soie...
...dont j'ai cousu tes fins souliers charmants
Mais aux gros souliers du laid compère...
...mes fils sont tout enduits de poix
Quel est-il donc ? Beau parti ?
Sans doute ! Un Maître fier, un vrai galant
Il dit qu'il doit vaincre sans conteste:
je dois arranger les souliers de Beckmesser
Frottez-les bien de forte poix: pour qu'il s'y englue et me laisse en paix !
Il se dit sûr de la victoire
- Comment cela ? - Il est garçon:
on n'en voit guère sur les rangs
Est-ce qu'un veuf ne peut s'y mettre ?
Enfant, il est trop vieux pour toi
Eh quoi, trop vieux ! C'est l'art qui compte:
qui sait le chant prétende à moi !
Chère Eva ! Tu me fais des contes ?
Pas moi ! Vous seul ; simples prétextes !
Or, dites, vous changez souvent
Dieu sait maintenant qui règne en votre âme !
J'ai cru l'occuper de bien longs jours
Oui, pour t'avoir prise en mes bras souvent ?
Je vois, c'est que... vous manquiez d'enfants
Jadis j'eus femme, et maints beaux enfants...
Mais seul vous voilà, et je suis grande
Bien grande et belle !
J'avais pensé vous être l'enfant, la femme aussi
Ainsi j'aurais eu enfant et femme:
quel passe-temps aimable et *** ! Oui, oui !
C'est ça, tu pensais à tout
Je crois que le Maître veut me railler ?
Au fait, ce vous est égal, sans doute...
...que sous votre nez, dans cette joute, Beckmesser gagne et m'obtienne ?
Qu'y peut-on faire, s'il est vainqueur ?
Ton père seul saurait la solution
Où Maître Sachs a-t-il donc l'esprit !
Vers vous irais-je, si l'on m'aidait ?
Ah, oui ! C'est vrai !
J'ai l'esprit troublé
J'eus aujourd'hui soucis nombreux:
voilà pourquoi je brouille tout
On tint séance ? Concours de chant ?
Eh oui ! une épreuve qui m'a peiné
Mais Sachs ! Pourquoi tarder à tout dire ?
J'aurais retenu mes vaines demandes
Or dites, qui vint tenter cette épreuve ?
Un jeune noble, très ignorant
Un noble ? Quoi, vrai ?
- Ici-t-il réussi ? - Non pas, enfant !
- On fit grand bruit - Alors ! Parlez...
...qu'arriva-t-il ?
Je vous ai vu perplexe et dois le prendre à cœur !
Ainsi donc l'épreuve a mal tourné ?
Sans remède, échec au seigneur chevalier !
Pst ! Eva ! Pst !
Sans remède ?
Quoi ? Aucun moyen de le sauver ?
Ici-t-il chanté vraiment si mal...
...qu'il ne doive espérer être Maître ici ?
Enfant, aucun espoir ne lui reste...
...et Maître jamais il ne sera
Ici qui est Maître de naissance...
...les Maîtres toujours font le pire accueil
- Le père t'attend - Encore un seul mot:
a-t-il chez les Maîtres trouvé un ami ?
L'idée est bonne !
Amis d'un poète...
...près duquel ils se sentent tous si petits !
Que Son Altesse aille au diable !
Par le monde qu'il bataille
Ce qu'à grand' peine on nous apprit...
...laissez-le nous cuver tranquilles !
Foin de l'intrus qui nous dérange
Qu'il ait meilleur sort autre part !
Oui, autre part, certes, il l'aura, loin de vous, Maîtres verts d'envie:
où pleins d'amour les cœurs s'enflamment...
...malgré les fourbes Maîtres Sachs !
Oui, Lène ! Oui !
Je viens sur l'heure ! Comme on console bien ici !
Ça sent la poix à faire mal !
Brû***-la donc...
...pour vous réchauffer !
J'avais vu clair
Maintenant, avisons !
Grand Dieu ! où restes-tu si *** ? Le père appelle
Va le trouver ; et conte-lui que je suis couchée
Mais non ! Écoute ! M'entendras-tu ?
Beckmesser rôde ; il m'a parlé:
ce soir il compte te voir aux fenêtres...
...et veut te chanter un chant remarquable...
...un chant qui te doit conquérir, un chant...
...dont tu dois dire s'il te convient
Ça nous manquait encor ! S'il venait, lui !
Et David vint-il ?
Que m'importe !
Je l'ai brusqué ; il sera en peine
- Tu ne vois rien ? - Là-bas des gens approchent
Si c'était lui !
Viens, et rentre à présent !
Non pas sans revoir l'ami le plus cher !
C'était une erreur: ce n'est pas lui
Viens donc, sans quoi le père comprendra !
Oh ! mon angoisse !
Cherchons une ruse pour que Beckmesser nous laisse en paix !
- Ici la fenêtre montre-toi pour moi - Qui ? moi ?
Peut-être David sera jaloux ? Sa chambre est en face !
Hi ! Hi ! quel tour !
- Je crois qu'on marche - Rentrons, il le faut !
- On approche ! - Mais non ! tu fais erreur
Viens donc ! Au moins, que ton père se couche !
Hé ! Lène ! Eva !
Il est grand temps ! Vois-tu ? Viens !
Ton Walther est loin !
- Lui-même ! - Bon ! Maintenant, soyons habile !
Oui, c'est vous ! Non, c'est toi ! Tous mes aveux sont les vôtres
Toutes vos plaintes sont les miennes ; vous m'êtes tout, seul Poète...
...et mon seul ami !
Triste erreur !
Je suis l'ami, mais l'on raille le poète...
...car les Maîtres me repoussent:
on méprise mon ivresse
Tout le prouve, de l'amie je ne puis avoir la main !
Quelle erreur ! La main de l'amie tient seule la couronne...
...et comme seul son cœur t'inspira, toi seul seras l'élu
Hélas, erreur ! La main de l'amie se refuse certes à d'autres...
...mais le vouloir d'un père est là, et je n'y peux prétendre
« Un Maître Chanteur doit seul l'avoir: »
« seul votre élu peut l'obtenir ! »
Devant la Guilde il l'a promis...
...point de retraite, le voulût-il !
Sa parole m'enflamma
Et, bien que tout me fût nouveau...
...brûlant d'amour, j'ai chanté...
...pour obtenir le nom de Maître
Mais - oh ces Maîtres !
Ah ! tous ces Maîtres !
Ces colleurs de tons, de rimes et de mètres !
Gonflé de rage, mon cœur bondit...
...lorsque je songe au tour qu'on me fit !
Viens, et sois libre ! Libre, je chante...
...viens, je suis Maître là-bas !
Puisque je t'aime, viens, je t'adjure...
...viens, suis-moi loin d'ici !
Plus d'espérance ! Point de choix qui s'offre !
Partout des Maîtres, sinistres spectres...
...mènent leur ronde pour me confondre:
de leurs comptoirs, de leurs marquoirs...
...par les ruelles, tous, pêle-mêle...
...courent, s'élancent, sautent et dansent
De laides grimaces, tous te menacent...
...déjà de leurs cercles ils t'enserrent...
...voix nasillardes parlant d'épousailles...
...et toi, leur promise, dans la chaire assise...
...pâle, tu trembles, eux, ils jubilent !
Et moi, me tairai-je, et n'oserai-je...
...balayer leur troupe infâme ?
Ha !
Cher Walther, calme ton cœur !
C'est du veilleur de nuit l'appel
Sous ce feuillage cache-toi vite:
ici, le veilleur va passer
Eva ! c'est l'heure ! prends congé !
Tu pars ?
Il le faut bien !
Tu fuis ?
Les Maîtres, nos juges !
Oyez tous dans vos demeures:
la cloche sonne dix heures
Avec prudence couvrez vos feux...
...pour que nul dommage n'ait lieu !
Rendez gloire à Dieu !
Sotte chose, à ce que je vois:
un enlèvement, sur ma parole !
L'œil ouvert ! et pas de ça !
Où reste-t-elle ? Quel tourment !
Mais si, c'est bien elle !
Grand Dieu !
Non ! La vieille est là !
Non, elle - oui !
La folle enfant - se donne... là !
Ivresse ! Ici présent, je sais que j'ai conquis le rang de Maître !
Hâtons notre fuite ! En route, en route ! Oh ! si nous étions loin !
Par la ruelle ! Avec des chevaux, mon valet nous attend aux portes...
Ô ciel ! cet homme !
S'il nous voyait !
Cache-toi ! reste loin de ses yeux !
Quelle autre voie s'ouvre pour nous ?
Là, cette route ; mais elle tourne...
...je peux t'égarer ; et puis, le veilleur doit la suivre
- Eh bien, la ruelle ! - Le cordonnier doit d'abord rentrer
Mon bras saura l'y contraindre !
Reste caché: il te connaît !
- Cet homme ? - C'est Sachs !
Hans Sachs ! Mon ami ?
Non pas ! Il m'a dit force mal sur ton compte
Quoi ? Sachs ? Aussi ?
Je souffle sa lampe !
Arrête !
Écoute !
C'est le son d'un luth ?
- Oh ! quel tourment ! - Quoi ? as-tu peur ?
Notre homme, vois, reprend sa lampe: c'est le moment !
Ciel ! Ne vois-tu donc pas ?
Un autre s'est ici posté
J'entends, je vois: un musicien. Que vient-il faire là si *** ?
C'est Beckmesser !
Ah ! c'est bon !
Mon juge ? Lui ? Livré à mon bras ?
Hardi ! le gueux le paiera cher !
Pour Dieu ! Tais-toi ! Le père va t'entendre !
Ayant chanté, il partira...
Viens ça, que le tilleul nous cache
Avec les hommes que j'ai d'ennuis !
Jésus ! Jésus !
Halla hallo hé !
- Oho ! Tralala ! Oho ! - Qu'est donc ceci ?
L'horrible cri !
Lorsqu'Ève, loin du Paradis, s'est vue, hélas, chassée...
...froissant ses pauvres pieds jolis...
...les pierres l'ont blessée
Que veut ce cordonnier brutal ?
Dieu même en fut chagrin...
- Quel est ce chant ? J'entends ton nom ? - ...aimant ce pied mutin
Ce n'est pas moi qu'il veut nommer
- Ici son archange il dit alors: - Mais quelque tour bien sûr s'y cache
« Fais-lui deux bons souliers bien forts ! Et puisque Adam, ce faible époux... »
« ...comme elle, souffre des cailloux... »
Quels longs retards ! Le temps s'écoule !
« ...à son mari chassé d'ici... »
« ...vite prends mesure aussi ! »
Quoi ? Maître ? Vous ? Dans la nuit, si *** ?
Seigneur scribe ! Vous ? ici ?
Vos souliers probablement vous pressent ?
Voyez, j'y travaille: demain, sans faute !
Que le diable les crève !
Je veux la paix !
Oh ! Ève ! Femme sans pitié ! Contemple ta victime
Est-ce le Marqueur ou nous qu'il veut berner ?
Tous trois, c'est là du moins ma crainte
Un ange, pour chausser ton pied, le cuir en main s'escrime
Mon Dieu, j'ai peur !
- Mon cœur se serre ! - Jamais dans le Paradis...
- Mon ange aimable, aie bon courage ! ...tes pieds n'étaient meurtris
- Sa chanson m'attriste ! - Pour tes faiblesses d'autrefois...
- J'écoute peu ! Près de ton cœur... - ...ici j'étale cire et poix...
- ...quel rêve heureux ! - ...et pour l'erreur de ton époux...
...le jour, la nuit, je taille et couds
Moi, l'Ange saint, je dis enfin:
au diable ce métier vilain !
Paix à l'instant ! Est-ce un affront ? Nuit et jour la haine vous tient ?
Je chante ici, que vous importe ?
Vos bottes, ne faut-il point les faire ?
Fermez donc tout, et puis taisez-vous !
La nuit rend triste ma besogne. Si donc je veux rester joyeux...
...à moi l'air pur, les belles chansons !
Oyez comment va mon tiers couplet !
Je suis en rage !
L'atroce clameur !
Elle va croire que c'est là mon chant !
Ô Ève ! Ève, entends-moi crier, et vois ma peine amère !
Les œuvres d'art d'un cordonnier, le pied les foule à terre !
Si l'Ange du Seigneur...
...qui fit pareil labeur...
...n'ouvrait pour moi le Paradis...
...j'aurais laissé mes cuirs maudits !
Mais quand les cieux me sont ouverts...
...je foule aux pieds tout l'univers...
...et suis alors Hans Sachs...
...un Cordonnier et Poète encor
La fenêtre s'entrouvre !
Ce chant m'attriste, étrangement !
- Oh ! viens, partons vite ! - Eh bien, que l'épée...
Non pas ! Arrête !
Grand Dieu ! c'est elle !
- Oui... à quoi bon ! - Attendre vaut mieux !
Ma perte est certaine, s'il continue !
Fidèle ami ! Tout ce tourment te vient de moi !
Cher Sachs ! Par grâce, rien qu'un mot !
- Qui donc se montre ? - C'est trop songer à mes chaussures !
- C'est Magdalene - Moi-même n'y pensais plus guère
Le tour est superbe
- Bottier, je vous estime fort... - Le rire me gagne
- ...l'artiste en vous est mieux encor - Quand donc viendra la fin de mes peines !
Pour moi, j'attends le début de l'hymne !
Pour juge, certes, je vous admets:
de grâce, écoutez le chant...
...qui doit demain me faire vaincre...
...et dites-moi s'il vous contente
Oui-da !
Vous espérez m'y prendre ?
Mais j'entends éviter vos reproches
Votre bottier, qui se croit poète...
...vous laisse aller quasiment nu-pieds
Je vois, partout, le cuir a cédé:
de tous couplets et vers je me défends enfin...
...d'esprit, savoir, mérites divers, et vous aurez vos souliers demain !
Laissez cela ! j'avais plaisanté !
Voyez...
...j'ouvre mon cœur entier !
Le peuple vous honore...
...la jeune Eva vous prise fort:
si donc je veux briguer demain sa main devant le peuple...
...dites, n'ai-je fort à craindre, si ma strophe lui déplaît ?
Aussi, veuillez m'ouïr ; je chante, dites-moi...
...ce qui vous plaît ou non, pour éclairer mon goût
Hé, qu'on me laisse en paix ! Pourquoi me faire un tel honneur ?
Couplets des rues, voilà mes poèmes
Aussi dans la rue je travaille et je chante
Maudit gredin !
Ma raison se brouille...
...à sa chanson de poix gluante !
Paix donc ! Vous réveillez les gens !
Ils y sont faits: nul n'en a cure
« Oh ! Ève ! Ève ! »
Ô le fourbe et méchant drôle !
Sûr, c'est là votre exploit dernier !
Ici l'instant faites silence...
...ou gare à vous, je le promets
C'est l'envie, et rien d'autre...
...votre orgueil n'a point de bornes:
le bon renom d'autrui vous met en rage...
...mais des pieds à la tête on vous jauge !
On ne vous a pas choisi pour Marqueur...
...telle est du fielleux cordonnier la rancœur
C'est bon ! Mais tant que Beckmesser vit...
...et tant qu'un seul vers sur ses lèvres rit...
...et tant que j'ai près des Maîtres crédit...
...non, nargue à sa devise « vert et fleuri »...
...moi-même je le jure ici, Sachs ne sera jamais le Marqueur !
C'est là votre chant ?
Au diable tout !
Son style est libre, mais fier d'accent !
Veut-on m'entendre ?
Pour Dieu, chantez sur l'heure: je force à présent la forme
Vous vous tairez ?
Hé ! faites donc ! ma tâche, là, presse beaucoup
Au maudit tapage faites-vous trêve ?
Comment finirais-je vos semelles ?
Quoi ? l'un martèle, et l'autre chante ?
Veillez au chant, moi je veille aux chaussures
Laissez mes souliers !
Vous dites ça
Mais devant la Guilde l'antienne est tout autre
Pourtant ! Qui sait ? l'on peut s'entendre:
les hommes marchent mieux d'accord
Sans me soustraire à ma besogne...
...marquer des fautes, tel est mon rêve:
nul mieux que vous n'entend cet art
S'il m'est appris, ce sera par vous
Or sus, chantez, je marquerai...
...et mon travail avancera d'autant
Faites-le donc ; et si je me trompe...
...vite la craie et marquez l'erreur
Non, non !
Je dois terminer vos bottes:
mon marteau sur la semelle marquera mieux
Damnée malice ! Dieu ! il est *** !
Mon Eva quittera la croisée bientôt !
Commencez ! allons ! ou je chante pour moi !
Arrêtez ! par grâce ! Diantre ! C'est trop vexant !
Si du Marqueur vous faites l'office...
...eh bien, tapez du marteau sur la semelle:
pourtant ne marquez que d'après les règles,
rien surtout qui soit permis par leur loi
D'après les règles...
...qu'un savetier connaît, lorsqu'il doit finir un travail pressé
Serment de Maître ?
Et foi de bottier !
Pas une faute ! sans broncher !
Il vous faudrait aller nu-pieds !
La folle nuit ! C'est comme un rêve
- Là, mettez-vous ! - Ici je reste !
- Pourquoi si loin ? - Sans voir mon juge !
D'après la loi de nos essais
Vous êtes trop loin
Mes sons puissants vont prendre un tendre charme ainsi
Exquis !
J'accepte ! Commencez !
« Le matin va paraître qui me semblera beau... »
« Mon cœur s'enivre d'être... »
« ...plein d'un trouble nouveau... »
Quel est ce jeu ? Qu'est-ce qui cloche ?
Mieux vaudrait dire:
« Mon cœur s'enivre d'être plein d'un trouble... »
Comment rimerai-je alors à...
... » va paraître » ?
De l'air tenez-vous si peu de compte ? Les vers, le chant, se doivent accorder
Débat stupide !
Plus de tapage, ou bien gare à vous !
- Continuez donc ! - Je n'y suis plus !
Alors reprenez:
je reste coi le temps de trois coups
Le mieux sera de ne point m'en troubler:
pourvu que l'autre ne s'y trompe pas !
« Le matin va paraître qui me semblera beau »
« Mon cœur s'enivre d'être... »
« ...plein d'un trouble nouveau »
« La mort ne me plaît guère... »
« ...et je préfère... »
« ...votre main, belle enfant »
« Quel est le bien qu'annonce... »
« ...donc un jour si charmant ? »
« Or voici ma réponse: »
« c'est qu'on donne en présent, sur l'avis d'un bon père... »
« ...son enfant chère... »
« ...à l'heureux prétendant »
« Qui veut lutter... »
« ...vienne chanter... »
« ...car la belle est là, l'œil en feu
« Elle est mon espoir, mon seul vœu: »
« c'est pourquoi le ciel est si bleu... »
« ...et le jour si charmant »
Sachs ! Non ! Vous me tuez ! Voulez-vous vous taire !
Je n'ai rien dit. J'inscris les fautes: discutons-les
Ainsi s'achèveront vos souliers
Elle part ? Pst ! Pst !
Grand Dieu ! ça presse !
Sachs ! Vous paierez votre infâme tour !
Juge aux aguets ! Poursuivez !
« Je ressens un vertige en voyant de tels yeux »
« Mais son cher père exige un chanteur sérieux... »
« ...un poète il réclame, pour charmer l'âme de son aimable enfant
« Il est lui-même un Maître, large de cœur et grand... »
« ...et la dot fait paraître le cas qu'il fait du chant: »
« mais pour plaire à sa fille il faut qu'on brille... »
« ...dans cet art excellent »
« En avant l'art... »
« ...qu'avec votre permission... »
« ...sans rien qui soit de mauvais goût... »
« ...le candidat arrive à bout... »
« ...d'être victorieux en tout... »
« ...et soit l'heureux galant »
- Fini, je pense ? - Que dites-vous ?
Vos chaussures sont finies du moins !
Ceux-là sont de vrais souliers de Marqueur:
et j'ai trouvé leur devise aussi !
« Puisque je suis un Maître... »
« ...mon chant en fera foi »
« Je brûle donc fort d'être dit vainqueur du tournoi »
Qui diable est là ? Et puis là-haut ?
- « Je veux prier la Muse... » - « J'y grave et j'y martèle... »
Magdalene, ici...
...j'y suis enfin !
« Je sais fort bien la règle... »
- « ...mes pieds sont bien comptés » - Rythmez vos chants !
Scandez les temps ! Au greffier qui se rebelle...
...le cordonnier les martèle
Silence donc ! allez dormir !
C'est lui qui m'évince et qui lui plaît !
Doit-on crier, si ***, la nuit ?
Je soigne ta peau !
« Garçon et beau, voici ma peau, mon rang, ma place, et tout mon bien... »
- « ...je les pose dans votre main... » - Marchez en paix, dans vos souliers
- « ... pour vous obtenir demain » - Ils vous tiendront longtemps...
...et vous battront les temps !
Hé là ! Au large, et point de bruit !
Vous, loin d'ici allez brailler !
Le diable t'emporte, gueux maudit !
Dieu juste ! David ! Ciel ! quel tourment !
- Ils vont se tuer ! - Damné gamin !
- Lâche-moi donc ! - Bien sûr ! Ta peau, c'est tout ce que je veux !
Voyez ! Courez ! Ils vont s'égorger !
Ils sont aux mains !
Hé ! Par ici ! ils sont aux mains !
Séparez-vous ! Laissez aller ! Ou bien nous cognerons aussi !
Ce sont les crépins !
Non, les tailleurs !
- Ces vieux ivrognes ! - Ces mendiants !
Pourquoi cette dispute ?
Pour sûr, il y aura une lutte ! Si seulement le père n'y était pas !
Je vois les menuisiers là-bas
Voyez, les tonneliers s'y mettent !
Les tisserands et les tanneurs !
Gâcheurs d'ouvrage !
Ça, j'en étais sûr !
Êtes-vous tous ce soir en goût de lutte et coups ?
Tous les épiciers soudain accourent, sucre d'orge en main...
...fleurant muscade et poivre fin ; ils sentent bon...
...mais causent bien des maux
- Hé ! l'on s'assomme ! - Viens, mauvais drôle !
- Viens, triste ladre ! - Guilde en avant !
Hardi là !
Tous ensemble sommes prêts à frapper fort !
Corps à corps !
Qui l'a reçu restera chauve ! ***, les braves, sur ces drôles !
Ferme au poste, compagnons !
Le bruit s'étend au loin !
Vite, vite de l'eau ! Arrosons leurs têtes !
Allons, tapons ! C'est notre tour !
Filez, de peur de votre femme
Sus ! criez au meurtre !
Dieu ! comme ils frappent !
Pour Dieu ! Eva ! referme ! Je descends fermer en bas !
Hé ! Vlan ! Paf ! Ici tout casser !
En avant ! Corps à corps ! Qu'on les rosse !
Vite, vite de l'eau ! Arrosons leurs têtes !
- Hé ! Lène ! où es-tu ? - Rentrez, dame Lène !
Oyez tous en vos demeures:
la cloche sonne onze heures
Gardez-vous bien des sombres esprits...
...que par eux vos cœurs ne soient séduits !
Rendez gloire à Dieu !
Oui ! Maître ! Oui !
Chez Maître Beckmesser j'ai déjà porté les souliers
J'ai cru que vous m'appeliez ?
Il joue celui qui n'a rien vu ?
C'est mauvais signe lorsqu'il se tait !
Hé, Maître ! point de colère !
L'apprenti peut-il être parfait ?
Si vous connaissiez bien Magdalene...
...j'obtiendrais, pour sûr, mon pardon
Son cœur est bon, si doux pour moi
Ses yeux me sourient si tendrement !
Quand vous frappez, elle me caresse
Son rire est un délice charmant !
Dans mes longs jeûnes, elle me régale...
...en toutes choses gentille à point !
Mais hier, après l'insuccès du jeune homme, elle m'ôta des mains sa corbeille:
j'en fus chagrin
Alors, voyant quelqu'un hier au soir sous ses croisées...
...chanter vers elle à cris perçants...
...du drôle j'ai frotté le dos
Faut-il donc s'émouvoir pour si peu ?
D'ailleurs notre amour s'en est bien trouvé !
Car Lène justement m'a tout expliqué, et ces fleurs, ces rubans me viennent d'elle
Ah ! Maître ! Rien qu'un mot, de grâce !
Gloire à notre cher Hans Sachs !