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- Jon Hopkins, bienvenue à l'émission des Frères du Son, c'est un plaisir de te recevoir.
- Merci beaucoup. Ça fait plaisir d'être ici.
Jon, tu as commencé par être pianiste de formation classique.
Qu'est-ce qui t'as fait laisser le piano et la musique classique pour aller vers d'autres horizons?
Pour moi, le piano n'a jamais été ce que je voulais faire. Je l'ai appris plus par opportunité, parce que j'adore jouer.
J'ai continué pour voir si je pouvais en faire une carrière, mais la musique électronique m'a toujours plus intéressé.
Ça a toujours été deux choses séparées. J'ai arrêté le piano à 17 ans.
Ce que j'ai appris aura été utile parce que le piano est présent dans ma musique.
C'est agréable de jouer moi-même les idées qui me viennent, mais je ne peux plus jouer du classique.
- Quel est ton processus de création?
Ça peut commencer n'importe où! Je peux avoir un son avec moi ou enregistrer un son quelque part.
Pour mon album précédent "Insides", beaucoup de morceaux ont été créés à partir du piano.
La majorité des mélodies provient du piano.
Je m'asseyais au piano, jouais et enregistrais jusqu'à ce que je trouve une idée qui mène à un morceau.
Aujourd'hui, je travaille beaucoup plus avec de l'électronique pure, même si je peux toujours y incorporer du piano.
Je me m'assois, je joue et je vois ce qu'il se passe.
- Est-ce plutôt la rythmique ou la mélodie qui t'inspirent pour créer un morceau?
- C'est vraiment du 50/50. C'est sûr que c'est une réponse facile,
mais j'adore avoir des morceaux purement mélodiques et d'autres où il n'y en a aucune.
Mes morceaux préférés sont ceux où il y a à la fois une forte mélodie et un rythme vraiment lourd. J'adore ça.
- Comment as-tu vécu le très bon accueil de ton album "Insides" de la part des musiciens et des mélomanes?
- Hum... Je ne suis pas si sûr que ça! Mais c'est une excellente opportunité qui m'est donnée
de travailler et de remixer avec des artistes comme Four Tet par exemple, pour qui j'ai fait un remix et avec qui je tourne en ce moment.
Ce genre d'opportunité n'arrivait jamais auparavant!
C'est passionant de travailler avec des personnes que je respecte depuis des années.
- Comme Brian Eno... Comment c'était de travailler avec lui sur le dernier Coldplay "Viva la Vida"?
- C'était cool, vraiment. Je l'ai rencontré il y a 7 ans.
On a fait plusieurs projets ensemble et il m'a demandé de venir travailler sur ça. Excellente expérience.
Dans environ 3 semaines, on a un nouvel album qui sort: "Small Craft on a Milk Sea" chez Warp Records
C'est un album de Brian Eno, mais pour lequel Leo Abrahams et moi avons collaborré.
C'est ce que j'ai fait de plus excitant avec lui jusqu'à présent. Je viens d'apprendre que c'est numéro un au Japon en électronique.
Ça marche vraiment bien.
- Pendant ta tournée avec Coldplay, quelle était la réaction du public face à ta musique?
- Quand les gens vont voir un gros groupe, personne ne vient pour la 1ère partie.
Si tu peux capter l'attention de quelques personnes et gagner quelques auditeurs, alors c'est super.
Quand tu joues devant 20 000 personnes chaque soir, même si tu rates ta partie,
il y aura toujours quelques centaines de personnes qui vont apprécier.
Alors c'est bien pour quelqu'un qui commence.
Le dernier concert de la tournée était au Centre Bell à Montréal et c'était excellent,
alors qu'au Royaume Uni, le public ne réagissait pas du tout.
Mais je dois dire que tourner avec Fourt Tet a été beaucoup plus pertinent vu
qu'on joue dans le même registre. Et même si on jouait devant moins de public,
je gagnais finalement beaucoup plus d'auditeurs.
- De quoi tires-tu le plus de fierté?
- Des albums, car ce que t'y mets, c'est vraiment tout ce que tu veux y mettre.
Pour les remix, même si tu cherches à être intègre, il reste qu'il y a une autre personne d'impliquée, car c'est un morceau qui existe déjà.
Un album, c'est une page blanche à écrire; il n'y a pas d'autres critères que ceux qui t'ont poussé à créer.
J'aime quelques éléments de mon 1er album et peut-être moins du 2ème, mais le 3ème, "Insides", est le plus abouti.
C'est bon d'être fier de quelque chose.
- On peut dire que tu as toujours été un musicien
et tu es impliqué dans l'industrie de la musique depuis plusieurs années.
Qu'est-ce que tu en penses? Vers où crois-tu que l'industrie se dirige?
- J'essaie de ne pas trop m'y impliquer car si tu y regardes de trop près, ça ne va pas si bien.
Ce qui va bien bien, par contre, c'est la musique, il y a un niveau qui est excellent.
Et c'est très ouvert.
N'importe quoi peut arriver de nos jours, c'est beaucoup plus imprévisible
tu peux écrire un morceau qui va marcher même s'il n'y a eu aucune promo ni aucun album.
Personne ne peut prédire ce que la musique va apporter dans le futur et c'est une bonne chose.
Mais sinon, j'essaie de ne pas trop penser à l'industrie.
- Quel est ton avis sur le marché de la culture de masse
et sur sa tendance perverse à transformer l'art en produit?
- Je ne suis pas trop impliqué là-dedans.
Mon style de musique n'est pas fait pour le marché de masse, c'est même l'opposé.
Je n'y pense pas trop en fait, j'essaie de rester à l'extérieur de tout ça.
- As-tu parfois l'impression que la musique occupe trop de place dans ta vie?
- C'est une bonne question. Je n'y ai jamais pensé! Elle est présente depuis ma naissance,
mais jamais au détriment de ma vie sociale. Il y a deux côtés dans ma vie: la musique et les gens
et je ne m'écarte pas vraiment de ces deux côtés.
C'est quelque chose d'infini, spécialement avec la musique électronique.
Il n'y a pas vraiment de limite à ce que tu peux faire en termes de sons.
C'est le grand avantage de l'avancée musicale actuelle.
La technologie, grâce aux nouveaux appareils, m'apporte tout la liberté dont j'ai besoin.
il n'y a qu'à imaginer quelque chose pour pouvoir le créer.
Faire ça pour un film coûterait des millions, mais avec la musique il s'agit de le faire.
- Te considères-tu une personne équilibrée?
Ta musique, à mon avis, possède ce parfait équilibre entre la musique électronique et classique.
- Oui je crois que je suis équilibré, même si on a tous des moments de déséquilibre.
Quand j'ai commencé la tournée avec Coldplay, ça a été un énorme changement.
J'ai toujours appartenu à la scène underground
donc je ne m'attendais absolument pas à ça. J'avais peur et j'étais très inquiet quant à cette tournée.
Mais aujourd'hui, je vois tout ça d'un oeil plus tranquille car c'était une expérience incroyable
et j'ai pu jouer et travailler avec des artistes que j'aime beaucoup. Oui, équilibré me définit bien.
- Y-a-t'il des choses dans notre monde qui te dérangent? Comme des problèmes sociaux, l'environnement...
- Oui l'environnement... Quand tu fais des tournées et que tu prends des avions, ça m'a toujours posé problème.
C'est compliqué de savoir ce qu'il faudrait faire. Je ne sais pas trop.
- Les tournées créent-elles un déséquilibre dans ton équilibre?
- Oui, si jamais tu abuses de l'alcool. Je buvais beaucoup de *** avant d'aller sur scène.
Je me sentais plus relax et bizarrement je pensais que la *** rendait le concert meilleur.
Puis j'ai pensé que si je faisais ça chaque soir, au bout du compte, ça faisait beaucoup.
Et sans compter les fêtes après les concerts.
Disons que si tu as 9 concerts de suite, tu finis par boire tous les soirs, c'est tout simplement malade.
À la fin, tu te retrouves sans énergie et tu te sens vraiment très mal.
Donc j'ai coupé tout ça. Je bois une bière avant mon concert et pas plus.
Lorsque je ne joue pas, il m'arrive bien sûr de boire avec des amis, mais j'essaie de m'éloigner de l'alcool.
Après 2 ans de tournée et donc de boisson, je me dis que c'est pas le genre vie que je veux mener...
- On a parfois l'impression que le rythme de la vie s'emballe.
Quand tu as besoin de te ressourcer, as-tu des moyens autres que la musique?
- Oui, mais même par la musique grâce aux choses différentes que tu peux faire avec.
Disons que tu reviens d'une tournée, que tu es sur les rotules, mais que tu veux toujours faire de la musique.
Pour te changer l'esprit, tu peux toujours jouer quelque chose de plus relax, avec un rythme lent. Ou aller voir un concert.
En dehors de la musique, je dirais aller en campagne par exemple et faire de la marche.
Mais en règle générale, j'aime passer du temps avec les gens...
et pas forcément ceux qui sont impliqués dans la musique. Beaucoup des mes amis ne sont pas musiciens
Ça fait une coupure avec le reste que de passer du temps avec eux.
- Ça permet de séparer les choses. - Oui, c'est important pour l'équilibre.
- As-tu un côté spirituel dans ta vie, comme le yoga, la relaxation, la méditation?
Ou bien est-ce quelque chose que tu voudrais considérer plus ***?
- Je faisais du yoga quand j'ai eu ma phase santé vers 20 ans. J'en fais moins, mais ça m'a beaucoup appris.
Par exemple la relaxation de type auto-hypnose: tu t'étends pour 30 min pour détendre ton corps.
Je peux atteindre une sorte de transe comme ça et ça me détend.
Mais c'est plus médicinal que spirituel.
Je vais chercher la spiritualité dans la nature, la musique et les gens.
Je suis complètement athée.
je pense qu'il y a assez de magie dans le monde comme ça, sans avoir à y incorporer un Dieu.
- Jon, merci beaucoup. J'ai passé un très bon moment. - Merci! Ravi de t'avoir rencontré.