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Le deep web est en plein boom
car de plus en plus de gens réalisent
à quel point ils se font espionner.
Le deep web semble très prometteur.
Différents types de drogues.
L'arme que vous voulez.
C'est un moyen de communication.
La surveillance globale du gouvernement
[TOM LITTLEWOOD, MOTHERBOARD] n'est plus juste un fantasme dystopique, mais une inquiétante réalité.
Actuellement, la question de savoir si notre vie privée en ligne est juste menacée, ou simplement non-existante, reste entière.
Malgré les craintes suscitées par Prism et Tempora,
il reste un endroit qui, paraît-il, peut offrir l'anonymat en ligne,
on l'appelle le 'deep web' souvent surnommé 'Darknet' ou 'web caché'.
Et il se trouve que c'est aussi un terrain propice aux activités malveillantes.
C'est exactement la raison pour laquelle je veux découvrir qui utilise le deep web et pourquoi,
et s'il tient vraiment sa promesse en matière de protection de l'anonymat.
Tout d'abord, on a rencontré Karsten Nohl, cryptographe et hacker
spécialisé dans les failles de sécurité des systèmes numériques de communication.
Le terme 'deep web' s'applique à du contenu numérique
qui existe réellement, mais sans qu'on sache
où il se trouve exactement et qui l'héberge.
[KARSTEN NOHL, SPÉCIALISTE EN CRYPTOLOGIE] Le contenu est hébergé de façon anonyme
car les utilisateurs partagent du contenu
qui peut ne pas être légal partout.
Par exemple, il est écrit ici :
"sédation consciente pour enfant de 7 ans".
Quelqu'un demande des conseils
pour endormir chimiquement sa propre nièce.
Il ne dit pas pourquoi, mais dans ce forum,
son intention est évidente et il reçoit
de nombreuses réponses. Personne ne dit :
"Salaud, tu devrais être en prison !"
Silk Road est un site suffisamment connu
pour être trouvé sans lien.
Sur Silk Road, il y a des drogues,
des livres interdits...
De l'argent, des faux,
Oui... une fausse carte de sécurité sociale.
Si par exemple, je voulais un passeport de l'UE,
je pourrais en commander un, ou une autre pièce d'identité,
ça me coûterait 20 Bitcoins.
Oui, 20 Bitcoins,
ce qui équivaut à peu près à 1000 euros.
Mais pour quelqu'un qui cherche un faux passeport,
c'est sans doute de la petite monnaie.
Comment fonctionne l'anonymat en ligne ?
L'anonymat dans le deep web
peut être mis en place de plusieurs façons.
La méthode la plus répandue est "Tor".
En gros, il y a trois étapes :
Il faut installer Tor Bundle
pour utiliser ces programmes, et notamment le navigateur Tor
qui rend anonyme l'adresse IP.
À partir de ce moment, il ne faut plus utiliser
de services centraux comme Gmail.
Et enfin, il faut tout crypter,
comme les e-mails, avec PGP.
De nos jours, il existe des outils
qui peuvent être utilisés par tous,
et qui rendent un bon cryptage possible.
Étonnamment, ces outils sont ceux
utilisés par les gouvernements
pour leur propre défense.
Une chaîne anonyme de serveurs dans Tor
qui consiste en trois couches successives, à la manière d'un oignon.
Il y a trois serveurs,
un qui accepte un paquet
d'une adresse Internet valide, comme notre site.
Un deuxième serveur, qui le transmet
d'un serveur anonyme à un autre.
Et un troisième, qui a "épluché" les couches
du paquet, à tel point
qu'il sait quelle adresse doit le recevoir.
Bien sûr, faire ceci peut attirer
des actions en justice. Ce qu'on appelle
des "points de sortie" ne devraient être gérés
que par des gens qui savent ce qu'ils font.
La drogue est la première chose qu'on trouve sur le deep web.
Elle est partout, mais rencontrer les vendeurs est simplement impossible.
Alors que je chattais avec plusieurs vendeurs en ligne,
["MARCHÉ NOIR VIRTUEL ATLANTIS"] la plate-forme de vente de drogues Atlantis, a été volontairement mise hors-ligne,
prétextant des raisons de sécurité.
Quelques semaines plus ***, Silk Road a été fermé par le FBI.
["CE SITE CLANDESTIN A ÉTÉ SAISI"] D'autres sites ont maintenu en vie le marché de la drogue.
Même Silk Road est revenu
["CE SITE CLANDESTIN EST REVENU"] sur de nouveaux serveurs. Au moins pour l'instant.
La vente en ligne de drogues à des inconnus est une chose,
mais quand on passe du temps sur le deep web, on y voit plein d'autres choses inquiétantes.
Certaines, bien sûr, sont fausses. Il y a des sites qui proposent des tueurs à gages.
Des tueurs à gage à des prix exorbitants qui élimineront la cible de votre choix.
Par contre, une autre possibilité, beaucoup plus crédible, et sans doute encore plus inquiétante,
c'est l'offre d'armes à feu.
Des pistolets semi-automatiques aux fusils d'assaut en passant par les Uzis.
Je quitte Berlin dans l'espoir de rencontrer un vendeur d'armes.
Ça fait maintenant deux semaines qu'on discute.
On a dû le convaincre qu'on n'était pas de la police.
On a caché des logos sur notre site pour le convaincre qu'on était ceux qu'on prétend être.
En tous cas, le gars flippe grave, et il nous a juste donné un lieu,
une adresse quelconque en Allemagne. C'est là qu'on va en ce moment même.
J'espère qu'il va se montrer. On ne pourra pas révéler son identité,
mais j'ai hâte de lui demander pourquoi et comment il vend des armes à des inconnus en ligne.
On vient juste d'arriver, on est au milieu d'une forêt.
Un tout petit parking.
Il n'y a personne pour l'instant, mais on est un peu en avance.
La seule chose à faire, c'est attendre et espérer qu'il se montre.
Ah cool, il y a quelqu'un qui arrive.
Salut. Tom.
Salut, je m'appelle Hans.
Salut Hans.
Merci d'être venu.
Pas de problème.
Comment ça se passe quand vous rencontrez les gens ?
Vous avez peur en ce moment-même ?
Non, on a déjà eu des contacts par mail.
C'est pas un problème pour moi.
D'abord, je voudrais vous demander
au sujet de vos armes :
comment vous vous les procurez ?
Quelqu'un me livre des pistolets à blanc
de l'étranger, que je transforme ensuite
en vraies armes à feu, ici en Allemagne.
Mais elles ne sont pas enregistrées ici ?
Non, on n'en trouve même pas en Allemagne.
Si on regarde ici, on voit
qu'une balle ne peut pas passer par ici,
à cause de ce composant qui la bloque.
Il n'est donc pas possible de tirer à balles réelles.
Je vais l'enlever.
Comment vous vous voyez ?
En fait, je me vois comme un passionné de mécanique
qui aime tirer.
Vous pourriez faire ça juste pour vous
et vos amis. Pourquoi utiliser
le deep web et le marché noir
pour mettre vos armes entre d'autres mains ?
J'ai découvert le Darknet par des amis
et j'ai vu qu'il n'y avait
que quelques armes très chères disponibles.
Combien ça me coûterait
de vous acheter un pistolet ?
Normalement, ils coûtent entre 1 000 et 1 500 Euros -
ce qui fait de moi l'un des fournisseurs les moins chers.
Je suis aussi le seul
à vendre des pistolets à blanc modifiés.
C'est un petit calibre, ce n'est pas vraiment
une arme de chasse,
sauf de très près ou sur du petit gibier.
Bien sûr, ça dépend
de ce sur quoi on veut tirer.
Je pense juste aux gens
qui n'achètent pas des armes
pour le loisir, mais plutôt à ceux
qui les utilisent pour des motifs illégaux :
des crimes, des meurtres,
ou tout ce qu'on peut imaginer.
Vous pensez aussi à ces gens ?
Oui, bien sûr, je sais que ces gens
existent et que des crimes sont commis.
Mais on peut aussi faire ça avec n'importe quelle autre arme
du marché noir,
ou même avec des armes légales.
Si je voulais faire du mal,
je pourrais aussi renverser quelqu'un avec ma voiture.
Une fois seulement, quelqu'un m'a demandé
quel pistolet serait le plus approprié pour un meurtre
et m'a demandé des conseils.
J'ai immédiatement stoppé toute communication avec cette personne.
Je trouve ça juste choquant.
Ça, c'est une arme de poing
qui était un pistolet à blanc.
Oui.
Je me doutais vraiment pas que c'était aussi facile.
On a appris comment transformer un pistolet à blanc en vrai pistolet.
Et là, on traverse le quartier à la recherche d'un petit bois tranquille
où on pourrait essayer ces trucs.
Comment vous les livrez ?
Vous utilisez un service d'expédition ?
Simplement la poste,
mais je n'entrerai pas plus dans les détails.
Vous pensez que...
les armes sont OK, mais que d'autres choses ne le sont pas ?
Dans les conditions générales de vente
du site où je vends,
il est stipulé qu'il est interdit
de vendre des armes de destruction massive
et je suis entièrement d'accord avec ça.
Un particulier qui fait du tir n'a pas besoin de ces choses-là,
seulement les gens mal-intentionnés.
C'est un pistolet semi-automatique ?
Oui.
Nous sommes dans une forêt en Allemagne
et vous allez le tester ?
Oui, exact.
C'est assez absurde, on est au milieu des bois,
dans la campagne, et le mec tire avec un flingue semi-automatique.
Tranquille.
C'est rentré de ce côté et c'est sorti par là.
Ça pourrait faire mal, non ?
Oui, de près,
même les petits calibres peuvent être fatals.
Bien sûr, c'est choquant qu'un gars vende des flingues en ligne à des inconnus,
mais ce qui est tout aussi choquant, sinon plus, c'est le sentiment d'immunité qu'il a.
Je veux rencontrer les gars responsables de ça, les gens qui gèrent les serveurs,
en coulisses, qui permettent aux criminels d'opérer avec une telle sensation de liberté.
Donc là, je vais à Augsburg, dans le sud de l'Allemagne, rencontrer un gars qui s'appelle Moritz Bartl.
Moritz est le fondateur d'une organisation appelée Zwiebelfreunde
dont l'objectif est de faciliter l'anonymat et la sécurité en ligne des internautes.
Zwiebelfreunde est un réseau de personnes du monde entier
qui offrent de la bande passante et des points de sortie à une communauté plus large.
[MORITZ BARTL, FONDATEUR DE TORSERVERS.NET] Depuis que j'ai commencé, en 2010, à fournir des serveurs de sortie à grande échelle,
beaucoup de gens ont commencé à vouloir savoir qui j'étais.
À l'époque, le réseau était uniquement composé
de volontaires qui ne pouvaient pas
gérer les serveurs comme nous.
Pendant un temps, on exploitait 50%
de tous les serveurs de sortie.
Ça ne vous a pas transformé en ennemi
des États et des gouvernements ?
Si on était aux États-Unis,
on ne serait probablement pas en train de parler
et je ne serais pas en train de faire les choses
comme je les fais en ce moment.
Surtout si on prend Tor.
À l'origine, c'était développé
dans le cadre d'un projet militaire,
et promotionné ensuite avec l'aide
du département de la Défense.
Ce qui veut dire que le gouvernement des États-Unis essaie,
d'une part, d'avoir toutes
les informations possibles avec l'aide de la NSA
et développe en même temps un outil
qui peut rouler la NSA.
Si vous voyagez,
comment vous vous protégez ?
On ne peut pas se protéger
mais on peut être préparé.
J'ai des contacts et des numéros de téléphone.
Je ne prends jamais mon ordinateur avec moi.
Je ne prends pas mon téléphone,
ce qui est dingue pour quelqu'un
qui ne fait que rester à la maison
devant son ordinateur.
Si j'ai bien compris, l'Allemagne est
actuellement un repère des activistes de l'Internet,
car la situation légale ici permet
plus de possibilités que dans d'autres pays.
Oui, nous avons, d'un côté,
des lois plutôt bonnes,
mais de l'autre côté, il y a eu beaucoup
de cas ces 10 dernières années
qui se sont révélés être très frustrants.
La liberté postale est une blague,
tout ce que représente Tor,
la liberté d'expression,
l'échange d'opinions...
C'est pourquoi nous nous voyons
comme des combattants des droits de l'homme.
Et nous nous battrons contre des lois
qui limitent les droits des gens dans n'importe quel pays.
Mais c'est possible que, par exemple,
la pornographie infantile circule dans votre réseau.
En fait, la pornographie infantile
peut circuler dans n'importe quel réseau.
Je pense qu'interdire des opinions
ne mènera nulle part, car ces pensées
existent toujours et ne cesseront pas d'exister.
Je pense en fait qu'elles s'intensifieraient.
Je pense qu'il est plus important de savoir
quel genre de dingues existe
plutôt que de les éloigner de ma vue.
Au final, c'est moi qui suis censuré,
parce que je n'ai pas le droit de le découvrir.
On peut voir tant de choses
s'échanger publiquement.
Peut-être que le problème, c'est
qu'il est difficile d'en démontrer
l'aspect positif.
Nous parlons d'un outil de communication.
C'est d'abord un outil, comme un marteau.
Avec un marteau, je peux t'enfoncer le crâne
sans problème.
Je prends la marteau
et je t'enfonce le crâne.
Maintenant, il faut décider si, pour cette raison,
le marteau doit être interdit.
Je pense que la communication
est un outil important. Nous en avons besoin.
Je rencontre souvent des activistes
qui disent que Tor leur a sauvé la vie.
S'il y a quelqu'un en Iran
qui n'a aucune communication
ni l'opportunité de parler
à un ami, parce que tout est
sous surveillance du gouvernement,
ça, c'est dangereux.
Tor est un moyen de se protéger.
Afin de voir le niveau d'oppression de la censure de l'État iranien,
j'ai contacté Ehsan Norouzi, un journaliste iranien qui aide d'autres activistes
à travailler à l'abri de la surveillance du gouvernement.
Quand vous vous apercevez que vous êtes surveillé
et quand vous voyez vos données très personnelles
étalées sur la table où il y a
[EHSAN NOROUZI, JOURNALISTE TECHNO-POLITIQUE] de l'autre côté un interrogateur
ou quelqu'un de l'armée - enfin, quelqu'un d'effrayant -,
vous n'êtes plus la même personne. On s'enferme dans une forme d'auto-censure.
Vous savez, on ne peut pas dire ce qu'on veut, même dans nos communications privées
avec, mettons, nos parents, notre copine, notre copain...
Juste parce que mon ami à Téhéran me contacte et me donne des informations
sur ce qui se passe dans la rue, ou ce qu'ils font pour aider d'autres gens,
ils peuvent être accusés d'espionnage, et quelle est la punition pour espionnage ? La mort.
C'est donc une décision très difficile.
On ne peut plus distinguer les régimes démocratiques des régimes répressifs
parce que ce qu'ils font en matière de surveillance des individus,
d'utilisation des données contre les gens, c'est pratiquement la même chose.
[MANIFESTATION "FREIHEIT STATT ANGST" BERLIN, SEPTEMBRE 2013]
[MANIFESTATION "FREIHEIT STATT ANGST" BERLIN, SEPTEMBRE 2013] "L'État surveillance - Plus jamais !"
[MANIFESTATION "FREIHEIT STATT ANGST" BERLIN, SEPTEMBRE 2013]
"Les collecteurs de données sont des criminels !"
"De la crypto pour tout le monde !"
La peur que des données puissent être utilisées contre nous
est certainement justifiée.
Que ce soit l'œuvre
des agences de renseignement est discutable.
Pour toute entreprise qui fait du profit avec
les données de ses utilisateurs,
vous pouvez imaginer que vos données
profiteront à quelqu'un d'une façon ou d'une autre.
On dit souvent que les gens
qui n'ont rien à cacher
n'ont pas de raison d'avoir peur.
Tout le monde a quelque chose à cacher.
Tout le monde a des rêves et des désirs.
Tout le monde a des objectifs et des peurs.
Et ces données, nos rêves,
sont connus par beaucoup d'entreprises en ligne,
pas seulement celles à qui vous choisissez de les communiquer.
Ainsi, les recherches
que nous entrons dans Google, etc.
Ce sur quoi je clique,
mais également ce sur quoi je ne clique pas,
quelles sont les pages sur lesquelles je passe du temps,
c'est de l'information
qu'on ne partagerait même pas avec ses amis,
mais nous la partageons sans aucun doute
avec de nombreuses compagnies américaines.
À première vue, quand on se penche sur le deep web, on voit des types qui vendent des armes et de la drogue
et des propos plutôt libres sur le crime et la pédophilie.
D'un autre côté, ce même moyen de communication,
en fin de compte, n'est pas nécessairement une bonne chose ou une mauvaise chose,
c'est juste un outil très puissant.
Le deep web est vraiment la seule alternative qui nous reste
pour demeurer anonyme et accéder à l'information disponible dans ce monde -
c'est à dire toute l'information, la bonne comme la mauvaise.
Nous sommes toujours libres de choisir, et je pense qu'au bout du compte, ça dépend de nous :
nous voulons le mal que l'on connaît ? Ou celui que l'on ne connaît pas ?