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Je vais parler en italien.
Ça, c’est la maison où je suis né, et où je vis depuis 1968.
C’est un grand honneur d’habiter ici.
Mais c’est également une charge importante, car devoir entretenir, réparer
et toujours tenir parfaitement la maison est une chose assez difficile.
Mais disons que cela nous offre des satisfactions.
Tous les gens qui viennent ici sont satisfaits. C’est donc une source de fierté pour ma famille.
Oui, c’est une chose à laquelle nous tenons beaucoup, car la villa a été maintenue dans l’état où il l’avait laissée.
Il avait fait cette demande dans son testament, qu’on s’occupe de ses biens comme il l’aurait souhaité.
Et nous avons donc pris le relais. En vivant ici, nous pouvons intervenir en cas de problèmes.
Tout est resté comme à son époque. On a l’impression qu’il pourrait revenir d’un moment à l’autre.
C’est un peu comme si nous étions restés figés au siècle dernier.
Alors, on va démarrer à partir de l’achat de la propriété.
Le Maître est né dans une famille pauvre, et quand il a commencé à gagner sa vie, grâce à ses compositions,
il a investi dans des valeurs sûres, c’est-à-dire des terrains.
En 1848, il a acheté cette propriété, sur les conseils de son mécène, Antonio Barezzi.
Au départ, il voulait y installer son père et sa mère.
Il a donc commencé à y faire des travaux.
Malheureusement, sa mère est morte soudainement.
De plus, il vivait à Busseto avec Giuseppina Strepponi, on était alors en 1849/50,
ils n’étaient pas mariés, et l’union libre était assez mal vue.
Voilà ce qui s’est passé : il a décidé de quitter Busseto pour venir s’installer ici, à Sant'Agata.
Il a fait des transformations et des travaux dans ce manoir.
Il l’agrandissait, construisait, puis détruisait ce qui avait été fait, au gré de ses envies.
Pour finir, cette villa comprend une cinquantaine de pièces et un parc d’environ 8 hectares.
Bien, ce lieu a été... c’est l’endroit où il a décidé de vivre.
Il a essayé d’y rester également en hiver, mais le climat est rude dans cette région, c’est très humide, comme vous pouvez le constater.
Malgré tout, même s’il passait l’hiver à Gênes, où le climat est beaucoup plus doux,
il continuait à venir ici toutes les deux ou trois semaines, car c’était son domaine.
C’était le lieu où il voulait vivre.
En fait, Giuseppina Strepponi s’en était rendue compte.
Au 19ème siècle, la vie culturelle était concentrée dans les grandes villes, la vie mondaine.
Mais lui, quand il s’éloignait d’ici, je ne sais pas, il lui manquait quelque chose.Il perdait un peu de son inspiration, et Giuseppina Strepponi s’en était aperçue.
Alors, elle qui était habituée à fréquenter les salons en vogue de Paris, de Milan et de Londres, elle a décidé de sacrifier sa vie pour le Maître.
Car ce lieu l’inspirait particulièrement. C’est une chance que les choses se soient passées comme ça.
Maintenant, venons-en à notre famille, les Carrara-Verdi.
Mon arrière-grand-mère, Maria Filomena, est arrivée dans cette maison en 1867.
Au départ, elle s’appelait Filomena Verdi, car c’était la fille d’un cousin du Maître, qui s’appellait également Giuseppe Verdi
Tout est parti d'un évènement malheureux.
Cet été-là, dans la maison où vivait Maria Filomena, l’un de ses petits frères s’est brûlé en renversant une marmite, une casserole d’eau bouillante.
Le père a demandé au Maître s’il pouvait garder la fillette chez lui pendant quelques jours, une semaine, deux semaines, en attendant que son frère se rétablisse.
Il n’a malheureusement pas survécu, il est mort quelque temps après, à cause des brûlures.
C’est ainsi qu’elle est entrée dans cette maison, et n’en est plus jamais repartie, car le Maître et Giuseppina Strepponi se sont pris d’affection pour elle.
Elle avait sept ans, et elle avait apportée de la gaieté, de la vie dans la maison.
Il a demandé à son cousin s’il pouvait la garder encore quelques jours, quelques semaines de plus.
En fait, son cousin était très content, car à l’époque il avait de nombreuses bouches à nourrir, car il avait d’autres enfants.
Pour lui, le fait d’assurer l’avenir de l’une de ses filles était une chose positive et importante.
En fait, le Maître avait même entrepris des démarches pour faire une demande d’adoption, mais il l’a interrompue, sur les conseils de Giuseppina Strepponi,
qui lui a fait remarquer que la fillette s’appelait aussi Verdi, car son père portait le même nom que lui, Giuseppe Verdi.
Comme elle s’appelait Filomena Verdi, il était inutile de changer son patronyme.
Maria Filomena a donc passé toute son enfance dans la maison du Maître,
soit avec lui, soit avec son père, qui se déplaçait quand le Maître voyageait à travers l’Europe pour ses opéras.
Il la confiait alors à son père.
Une chose importante qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il l’a envoyée suivre des études dans un collège de Turin.
Elle a obtenu un diplôme d’enseignante.
A cette époque, pour les femmes, c’était très difficile de faire des études et...
Une petite anecdote : quand lui et son épouse l’ont accompagnée à Turin pour la déposer au collège,
après s’être entretenus avec le directeur de l’établissement, ils lui ont dit :
“Bien, à partir d’aujourd’hui, ce sera ta maison, pendant plusieurs années”.
Quand ils ont rejoint leur voiture, elle a couru vers le Maître et l’a embrassé en disant :
“Ne m’abandonne pas, ne me laisse pas ici”.
Il s’apprêtait à la faire monter dans le carrosse pour la ramener avec eux, mais Giuseppina Strepponi lui a dit :
“C’est pour son bien, alors résiste à ton amour pour elle et oblige-la à rester”.
Alors, il l’a ramenée au collège, et il est parti.
Mais il était profondément attaché, car on sait qu’il n’avait pas eu beaucoup de chance au niveau familial.
Il avait perdu sa première femme, Margherita Barezzi, et ses deux enfants, Icilio et Virginia.
Donc, nous en étions à Maria Filomena, mon arrière-grand-mère.
Si nous nous appelons Carrara/Verdi, c’est parce que Maria Filomena a épousé Alberto Carrara,
le fils du notaire de Giuseppe Verdi.
Alberto Carrara, un ami de longue date issu d’une famille importante de Busseto, a épousé Maria Filomena Verdi.
De leur union sont nés 4 enfants, dont un qui s’appelait Angiolo Carrara, qui était mon grand-père et qui a hérité par la suite
– il est devenu le propriétaire de la villa.
Comment ça s’est passé ? Il a demandé la permission au roi de pouvoir unir les deux noms, car à l’époque,
c’est le père qui donnait son nom à ses descendants, à ses enfants.
C’est donc Angelo Carrara qui aurait donné son nom, et le nom de Verdi se serait perdu.
D’ailleurs, dans la chambre du Maître, on peut voir l’édit royal qui a permis l’union des deux noms : Carrara/ Verdi.
Et de là, on arrive jusqu’à nous.
Il suffit de lire le testament du Maître, c’était un grand philanthrope, il a laissé environ 90 % de ses biens à des oeuvres.
A commencer par la Maison de Retraite des Musiciens, comme il l’appelait.
Il a légué tous ses tableaux les plus importants, toutes les oeuvres qu’il avait acquises ou qu’il avait commandées pour lui,
Mais la chose la plus importante qu’il ait laissée, ce sont les droits d’auteur sur ses oeuvres.
De cette manière, il a assuré l’avenir de l’établissement, car les droits d’auteur durent 50 ans.
Il a pensé que lorsqu’il serait parti, comme il était le donateur principal, la maison de retraite risquait de fermer ses portes.
Alors, en concédant ses droits d’auteur, la maison a pu continuer son oeuvre,
c’est-à-dire accéder au souhait qu’il avait formulé par écrit de venir en aide aux musiciens moins chanceux que lui.
Ici, à Villanova, il a fait construire un hôpital, car dans la région, il n’en existait pas.
J’ai une anecdote, que j’ai d’ailleurs déjà racontée.
Un matin, il a entendu du bruit devant la villa et il a vu une charrette transportant un paysan qui avait été blessé par un taureau.
La charette se dirigeait vers Fidenza, qui s’appelait alors Borgo Sandonnino, à 15 kilomètres de là.
Il s’est dit: “Comment est-ce possible qu’on doive faire un si long trajet quand on a un problème ou un accident ?”
Il faut se replacer dans le contexte. Aujourd’hui, 15 km, ce n’est rien, mais à l’époque, avec les chevaux, avec les charrettes, c’était... un sacré voyage.
C’est alors qu’il a démarré la construction de l’hôpital de Villanova, qui est toujours ouvert. Il se trouve à environ 2 km d’ici.
Il a également légué de nombreux terrains à l’hôpital pour garantir sa pérennité.
Oui, au fil du temps, tous les gains issus de ses dons ont été investis de façon très judicieuse.
Ainsi, la maison de retraite possède de nombreuses propriétés : appartements, immeubles, etc...
Elle continue donc à percevoir des loyers. Grâce à ça, elle continue à fonctionner.
En plus, comme je fais partie du conseil d’administration, je peux vous le confirmer, car je suis en première ligne et je le vois, disons tous les mois.
Oui, cela tient également au fait que Verdi est très aimé à Milan, c’est là qu’il a réussi. En fait, Verdi est originaire de Parme, pas exactement de Parme, mais de Busseto...
Mais l’endroit qui lui a porté chance, c’est Milan. C’est là qu’il a fait ses études, qu’il s’est fait un nom, et c’est là que se trouve la Scala.
Car l'Opéra se trouvait dans les grandes villes.
Après, je ne sais pas s’il aimait Milan ou pas, mais... les milanais aimaient Verdi.
Encore aujourd’hui, beaucoup de gens font des dons à la maison de repos après leur mort.
L’un des plus grands donateurs a été Arturo Toscanini...
Et tout cet argent et les revenus de ses legs, comme je l’ai dit, ont été investis de manière judicieuse.
La maison de retraite a pu survivre sans aide financière extérieure.
Disons que pour moi, c’est une chose tout à fait normale, car je suis né ici, et je ne pourrais concevoir un autre mode de vie.
Quand j’ai fait mes études au collège ou à l’université de Parme,
j’avais un peu le mal du pays, car... bon,
ce n’est pas la meilleure période pour visiter la région, il ne fait pas beau,
mais quand j’étais à l’université de Parme, je vivais dans un bel appartement, j’avais un sentiment d’enfermement.
Je préfère vivre à la campagne, dans cette région, en pleine nature, où on peut respirer et où on a des sensations merveilleuses.
Quand on pense que le Maître avait choisi d’y vivre, c’est une raison de plus.
Les raisons de son choix, on peut les comprendre en se promenant dans les allées du jardin.
Oui, c’est la chose la plus difficile.
Toute ma famille s’est dirons-nous sacrifiée,
car entretenir un bâtiment si vaste et si important n’est pas une tâche ordinaire.
Cela occasionne de nombreuses dépenses.
Disons que par chance, je ne sais pas si c’est une chance ou une malchance, nous sommes les seuls à nous en occuper.
L’Italie, on le sait, abrite de nombreux monuments.
Elle renferme 85% des moments historiques du monde, trop peut-être pour pouvoir les entretenir.
Selon moi, c’est une chance que certains bâtiments, comme celui-là, soient privés.
De cette façon, ils sont mieux protégés.
C’est très difficile, disons qu’aujourd’hui, nous avons la possibilité de vivre ici et d’entretenir la maison. Pourquoi ?
Au-delà du fait qu’elle soit belle, c’est une vieille maison.
D’accord, elle est importante, mais les années commencent à se faire sentir.
Les problèmes s’enchaînent, et nous devons les régler de manière, disons, fréquente,
mais nous continuons notre action, car c’est une tâche que nous a confiée le Maître.
Nous espérons que nous pourrons continuer et que les gens seront toujours satisfaits de ce que nous avons réussi à faire.