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Je suis Nada Zatouna, j'ai 23 ans, je fais des films.
Avant le 25 janvier j'avais une vie normale,
faire des films, étudier... une vie vraiment ordinaire pas du tout liée à la politique
L'avenir du pays n'avait aucune importance pour moi.
Je vivais dans ma bulle, repliée sur moi-même.
Jusqu'à ce que je prenne conscience de la mort d'un de mes amis, un ami qui a été tué,
C'était une prise de conscience très étrange.
Indépendamment de la manière dont ils sont morts ou ils ont été arrêtés
Beaucoup d'amis proches ont été arrêtés, des amis qui,
quelques jours auparavant, étaient assis avec moi.
Je ne pouvais pas comprendre ce genre de choses, c'était tout à fait nouveau pour moi.
Alors, je me suis dit que je n'irai plus à la maison, je suis restée sur la place (Tahrir).
Ma maman m'appelait et je lui disais que j'étais ailleurs.
Bien sûr, je lui mentais.
Je ne dormais pas là-bas tout le temps, seulement quand je pouvais,
Mais mes amis et moi, nous voulions absolument dormir ensemble toutes les nuits.
J'ai toujours vécu dans la capitale, au Caire.
On nous demandait tout le temps si nous étions Égyptiens
Ma soeur est une fille voilée, avec un look très égyptien
On lui demande aussi si elle est égyptienne
J'ai toujours senti que les gens ici oublient qu'il y a
une partie sur la carte (de l'Égypte) qui s'appelle Aswan,
Luxor ou même la Haute Égypte.
Ils l'ont oublié, ce n'est pas en Égypte.
Ou bien ils disent "Oh es-tu Soudanaise?"
Ou "Viens-tu de..." de n'importe quel autre pays.
Mais non! Nous sommes des Égyptiens.
Cela ne m'a fait sentir tout au long de ma vie que
je ne pouvais pas me sentir Égyptienne.
Parce que tous ses habitants me traitent comme une non-Égyptienne.
Alors j'ai commencé à me demander "d'où venons-nous?"
"A quel pays appartient-on?"
Y a-t-il du racisme chez le peuple égyptien envers les Nubiens?
Franchement, oui, le racisme existe. Beaucoup de racisme.
Du racisme social et du racisme politique.
C'est un sujet qui nécessiterait beaucoup de temps pour l'expliquer.
Les Nubiens et les gens du sud en général ont été politiquement ostracisés,
juste après la construction du barrage (haut barrage d'Aswan construit par Nasser).
Ils étaient exclus socialement aussi.
Tout a été fait pour qu'ils ne revendiquent pas leur droit à la terre
cette terre qu'on leur a pris sans contrepartie.
Ils ont été expulsés de leur maison, leurs récoltes et leurs terres ont été inondées
et leur histoire a été intentionnellement effacée, même leur
langue est en train de disparaître.
Tout cela sous la fausse accusation de vouloir faire sécession de l'Égypte.
Et il y a eu beaucoup de propagande politique pour alimenter cette accusation de séparatisme afin qu'ils ne puissent pas revendiquer leurs droits.
Ainsi les Nubiens étaient considérés comme des séparatistes qui voulaient diviser l'Égypte.
Et ce n'est pas vrai.
Logiquement, comment voudrions-nous nous séparer d'une terre
qui a toujours été la nôtre depuis l'âge de la pierre?
Même avant l'ère des Pharaons. Cette terre est vraiment la nôtre.
Après la révolution, les militants Nubiens ont recommencé à revendiquer leurs droits,
À cause de la révolution en cours et parce que l'ancien régime était tombé,
Et que maintenant les gens allaient disposer de leurs droits, puisque la justice existerait.
Il y a eu des manifestations (en Nubie) et elles ont été violemment réprimées
par le gouverneur militaire sur place.
Aux niveaux politique et social, le discours était
"nous ne devons pas revendiquer ces choses maintenant, cela peut attendre"
"ne menons pas une bataille supplémentaire " la fameuse phrase
de tous ceux qui veulent se mettre la tête dans le sable.
Selon eux, le moment est mal choisi!
Naturellement, ce n'est pas le bon moment pour faire respecter les droits des femmes, ni ceux des Nubiens,
ni ceux des Bédouins.
Ceci est injuste!
C'est le bon moment pour tout ça!
Toutes ces questions sont précisément d'actualité!
Suite à mon arrestation et ma libération,
la barrière de la peur a été rompue.
Je suis devenue psychologiquement plus forte, je n'ai plus peur
d'eux comme auparavant.
Au contraire, cet organisme, ce système violent
qui est contre moi et contre les gens en général, n'est plus....
Sérieusement, ils me font pitié maintenant, si je puis dire! Ils me font pitié.
Parce qu'ils sont psychologiquement perturbés.
J'ai dû analyser rationnellement ce qui s'est passé pour comprendre.
La manière dont ils nous traitaient, comment ils ont perdu toute capacité à distinguer
le bien du mal.
Ils ont perdu toute faculté à nous juger.
A voir que nous ne sommes pas des criminels. Même le plus simple policier
sait que nous ne sommes pas des vandales. Mais c'est une chaîne de répression.
Il y avait environ 100 mètres entre l'endroit où j'ai été arrêtée
et le kiosque à côté du ministère de l'intérieur où nous étions détenus.
Sur ces 100 mètres, je suis passée d'un officier à un autre, quatre en tout!
Tout cela sous d'horribles insultes me demandant "combien vous a-t-on payé?"
"vous avez ruiné le pays"
"On va vous écraser" puis à moi personnellement "On va te faire des vilaines choses"
Bien sûr c'étaient des menaces d'harcèlement sexuel, de viol, de viol en public devant tous les soldats et les gens.
Sans oublier naturellement les coups et les insultes..
Cela m'a permis de comprendre une chose qui m'a soulagée
Cela m'a montré qu'ils étaient vraiment terrifiés.
Même terrifiés par moi qui ne leur arrive peut-être même pas à la hauteur des genoux. Franchement.
On m'a jeté dans le kiosque brun à côté du ministère de l'intérieur,
Un kiosque pour la police, je ne sais même pas comment ça s'appelle,
En deux minutes environ, le kiosque était rempli d'environ 30 jeunes, tous des garçons.
Nous étions tous dans ce kiosque exigu qui fait 2 par 1.5 mètres. Bien sûr, tout le monde était en sang
Je saignais d'étranges choses, de partout.
Et il y avait des enfants parmi nous. Il y avait un garçon qui
n'avait pas plus de 12 ans, et ses deux yeux étaient enflés comme ça,
Ce garçon était encore plus petit que moi.
Je ne pouvais pas imaginer ce niveau de violence. Beaucoup de haine!
Et bien sûr, dehors il y avait tout un bataillon, beaucoup de soldats. Je ne l'oublierai jamais.
Tous en rangs en attente de nouveaux détenus pour pouvoir les battre.
Ils voulaient démolir le kiosque et m'en sortir. J'étais la seule fille là-dedans
Pour me battre, ou me tuer, ou faire de moi ce qu'ils veulent.
Ils frappaient sur le kiosque et criaient "sortez-la, sortez-nous la!"
Au commissariat, j'ai été choquée quand ils ont menacer de
de faire venir une femme pour me battre.
Parce que c'est une technique très avancée de la torture. 109 00:09:02,439 --> 00:09:06,608. Même si c'était seulement psychologique ou seulement une menace, même si, dans les faits, ça se produit.
Ils font appels à des femmes pour battre des femmes.
Personnellement, une femme qui en bat une autre, ça me terrifie encore plus.
Parce que, en définitive, elle sait où ça fait mal pour une femme.
(Je suis accusée d'avoir) vandalisé une propriété de l'état, d'avoir causé la mort ou d'avoir tué des policiers,
de possession d'armes blanches, d'armes à feu et d'explosifs. Et... et...
Ah oui, la dernière série d'accusations que j'ai lues dans le journal.
Ils m'accusent aussi d'avoir brûlé l'édifice du département des taxes,
Qui a été brûlé en février alors que j'ai été arrêtée en novembre. Enfin!
Aussi que cinq de mes amis et moi nous nous dirigions vers le ministère de l'intérieur pour l'incendier.
Et que j'ai été arrêtée en flagrant délit, ce qui est très drôle.
J'ai été arrêtée la main dans le sac en train de brûler une voiture de police mais aussi avec cinq de mes amis
sur le toit de l'université américaine pendant que nous essayions d'incendier le ministère de l'intérieur.
Wow, quelle imagination fertile.
(Après ma libération) J'allais au centre ville, à Garden City.
La rue Mohamad Mahmoud était encore fermée.
Passer devant le ministère de l'intérieur était le seul chemin possible
si on ne voulait pas prendre le métro,
Je n'avais pas de papiers d'identité sur moi,
parce qu'ils avaient pris ma carte d'identité et l'avaient jetée.
Et j'ai quand même persisté à passer dans cette rue devant le ministère de l'intérieur
où j'avais été traînée et battue auparavant.
Je devais le faire. Si je ne l'avais pas fait, je n'aurais jamais
été capable de me regarder dans un miroir.
J'aurais été une lâche. Pas au sens révolutionnaire.
Je me devais de briser ce quelque chose qui s'est immiscé en moi.
Régime militaire ou islamiste?
Je sens que nous allons finir par être sous un régime militaire avec une hégémonie islamiste au niveau social.
C'est la seule manière dont ils pourront contrôler le peuple.
Je sens que le courant (islamique) Wahhabite est comme
la "Nouvelle Religion" qui a divisée les familles.
J'ai toujours dit à ma maman, avant même la révolution,
qu'ils (les Islamistes) auraient ma mort sur la conscience.
Il faudra qu'ils me passent sur le corps avant de pouvoir prendre le pouvoir!
Honnêtement, parfois, je suis découragée par les gens.
Je me dis s'ils veulent cela, qu'ils l'aient.
Qu'ils vivent dans une guerre constante comme en Iran.
Non, pas l'Iran, l'Iran a une meilleure économie. Comme en Afghanistan!
Nous ne serons jamais comme l'Arabie Saoudite ni comme l'Iran.
Nous sommes un pays pauvre, alors nous serons comme l'Afghanistan.
Je vais me rebeller, je vais lutter contre eux de toutes mes forces.
Ils sont comme les policiers, je les dé*** autant sinon peut-être plus.
sous-titré par Dania El-Khechen