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C'est Seth alias Sutekh et vous regardez les frères du son !
- Seth Horvitz, alias Sutekh, bienvenue aux frères du son, c'est un plaisir de te rencontrer.
- Merci beaucoup.
- Seth, tu as étudié les sciences cognitives. Qu'est-ce que cela a apporté à ta musique ?
- Quand j'ai commencé sous le nom de Sutekh,
je ne dirais pas qu'il y avait un lien avec les sciences cognitives,
mais avec le temps, alors que ma musique est devenue plus expérimentale,
j'ai porté plus attention aux problèmes liés à la perception.
J'ai peut-être eu une approche plus scientifique.
La musique que je signe sous mon nom ou sous d'autres, intègre vraiment mes idées sur la perception.
C'est quelque chose qui m'a toujours intéressé.
Je suis sûr que ça transparaît, même lorsque ce n'est pas conscient.
- Qu'est-ce qui te manque dans les sons créés par ordinateurs ?
- C'est intéressant comme question.
Certains pensent que lorsque la technologie aura atteint un certain point,
il n'y aura plus aucune différence, d'autres...
C'est un débat analogue à celui qui a justement lieu en sciences cognitives:
les machines seront-elles un jour les égales des humains?
Certains disent que oui et qu'elles les dépasseront même et d'autres disent que c'est impossible.
Je pense que les machines ne seront jamais supérieures aux humains, mais je n'en suis pas vraiment sûr.
Donc on peut dire, jusqu'à un certain point, que la technologie numérique réussit à reproduire des sons plus complexes
que ceux que l'on peut entendre dans notre environnement.
Mais il reste que même la simulation la plus avancée d'une corde de violoncelle par exemple
ne reproduit pas toute la complexité de l'objet physique.
Peut-être est-ce une lacune de la technologie numérique, peut-être cela montre-t-il que nous n'atteindront le point
où la technologie numérique est égale voire même supérieure à la complexcité du monde physique.
Qui sait ?
- Aujourd'hui avec ton dernier projet qui utilise un piano contrôlé par ordinateur,
est-ce le fruit de ton amour pour des contrastes et des contradictions?
- Oui, sûrement.
Je suis un peu tombé amoureux du piano, il y a 7/8 ans, peut être plus maintenant.
Quand j'ai commencé à étudier de la musique, le piano était l'élément central et de référence dans ma musique.
Le piano m'attirait vraiment. J'ai aussi pris des leçons de piano pendant plusieurs années.
Deux fois par semaine pendant au moins 5 ans, avec des profs différents.
Je ne me considère pas pour autant comme bon, je ne pourrai pas par exemple être un interprète pianiste.
Mais avec toute cette expérience que j'ai en ordinateurs et en musique électronique,
travailler sur un piano controllé par ordinateur était en quelque sorte une synthèse parfaite.
Je suis retourné à l'école il y a quelques années et j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec un de ces pianos.
Ça me paraissait être le bon moment de passer quelques années à essayer d'en sortir quelque chose.
- Tu as l'air d'être quelqu'un de cérébral, voire d'introspectif.
Passes-tu beaucoup de temps seul ?
- Oui, je crois !
Il me semble qu'on est tous plus ou moins influencés par notre enfance
et j'étais un enfant solitaire et avec un grand sens des responsabilités.
Je voulais toujours tout faire par moi-même.
Je porte ça en moi encore un peu, j'ai dû faire un travail sur moi-même par exemple lors de collaborations.
Ceci étant, je pense que c'est lorsque je suis seul pendant longtemps que je produis la meilleure musique.
- Penses-tu être quelqu'un qui analyse tout et trop souvent ?
- Pas tout, mais parfois oui, je reconnais qu'il peut parfois s'agir d'un problème. C'est vrai.
- Quel serait pour toi le plus gros problème de notre société occidentale ?
- Le plus gros problème de notre société ? - Au moins l'un d'eux...
- Le capitalisme.
C'est, je crois, la source principale des maux dans la société.
- Pourquoi selon toi ?
- Il me semble que la soif du profit dicte tellement la façon dont nous gérons notre société.
Gagner de l'argent est devenu le but ultime...
L'économie mondiale a un effet considérable sur le mode de vie des gens.
Ceux qui détiennent la majeure partie des capitaux sur la planète
pensent que gagner de l'argent est la meilleure chose à faire.
Je m'oppose radicalement à cela, mais ça continue à se répandre et à générer des problèmes.
- Il me semble qu'on tend à imposer le succès financier comme seul vrai succès.
- Oui, vraiment.
Et pourtant, ça ne représente qu'une toute petite part du succès d'une personne.
C'est minuscule si on le compare à d'autres choses. L'argent est un symbole.
On oublie que l'argent n'est censé représenter que certaines valeurs dans nos vies.
La plupart du temps, il y a une sorte de dérive lorsque l'argent devient lui-même l'objet d'une quête.
- Il peut s'agir d'un outil, mais certainement pas de la solution à tous nos problèmes. - Absolument.
- Est-il difficile de chercher à se réinventer ?
Cela tient-il de l'instinct ?
- Tu me demandes si je cherche à me réinventer ? - Oui.
- Dans le passé, j'ai souvent cherché à changer ma technique et mon approche des choses.
Mais cela a changé récemment.
Maintenant, vu que je ne signe plus la totalité de ma musique sous le seul nom de Sutekh,
mais que je fais plusieurs styles différents ce qui mêle un peu les gens,
je me sens plus confortable à tenter de me limiter.
Le projet avec le piano est d'ailleurs très limitant...
même si la musique est très variée, il y une limite qui est évidente.
Je pense que je vais m'imposer ce genre de limites dans la ''dance music'' que je fais.
Et je dois avouer que ce n'est pas facile, j'ai tendance à explorer trop de directions différentes...
J'essaie de resserrer mon espace d'exploration avec des limites.
- Serais-tu quelqu'un de perfectionniste ou de plutôt méticuleux ?
- Oui, je pense...
Mais je suis un peu contradictoire : je suis perfectioniste et méticuleux, mais
je suis aussi très maladroit avec la technologie.
Je n'ai jamais réussi à maîtriser la technologie,
même si je peux avoir la réputation d'utiliser le dernier gadget numérique.
Je n'ai jamais réussi à dompter ces choses-là, j'ai un peu de mal avec elles.
- Tu n'es donc pas un super expert en technologie. - Non, vraiment pas.
- Que fais-tu pour te détendre en plus de la musique ?
- Je passe la plupart de mon temps à lire, regarder des films, cuisiner,
partir pour de longues randonnées à vélo.
Voilà en gros ce que je fais de mon temps.
- Donnes-tu toujours de la place à la spiritualité dans ta vie ?
Je sais que c'était quelque chose que tu privilégiais auparavant. Est-ce toujours important ?
- Spirituelle...
Je ne suis plus très sûr de savoir ce que ce terme signifie.
Quand j'étais plus jeune, j'étais en quête d'une religion.
Je me suis intéressé au bouddhisme, à la spiritualité asiatique,
mais je ne me suis jamais identifié à un groupe particulier.
Je suis passé d'une influence spirituelle à une influence plus philosophique, il existe beaucoup de points communs.
Ces dernières années, je me suis plus intéressé à la philosophie occidentale, j'essaie de suivre ses concepts.
Ce qui m'intéresse, c'est un point de vue sur le monde qui apporte une autre perspective.
Il me semble que lorsque tu recherches ta propre spiritualité,
tu espères trouver la bonne voie... - Une réponse...
- Et je ne pense plus avoir besoin d'une réponse unique.
Je suis heureux d'avoir trouvé des réponses variées,
ce qui permet d'élargir la question de plus en plus.
Au lieu de chercher une réponse unique.
- Une réponse manichéenne n'est pas pertinente quand on cherche une approche spirituelle à la vie.
- Oui, sauf que pas mal de personnes spirituelles seraient en désaccord avec ça.
- Oui, si elles sont associées à certaines idéologies. - Exactement.
- Seth, c'était super de se parler. Très instructif. Merci beaucoup. - Merci! Ça m'a vraiment fait plaisir.