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D'après le roman de A. Döblin
Un film en 13 épisodes et un épilogue
llse, faites du café, nous sommes deux.
Alors, qu'en dis-tu, Mieze ?
Tu as déjà vu ça ?
Tu as déjà vu un appartement pareil ?
Mais ce sont de vrais singes !
ll est si fou de moi
qu'il a installé cette pièce pour eux.
Mais pourquoi des singes ?
Herbert se passionne pour les singes
et joue avec eux quand il vient.
Quoi !
Tu fais venir Herbert ici ?
Pourquoi pas ? Le vieux connaît Herbert.
ll en est très jaloux.
C'est bien qu'il soit jaloux.
S'il ne l'était pas,
il m'aurait plaquée depuis longtemps.
Oui, sans doute.
Comment ça, ''sans doute'' ? C'est sûr.
ll veut un enfant de moi.
lmagine. ll veut un enfant.
J'aurais pu le faire,
mais je n'en veux pas de lui. De lui, non !
Et Herbert,
il n'en veut pas ?
Je crois qu'il ne peut pas en avoir.
J'en aurais bien un avec lui,
mais ça ne marche pas.
Avec Franz, j'en voudrais bien un.
Qu'y a-t-il Mieze, tu es fâchée ?
Mieze, arrête !
Viens dans mes bras, Eva.
Je suis contente que tu aimes Franz.
Tu l'aimes à quel point, Franz ?
Tu veux un enfant de lui ?
Mon Dieu, mais dis-le-lui !
T'es devenue folle ?
Tu veux me le refiler, Franz ?
Comment ça ?
Je veux le garder, c'est mon Franz.
Mais tu es aussi mon Eva.
Je suis quoi ?
Mon Eva à moi.
Dis-moi, Mieze, tu es gouine ?
Pas du tout,
mais je t'aime bien.
Avant, ça n'était pas très clair pour moi.
Mais tout à l'heure, quand tu as dit
que tu voulais un enfant de Franz,
j'en ai été sûre et certaine.
Oui, et c'est là que tu es devenue sournoise.
Sournoise ? Pourquoi sournoise ?
C'est bon, oublions cela. Viens !
Tu veux un enfant de Franz ?
Qu'est-ce qui te prend ?
Dis, Eva, tu veux vraiment un enfant de lui, ou non ?
Non, j'ai dit ça comme ça.
C'est faux.
Tu en veux un.
Tu dis comme ça que t'en veux pas,
mais t'en veux un.
C'est merveilleux, tu veux un enfant de Franz.
C'est tellement bien,
je suis si heureuse.
Comme je suis heureuse !
Alors, tu es gouine ?
Non, Eva, je ne suis pas lesbienne,
je n'ai jamais touché une femme.
Mais moi, tu veux me toucher.
Oui, mais...
parce que je t'aime tant,
et que tu veux un enfant de Franz...
et tu l'auras, Eva.
Un enfant
de mon Franz.
Arrête Mieze, tu es folle !
Ne dis pas non !
Tu en veux un !
Promets-le-moi !
Allons, Mieze, bois ton verre. Arrête !
On peut de nouveau parler raisonnablement ?
C'est toujours le cas !
Mieze, dis-moi enfin si ça te plaît ici.
Que veux-tu que je te dise ?
C'est beau...
et en même temps, si peu familier.
Bon !
Tu l'aimes vraiment, Franz ?
Mon petit, viens t'asseoir.
Si tu l'aimes vraiment,
surveille-le un peu.
ll est toujours avec ce Willy,
ce voyou ne lui vaudra rien de bon.
ll lui plaît bien, Willy.
Et à toi ?
A moi ?
S'il plaît à Franz, il me plaît aussi.
Ta jeunesse te rend aveugle.
ll est peu fréquentable.
Herbert et moi, on est du même avis.
Willy est un voyou, et il entraîne Franz.
Ecoute, Mieze,
ça lui suffit pas d'avoir perdu un bras ?
Comment ça ?
Tu sais quelque chose ?
Quelque chose ne va pas ?
Merci, llse.
Je vais faire les courses,
Monsieur revient bien ce soir ?
Oui, achetez du turbot, il l'aime tant.
J'essaierai d'en trouver.
Bon Dieu, Eva, ne me torture pas.
Dis-moi ce qui se passe ! Dis-le-moi !
C'est bien ça le problème, Mieze.
Je ne sais pas ce qui se passe.
Je ne suis pas sur ses talons, ni toi d'ailleurs.
On n'en a pas le temps.
Franz te dit où il va ?
ll doit te dire quelque chose ?
Non, pas grand-chose,
il parle de politique.
Tu vois, il ne fait que ça !
Avec les communistes, les anarchistes...
avec la racaille.
C'est ça qu'il fréquente !
Et ça te plaît ?
C'est pour ça que tu travailles !
Je ne peux pas lui imposer ses fréquentations.
Je ne peux pas faire ça, Eva !
Je vais te dire une chose :
Si tu n'étais pas si jeune, je te giflerais.
Tu ne peux rien lui dire ?
Tu veux qu'il sombre une fois de plus, Franz ?
ll ne sombrera pas.
J'y veillerai.
Ne prends pas trop à coeur ce que j'ai dit,
je ne voulais pas te faire de mal.
Mais ne le laisse pas traîner avec cet idiot de Willy !
Tu sais bien que Franz est trop gentil.
Qu'il s'occupe plutôt de Pums,
et de celui qui lui a fait perdre le bras.
Oui,
j'essaierai de veiller sur lui.
Tu es bien la seule qui le mérite.
A Abrupanda sévissait
la bande sauvage de brigands.
Pourtant leur chef Guito
avait des pensées nobles.
Cette chansonnette, chantée sur les marchés
les fait pleurer toutes deux,
car la vie est parfois trop courte
pour les sentiments éternels.
Je persiste à dire
qu'un homme de raison ne croit qu'en Nietzsche,
et fait ce qui lui plaît.
Compris ?
Nietzsche !
Le reste n'est que foutaise, collègue !
Ma femme est malade,
le soir, ça la dérange que je sois là.
On s'habitue au bistrot quand on a une femme malade.
Mets-la à l'hôpital,
une malade chez soi n'est pas commode.
Elle a déjà été à l'hôpital,
mais je l'en ai sortie.
Elle n'aime pas leur nourriture,
et elle n'allait pas mieux.
Elle est très malade, ta femme ?
L'utérus est collé au ***.
lls l'ont déjà opérée,
mais ça n'a rien changé.
Là, le médecin prétend que c'est nerveux,
qu'elle imagine tout le reste.
Pourtant elle souffre et elle pleure.
Ça alors !
Bientôt ils vont la déclarer guérie !
Pour eux, celui qui a les nerfs malades est sain.
Tu ne vas pas te remettre à la politique, Ede ?
ll n'en est pas question !
Elle ne rapporte qu'aux autres.
Moi je veux vivre, vivre, c'est tout !
Apporte-nous quatre kummels, Max, et une bière.
C'est bon.
Je me fous du marxisme,
de Lénine, de Staline, de tous les autres !
Les crédits, leur montant et leur terme...
c'est autour de ça que tourne le monde.
C'est pas ce que tu imagines dans ta caboche,
c'est pas aussi simple !
Ce n'est pas du marxisme
dont j'ai besoin.
Ce dont j'ai besoin pour vivre, je le sais !
Si on me rosse, je comprends ce que ça signifie.
Je suis capable de comprendre !
Ou si je suis licencié du jour au lendemain,
par manque de commandes,
et que le contremaître et le patron restent !
Que je suis le seul à être à la rue
et que je dois pointer !
Et si j'ai des enfants,
que l'aînée a les jambes torses, vu son rachitisme...
Une cure est trop chère.
L'école peut l'envoyer au vert,
mais c'est peu probable.
Et le pire est :
ils ne sont pas mieux instruits qu'on l'a été.
Ça veut tout dire !
lls en savent autant.
On ne leur inculque rien de plus.
Alors, comment les choses changeront ?
Santé.
Quand je vais voir le médecin,
on est trente dans la salle d'attente.
Et le médecin me demande :
''Votre rhumatisme, vous l'aviez déjà ?''
Et : ''Vous travaillez depuis quand ?''
Ou : ''Vous avez été licencié ?''
ll ne me croit pas.
Et il m'expédie chez le médecin-conseil.
Et si je veux être envoyé en cure
par l'assurance du Land à laquelle je cotise,
il faut que j'aie un pied dans la tombe, je t'assure.
Non, Max, non, non,
c'est pas aussi simple que tu l'imagines.
Plus besoin de Karl Marx pour comprendre.
Mais c'est la vérité, Max.
Arrête, vidons plutôt nos verres.
Je dirais...
que pas mal de gens ont les jambes torses,
et ne peuvent se payer une cure.
Ce n'est pas un destin tragique.
Personne n'a parlé de destin tragique.
J'ai simplement parlé d'une gamine aux jambes torses,
j'ai dit qu'elle était à plaindre,
et qu'elle ne pouvait pas partir à la campagne.
Et d'ailleurs, les enfants riches
ont bien plus rarement
les jambes torses.
ll y a toujours eu riches et pauvres.
Bien sûr, ça a toujours existé.
Que celui qui en a envie soit pauvre !
Les autres n'ont qu'à l'être !
Moi, ça me tente pas.
A la longue, c'est lassant,
quand ce sont toujours les mêmes !
Tiens, Max.
Alors, Franz, on devait encore...
Non, Willy, je veux me pieuter tôt,
pas comme hier.
Attends, attends un petit peu,
Haarmann, le tueur, va venir te trouver.
Avec son couperet,
il fera de toi du pâté de foie.
ll ne me croit pas.
Ensuite, le médecin-conseil.
Bien que... je cotise, l'assurance ne m'enverra en cure
que quand j'aurai un pied dans la tombe.
Et pas avant.
Après avoir détourné vingt garçons,
un juif tchèque est toujours en liberté.
L'utérus s'est collé au ***.
On l'a opérée, mais sans succès.
Un juif tchèque a détourné vingt garçons,
on le laisse en liberté...
T'as un problème ?
Pourquoi ?
T'es bizarre, tu me tournes autour !
Dis-le, si t'as un problème.
Ce n'est rien.
Seulement...
moi aussi, j'ai vendu des journaux.
Et alors ?
Comme je l'ai dit, il n'y a rien de particulier.
Les enfants n'en apprennent pas plus que nous.
On peut imaginer ce que ça donnera !
Bois, petit frère, bois,
laisse tes soucis chez toi...
Fuis le chagrin, évite la douleur,
et la vie sera une rigolade !
Avec des nerfs malades, on est sain.
Violeur juif démasqué ! ll n'est pas arrêté !
Plus besoin de Marx pour comprendre.
Mais c'est bien ainsi que ça se passe.
Fuis le chagrin, évite la douleur,
et la vie sera une rigolade !
Que fait-on à la campagne avec des jambes torses ?
En quoi la politique me concerne ?
Elle n'est d'aucune utilité pour moi.
Je vais à Tegel.
Réveillez-vous !
C'est interdit de dormir sur les bancs.
Vous m'avez compris ? lnterdit !
lnterdit !
Compris, commissaire.
Pas commissaire, simple policier.
Et j'en suis fier.
Compris ?
Compris !
Que faites-vous ici ?
Pourquoi dormir sur un banc ?
Pas de logis ?
Si, j'ai un logis...
mais j'avais une visite à rendre ici.
A rendre à qui ?
C'est clair, je voulais rendre visite à Tegel !
A ma prison.
J'y ai passé quatre ans de ma vie. Je lui rendais visite.
La fatigue m'a pris et je me suis endormi.
Regardez,
cette prison, là-devant.
Elle ne vous remplit pas de joie ?
A mon avis, vous déraillez.
Aucun homme normal
ne rend visite à une prison et s'endort devant.
Je suis fatigué.
Je veux mon dodo.
Vous ne pouvez pas dormir ici.
Continuez ainsi, et vous serez dedans
plus vite que prévu.
Où habitez-vous ?
Arnimstrasse, au 32.
Comment allez-vous rentrer ?
Oui, comment ?
Trop *** pour le bus... ll va falloir marcher.
Oui, va falloir marcher.
Taxi !
Compris ?
Pardon ?
Faites votre travail, commissaire, compris ?
Compris !
Arnimstrasse, au 32.
Compris.
Criminel !
... liberté et fleurs d'or
dans la gueule,
que l'homme n'a pas lavée.
Parce que sa langue
est paralysée par une tomate verte...
L'importance d'une nouvelle coiffure...
ll reboit, alors qu'il avait arrêté.
Ce n'est pas si fréquent,
il peut de nouveau arrêter.
Manger une fleur verte signifie la mort...
La mort c'est... la liberté,
et la mort, c'est bien !
Et l'ordre est l'ordre, l'ordre est organisé.
La liberté, c'est la mort et c'est l'ordre.
L'ordre n'est pas la liberté.
Et les fleurs vertes ne fleurissent plus.
Vous l'avez remonté toute seule ?
Que faire d'autre ?
Sonner chez moi, comme le faisait lda.
ll ne bouge plus du tout !
Laissez-le dormir dans le fauteuil.
ll en a l'habitude.
Franz, réveille-toi,
viens au lit, c'est plus confortable.
Vous perdez votre temps, mademoiselle Mieze.
Et sachez que dans cet état-là,
il ronfle encore plus fort que d'habitude.
Ça ne me gêne pas.
Au contraire,
j'aime bien quand il ronfle.
Ah, l'amour ! Et bonne nuit !
Mon Franz chéri, chéri...
Tu ne m'entends pas ?
Tu ne m'entends plus du tout ?
Un journal a beaucoup de lettres,
et les lettres sont noires.
L'auto est noire et les arbres sont rouges.
Rouge est le sang.
Mais la liberté n'est pas l'ordre.
L'ordre est... noir !
Noir comme l'auto.
Noires aussi
sont les lettres de mon journal...
Bon Dieu, Mieze, engueule-moi, pour une fois.
Dis enfin quelque chose !
Je ne supporte pas que tu dises rien.
Qu'est-ce que je t'ai fait ?
Parce que je suis rentré *** ?
Mieze, c'est parce que je suis rentré *** ?
Non, c'est parce que tu te rends malheureux.
Comment ça, malheureux ?
Tu fréquentes des gens qui te font du mal.
Tu veux dire...
tu veux dire Willy ?
Par exemple.
Tu veux bien me regarder !
Mieze !
Arrête la politique !
Mais je n'en fais pas.
Tu vas plus à ces meetings ?
Pas si tu ne veux pas.
Tu me promets ?
Maintenant ça suffit !
Ce qui est dit, est dit.
Et d'ailleurs...
tu as raison.
Pour moi, ça va bien.
En quoi la politique me concerne ?
S'il y a des idiots qui se font exploiter,
je n'y suis pour rien.
Je vais pas me casser la tête pour eux.
Merci, merci...
Je n'avais pas remarqué
que tu attachais de l'importance
à la politique, aux meetings.
Je n'en parlais pas,
mais maintenant, tout va bien.
C'est pas fini ?
Tu me fais encore la tête ?
Je rêvais d'un petit-déjeuner paisible,
et toi, tu fais la gueule !
LA SOLlTUDE
FAlT NAÎTRE LES FlSSURES DE LA FOLlE
MÊME DANS LES MURS
Franz !
J'attendais pour te le dire.
Tu parles de quoi ?
Je voulais en être sûre.
Tu as commencé... alors continue.
Rien de grave, Franz.
Voilà... j'ai rencontré un monsieur...
Pardon ?
ll voudrait une relation suivie,
comme celui d'Eva.
ll est presque aussi riche,
et déjà marié, c'est encore bien mieux.
Tu comprends ?
Donc un régulier.
ll a de l'argent,
il est riche et marié.
Et t'as du mal à me le dire ?
Ça cache quelque chose !
Non, Franz, ça ne cache rien, je t'assure.
Seulement...
c'était la première fois.
Je ne savais pas comment te le dire.
ll m'a dit qu'il me louerait un appartement.
J'attendais de voir s'il le ferait,
il l'a fait, et je me suis dit
que je devais t'en parler.
Franz, c'est tout, ça ne va pas plus loin.
Je t'en prie !
Crois-moi,
ça ne cache vraiment rien d'autre.
Regarde-moi, Franz.
Ça ne cache vraiment rien d'autre ?
Toi, alors !
Tu m'as fait une sacrée peur !
Parce que tu ne crois jamais ce que je dis !
T'es une femme, ça doit être pour ça.
Qu'est-ce que t'as encore ?
Pourquoi t'es pressée ? T'as quelque chose à faire ?
Non, rien de spécial.
Je dois visiter l'appartement,
je ne l'ai pas encore vu.
Et puis...
Et puis quoi ?
Et puis, Eva vient à 1 1 heures.
Et alors ?
J'aurais aussi dû t'en parler avant.
Parler de quoi, Mieze ?
J'ai fait un arrangement avec Eva.
L'arrangement est que tu lui fasses un enfant.
On en a parlé, Eva et moi.
Ça m'a rendue très heureuse.
J'ai dû la persuader et la supplier.
Et finalement...
elle a accepté.
J'avais raison,
ça cachait bien quelque chose.
Tu veux me larguer !
Non, je ne veux pas te larguer !
Je sentais qu'il y avait quelque chose ! Je savais...
Une bête d'abattoir !
Voilà ce que je suis.
Et pire encore, avec mon unique bras.
Que fait la truie dans sa porcherie ? On peut l'imaginer.
Elle s'en tire mieux que l'homme,
n'étant que chair et graisse.
Elle ne risque pas grand-chose,
tant qu'elle est nourrie.
Elle peut mettre bas, soit.
Finalement, c'est le couteau. Ça ne l'émeut pas.
Car avant qu'elle ne réalise,
elle y est passée. Mais l'homme ?
L'homme a des yeux.
ll a plus de facultés, mais c'est le chaos !
Quoi qu'il pense, il pense !
A cause de cette maudite tête.
ll pense toujours à ce qui va se passer.
Tu veux que j'arrête ?
Que je ne dise pas ces choses ?
Dis-moi pourquoi !
Explique-le-moi !
Simplement parce que
ce que tu as dit n'est pas vrai.
Je ne veux pas te larguer.
Au contraire, je t'aime !
Et je crois
que je t'aimerai toujours.
J'ai vu des médecins à Bernau et à Berlin.
lls m'ont tous dit
que je n'aurais jamais d'enfant.
Eva m'a dit qu'elle en voudrait un,
Herbert ne peut pas, semble-t-il,
le vieux, c'est exclu, mais avec toi...
ça m'a rendue si heureuse,
j'ai pleuré de joie.
Comme ça...
j'en aurai aussi un !
Voilà pourquoi c'est faux... tout ce que tu as dit.
Entrez !
Mademoiselle Eva est là.
Faites-la donc entrer !
Comme vous parliez un peu fort, je pensais...
C'est bon, Mme Bast.
Elle te l'a dit ?
Pourquoi ce rire ?
A cause de la situation.
On a été si souvent ensemble,
mais comme maintenant, jamais.
Tu veux bien ?
Aide-moi à me dégrafer, je n'y arrive pas.
Sonia et Eva savaient
que c'était une chansonnette,
pourtant elles ont pleuré
après l'avoir chantée.
Vite, tu l'entends !
Mais oui, j'arrive !
Laisse-moi passer !
C'est bon, j'arrive !
Comment ça va, Herbert ?
Rien de spécial.
La vie suit son cours.
Quelque chose arrive, on passe à côté,
puis autre chose, on l'oublie.
ll s'en passe des choses.
La vie s'en charge.
Herbert, arrête-toi au Dorfmann,
je voudrais prendre un jupon que j'ai commandé.
Tu trouves toujours moyen de m'agacer. Un jupon !
Un jupon, c'est humain, tout de même !
Tu en veux ?
Non, merci.
Tu devrais cesser de boire.
Ça, c'est insensé ! Tu disais ?
Ecoute, tu étais quoi avant ?
Vendeur de journaux ! Et là,
t'es manchot, mais tu as Mieze qui te fait vivre.
Ne rebois pas comme au temps d'lda.
Pas question !
Je bois parce que je m'ennuie.
Je traîne, et je bois un coup,
et un autre, et encore un.
D'ailleurs, je supporte bien ça.
C'est ce que tu dis !
Regarde tes yeux dans la glace.
lls ont quoi, mes yeux ?
Des poches de vieillard.
L'alcool te vieillit, ça vieillit de boire.
Laissons tomber ce sujet.
Ce sujet ? Laisse plutôt tomber l'alcool.
Pourquoi je ne boirais plus, Herbert ?
Que me voulez-vous ?
Je ne peux rien faire !
Je suis invalide à 100°%.
Vous me critiquez tous.
Faut pas que je boive,
pas voir Willy, pas faire de politique.
La politique, si tu y tiens vraiment,
c'est moins grave que l'alcool.
Bon sang, je suis un estropié, bon à rien !
Vas-y mollo !
Va dire ça à Eva ou à Mieze !
Au lit, je me débrouille bien, je le sais, mais sinon ?
Toi, tu es quelqu'un, vous faites quelque chose,
toi et les gars.
Et toi,
avec un bras, tu peux aussi faire quelque chose.
Mais non, et Mieze ne voulait pas de ça.
Elle a fini par me convaincre.
T'as qu'à recommencer.
Faut que je recommence !
''Vas-y !'', ''Arrête !'', comme si j'étais un toutou.
''Saute de la table !'' ''Descends !''
Je suis un estropié ! Ma manche est vide !
J'ai si mal à l'épaule, que je ne dors pas.
Va chez le médecin !
Je ne veux pas.
Qu'on ne me parle pas de médecin !
Alors dis à Mieze
de t'emmener à la campagne, pour changer d'air.
Non, non, je préfère picoler, Herbert.
Pour que Mieze finisse comme lda ?
Quoi ?
Quatre ans de taule, c'est pas assez ?
Dis-moi,
tu as une case en moins ?
Moi ?
C'était compliqué !
lls ne trouvaient pas,
et finalement, ils l'ont trouvé.
Qu'est-ce qui vous arrive ?
ll m'a dit de ne pas boire.
Tu lui as dit ça ?
Je lui ai dit ça !
Pourquoi il ne boirait pas ?
Tu veux qu'il recommence ?
Boucle-la !
Ça suffit ! Ramenez-moi !
Elle est là ?
Elle vient de rentrer.
Ma Mieze, dis-moi si j'ai le droit de boire.
Bien sûr, mais pas autant.
Mais je peux picoler !
Bien sûr, mais pas trop.
C'est malsain, n'est-ce pas ?
Ça te dirait...
de te saouler un jour ?
Avec toi.
Tu veux bien te saouler avec moi !
Mais tu n'as jamais été saoule.
Si !
Viens, Franz !
Saoulons-nous... tout de suite.
Franz est à côté d'elle.
Une si gentille fille.
Elle est si petite à côté de lui !
Elle l'enlace, il la serre du bras gauche.
Et voilà... que Franz est ailleurs.
Son bras, immobile, enlace la taille.
En pensée, son bras a dû bouger.
Son visage est de marbre.
En pensée, il a saisi un petit instrument de bois.
D'un geste venant d'en haut, il frappe le thorax de Mieze,
une fois, deux fois.
ll lui a brisé les côtes.
L'hôpital, le cimetière, la prison de Tegel.
lls m'ont dit de ne pas boire,
de ne pas faire de politique.
C'est lui qui l'a dit.
Mieze !
Comme c'est bon.
Excusez-moi,
pour vous, Mlle Mieze, c'est M. Freimut.
Je le fais entrer ?
Qui c'est ?
C'est lui.
Qui ?
Celui de l'appartement,
je l'avais oublié.
Lève-toi, Franz !
Mme Bast,
faites-le entrer.
Puis-je entrer ?
Oui, entrez.
Merci.
J'ai attendu longtemps,
et puis j'ai pensé que...
J'allais venir.
Voilà Franz...
mon mari.
Regarde, Franz, voilà Georg.
Bonjour.
Bonjour, M. Biberkopf.
Excusez-moi,
je vous tends la gauche,
la droite a rendu l'âme.
Oui, c'est... cette terrible guerre.
Oui, cette terrible guerre.
Elle est pleine de charme... votre femme.
Oui.
Je sais.
Bien sûr que vous le savez.
Je trouve qu'une des choses les plus attrayantes
chez une femme,
c'est quand elle s'habille.
Quand elle s'habille ?
Oui, ça paraît curieux,
mais une femme fait de beaux gestes en s'habillant.
C'est plus beau que de la voir se dévêtir.
Vous ne trouvez pas ?
Oui, c'est vrai, vu sous cet angle...
Bien sûr, uniquement vu sous cet angle.
Vous voulez emmener Mieze ?
Oui, elle n'a rien dit ? Je l'emmène 2 à 3 jours...
Non, elle ne m'a rien dit.
J'en ai pas eu l'occasion.
Excusez un instant.
Dois-je partir ?
Pas la peine, asseyez-vous.
Si c'est ça,
que me reste-t-il de toi ?
Comment faire, alors ?
Qu'est-ce que tu as ?
Rien, fous le camp !
Pourquoi tu pleures ?
Fous le camp !
Ne crie pas comme ça, arrête de pleurer !
Je t'ai dit de foutre le camp.
J'ai si mal à l'épaule.
Ça vient d'où, ce mal à l'épaule ?
lls m'ont coupé le bras.
Fini, plus de bras,
les chiens !
Mon bras est coupé, c'est eux qui l'ont fait.
Eux !
Puis ils m'ont abandonné.
Là, ça fait mal.
lls auraient pu m'arracher l'épaule avec,
elle ne me ferait plus mal !
lls n'ont pas réussi à me tuer.
lls ont raté leur coup. Pas de chance pour eux.
Mais ce qui se passe n'est pas bien non plus.
Je serai couché, et il n'y aura personne,
personne quand je hurlerai,
parce que j'aurai mal à l'épaule.
lls auraient dû m'achever !
Qu'est-ce que je suis ? Une moitié d'homme.
Je n'en peux plus, je suis fini.
Qu'est-ce que je peux faire ?
Qu'est-ce que je vais faire ?
C'est mon travail, Franz. ll le faut bien.
ll le faut bien !
Le serpent dans l'âme du serpent