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Tous ces petits curés oubliés par l'Histoire
Furent balayés par le flot de l'avenir
Ah, chers vaincus pour rien, travailleurs pour la gloire
-Pour Dieu - Ah, je voudrais pourtant vous retenir !
Petits curés, jadis brisés par la bêtise
L'évêché, le parler-bas, le qu'en-dira-t-on
La bourgeoisie, le député, toute la grise
Bondieuserie locale bornée, le bon ton !
C'était jadis... Et c'est pour toujours dans ma tête
C'était jadis et il ne me reste rien de vous
Un ou deux noms... Le grand silence des défaites
Et l'écho des croassements. Souvenez-vous
Les laïcards se moquent de vous, et les rouges
- Car ils savent - vous traitent d'utiles idiots
Trois cheftaines vous suivent, et voilà, rien ne bouge
Vous parlez de luttes de classes à des dévots
Quelques rombières qui n'attendent que la messe
D'ailleurs et de l'onction, du décor, du mourir
Tandis que vous les bousculez dans leur paresse
Les gens d'argent, ceux-là, vous auront vu venir !
Les gens d'argent - Les gros - Les patrons des usines
Vous brandissez des mots terribles sous leur nez
Petits curés, ils vous auront par la famine
Du cœur ! Et là on verra bien si vous osez
La ramener, avec votre classe ouvrière
Les taudis, la Vierge des pauvres, délirez !
"La joie du Christ rayonnera de la misère !"
C'est un prêtre, il paraît qu'il lit l'Humanité
Dans les salles houleuses, sous la rage du vent
On vous a vu brandir ce Christ imaginaire
C'est Jésus l'ouvrier à la tête des gens
Mais il n'y a pas de Christ à part vous, sur la Terre
Petits curés, vous y aurez cru, à l'aurore
Et dans des livres à tirages limités
Vous me parlez, tandis que la toux vous dévore
Puis on vous a mutés dans un hameau hanté
Dérivant sous la pluie. C'est ici, le Royaume
Dites-vous. Trois maisons, des labours, deux poivrots
Mais si nous naviguons tous, n'est-ce pas, vers l'aube
Il faut donc aller profond dans la nuits sans mots
La nuit sans mots... Tout ça est loin, très loin. La ville
A continué sans vous la dérive, elle aussi
L'argent gagne. L'argent. Les églises sont vides
Mais on ne comprendra rien à ce monde-ci
On ne comprendra rien à ces rues, ces silences
Ces jardinets, ces barres, ces alignements
Et comment le peuple a vécu ici - La France -
Si on ne sait pas voir sur ce vitrail tremblant
Sur les cités sortant du sol, sur le courage
Quelque chose comme un immobile ouragan
Un visage imprimé en haut des ciels d'orage
Et ce crucifix dans la main des jeunes gens
La main des jeunes gens pilleurs des citadelles
La main brûlante et sans merci des jeunes gens
Et si l'on ne vous voit, soutane en forme d'ailes
Foncer droit dans ces avenues, sombres et violents
Aller dans les soirs vers les nuits peuplées d'étoiles
Ce domaine inconnu dont vous voyiez les feux
Ou dans l'église abandonnée mettre la voile
Vous dirigeant vers le bon Dieu
Puis vous mouriez de maladie, de solitude
Dans la cure glaciale et avant d'être vieux
"J'ai servi" et "Je crois" puis les Béatitudes
"Heureux soient les cœurs purs : ils entreront chez Dieu !"
Mais vous avez trente ans toujours, dans ma mémoire
Poignée de graines qui furent jetées des cieux !
Et vous avez construit un pays dans l'Histoire
Heureux soient les cœurs purs : ils entreront chez Dieu