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(Version française par Christine Brault et Paul Leonard)
Si vous voulez tester votre memoire, essayez de vous rappeler de ce qui...
...vous inquitiez aujourd'hui, mais il y a un an.
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Mon cerveau et ses drogues
J'ai toujours eu la sensation d'être tout le temps comme drogué...
Et voilà que je ne me réfère pas à la sensation artificielle...
...hallucinante des drogues...
...au cas où vous les avez expérimentées, vous avez lu...
...ou quelqu'un vous a raconté à ce sujet...
Le cas, c'est que, quand j'étais adolescent, ma mère me demandait assez...
...régulièrement si je fumais de la marijuana ou quelque chose d'autre...
Le plus loin où j'allais était une légère ivresse...
...mais cela semblait toujours un peu plus...
Une de ces fois, on se met à penser au peu qu'une mère peut parfois...
...connaître de ses enfants.
Quand ils fument de la marijuana, les mères ne s'en rendent pas compte...
...et quand ils n'en fument pas, ni n'en ont jamais fumé...
...elles jureraient qu'ils le font.
C'est parce que, quand on a cet âge, on est souvent timide, silencieux...
...et alors tu deviens sujet de soupçon.
Du sympathique qui sourit toujours, personne ne le soupçonne jamais...
Donc, je ne fus jamais le jeune homme standard...
Tandis que tout le monde sortait pour s'éclater, ou avec sa blonde...
...je vivais enfermé dans ma chambre en écoutant de la musique...
...ou en lisant ou en écrivant...
«Pourquoi ne sors-tu pas?» me disait ma mère...
La puberté pour moi a été néfaste...
J'ai subi une très grave acné...
Du type qui te rempli le visage tout le temps, ou en faisant une croûte...
...ou en suppurant ton groupe sanguin...
...tout comme dans un film de terreur de série B.
La chose est que des filles, il n'en était pas question...
Trop sérieux... trop de boutons et trop de sang...
Et ainsi on devient autre...
D'abord un peu rare...
Plus autre chaque fois...
Et ainsi...
Alors il est arrivé que ce qui m'approchait le plus de la normalité...
...du reste des garçons, c'était de boire de l'alcool...
C'est curieux comme on se sent libéré pour un instant...
...dans une conversation tête à tête avec le monde...
Mais aussi tôt que l'ivresse baisse et que le ressac vient le lendemain...
...ça finit.
Alors tu finis encore seul...
...captif de l'alcool jusqu'à la prochaine fin de semaine...
...ou jusqu'au prochain éclatement...
...ou jusqu'à la prochaine fois que quelqu'un dise le mot «santé»...
...pour pouvoir te libérer encore une fois, et te lever...
...et crier de nouveau au monde que libre et digne tu pourrais être...
...Hum...
Mais alors, tu bois de nouveau.
Autrefois, quelqu'un a sollicité l'opinion d'un homme de science...
...à propos de la vie sur terre.
On lui a demandé de dire, en deux mots, le type de vie qui existe ici sur terre.
Comment serait-elle?
Après y avoir pensé un moment, cet homme a dit : l'eau...
...une vie basée sur l'eau.
À ce sujet, j'ai ma propre théorie sur la société, ici sur terre:
l'alcool...
...une société basée sur l'alcool, certainement.
Et je le dis aussi avec l'expérience de cet homme de science.
Hum...
Je le sais bien...
L'affaire de la drogue est une autre chose...
C'est une affaire très délicate...
Moi...
Je ne l'ai essayée qu'une fois...
La première et la dernière fois en même temps...
Comment vous dire?...
Mon expérience avec le pot fut très chimique, très artificiel...
Cependant, il y avait quelque chose de familier là dedans...
...en plus des bulles dedans tout mon corps.
Câlice!
Ce jour-là, je ne sais même pas comment je suis arrivé chez moi...
Merde... Et tout ça rien que pour éclater comme un stupide.
Mais pour ça, il ne suffit que d'allumer la télé, c'est certain.
Il suffit d'avoir de l'estomac...
Ce jour-là, j'ai vomi tout ce que jamais...
...je n'étais arrivé à penser que je pourrais vomir...
le déjeuner, le dîner, le souper que je n'avais même pas mangé...
...et aussi une partie importante de mon cerveau...
...qui a laissé des marques là-bas, sur le plancher de béton chez mon ami.
Je connais des gens qui peuvent fumer une fois par année...
...et continuer leur vie normalement.
Mais j'en connais aussi d'autres qui n'ont pas pu arrêter de fumer...
...et qui ont perdu la vue, par exemple...
...ou même la vie en faisant quelque connerie ridicule.
Dans la pratique, ce n'est qu'un jeu de hasard...
...comme si on jouait au loto...
...mais ici, si tu récupères le prix de ton billet...
...sache que tu es heureux...
...parce que celui qui perd, perd tout...
...et il n'y a pas de monnaie qui te donne une autre billet.
Pour l'instant, moi, depuis ce temps-là je n'ai jamais retrouvé...
...la même mémoire que j'avais avant de fumer cette cochonnerie...
C'est dramatique! Ma mémoire avant et après cela...
Parfois, des semaines peuvent passer pour que je trouve le mot que...
...je cherche pour un article.
Des semaines...
Il me plaît d'écrire, savez-vous?
Je ne sais pas dans quelle mesure je suis bon ou mauvais pour cela...
...mais l'ecriture me sert comme exercice, comme thérapie.
Je marche tous les jours autant que j'écris chaque fois que je peux.
L'on dit que cela attire l'attention des filles...
Maudite chose! Mais, à un certain âge...
...dans des circonstances prolongées d'abstinence...
...on arrive déjà à s'en ficher un peu.
Bien que, en réalité, la chose ne sorte jamais de l'esprit.
Et voilà le mot que j'étais en train de chercher... (Abstinence).
Si Garfield ne paye pas pour une pizza...
...pourquoi allais-je payer pour du sexe?
Ce jour où j'ai fumé du pot, je me suis rendu compte que je n'en avais pas besoin.
C'est pourquoi alors la sensation m'avait semblé si familière...
Habituellement j'étais comme cela, je me sentais pareil...
...comme hallucinant tout le temps.
Une espèce de «Funes le mémorieux» de Borges mais avec les sensations...
...les images...
Il suffisait d'imaginer les choses pour que mon corps commence à leur répondre...
Transpirer, fourmiller, ressentir le froid, la paix, la violence...
Donc, mon expérience avec les drogues s'est achevé là-bas...
Pourquoi allais-je vouloir essayer n'importe quoi...
...si je pouvais m'halluciner quand je le voulais, comme je le voulais...
...d'une manière naturelle.
J'ai lu que certains habitudes d'alimentation et d'abstinence...
...peuvent te rendre dans des états altérés de conscience.
C'est seulement ainsi que je pourrais m'expliquer plusieurs des choses rares...
...qui passent presque tout le temps par ma tête.
Et dire que l'autre jour, un homme adulte...
...d'environ 35-40 années s'approche de moi...
Il voulait que je lui réponde à quelques questions...
...pour la tenue d'une enquête sur la société...
Imaginez-vous : moi, assis tout seul l'après-midi dans ce qui autrefois...
...fut un cimetière et répondant à une question d'un inconnu sur la société.
Bien sûr situation inusitée pour moi... J'ai failli éclater de rire à l'intérieur.
«En fait, je crois que rien de ce que je pourrais vous répondre...
...ne vous serait utile, lui ai-je dit...
...parce que je suppose que vous voulez un échantillon...
...représentatif des gens normaux.
Je ne peux pas t'aider parce que...
...je ne vois pas les choses comme tout le monde...
Si je représentais la moyenne dont vous avez besoin,
je serais donc dans un bar en train de regarder un match de soccer...
...et pas ici, en vous faisant remarquer votre équivoque».
Savez-vous?
Après tout, oui...
...on emporte un peu de ressentiment pour être comme l'on est.
Mais aussi pour être comme tout le monde, comme certains ou comme personne...
Peut-être, si le monsieur de l'enquête avait regardé cette vidéo,
cela lui aurait servi à quelque chose, parce qu'à la fin...
...celle-ci est aussi une opinion de la société, n'est-ce pas ?
Avec la part de ressentiment qui me correspond,
je pourrais mal parler du système...
...mais alors je risquerais que cette vidéo soit mise en boîte...
...donc je ne le ferai pas.
De plus, je ne pourrais pas parler si objectivement mal du système...
...tout comme le ferait un marginal ou un indigent,
mais peut-être un peu mieux qu'un mec fê*** qui n'a à se préoccuper...
...que de l'allocation mensuelle, des examens,
et de mettre de l'essence dans sa Mustang.
Je dis cela sans vouloir offenser personne...
...donc, ce sera mieux de ne pas me mettre dans des complications...
...et de continuer avec ce conte.
Et je me demande : jusqu'où croyez-vous que cette histoire est un conte?
Aujourd'hui, je ne vous raconterai pas pourquoi,
mais j'ai passé dix ans de ma vie captif de ma pièce...
En buvant essentiellement...
Bien sûr que j'allais travailler et que je sortais pour racheter des bières...
...mais «captif», je le dis presque au sens littéral.
Dire que j'ai été dans un état de coma est aussi une bonne description symbolique...
J'ai commencé à boire à 15 ans, une ou deux fois par mois.
Puis toutes les semaines...
...et finalement pendant tous les jours.
Jusqu'à ce qu'il me soit même arrivé de déjeuner avec de la bière et du pain au lait.
Oui, je sais que cela a l'air dégoûtant, mais c'est vrai...
Aujourd'hui, tout est différent pour moi.
Maintenant, je ne prends pas une goutte d'alcool ni ne fume la cigarette.
Et ne croyez pas que je me sois mis dans Alcooliques Anonymes...
...ou que j'aie eu l'argent pour une thérapie du premier monde...
...sur une belle plage. Ou que j'aie une volonté étonnante.
Pas du tout.
Plutôt, j'ai reçu des visites...
De celles programmées dans la vie de tous que très peu de gens fortunés...
...peuvent retarder longtemps.
Jaime Sabines a écrit:
C'est un fragment que j'ai trouvé quelque part et que j'ai reconnu pour moi...
...et pour quelqu'un d'autre.
« Quelqu'un m'a parlé de la marijuana, de l'héroïne, des champignons, de la llaguasa.
À travers les drogues, il arrivait à Dieu, il devenait parfait et disparaissait.
Mais je préfère mes vieux hallucinogènes:
la solitude, l'amour, la mort. »