Tip:
Highlight text to annotate it
X
Comment le cerveau génère la pensée, la conscience ?
Comment la matière produit l'expérience subjective ?
La question a été très longtemps uniquement philosophique.
Et maintenant c'est devenu une grande question scientifique.
Parce que nous avons, grâce à ces nouvelles technologies,
le moyen d'aller mesurer ce qui se passe dans ce cerveau.
Et donc je tiens là dans mes mains mon propre cerveau.
C'est une reconstruction en 3D,
une impression 3D de ma matière grise obtenue en IRM.
C'est des dizaines de milliards de neurones,
des milliers de milliards de connexions :
c'est plus qu'il n'y a d'étoiles dans notre galaxie.
On dit que c'est l'objet
le plus complexe, le plus compliqué connu par l'Homme.
À une exception près...
c'est le cerveau de la femme.
(Rires)
Plus sérieusement, j'aimerais partager avec vous certaines de nos recherches
sur des patients qui ont des dégâts très sévères à ce cerveau,
qui sont dans le coma.
Et pour ceux qui survivent [au] coma,
parfois, il y a ces histoires extraordinaires,
ces expériences de mort imminente,
ces patients qui nous racontent qu'ils ont quitté leur propre corps,
qu'ils ont vu cette lumière,
qu'ils ont eu l'expérience
de bien-être extraordinaire,
et donc ceci est aussi un appel à témoins.
Donc si quelqu'un ici a eu ou connaît quelqu'un,
qui a eu une expérience de mort imminente,
qu'il partage cela avec nous.
On a maintenant plus de 200 témoignages d'expériences de mort imminente,
à l'Université de Liège,
et c'est important.
Parce que des phénomènes extraordinaires
nécessitent des preuves extraordinaires.
Pour mieux comprendre, et aussi pour convaincre
la communauté médicale et scientifique,
qui a trop longtemps ignoré ce phénomène,
qui pour certains est pris comme une preuve de vie après la mort.
Et, en plus d'écouter ces récits,
nous pouvons regarder ce qui se passe dans le cerveau.
Différentes techniques.
Ici vous avez un exemple,
où on peut mesurer la consommation d'énergie :
on injecte un sucre, le glucose, marqué par un isotope radioactif,
et on voit l'activité dans la matière grise.
Vous voyez une coupe avec des couleurs rouges et jaunes,
ces neurones, ce sont les cellules qui consomment le plus d'énergie,
comparées à toutes nos autres cellules,
et à côté vous voyez le signe de la boîte vide,
c'est ce qui se passe en cas de mort cérébrale.
Il y a uniquement les cellules qui entourent le crâne, dans la peau,
qui consomment encore de l'énergie,
mais plus ces neurones.
Ici, vous pouvez en toute confiance donner vos organes.
Parce que s'il y a une preuve scientifique d'une vie après la mort,
cela s'appelle le don d'organe.
(Applaudissements)
C'est très différent de ce qu'on voit
chez ces patients qui vont survivre à ce coma.
Qui vont parfois se réveiller,
mais sans démontrer des signes de conscience :
c'est ce que l'on appelait avant l'état végétatif.
Je trouve le terme trop péjoratif,
on préfère maintenant parler d'un éveil non répondant.
Parce que c'est ça qu'on voit :
ils sont réveillés, les yeux ouverts, mais sans réponse à un ordre simple,
et c'est ça notre test de la conscience.
Et donc la question qu'on se pose c'est,
quelle conscience dans ce coma
ou après ce coma,
dans un état végétatif ou non répondant ?
Et nous avons maintenant des outils,
qu'on appelle des interfaces cerveau-ordinateur,
où nous pouvons, vous voyez là,
des électrodes sur le cuir chevelu,
plus de 250, qui vont mesurer l'activité électrique du cerveau,
et on va poser une question, à nouveau, comme :
« Bougez le pied »,
mais on ne regarde plus le pied,
on regarde ce qui se passe dans le cerveau.
Et je vais à nouveau prendre mon propre cerveau,
(c'est utile d'en avoir deux)
quand je bouge ma main ou que je veux bouger ma main,
il y a une région dans ma matière grise, ici, qui va s'activer.
Et je peux le voir avec l'électroencéphalographie.
Et quand je bouge (excusez-moi) la main, ça va s'activer ici,
quand je bouge le pied,
c'est plus au milieu qu'on va identifier une activation.
Donc ceci nous permet non seulement
de voir que le patient n'est pas inconscient,
qu'il répond à la commande,
mais aussi d'établir une communication,
en tout cas chez certains, il faut bien le souligner,
une minorité de ces patients,
qui par définition ne peuvent plus parler,
ne peuvent pas hum...
bouger, contrôler leurs muscles après un coma.
Il y a d'autres moyens, comme ici, essayer de communiquer par les yeux :
il se trouve que quand vous faites un effort,
comme un calcul mental,
votre pupille va [se] dilater.
Et donc je peux vous poser une question importante :
est-ce que tu as mal ?
Cette possibilité de perception de douleur est très importante,
a des conséquences directes
pour notre prise en charge.
Alors comment ça marche ?
On pose la question,
on présente un « oui »,
et vous devez faire le calcul mental
au moment de la présentation du « oui »,
qui va donner une dilatation de la pupille :
on peut le voir.
Dans ce cas-ci, on ne voit rien.
C'est quand on présente le « non »
que la caméra va détecter que la pupille se dilate,
donc on peut déduire que le patient nous communique un « non ».
À nouveau, sans bouger un seul muscle.
Mais il y a là un grand problème.
C'est que le patient doit comprendre la question.
S'il est aphasique, s'il ne comprend même plus le langage,
que faire ?
Et donc là on a développé d'autres techniques.
C'est de mesurer l'activité du cerveau au repos.
En réalité, le cerveau n'est jamais au repos.
Il pense.
Il pense tout le temps,
et on peut essayer de visualiser ces pensées.
Donc vous voyez, je vais à nouveau prendre mon cerveau,
je vais vous l'ouvrir, et à l'intérieur de ce cerveau,
vous avez un réseau, on peut dire le réseau de la conscience de soi :
donc si vous êtes en train de penser
à votre passé, de planifier le futur,
cette petite voix qui vous parle à l'intérieur,
vous allez activer un réseau :
ici devant,
et ici derrière.
Dans cette profondeur du cerveau,
c'est le réseau de la conscience de soi,
que vous voyez là en jaune
et que chez certains patients,
dits dans un pseudo-coma, le locked-in syndrome,
ce sont des patients conscients, mais complètement paralysés,
incapables de parler,
ou classiquement, c'est uniquement
par des petits mouvements de la paupière
qu'on peut établir une communication,
et au début c'est très difficile,
alors que l'IRM fonctionnelle, comme vous le voyez,
va nous montrer
ces régions en jaune, cette activité, ce réseau de conscience de soi,
de manière très facilement identifiable,
mais il faut rester prudent.
Parfois les images peuvent nous mentir.
Le cerveau ne produit pas la conscience
comme le rein produit de l'urine.
Il y a beaucoup de choses qu'on ne comprend pas.
Et donc il faut rester prudent.
Et s'il est difficile de quantifier la conscience,
de la réduire à un chiffre,
ou de quantifier la douleur,
il est aussi très difficile
de quantifier la qualité de vie.
Et pourtant, ça doit être au centre de nos intérêts.
Et donc j'aimerais, ici avec vous, essayer
d'avoir une réponse à cette question difficile :
comment allez-vous ?
On va calibrer notre propre échelle de qualité de vie.
Donc je vais vous demander d'identifier
le meilleur moment de votre vie.
Hormis ce TEDx.
C'est plus 5.
Et ensuite le pire moment de votre vie.
Votre divorce, ou votre mariage : moins 5
Si vous avez réellement fait ça,
je peux maintenant vous poser la question :
ces deux dernières semaines,
sur cette échelle de moins 5 à plus 5,
vous êtes à ?
Et bien on a posé cette même question à des patients en locked-in syndrome.
On ne peut pas être plus handicapé moteur que ça,
ils sont dépendants des autres
pour toutes les activités de la vie journalière,
et voici la réponse.
La majorité nous dit qu'ils ont une vie qui vaut la peine d'être vécue.
Il ne faut pas juger un livre sur sa couverture.
Alors vous voyez aussi qu'il y a une minorité là,
qui nous dit qu'ils ne sont pas heureux,
une mauvaise qualité de vie.
On a même posé la question sur l'euthanasie,
où il y a une minorité de ces patients,
qui demandent de mourir.
Et... contrairement à la Belgique,
en France, on n'avait pas de loi qui le permet.
Et donc en conclusion,
je pense que ces nouvelles technologies,
IRM fonctionnelle, interface cerveau-ordinateur,
nous permettent non seulement d'être plus précis dans le diagnostic,
parfois même nous permettent d'établir une communication
avec ces patients qui ne peuvent plus parler.
Et elles ont montré qu'on a parfois sous-estimé la capacité à être conscient,
avoir une forme de conscience pendant et après le coma,
à sous-estimer parfois aussi la qualité de vie de certains de ces patients.
Et à côté de cet interêt médical et éthique,
il y a aussi l'intérêt scientifique
où on est en train de repousser les frontières,
de démystifier ce grand mystère, qui reste la conscience humaine.
Et donc j'ai ce soir peut-être deux messages importants pour vous :
c'est premièrement, de réfléchir à l'intérêt d'identifier
une personne de confiance,
d'établir un testament de vie, une déclaration anticipée,
pour le cas où,
et ça peut arriver à chacun de nous,
après un accident, un trauma crânien, un arrêt cardiaque,
on se trouve dans un coma.
C'est maintenant que vous pouvez encore communiquer vos volontés
que vous le faites, qu'on anticipe.
Et deuxièmement, qu'on réfléchisse aux bénéfices du don d'organes.
Merci.
(Applaudissements)