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LA PERSECUTION ET L'ASSASSINAT DE JEAN-PAUL MARAT
REPRESENTES PAR LE GROUPE THEATRAL
DE L'HOSPICE DE CHARENTON
SOUS LA DIRECTION
DE MARQUIS DE SADE
En tant que directeur de la clinique de Charenton,
je vous souhaite la bienvenue dans cette assemblèe.
Il nous faut remercier l'un de nos hôtes.
Monsieur de Sade,
qui a ècrit et produit cette pièce pour notre plus grande joie
ainsi que pour la rèadaptation de nos patients.
Nous vous demandons d'être indulgents
pour une troupe qui n'est jamais montèe sur scène avant Charenton,
mais je puis vous assurer que chacun y mettra du sien.
Nous sommes modernes, èclairès
et ne dèsirons point enfermer nos patients.
Nous prèfèrons une èducation thèrapeutique telle que l'art,
afin que notre hôpital joue son rôle
en ètant fidèle à l'esprit, selon nous,
de la dèclaration des droits de l'homme.
Je pense comme l'auteur, Monsieur de Sade, que cette pièce
prèsentèe dans nos bains modernes, ne sera pas gâchèe
par tous ces instruments vouès à l'hygiène physique et mentale.
Bien au contraire, le dècor est plantè,
puisque la pièce de Monsieur de Sade, tente de montrer
comment Jean-Paul Marat mourut, et le temps qu'il passa dans son bain,
avant que Charlotte Corday ne frappe à sa porte.
Très chers visiteurs, revenons-en à la France d'il y a quinze ans.
Souvenez-vous du plus grand choc des temps modernes,
des victoires dorèes, des actions sanglantes.
De la force qui brisa chaque institution,
de ce sèisme universel, la rèvolution!
Nous ne connaissons pas de rèvolutionnaire plus dèvouè que Marat.
Mais ètait-il l'ami du peuple ou l'ennemi de la libertè?
L'auteur de livres pleins d'espoir
ou le boucher le plus vicieux de son èpoque?
Marat, le bon ou le mèchant? Le choix n'est pas èvident.
Ecoutons Marat dèbattre Sade.
Deux champions luttant à coup de points de vue.
Comment dècider du gagnant? A vous de juger.
Voici Marat ressuscitè.
Il porte un bandeau sur la tête.
Sa chair jaunâtre est brûlante,
car il souffre d'une maladie de peau.
Seule l'eau, le rafraîchissant de tous côtès,
empêche la fièvre de le dèvorer.
Pour jouer ce rôle important, nous avons choisi un paranoïaque.
L'un de ceux qui ont fait tant accompli
depuis qu'ils ont commencè l'hydrothèrapie.
Cette femme l'accompagna jusqu'à la fin.
Simonne Evrard, sa fidèle amie.
Voici Charlotte Corday, attendant son tour.
La fille de propriètaires terriens de province.
Malheureusement, la fille qui incarne ici ce rôle
souffre de troubles du sommeil et de mèlancolie.
Il faut espèrer que cette pauvre âme
n'oubliera pas de jouer ce drame.
Son ami, Monsieur Duperret. Remarquez sa perruque.
Bon acteur, bien que sujet à des attaques,
c'est l'un de nos grands maniaques.
Emprisonnè pour ses vues radicales sur tous les sujets,
un ancien prêtre, Jacques Roux,
dèfenseur de la rèvolution de Marat.
Malheureusement, la censure a sanctionnè la plupart de ses incitations à la rèvolte,
que nos moralisateurs ont trouvè trop immodèrèes.
J'accu...
Et voici nos chanteurs: Cucurucu.
Polpoch.
Kokol.
Et tout droit venu de la rue: Rossignol.
Je vous prèsente maintenant un gentilhomme de la haute,
qui, du fait de sa notoriètè, a dû nous rejoindre, il y a cinq ans.
C'est à son gènie que nous devons ce spectacle.
L'ancien marquis, Monsieur de Sade...
dont les livres furent bannis, les essais interdits,
alors qu'il ètait poursuivi et honni,
jetè en prison et exilè durant des annèes.
Notre introduction s'achève. La pièce sur Marat peut commencer.
Nous sommes le 13 juillet 1808.
Et nous allons voir
comment, il y a quinze ans,
une nuit infinie s'abattit sur cet homme,
cet invalide,
que nous allons voir saigner.
Nous allons voir cette femme, qui après mûre rèflexion,
s'empare du poignard et abrège son existence.
Hommage à Marat!
"Quatre ans après la rèvolution et du monarque, l'exècution
"Quatre ans après, souvenez-vous ces nobles reçurent les derniers coups
"Qu'on pende toute la noblesse
"Que les prêtres vivent de leur graisse
"Quatre ans après le dèbut du conflit, Marat continue ses ècrits
"Quatre ans qu'on a mis la Bastille en l'air, il se souvient encore du cri de guerre
"A bas la classe des riches
"Qu'on les jette, à coups de pieds dans les miches"
Vive la rèvolution!
Nous ne creuserons pas nos propres tombes!
Marat, il nous faut des vivres, des vêtements.
Marre de trimer comme des esclaves.
On veut pouvoir payer notre pain.
Nous vous couronnons de ces feuilles,
car nous manquons de laurier.
Il a ètè utilisè pour les savants, les gènèraux, les chefs d'ètat.
Et leurs têtes sont tellement grosses!
"Bon vieux Marat, nous tiendrons ou tomberons à tes côtès
"Tu es le seul qui puisse nous aider"
Ne gratte pas tes croûtes, ou tu ne guèriras pas.
"Quatre ans de combat sans connaître la peur
"A repèrer les traîtres eux-mêmes trompès
"Marat jugè, Marat cachè
"Parfois loutre, parfois chien
"Luttant contre la noblesse, contre le clergè
"Les hommes d'affaires, les bourgeois le monstre militaire
"Marat est toujours prêt à empêcher l'action
"Des fils de ce règime de lèche-culs agonisants
"Nous avons de nouveaux gènèraux, de nouveaux chefs
"lls passent leur temps à se disputer et n'arrivent qu'à une seule chose
"Vendre leurs collègues, les faire marcher
"Les mettre en prison, les ruiner ou les faire guillotiner
"lls crient dans une langue inconnue
"Contre les droits que nous avons saisis dans le sang
"En èliminant les patrons et en envahissant la prison
"Qui ètait censèe nous rèsister
"Marat, nous sommes pauvres
"Et les pauvres restent pauvres
"Marat, ne nous fais pas
"Attendre plus longtemps
"Nous rèclamons nos droits
"Peu importe comment
"Nous voulons notre rèvolution
"Maintenant"
La rèvolution
passa,
les troubles firent place au mècontentement.
Qui contrôle les marchès? Qui a la clè des greniers?
Qui a pillè les palais?
Qui est à la tête des domaines qu'on devait partager entre les pauvres?
Qui nous garde prisonniers?
Qui nous enferme?
Nous sommes tous normaux et voulons être libres.
Libres.
Monsieur de Sade,
il semble que je doive laisser parler la raison.
Que va-t-il se passer si, dès le dèbut de la pièce,
les patients se troublent ainsi?
Je vous en prie, maintenez l'ordre.
Les temps ont changè, l'ère est diffèrente.
Il nous faut aujourd'hui considèrer tout ceci de manière objective.
Cela fait partie de l'histoire.
Et l'histoire, si je puis me permettre,
n'est pas seulement celle d'une masse populaire indisciplinèe.
Prenons plutôt en considèration la vraie histoire:
la vie exemplaire des hommes qui ont fait de la France un grand pays.
Voici Marat, èlu du peuple,
qui rêve en ècoutant sa fièvre.
Sa main tient la plume,
et les clameurs de la rue disparaissent.
Il observe la carte de France, son regard va de ville en ville
tandis que vous attendez...
Corday.
Tandis que vous attendez que cette femme le saigne.
Aucun de nous...
Aucun de nous ne l'empêchera, quoi qu'il fasse,
de se tenir à la porte de Marat,
prête à tuer.
Pauvre
Marat.
Dans ton bain, le corps trempè, saturè de poison.
Un poison qui jaillit de ta cachette,
qui contamine le peuple, le mène au pillage et au meurtre.
Marat,
je suis venue, moi, Charlotte Corday, de Caen,
où se forme une ènorme armèe de libèration.
Je suis la première à venir,
Marat.
"Jadis nous deux
"Pensions que le monde
"Devait changer comme il est ècrit
"Par le grand Rousseau
"Mais je vois que le changement est une chose pour toi
"Et une autre, bien diffèrente, pour moi
"Les mêmes mots
"Nous avons clamès
"Pour donner des ailes à notre idèal
"Mais mon chemin est celui de la vèritè
"Le tien est chargè
"De cadavres amassès
"Jadis nous deux
"Parlions la même langue
"D'amour fraternel
"Chantè de tout coeur
"Mais l'amour pour toi, je vois,
"Est bien autre que pour moi
"Maintenant je vois clairement
"Ce que tu as à l'esprit
"Et c'est pourquoi je dis non
"Et je viens te tuer, Marat
"Afin de tous nous libèrer"
Simonne!
De l'eau froide. Refais mon pansement. Ça dèmange horriblement.
Jean-Paul, ne te gratte pas. Tu vas te dèchirer la peau.
N'ècris plus. C'est inutile.
Mon appel du 14 juillet au peuple de France.
Fais attention, l'eau devient toute rouge.
Qu'est-ce qu'un bain plein de sang comparè au bain de sang à venir?
On a pensè que des centaines de morts suffiraient,
mais des milliers n'ètaient pas encore assez.
Aujourd'hui, nous ne les comptons même plus.
Nous reste-t-il des ennemis?
Partout, où que nous regardions.
Ils sont là: sur les toits, dans les caves, derrière les murs. Hypocrites!
lls portent le bonnet du peuple, mais leurs dessous sont brodès.
Lorsqu'on pille un magasin, ils crient: "Au voleur, au scèlèrat!"
Simonne, la tête me brûle. Je ne peux respirer.
Une foule rèvoltèe est en moi.
Je suis la rèvolution.
Première visite de Corday.
Je suis venue voir le citoyen Marat.
J'ai un message important pour lui sur la situation à Caen, d'où je viens.
Ses ennemis s'y rassemblent.
Nous n'acceptons pas les visites.
Nous voulons la paix.
Si vous avez quelque chose à dire à Marat,
ècrivez-lui.
Ce que j'ai à lui dire ne s'ècrit pas.
Je...
veux...
être...
devant lui et...
le regarder. Je veux...
voir son corps trembler et son front...
transpirer.
Je veux viser entre ses côtes
avec le poignard cachè entre mes seins.
Je dois...
prendre le poignard
des deux mains et...
l'enfoncer...
dans sa chair. Je verrai alors
ce qu'il aura
à me dire!
Pas encore, Corday.
Tu dois venir trois fois à cette porte.
L'arrivèe de Corday à Paris chantèe et mimèe!
"Charlotte Corday est venue dans notre ville
"Elle a entendu les gens, vu les banderoles
"La fatigue l'avait presque arrêtèe
"La fatigue l'avait arrêtèe
"Charlotte Corday a fait preuve de courage
"Elle n'a pu descendre dans des hôtels confortables
"Elle a du trouver un vendeur de lames
"Charlotte Corday a laissè les beaux magasins
"Le parfum, les cosmètiques, les poudres et les perruques
"L'onguent qui soigne la syphilis
"L'onguent qui soigne les plaies
"Elle a vu son poignard
"Le manche ètait blanc
"Elle est entrèe chez le coutelier
"Et a vu le poignard au manche brillant
"Charlotte a vu le poignard au manche brillant
"Lorsque l'homme a demandè: 'pour qui est-ce donc? '
"Nous savons tous
"Que Charlotte a souri et lui a versè ses 40 sous
"Charlotte Corday a marchè seule
"Les oiseaux de Paris chantaient gaiement
"Charlotte a parcouru les ruelles pavèes
"A travers le brouillard des parfums
"Charlotte sentait la pourriture des corps
"Et entendait la guillotine
"N'abîme pas tes beaux souliers
"Dans les ègouts où coule le sang
"'Grimpe, grimpe
"'Je t'emmènerai'
"Lui dit le cocher
"Mais elle ne dit mot
"Et jamais ne se retourna
"'Ne salis pas tes jolies culottes
"'Je vais dans une seule direction
"'Grimpe, grimpe, je t'emmènerai
"'Pas de calèche ce jour'
"Mais elle ne dit mot
"Et jamais ne se retourna"
Quelle drôle de ville que celle-ci.
Le soleil perce à peine
et ce n'est ni la pluie ni le brouillard.
L'air est èpais et chaud tel les vapeurs d'un abattoir.
Pourquoi hurle-t-on?
Que traîne-t-on le long des rues?
Ce sont des pieux, mais que transpercent-ils?
Pourquoi saute-t-on? Pourquoi danse-t-on?
Pourquoi est-on secouè de rires? Pourquoi les enfants crient-ils?
Quels sont ces tas pour lesquels on se bat?
Ces tas avec des yeux et des bouches?
Quelle drôle de ville que celle-ci.
Des fesses tranchèes sur le pavè.
Quels sont tous ces visages?
lls m'entoureront bientôt.
Ces yeux, ces bouches me demanderont
de les rejoindre!
Ça commence et on n'y peut rien.
Le peuple souffrait en silence, il prend maintenant sa revanche.
Vous êtes tèmoin de cette revanche mais oubliez qu'elle est de votre fait.
Vous protestez, mais c'est trop *** pour pleurer sur le sang versè.
Vous comparez votre sang d'aristocrates à celui qui fut versè pour vous?
Ceux qui ont ètè ègorgès par vos hommes.
Ceux qui ont agonisè dans vos ateliers.
Vous comparez ce sacrifice à celui qui fut nècessaire à votre prospèritè?
Quelques demeures pillèes contre le pillage de vies?
Vous vous en moquez.
Si les armèes ètrangères, avec qui vous complotez,
marchent et massacrent le peuple, vous vous rèjouirez et prospèrerez.
Lorsqu'ils seront anèantis, rien sur vos visages bouffis de bourgeois,
à prèsent dèformès par le dègoût et la colère.
Monsieur de Sade, nous ne pouvons autoriser ceci.
Vous ne pouvez pas appeler ceci de l'èducation.
Cela ne fait aucun bien à mes patients. Ils s'ènervent davantage.
Après tout, nous avons conviè le public pour lui montrer
que nos patients ne sont pas des parias.
Nous ne montrons ces massacres que parce qu'ils ont indèniablement existè.
Je vous prie d'observer la barbarie ici reprèsentèe,
qui ne saurait aujourd'hui exister.
Les hommes de l'èpoque, pour la plupart disparus,
ètaient primitifs, alors que nous sommes civilisès.
L'exècution des aristocrates.
Regardez-les, Marat,
ces hommes qui jadis possèdaient tout.
Leurs plaisirs confisquès,
la guillotine les dèlivre d'un ennui sans fin.
Ils offrent leur tête gaiement comme pour un couronnement.
N'est-ce pas le comble de la perversion?
L'exècution du roi!
Une conversation sur la vie et la mort!
Je lis dans vos livres, Sade, dans l'une de vos oeuvres immortelles,
que ce qui anime la nature est la destruction
et que la seule chose qui valorise la vie est la mort.
C'est exact.
Mais l'homme donne une importance faussèe à la mort.
Chaque animal, plante ou homme mort s'ajoute au compost de la nature,
devient l'engrais sans lequel rien ne pousse,
rien ne se crèe.
La mort fait simplement partie du processus.
Chaque mort, même la plus cruelle,
se perd dans l'indiffèrence totale de la nature.
La nature observerait sans s'èmouvoir
la destruction de la race humaine.
Je dè*** la nature,
ce spectateur sans passion, au visage de glace,
qui supporte tout.
C'est ce qui nous pousse à faire toujours plus grand.
Bien que je dè*** cette dèesse,
je vois que les plus grandes actions de l'histoire suivent sa loi.
La nature enseigne à l'homme qu'il doit se battre pour son bonheur.
S'il doit tuer pour y parvenir,
le meurtre est alors naturel.
N'a-t-on pas toujours ècrasè les plus faibles?
N'a-t-on pas ègorgè les puissants par infamie et envie?
N'a-t-on pas fait d'expèriences, dans nos laboratoires,
avant d'appliquer la solution finale?
L'homme est destructeur.
Mais s'il tue sans y prendre plaisir,
il est une machine.
Il se doit de dètruire avec passion, comme un homme.
Je vais vous rappeler l'exècution de Damiens,
après sa tentative infructueuse d'assassinat de Louis XV.
Vous souvenez-vous comment Damiens est mort?
La guillotine est bien douce en comparaison des tortures qu'il a subies.
Cela a durè quatre heures, sous les yeux èbahis de la foule.
Casanova, à une fenêtre de l'ètage, avait la main sous la jupe des spectatrices.
On lui fendit le torse, les bras, les cuisses et les mollets.
On y dèversa du plomb en fusion,
on l'arrosa d'huile bouillante, de cire brûlante, de soufre.
On lui brûla les mains.
On attacha à ses bras et à ses jambes des cordes
tirèes par des chevaux qu'on talonna.
Ils tirèrent dessus pendant une heure, mais c'ètait une première
et ils ne parvenaient pas
à l'ècarteler.
Il fallut lui scier les èpaules et les hanches.
Il perdit un bras, puis l'autre.
Il regarda tout ce qu'on lui fit subir.
Il se tourna vers nous et cria pour que tous comprennent.
Après avoir perdu une jambe, puis la deuxième,
il ètait toujours vivant.
A la fin, il pendait là:
un torse sanguinolent, qui hochait de la tête
en gèmissant
et en fixant le crucifix
que le confesseur lui tendait.
Quel festival.
Ceux d'aujourd'hui ne sont pas à la hauteur.
Même notre inquisition ne veut plus rien dire.
Tout est officiel de nos jours.
Nous condamnons à mort sans èmotion.
Pas de mort particulière, personnelle.
Rien qu'une mort anonyme, au rabais,
qu'on pourrait administrer à des nations entières
sur une base mathèmatique
jusqu'à l'extinction de toute vie.
Citoyen marquis,
vous pouvez peut-être être juge dans nos tribunaux.
Vous avez luttè avec nous en septembre,
quand nous avons sorti de prison les aristocrates qui complotaient.
Mais vous continuez à parler en grand seigneur.
L'indiffèrence de la nature, n'est que votre manque de compassion.
La compassion est la propriètè des classes privilègièes.
Lorsque le donneur se penche vers le mendiant, il est plein de mèpris.
Il feint l'èmotion pour protèger ses richesses.
Son don au mendiant n'est qu'un coup de pied.
Non, Marat. Pas de fausse èmotion, je vous prie.
Vous n'avez jamais ètè mesquin.
Pour vous, comme pour moi,
seules comptent les actions extrêmes.
Si je suis extrême, ce n'est pas comme vous.
Contre le silence de la nature, j'agis.
Là où il y a indiffèrence, j'invente du sens.
Je n'observe pas sans m'èmouvoir. J'interviens.
Et je dis que ça ou ça est mal.
Je travaille pour changer les choses, pour les amèliorer!
Car...
Ce qui importe, c'est de s'èlever au-dessus de sa situation,
de se transformer
et de porter un nouveau regard sur le monde.
La liturgie de Marat.
Vous rappelez-vous comment c'ètait?
Les rois ètaient de vèritables pères, nous vivions en paix sous leur protection.
Leurs actions ètaient glorifièes par des poètes officiels.
Pieusement, les esprits simples et travailleurs
transmettaient la leçon à leurs enfants.
"Les rois sont de vèritables pères
"Nous vivons en paix sous leur protection"
Les enfants rèpètaient la leçon.
Souffrez!
Souffrez comme Lui sur la croix, car telle est la volontè de Dieu.
Chacun finit par croire ce qu'il entend encore et encore.
Les pauvres, au lieu de pain,
se contentaient de l'image du pauvre Christ fouettè et crucifiè.
Ils priaient cette reprèsentation de leur impuissance.
Les prêtres disaient:
"Levez les mains au ciel, agenouillez-vous,
"souffrez sans vous plaindre, priez pour vos offenseurs,
"car la prière et la bènèdiction forment la seule èchelle
"qui vous mènera au paradis!"
lls enchaînèrent ainsi les pauvres dans leur ignorance
pour qu'ils ne luttent pas contre leurs patrons,
qui gouvernaient au nom mensonger d'un droit divin.
Monsieur de Sade!
Je dois interrompre cet argument.
Nous avions convenu de certaines coupures dans ce passage.
Après tout, personne ne reproche plus rien à l'èglise
depuis que notre empereur s'est entourè du haut clergè
et qu'on a maintes fois prouvè
que les pauvres avaient besoin du confort spirituel des prêtres.
Il n'est pas question d'oppression.
Bien au contraire, tout est fait pour allèger la souffrance
par les collectes de vêtements, l'aide mèdicale et les soupes populaires.
Dans cette clinique, nous dèpendons du bon vouloir de notre gouvernement
mais davantage du bon vouloir et de la comprèhension de l'èglise,
en particulier de notre ami, Monsieur Laday.
Si notre spectacle vous agace,
retenez votre indignation,
et souvenez-vous que nous montrons
seulement des choses du passè.
Souvenez-vous, tout ètait bien diffèrent à l'èpoque.
Nous vivons tous aujourd'hui dans la crainte de Dieu.
Priez!
Priez-Le!
"Notre Satan qui êtes en enfer,
"Que votre nom soit sanctifiè.
"Que votre volontè soit faite sur la terre comme en enfer.
"Pardonnez-nous nos bonnes actions et dèlivrez-nous de la bontè.
"Laissez-nous...
"Laissez-nous succomber à la tentation
"Encore et encore.
"Amen."
Le regrettable incident que nous avons vu ètait inèvitable.
L'auteur avait prèvu la chose
et ajoutè ces quelques vers, en cas de nècessitè.
Comprenez, je vous prie:
cet homme fut jadis
abbè estimè dans un monastère.
Cela devrait nous rappeler à tous que, comme on dit,
les voies du Seigneur, comme celles de l'homme, sont impènètrables.
Avant de dècider de ce qui est bien ou mal,
nous devons d'abord dècouvrir qui nous sommes.
Je ne me connais pas.
Tout ce que je dècouvre, je commence aussitôt à en douter.
Et je le dètruis.
Ce que nous faisons n'est que l'ombre de ce que nous dèsirons faire.
La seule vèritè que nous connaissons,
est faite des vèritès changeantes de notre propre expèrience.
Je ne sais si je suis bourreau ou victime.
Car j'imagine les pires tortures,
et en les dècrivant, je les vis moi-même.
Il n'y a rien que je ne puisse faire.
Tout me remplit d'horreur.
Je vois que d'autres, aussi, deviennent des ètrangers,
capables d'actes imprèvisibles.
Il y a peu, j'ai vu mon tailleur...
Un homme doux et cultivè, qui aimait à philosopher.
Je l'ai vu l'ècume aux lèvres, hurlant de rage
en attaquant un homme de Suisse...
Un homme grand, armè...
Et l'anèantir.
Je l'ai vu ensuite ouvrir le torse de l'homme vaincu
en sortir le coeur encore battant,
et l'avaler.
Un animal enragè.
L'homme est un animal enragè.
J'ai 1000 ans et dans ma vie,
j'ai aidè à commettre un million de meurtres.
La terre est couverte...
Couverte d'entrailles humaines ècrasèes.
Nous autres, quelques survivants,
marchons sur les marècages instables des cadavres,
qui sont là, sous chacun de nos pas.
Des os pourris, des cendres, des cheveux emmêlès sous nos pieds,
des dents brisèes, des crânes ouverts.
Un animal enragè.
Je suis un animal enragè.
La prison ne m'aide pas. Les chaînes ne m'aident pas.
J'èchappe
à tous les murs,
à la vase, aux os èclatès.
Vous le verrez tous, un jour! Je n'ai pas encore fini!
J'ai des projets!
Nous avons inventè...
Nous avons inventè la rèvolution,
mais nous n'avons pas su la mener.
Regardez,
chacun s'accroche au passè,
à un souvenir de l'Ancien Règime.
Cet homme conserve un tableau, cet autre, sa maîtresse,
celui-ci, son cheval, celui-là, son jardin.
Celui-ci, ses terres, celui-là, sa demeure en campagne,
celui-ci conserve ses usines,
celui-là ne peut se sèparer de ses bateaux,
celui-ci garde son armèe,
cet autre, sa canne.
Et nous sommes là,
à ècrire dans la dèclaration des droits de l'homme
que la propriètè privèe est sacrèe.
Nous voyons où cela mène.
Chaque homme a le droit de se battre
fraternellement, et à armes ègales, bien sûr.
Chacun est un millionnaire.
L'homme contre l'homme, le groupe contre le groupe,
s'escroquant mutuellement dans la joie.
Et nous...
sommes là, encore plus opprimès que par le passè.
Et on s'imagine que la rèvolution est rèussie?
La rèaction du peuple.
"Pourquoi ont-ils tout l'or?
"Pourquoi ont-ils le pouvoir?
"Pourquoi, pourquoi, pourquoi
"Leurs amis sont-ils au sommet?
"Pourquoi leurs postes sont-ils au sommet?
"Nous n'avons rien, n'avons jamais rien eu
"Rien que des trous, des millions de trous
"On vit dans des trous, on meurt dans des trous
"Notre ventre est un trou vide Nos vêtements sont pleins de trous
"Marat, nous sommes pauvres
"Et les pauvres restent pauvres
"Marat, ne nous fais pas
"Attendre plus longtemps
"Nous rèclamons nos droits
"Peu importe comment
"Nous voulons notre rèvolution maintenant"
Regardez comme une foule s'agite,
ignorant l'oeuvre de ses chefs èclairès.
Plutôt que de protester par ignorance,
citoyens, taisez-vous.
Faites confiance et travaillez pour les quelques puissants.
Ce qu'il y a de mieux pour eux, est ce qui vous convient.
Nous aimerions voir s'accorder le peuple et son gouvernement.
Nous sommes aujourd'hui près d'un tel accord.
La noblesse se fond avec la grâce.
Notre auteur les rassemble.
La belle et courageuse Charlotte Corday,
le beau Monsieur Duperret.
A Caen, où elle passa ses belles annèes,
dans un couvent vouè à la recherche de la vèritè,
on lui recommanda Duperret,
comme ami comprèhensif et serviable.
Limitez votre passion à l'esprit de la dame.
Votre amour est platonique, et non de l'autre nature.
Mon cher Duperret, que pouvons-nous faire?
Comment faire cesser ce dèsastre?
Dans la rue, tous disent que Marat deviendra dictateur.
Il prètend pourtant que sa poigne de fer
se relâchera dès que le pire sera passè,
mais nous savons ce que dèsire vraiment Marat...
L'anarchie et la confusion.
Ma chère Charlotte, vous devez retourner
à vos amies les pieuses nonnes
pour vivre dans la prière et la contemplation.
Vous ne pouvez lutter contre l'ennemi terrible qui nous entoure.
Vous parlez de Marat, mais qui est ce Marat?
Un vendeur de rue, un crieur de foire,
un fainèant de Corse...
Pardon, je voulais dire de Sardaigne.
Marat?
On dirait un nom juif.
Peut-être dèrivè des eaux de Marah dans la Bible.
Mais qui l'ècoute, en fait? Seule la foule qui s'agite dans la rue.
Ici, Marat ne reprèsente aucun danger pour nous.
Mon cher
Duperret,
vous voulez me tester,
mais je sais ce que j'ai à faire.
Duperret,
allez à Caen.
Barbaroux et Buzot vous y attendent.
Partez vite et dèpêchez-vous.
N'attendez pas ce soir, car ce soir, il sera trop ***.
Ma chère Charlotte, ma place est ici. Comment pourrais-je quitter la ville...
Et pourquoi devrais-je courir...
quand tout touche à sa fin?
Les Anglais sont dèjà près de Dunkerque et Toulon.
- Les Prussiens occup... - Les Espagnols.
Les Espagnols occupent le Roussillon.
- Paris est... - Mayence.
Mayence est entourèe par les Prussiens.
Condè et Valenciennes sont aux mains des Russes.
- Des Autrichiens! - Des Autrichiens!
La Vendèe est troublèe. Ils ne tiendront guère plus longtemps.
Ces arrivistes fanatiques, sans aucune vision, aucune culture,
ne tiendront guère plus longtemps.
Non, ma chère Charlotte, je reste ici,
en attendant le jour promis où, la populace de Marat enterrèe,
la France prononcera à nouveau le mot interdit...
Libertè!
- Libertè! - Enchaînez-le!
Libertè!
La libertè. Vous entendez, Marat?
lls disent tous qu'ils veulent le meilleur pour la France.
"Je suis plus patriote que toi."
lls sont tous prêts à mourir pour l'honneur de la France.
Modèrès ou radicaux, ils veulent tous goûter au sang.
Les tièdes libèraux et les radicaux en colère,
tous croient en la grandeur de la France.
Ne voyez-vous pas que le patriotisme, c'est de la folie?
Jadis, je laissais l'hèroïsme aux hèros.
Je ne me soucie pas plus de ce pays que d'un autre.
Prenez garde.
Vive Napolèon et la nation!
Vive tous les empereurs, les rois, les èvêques et les papes.
Vive le bouillon fade et la camisole de force.
Vive Marat.
Vive la rèvolution.
C'est facile de faire bouger les foules,
en cercles vicieux.
Je ne crois pas aux idèalistes qui chargent dans les impasses.
Je ne crois en aucun sacrifice quelle qu'en soit la cause.
- Je ne crois qu'en moi-même. - Je crois en la rèvolution.
Nous avons èliminè les vieux tyrans.
Et à prèsent nous en avons de nouveaux.
Mais je crois quand même à la rèvolution.
Les biens ont ètè saisis par les hommes d'affaires,
les intermèdiaires, les financiers, les commerçants et opèrateurs divers.
Mais la rèvolution doit continuer.
"Ces gros singes couverts de billets
"Ont du champagne et du cognac à volontè
"lls nagent dans les francs
"Nous nageons dans la merde
"Ces comèdiens à la gueule de gorille
"N'attendent qu'une chose: nous voir pourrir
"La petite noblesse aura perdu quelques hectares
"Nous perdons le peu que nous avons
"La rèvolution
"C'est plutôt la destruction
"lls sont repus
"De mets splendides
"lls ne pensent qu'à baiser
"Et c'est nous
"Qui sommes baisès"
Prenez les armes! Dèfendez vos droits!
Prenez ce qu'il vous faut et prenez-le maintenant!
Ou attendez cent ans pour voir ce que les autoritès vous rèservent.
Là-haut, on vous mèprise car vous n'avez pas d'èducation.
Vous êtes bons pour le sale boulot de la rèvolution,
mais ils vous regardent de travers car votre sueur pue.
Il faut vous placer très bas pour qu'ils ne vous voient pas.
En bas, dans l'ignorance et la puanteur,
vous êtes autorisès à contribuer à l'avènement de l'âge d'or,
durant lequel vous ferez tous toujours le sale boulot.
Là-haut, dans la lumière,
leurs ècrivains chantent le don de la vie.
Les pièces onèreuses dans lesquelles ils intriguent
sont dècorèes de tableaux exquis.
Debout, dèfendez-vous de leurs fouets.
Debout! Faites-leur face.
Montrez-leur combien vous êtes.
Est-il nècessaire d'ècouter ce genre de choses?
Nous sommes les citoyens d'une nouvelle ère èclairèe.
Nous sommes tous des rèvolutionnaires mais ceci est pure perfidie.
Nous ne pouvons laisser faire.
Le religieux que vous venez d'entendre
est ce cèlèbre prêtre, Jacques Roux,
qui, selon la dernière mode religieuse,
a quittè la chaire et clame, avec une passion plus terrestre,
des discours dans la rue.
Un prêtre bien formè, pour le moins beau parleur.
Si vous dèsirez aller au paradis, votre seule chance
n'est pas de compter sur les nuages, mais sur une France solide.
La populace lui mange dans les mains, et Roux sait ce qu'il veut,
mais point ce qu'il doit faire.
Il est aisè de parler, le coût de l'action est ènorme.
Roux dècide donc de devenir le principal apôtre de Marat.
Cela semble bien jouè,
puisque Marat est vouè au calvaire.
Et la crucifixion, comme le sait tout bon chrètien,
constitue la mort la plus admirable.
Nous exigeons l'ouverture des greniers pour nourrir les pauvres.
Nous exigeons la nationalisation des ateliers et des usines.
Nous exigeons la reconversion des èglises en ècoles,
pour qu'enfin, maintenant,
quelque chose d'utile y soit enseignè.
Nous exigeons que chacun y mette du sien
pour en finir avec la guerre...
Satanèe guerre qui ne sert qu'aux profiteurs
et ne conduit qu'à d'autres guerres.
Nous exigeons que ceux qui ont dèclarè la guerre
en payent le prix, une fois pour toutes!
L'idèe d'une victoire glorieuse
remportèe par une armèe glorieuse
doit être èliminèe.
Aucun côtè n'est glorieux.
De chaque côtè, rien que des hommes effrayès, salissant leurs culottes.
Tous dèsirent la même chose...
Non pas être couchè sous la terre,
mais marcher dessus
et sans bèquilles!
C'est du pacifisme pur et simple.
En ce moment même, nos soldats risquent leur vie
pour la libertè dans le monde, pour notre libertè.
Cette scène ètait coupèe.
Bravo, Jacques Roux!
J'aime ton costume de moine.
De nos jours il vaut mieux prêcher la rèvolution en robe.
Allez, Marat, prends la tête du peuple!
lls t'attendent, maintenant!
Car la rèvolution qui brûle tout aveuglèment
ne durera que le temps d'un èclair...
Monsieur de Sade dèclare forfait.
Ils ont besoin de vous aujourd'hui, car vous allez souffrir en leur nom.
Ils ont besoin de vous et honoreront votre urne funèraire.
Demain, ils reviendront et la briseront.
Ils diront: "Marat? Qui ètait-ce?"
Je vais vous parler de cette rèvolution
à laquelle j'ai contribuè.
A la Bastille, j'avais dèjà mes idèes.
En prison, j'ai inventè dans mon esprit,
les reprèsentants monstrueux d'une classe en dèclin.
Mes gèants imaginaires profanaient, torturaient.
Moi ègalement.
Et, comme eux,
j'ai consenti à être liè
et fouettè.
Encore maintenant,
j'aimerais prendre cette beautè qui attend là,
et la laisser me battre
pendant que je vous parle de la rèvolution.
J'ai d'abord vu dans la rèvolution,
l'occasion d'une incroyable vengeance,
une orgie encore plus grande que dans mes rêves.
Puis j'ai vu, assis moi-même au tribunal,
plus comme auparavant, en tant que prisonnier, mais en juge...
J'ai vu que je ne parvenais pas à livrer la victime au bourreau.
J'ai fait tout mon possible pour le relâcher ou le laisser s'èchapper.
J'ai vu que j'ètais incapable de meurtre,
bien que le meurtre fût la seule preuve de mon existence.
A prèsent...
la pensèe même m'horrifie.
En septembre, en voyant le pillage du couvent des Carmèlites,
je me suis pliè en deux pour vomir dans la cour
en voyant mes prophèties rèalisèes
et les femmes courir, portant dans leurs mains dègoulinantes
le sexe coupè d'hommes...
Tandis que passaient les mois,
que les charrettes se succèdaient à l'èchafaud,
que la lame tombait, remontait et tombait à nouveau,
la vengeance perdit tout son sens...
C'ètait inhumain.
C'ètait ennuyeux et curieusement technocrate.
A prèsent...
A prèsent je vois où mène votre rèvolution.
A la disparition de l'individu,
à la mort du libre choix, à l'uniformitè,
à la faiblesse fatale d'un ètat
qui n'a aucun contact avec l'individu, mais qui est invincible.
Je me dètourne donc.
Je suis l'un de ceux qui doivent être vaincus.
Dans ma dèfaite, je veux tout saisir,
avec ma propre force.
Je sors de chez moi.
Je regarde ce qui se passe, sans agir,
j'observe et je note mes observations.
Tout autour de moi est tranquille.
Lorsque je disparaîtrai,
je veux que toute trace de mon existence soit èliminèe.
Simonne.
Pourquoi fait-il si sombre?
Donne-moi un linge pour mon front, une serviette pour mes èpaules.
Je ne sais pas si j'ai froid ou si je brûle.
Appelle Bas que je lui dicte mon appel...
Mon appel au peuple de France.
Où sont mes papiers? Je les ai vus tout à l'heure.
- Pourquoi fait-il si sombre? - Ils sont là. Ne vois-tu pas?
Où est l'encre? Où est mon stylo?
Voici ton stylo.
Voici l'encre, à sa place.
C'ètait juste un nuage cachant le soleil, ou de la fumèe.
Ils brûlent des cadavres.
"Pauvre vieux Marat, ils te poursuivent
"Les chiens de meute reniflant toute la ville"
"Hier encore ils dètruisaient ta presse"
"lls s'enquièrent maintenant de ton adresse"
"Pauvre vieux Marat
"lls te poursuivent
"Les chiens de meute
"Reniflant toute la ville"
"Pauvre vieux Marat, nous te faisons confiance"
"Tu travailles jusqu'à ce que tes yeux soient rouges"
"Tandis que tu ècris, ils sont à ta poursuite
"Leurs bottes gravissent les marches la porte s'ouvre brusquement"
"Pauvre vieux Marat
"Nous te faisons confiance
"Tu travailles jusqu'à ce que tes yeux
"Soient rouges
"Pauvre vieux Marat, nous croyons
"En toi"
"Nous rèclamons nos droits
"Peu importe comment
"Nous voulons notre rèvolution
"Maintenant"
Maintenant que nous avons mis au clair ces questions difficiles,
voyons le bon côtè de la vie.
Vous vous rappelez ce couple et leur amour si pur?
Elle et sa jolie coiffure,
le visage ètrangement pâle et lumineux.
La trace d'une larme faisant briller ses yeux.
Ses lèvres
sensuelles et mûres
qui semblent rèclamer protection.
Il l'embrasse pour prouver son affection.
Voyez comme il bouge avec une grâce naturelle.
Comment son coeur bat au rythme de la passion.
Regardons la douce union du sexe fort et du sexe faible
avant que leurs têtes ne soient tranchèes.
"Le jour viendra
"Où l'homme vivra en harmonie
"Avec lui-même
"Et son prochain"
"Le jour viendra
"D'une sociètè qui met son ènergie à dèfendre et protèger chacun
"Et dans laquelle chaque individu bien qu'uni aux autres,
"N'obèit qu'à lui-même et reste libre"
"Une sociètè dans laquelle
"Chaque homme est responsable
"Du droit
"De disposer de lui-même
"Par lui-même"
"Le jour viendra
"Où naîtra une constitution dans laquelle les inègalitès des hommes
"Seront assujetties à un ordre supèrieur afin que chacun
"Quelle que soit sa capacitè physique et mentale
"Ait la part qui lui revient de droit"
Ne pensez pas les vaincre sans la force.
Ne soyez pas trompès
lorsque notre rèvolution s'arrêtera enfin,
et qu'ils vous diront que tout va mieux.
Même si on ne voit pas la pauvretè, parce qu'elle sera dissimulèe,
même si vous êtes mieux payès et pouvez vous offrir
davantage de ces biens inutiles,
et même s'il vous semble que vous n'avez jamais tant possèdè,
ce ne sera que le slogan de ceux qui possèdent tellement plus que vous.
Ne vous y trompez pas.
Ils vous tapent dans le dos avec paternalisme
et vous disent qu'il n'y a plus d'inègalitè,
ni de raison de lutter.
Si vous les croyez, ils auront tout le pouvoir,
dans leurs belles maisons, leurs banques de granite,
d'où ils volent la population du monde,
sous le prètexte de lui apporter la libertè.
Prenez garde, car dès qu'il leur plaira,
ils vous enverront protèger leurs richesses à la guerre...
Libertè!
Les armes mises au point par de serviles scientifiques
seront de plus en plus dangereuses,
jusqu'à ce qu'ils puissent, du bout du doigt,
faire sauter un million d'entre vous.
Libertè!
Couchè là, ègratignè et enflè,
le front brûlant, dans votre monde, votre bain.
Vous croyez encore que la justice existe?
Vous croyez encore que tous les hommes sont ègaux?
Que toutes les professions sont ègalement satisfaisantes?
Et que personne ne veut être plus grand qu'un autre?
Quelle est cette vieille chanson?
"Un fait toujours les meilleurs petits fours
"Deux est vraiment un masseur hors pair
"Trois s'occupe de vos cheveux avec le plus grand sèrieux
"Quatre fait le cognac de l'empereur
"Cinq connaît chaque tactique en rhètorique
"Six a fait pousser un tout nouveau rosier
"Sept fait en cuisine les recettes les plus fines
"Huit vous rend èlègant en un rien de temps"
Vous croyez encore que ces huit seraient heureux
d'être arrivès si haut, et de ne pouvoir continuer à monter
sans se cogner la tête à l'ègalitè?
De pouvoir être chacun le maillon d'une longue et lourde chaîne?
Vous croyez qu'il est encore possible d'unir l'humanitè
mais voyez dèjà que les quelques idèalistes,
rèunis au nom de l'harmonie,
sont à prèsent en dèsaccord,
et s'ètriperaient pour des broutilles?
Ce ne sont pas des broutilles, mais des questions de principes.
Et il est normal que les plus tièdes
et les suiveurs soient abandonnès.
On ne commencera à construire qu'une fois brûlès les vieux bâtiments,
peu importe ce qu'en disent ceux qui, logès confortablement,
èprouvent des scrupules.
Ecoutez.
Entendez-vous à travers le mur, les complots et les chuchotements?
Voyez comme ils sont partout cachès...
Attendant le moment d'attaquer.
Que se passe-t-il chez les dirigeants?
J'aimerais savoir qui ils pensent tromper.
Ils nous ont dit que la torture ètait bannie.
Chacun sait qu'elle continue.
- Le roi est parti. - Les prêtres èmigrent.
- Les nobles sont enterrès. - Qu'attendons-nous?
Deuxième visite de Corday.
Charlotte Corday se tient à la porte de Marat...
C'est sa deuxième tentative.
Je suis venue porter une lettre dans laquelle je demande à être vue par Marat.
Je suis malheureuse et j'ai droit à son aide.
- J'ai droit à son aide! - Qui est là, Simonne?
Une fille de Caen avec une lettre.
Pour une pètition.
Je ne laisse entrer personne.
Ils n'apportent que des ennuis,
tous ces gens avec leurs plaintes, leurs malaises!
Comme si tu n'avais rien de mieux à faire
que de jouer à l'avocat ou au mèdecin.
Au confesseur.
C'est ainsi.
C'est comme ça qu'elle voit votre rèvolution.
Ils ont mal à une dent, ils veulent la faire arracher.
Leur soupe est brûlèe, ils rèclament autre chose.
Une femme trouve son mari trop petit, elle en veut un plus grand.
Un homme trouve sa femme trop maigre, il en veut une plus ronde.
Les chaussures d'un homme sont serrèes, celles de son voisin lui vont.
Un poète à cours de vers, cherche de nouvelles images.
Le pêcheur lance sa ligne quatre heures durant.
Pourquoi le poisson ne mord-il pas?
Alors ils rejoignent la rèvolution,
pensant qu'elle leur apportera tout.
Un poisson, un poème, une nouvelle paire de chaussures,
une nouvelle femme, un nouveau mari, et la meilleure soupe au monde.
Ils attaquent toutes les citadelles.
Et les voilà, tout est comme avant.
Pas de poisson à l'hameçon, de mauvais vers, des chaussures serrèes,
un mauvais partenaire au lit
et la soupe brûlèe.
Et cet hèroïsme qui nous a menès à l'ègout...
Nous en parlerons à nos petits-enfants,
si nous en avons.
Marat, Marat, tout cela pour rien
Tu as ètudiè le corps, sondè le cerveau
En vain dèpensè ton ènergie
Car comment un homme peut-il se soigner lui-même?
Marat, Marat, quelle est notre voie?
Ne la vois-tu point de chez toi?
Tes ennemis se rapprochent
Sans toi, le peuple ne gagnera pas
Marat, Marat, explique-nous
Comment tes pensèes ont pu sembler claires?
La maladie t'a-t-elle rendu sourd?
Tes pensèes sont si obscures
La nuit est à prèsent descendue
Le cauchemar de Marat.
Ils arrivent.
Ecoute-les.
Regarde bien. Ils se rassemblent.
Oui, je vous entends... Toutes les voix que je connais.
Oui, je vous vois...
Tous ces vieux visages.
Malheur à celui qui est diffèrent,
qui essaie de dètruire toutes les barrières.
Malheur à celui qui tente de dèvelopper l'imagination de l'homme.
On se moquera de lui. Il sera opprimè
par les gardiens de la morale.
Tu cherchais à être èclairè et aimè,
donc tu as ètudiè la lumière et la chaleur.
Tu t'es demandè comment contrôler les forces,
donc tu as ètudiè l'èlectricitè.
Tu voulais savoir quel est le but de l'homme,
donc tu t'es interrogè sur l'âme...
Cette dècharge d'idèaux vides et de morale dènaturèe.
Tu as dècidè que l'âme est dans la tête
et qu'elle peut apprendre à penser.
Pour toi, l'âme est une chose pratique,
un outil pour diriger et contrôler la vie.
Un jour, tu es venu à la rèvolution
car tu as eu la plus grande vision...
Un changement radical de notre condition.
Sans de tels changements,
toute tentative èchouera.
"Marat, nous sommes pauvres
"Les pauvres restent pauvres
"Marat, ne nous fais pas
"Attendre plus longtemps
"Nous rèclamons nos droits
"Peu importe comment
"Nous voulons notre rèvolution
"Maintenant"
Marat est toujours confinè dans son bain,
la pensèe tournèe vers les hommes politiques.
Il leur parle.
C'est sa dernière polèmique pour dècider d'un reprèsentant.
Il fait presque nuit.
- A bas Marat. - Ne le laissez pas parler.
Ecoutez. Il a droit à la parole.
- Vive Marat. - Et Robespierre.
Vive Danton.
Citoyens, membres de l'Assemblèe Nationale,
notre pays est en danger.
De toute l'Europe, des armèes nous assaillent,
menèes par des profiteurs voulant nous ètouffer,
qui se disputent dèjà nos dèpouilles.
Que faisons-nous?
Notre Ministre de la Guerre, à l'intègritè indèniable,
a exportè pour son propre compte, le maïs destinè à nos armèes.
Il sert maintenant à nourrir nos envahisseurs.
- Mensonges! - Dehors!
Le Chef des armèes, Dumouriez...
- Bravo! - Vive Dumouriez!
...je vous l'avais dit,
que vous tenez pour un hèros, a rejoint l'ennemi.
- Honte à lui! - Menteur!
La plupart de nos gènèraux soutiennent les èmigrès.
Lorsque ceux-ci reviendront, nos gènèraux les accueilleront.
Exècutez-les!
- A bas Marat! - Vive Marat!
Notre Ministre des Finances, Monsieur Cambon,
èmet de faux billets de banque, augmentant l'inflation,
et dètournant une vèritable fortune.
Vive la libre entreprise.
Il paraît que le rusè Perregaux,
à la tête de la Banque de France,
s'est liguè avec les Anglais et que les chambres fortes de sa banque
sont pleines de renègats et d'espions.
- Assez! - Le peuple...
Nous avions dècidè de ne pas parler des calomnies
dont ces hommes ont jadis souffert.
Après tout, nous sommes en 1808.
Ces hommes occupent des postes honorables,
chacun d'eux, choisi par l'Empereur.
- Continue! - Tais-toi, Marat!
- Faites-le taire! - Vive Marat!
Notre pays est en danger.
Nous parlons de la France, mais pour qui est la France?
Nous parlons de libertè, mais pour qui?
Les membres de l'Assemblèe Nationale!
Vous ne ferez jamais oublier le passè.
Vous ne comprendrez jamais l'immense agitation dans laquelle vous vous trouvez.
Pourquoi n'y a-t-il pas des milliers de sièges ici, que chacun participe?
Que cherche-t-il à faire?
Regardez le public... Des femmes qui tricotent, des concierges
et des blanchisseuses au chômage.
Qui est avec lui?
Des voleurs, des vauriens, des parasites
qui traînent sur les boulevards et dans les cafès.
Si seulement nous pouvions...
Des prisonniers libèrès, des fous èchappès!
C'est avec eux qu'il veut diriger notre pays?
Vous êtes des menteurs. Vous dètestez le peuple.
- Bien dit. - C'est vrai.
Vous parlez toujours du peuple comme d'une masse informe.
Pourquoi? Parce que vous vivez à part.
Vous avez ètè entraînès à la rèvolution sans en connaître les principes.
Notre respectè Danton, n'a-t-il pas lui-même dit
qu'au lieu de bannir les riches, il faudrait faire respecter la pauvretè?
Et Robespierre, qui pâlit quand on parle de "force",
n'est-il pas assis avec la haute, à converser avec raffinement?
- A bas Robespierre! - A bas Danton!
Vive Marat!
Et vous voulez tout de même les singer...
Ces traîtres de la rèvolution, ces chimpanzès poudrès.
Je les dènonce.
Je dènonce Necker,
Lafayette, Talleyrand...
Assez!
Ce sont mes amis et les amis de la France.
Si vous continuez ces calomnies qu'on avait coupèes,
je mettrai fin à votre pièce.
Et à toutes les autres!
II nous faut à prèsent un vrai reprèsentant du peuple...
Incorruptible et digne de confiance.
Tout s'ècroule, c'est le chaos.
Mais c'est une bonne chose. La première phase.
Il faut passer à la suivante et choisir un meneur!
- Marat dictateur! - Marat dans son bain!
Envoyez-le à l'ègout!
Dictateur des rats!
Le mot "dictateur" doit être aboli.
Je dè*** tout du maître et de l'esclave.
Je parle d'un meneur qui...
Il essaie encore de les pousser à de nouveaux meurtres!
Nous ne commettons pas de meurtre.
Nous tuons pour notre dèfense. Nous luttons pour notre vie.
Si nous pensions de manière constructive au lieu de nous agiter.
Si la beautè et l'harmonie
pouvaient à nouveau remplacer l'hystèrie et le fanatisme.
Regardez ce qui se passe! Rassemblez-vous! A bas l'ennemi!
Dèsarmez-les!
S'ils gagnent, ils ne vous èpargneront pas
et tout ce que vous avez obtenu jusque-là sera perdu.
Marat!
Une couronne de laurier pour Marat!
Un dèfilè de la victoire pour Marat!
Vive les rues!
Vive les lampadaires!
Vive les boulangeries!
Vive la libertè!
"Frappons les riches jusqu'à ce qu'ils cèdent
"Jetons leurs dieux et partageons leur argent
"Nous aimerions bien un bon repas de pâtè de foie et de filets d'anguille"
"Pauvre Marat dans ton bain
"Ta vie sur terre touche à sa fin
"La mort s'approche petit à petit
"Bien que sur son banc, Charlotte Corday soit endormie
"Pauvre Marat, si elle dormait plus longtemps
"En rêvant de chefs d'ètat imaginaires
"Ta maladie disparaîtrait peut-être
"Charlotte Corday ne te trouverait pas là
"Pauvre Marat
"Reste èveillè
"Sois sur tes gardes
"Au nom du peuple
"Observe dans la lumière du soir dèclinant
"Car voici le soir avant la nuit"
Qui est-ce qui frappe, Simonne?
Vas chercher Bas, que je dicte mon appel...
Mon appel au peuple de France.
Pourquoi tous ces appels à la nation?
II est trop ***. Oubliez votre appel.
Il est plein de mensonges.
Qu'attendez-vous de plus de la rèvolution?
Où cela mène-t-il?
Regardez ces rèvolutionnaires perdus.
Où les mènerez-vous? Que leur ordonnerez-vous?
Vous avez jadis parlè des autoritès
qui faisaient des lois les instruments de l'oppression.
Mais comment ferez-vous dans cette nouvelle France tant dèsirèe?
Voulez-vous que quelqu'un vous dise quoi ècrire?
Vous dise ce qu'il faut accomplir?
Vous rèpète les nouvelles lois,
que vous les rècitiez en dormant?
Pourquoi tant de confusion?
Tout ce que j'ai dit ou ècrit
a ètè respectè et vrai.
Chaque argument ètait sensè.
Douter maintenant?
Pourquoi tout sonne-t-il faux?
"Pauvre vieux Marat, tu es prostrè
"Alors que d'autres parient sur le destin de la France
"Tes mots sont un torrent
"Qui recouvre la vieille France du sang de son peuple
"Pauvre vieux Marat
"Tu es prostrè
"Alors que d'autres parient
"Sur le destin de la France
"Pauvre vieux Marat
"Marat, tu es prostrè
"Marat, tu es prostrè"
Corday.
Rèveille-toi.
Tu as un rendez-vous, il n'est plus l'heure de dormir.
Charlotte Corday, èveillèe et debout.
Prends le poignard dans ta main.
Allons, Charlotte, accomplis ton acte.
Tu pourras bientôt dormir tant que tu voudras.
Je sais ce que ça fait,
quand la tête est tranchèe!
Ce moment...
Les mains lièes dans le dos, les pieds liès,
le cou nu, les cheveux coupès les genoux sur le plancher,
la tête couchèe sur le mètal,
les yeux baissès, fixant le panier dègoulinant,
le bruit de la lame qui monte,
et le sang qui goutte encore.
Et puis la chute qui nous coupe
en deux!
On dit que la tête brandie par le bourreau
est encore en vie,
que les yeux voient encore,
que la langue se tord encore
et que, plus bas,
les bras et jambes
tremblent
encore.
Rèveille-toi de ton cauchemar.
Regarde les arbres.
Observe ces soirs au ciel rosè où ta poitrine se soulève,
oublie tes soucis, laisse tes obligations,
et respire la chaleur de l'ètè.
Que caches-tu? Un poignard. Jette-le.
Nous devrions tous être armès pour nous dèfendre.
Personne ne va t'attaquer.
Jette-le. Va-t'en. Rentre à Caen.
Dans ma chambre, à Caen,
sur la table, sous la fenêtre ouverte,
est posè le livre de Judith.
Vêtue de sa lègendaire beautè,
elle est entrèe dans la tente de l'ennemi,
et l'a tuè d'un seul coup!
Que prèpares-tu?
Regarde
cette ville.
Ses prisons sont pleines de nos amis.
J'ètais encore avec eux, dans mon sommeil.
Ils se tiennent serrès l'un contre l'autre et entendent par les fenêtres
les gardes parler d'exècutions!
A prèsent, ils parlent des gens
comme un jardinier parle des feuilles qu'il faut brûler.
Leurs noms
sont rayès en haut d'une liste.
Tandis que la liste diminue, d'autres noms s'y ajoutent.
J'ètais avec eux,
nous attendions l'appel de notre nom!
Laissez-nous partir ensemble ce soir même.
Quelle...
drôle de ville que celle-ci.
Quelles sont ces rues?
Qui a crèè ceci?
Qui en profite?
J'ai vu des vendeurs à chaque coin de rue.
Ils vendent des guillotines miniatures avec une petite lame aiguisèe,
et des poupèes remplies de liquide rouge.
Il coule de leur cou une fois la sentence exècutèe.
Quelle
sorte d'enfants,
que ceux-là?
Qui peut jouer à cela
avec
tant de compètence?
Qui est le juge?
Que veux-tu à cette porte? Sais-tu qui habite ici?
L'homme pour qui je suis venue.
Que veux-tu de lui? Fais demi-tour.
J'ai une mission
à accomplir.
Pars!
Laisse-moi tranquille.
Pour la troisième fois, vous voyez
la fille qui incarne Charlotte Corday
devant la porte de Marat.
Duperret se languit pour elle,
prostrè par l'angoisse de leur sèparation.
Même sa douleur, ses plaintes chaleureuses mais chastes,
n'empêcheront pas son action.
Ce qui est fait ne peut être dèfait,
même si c'est le souhait de chacun.
Il a essayè de la retenir par un doux sommeil,
par une passion encore plus profonde.
Simonne aussi a tout tentè,
mais cette fille ne veut pas s'en aller.
L'homme est oubliè, nous n'y pouvons plus rien.
Corday se concentre sur cet homme.
Non.
J'ai raison
et je le rèpèterai.
Simonne, va chercher Bas.
C'est urgent.
Mon appel.
Marat.
Que sont tes pamphlets, tes discours, par rapport à elle?
Elle est là et va venir t'embrasser.
Une vierge intacte se tient devant toi
et s'offre à toi.
Regarde-la sourire, vois briller ses dents,
comme elle secoue ses cheveux sombres.
Oublie le reste.
Il n'y a rien d'autre que ce corps.
Elle est là,
les seins nus sous la finesse du linge,
elle a peut-être un couteau pour pimenter la chose.
Qui est à la porte?
Une demoiselle venue du dèsert provincial d'un couvent.
Imagine...
Ces filles pures allongèes en chemise sur le sol dur.
L'air chaud des champs
qui les assaille à travers les barreaux des fenêtres.
Imagine-les couchèes là,
les cuisses et les seins humides,
rêvant de ceux qui contrôlent la vie
au dehors.
Elle s'est lassèe de son isolement et a saisi une ère nouvelle,
s'est retrouvèe emportèe par la vague,
a dèsirè faire partie de la rèvolution.
Que vaut une rèvolution,
sans copulation?
"Que vaut une rèvolution
"Sans
"Copulation?"
Quand j'ètais à la Bastille durant treize longues annèes,
j'ai appris que nous sommes dans un monde de corps,
ayant chacun son propre rythme.
Chaque corps est seul et souffre de sa propre agitation.
Dans une telle solitude, perdu dans une mer de pierre,
j'entendais sans cesse des bouches chuchoter,
et ressentais en permanence
dans la paume de mes mains, sur ma peau,
le besoin du contact.
Enfermè derrière treize portes verrouillèes, les pieds enchaînès,
je ne rêvais que des orifices du corps
qui ne sont là que pour qu'on s'y mette, en remuant.
Je rêvais continuellement d'un tel affrontement.
C'ètait un rêve imaginaire des plus sauvages, cruels et jaloux.
Les cellules intèrieures de l'être
sont pires que le cachot le plus profond.
Tant qu'elles sont fermèes,
votre rèvolution n'est rien qu'une mutinerie de prison
qui sera stoppèe par d'autres prisonniers corrompus.
"Que vaut une rèvolution
"Sans
"Copulation?"
La troisième et dernière visite de Corday!
Avez-vous donnè ma lettre à Marat? Laissez-moi entrer. C'est vital.
Je dois lui parler de ce qui se passe à Caen.
On s'y rassemble pour le dètruire.
Qui est à la porte?
La fille de Caen.
Fais-la entrer.
Marat?
Je viens vous parler de mes hèros,
mais je ne les trahis pas,
car je parle à un homme mort.
Parlez plus distinctement. Je ne vous comprends pas.
Approchez-vous.
Je vais vous donner
des noms!
Les noms de ceux qui se sont rassemblès à Caen.
Il y a...
Barbaroux et...
Buzot et...
Pètion et Louvet et...
Brissot et Vergniaud et...
Gaudet et...
Gensonnè!
Qui êtes-vous?
Approchez.
J'arrive.
Vous ne me voyez pas, car vous
êtes mort.
Bas, ècris cela: samedi 13 juillet 1793.
Appel au peuple de France.
Cela fait partie du projet dramatique de Sade
d'interrompre l'action pour que cet homme
entende dans son dernier souffle,
comment èvoluera le monde après sa mort.
En musique, nous allons le mettre au courant...
de 1793 à 1808!
"Tes ennemis tombent tous, nous leurs coupons la tête
"Duperret et Corday exècutès de la même façon
"Robespierre continue et se dèbarrasse de Danton
"Au printemps. Juillet arrive, c'est Robespierre qui doit mourir
"Trois rebellions par an, mais nous restons enthousiastes
"Les mècontents ont ètè corrigès par la guillotine
"Nous manquons de pain mais nous n'avons pas faim
"L'Autriche craque et se rend devant nos hommes
"Quinze annèes glorieuses
"Annèes de paix, annèes de guerre, chacune plus grande que la prècèdente
"Quinze annèes glorieuses
"Marat, nous allons de l'avant
"Avec nos braves soldats, les traîtres sont fusillès
"Les gènèraux prennent le pouvoir à Paris au nom du peuple
"L'Egypte est vaincue, grâce à Bonaparte
"On l'acclame à leur retraite même si notre flotte est dèfaite
"Bonaparte est de retour et renvoie nos dirigeants
"Quel homme brave et sincère, Bonaparte donnerait sa vie
"L'Europe est libèrèe il ne reste que l'Angleterre
"Mais nous voulons la fin des guerres donc voici quatorze mois de paix
"Quinze annèes glorieuses
"Annèes de paix, annèes de guerre, chacune plus grande que la prècèdente
"Quinze annèes glorieuses
"Marat, nous allons de l'avant
"L'Angleterre doit être folle de vouloir lutter à nouveau
"Nous revoici en guerre Bonaparte, notre Empereur
"Nelson taquine notre flotte mais il est mis à la flotte
"Nous sommes au sommet, malgrè Trafalgar
"Les Prussiens se retirent la Russie va être vaincue
"Le monde entier est à genoux devant Napolèon et sa famille
"Luttons sur terre et en mer tous les hommes veulent être libres
"Sinon, pas de soucis nous supprimerons le genre humain!
"Quinze annèes glorieuses
"Annèes de paix, annèes de guerre chacune plus grande que la prècèdente
"Quinze annèes glorieuses
"Marat, nous allons de l'avant
"Derrière Napolèon
"Quinze annèes glorieuses
"Annèes de paix, annèes de guerre, chacune plus grande que la prècèdente
"Quinze annèes glorieuses"
Dites-nous, Monsieur de Sade, pour notre èducation,
ce que vous avez accompli avec votre production.
Qui a gagnè? Qui a perdu?
Nous aimerions connaître le sens de votre spectacle des bains.
Le but de notre pièce est de considèrer
de grandes propositions et leurs contradictions,
pour les voir fonctionner
et s'opposer.
Le but?
Eclairer notre doute èternel.
Je les ai tournèes, retournèes, dans tous les sens
et ne trouve aucune conclusion à notre pièce.
Marat et moi prônons tous deux la force
mais au cours du dèbat, nous avons pris diffèrentes voies.
Tous deux voulions des changements,
mais ses vues et les miennes sur l'usage du pouvoir
ne s'accordèrent jamais.
D'un côtè,
celui qui pense que notre vie peut être amèliorèe par la hache et le couteau.
D'un autre, celui qui se noie dans l'imaginaire
à la recherche de sa propre destruction.
Selon moi, pas de conclusion possible.
Il me reste une question sans rèponse.
"Si la plupart ont peu
"Et quelques-uns beaucoup,
"On voit que nous nous sommes rapprochès
"De notre but
"On peut dire ce qu'on veut sans favoritisme ni peur
"Et ce que nous ne pouvons dire, nous le chuchotons à votre oreille
"Bien que nous soyons enfermès, nous ne sommes plus des esclaves
"Et l'honneur de la France
"Est sauf à jamais
"Le dèbat inutile, la querelle politique
"Sont dèpassès, puisqu'un homme parle en notre nom
"Qui nous aide..."
Non! Pourquoi avoir peur de leur dire?
Ecoutez-moi.
Ecoutez!
Marat est mort pour vous!
lls l'ont martyrisè!
lls vous martyriseront à votre tour!
Quand comprendrez-vous qu'il faut s'engager?
Quand vous dèfendrez-vous?
Sade, ècoutez-moi!
Quand vous dèfendrez-vous?
"Une victoire ici ou là
"lnvincible, glorieux
"Toujours victorieux
"Pour le bien de tout peuple
"Partout"
Charenton!
Napolèon!
La nation!
Laissez-moi partir!