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LE VISAGE
Alors ?
- Quoi ? - Tu as trouvé quelque chose ?
Rien.
Grand-mère et sa mandragore, ses doigts coupés
et autres sottises.
Les fantômes avançaient en gémissant
et en hurlant dans la forêt.
Les gens n'osaient pas y pénétrer
la nuit tombée. Je m'en souviens.
Toi et tes fantômes !
Pourquoi as-tu pris Tubal comme assistant ?
Tu devrais le renvoyer. Tu entends
ce que grand-mère te dit ?
Que ferait la troupe de Vogler, le magnétiseur,
sans Tubal ? Je me le demande !
Qui vous a tirés d'affaire à Copenhague ?
La nuit, en risquant sa vie, après que notre tournée danoise
ait viré au fiasco ?
Je pose la question, personne ne répond.
Et qui fait bouillir nos plantes médicinales ?
On t'aurait tuée depuis longtemps
si les gens savaient ce qu'il y a dedans.
Ce qui est sain n'a pas toujours bon goût, disait ma mère.
J'assume mes responsabilités.
Et les profits.
Ne me provoque pas !
Je sais ce que je dis.
Vous avez entendu ?
C'était un cri. Je l'ai entendu distinctement.
- C'est un renard. - Un renard ?
Un renard juché sur deux maigres pattes
sanguinolentes, la tête pendant par les tendons.
Un renard sans yeux,
avec un trou rouge en guise de gueule.
Oui, j'en ai déjà vu.
Je sais...
ce que je sais.
Je ne vais pas resté devant
avec des fantômes qui hurlent à mes oreilles !
Entaille à l'oeil, sang à la bouche,
doigts arrachés, cou cassé !
Il t'invoque, il t'appelle au-delà de la mort,
des vivants, des morts vivants,
par delà les mains tendues.
Bonjour, monsieur.
Je m'appelle Johan Speigel.
Je suis très malade, comme vous le voyez.
Pouvez-vous alléger mes souffrances
en me donnant un peu d'eau-de-vie ?
L'alcool est ma perte,
mais également mon salut.
Je suis comédien,
j'appartiens en fait à la célèbre troupe de Stenborg.
Mais ma maladie a mis fin à ma carrière.
Êtes-vous aussi comédien ?
Pourquoi êtes-vous maquillé ?
Vous portez une fausse barbe
et vos sourcils sont aussi noirs que vos cheveux.
Êtes-vous un escroc
dans l'obligation de cacher son vrai visage ?
Reposons-nous un instant...
respirons.
Le jour tombe.
Le dernier jour de la vie est arrivé.
J'ai toujours désiré qu'un couteau,
une lame,
arrache mes entrailles.
Qu'elle m'ôte mon cerveau et mon coeur,
me libère de ma substance,
qu'elle tranche ma langue et mon sexe.
Une lame effilée,
qui me purgerait de mes impuretés.
Alors, ce qu'on appelle l'âme,
s'élèverait au-dessus de mon cadavre insignifiant.
Que lisez-vous, monsieur ?
- Un roman sur les tricheurs. - Des confrères à vous ?
IL n'y a pas de tricheur, ici.
Vraiment ?
Mais c'est un livre instructif.
"La tromperie est si répandue que celui qui dit la vérité
"est le plus souvent considéré comme un fieffé menteur."
L'auteur tente
d'énoncer une grande vérité en toile de fond.
C'est une théorie illusoire.
Votre livre ne vaut rien, Monsieur Aman !
Ne parlez pas la bouche pleine.
La vérité me passionne de façon diabolique.
C'est une belle passion.
Si je dis que les fesses sont situées à l'arrière
et que la tête est sur le cou,
c'est une vérité incontestable
- la meilleure qui soit. - Les fesses à l'arrière ?
C'est une vérité discutable.
Je ne comprends pas.
Dans votre cas, c'est l'inverse qui est vrai.
Vous êtes un joyeux drille, dommage que vous alliez mourir.
Vous aussi, mais vous ne le croyez pas.
Cette question concerne l'avenir,
et l'avenir compte aussi peu que le passé.
Je suis un lis dans le sol
ne voyez-vous pas ?
IL meurt.
Vous devriez enregistrer cet instant précis.
Regardez bien, monsieur.
Je tiens mon visage ouvert,
vous pouvez satisfaire votre curiosité.
Ce que je ressens ?
De la peur...
ainsi qu'un certain bien-être.
La mort a maintenant atteint mes mains,
mes bras,
mes pieds,
mon ventre.
Je ne vois plus rien.
Je suis mort.
Vous vous interrogez ?
Je vais vous dire...
la mort est...
Tout ceci est très intéressant.
Nous sommes ruinés, suspects, recherchés par la police
et nous avons un cadavre dans la voiture !
On ne peut pas faire une plus belle entrée dans la capitale !
THÉÂTRE DE VOGLER, SOINS MAGNÉTIQUES
Taisez-vous et laissez-moi parler.
Je te demande de ne pas ouvrir la bouche.
Tu as par ailleurs l'habitude de faire bondir les objets.
Tu vois ce que je veux dire ?
Les tables volent, les chaises tombent, les lumières s'éteignent.
On connaît très bien tes tours. Sois gentille, tiens-toi bien.
Pour notre bien à tous.
Je comprends. Peut-être.
Mon Dieu, comme la vieille me rend nerveux !
Tu te souviens de ce que tu as fait à Ostende ?
Non, figure-toi que ne me souviens pas.
Tes tours sont désuets,
ils ne sont pas drôles puisqu'ils sont inexplicables.
Tu devrais être morte.
Oui, c'était très *** à Ostende.
J'ai été arrêté, Vogler a eu une amende
et tu as été flagellée en place publique !
C'était vraiment très *** !
- Nous devrions nous présenter. - Bien sûr.
Je suis le consul Abraham Egerman, bienvenue dans ma demeure.
Moi-même, et surtout mon épouse, portons un vif intérêt
aux questions spirituelles.
Nous avons donc demandé au préfet Starbeck
de nous réunir ici.
Frans Starbeck, préfet de police.
C'est moi qui ai organisé cette réunion.
J'espère que mes hommes se sont bien tenus
et qu'ils ont fait preuve de tact.
Vergérus, conseiller médical.
C'est maintenant à notre tour de nous présenter.
Tout d'abord, le chef et directeur de notre troupe,
Albert Emmanuel Vogler.
Très réputé en Europe, Monsieur Vogler a,
non sans génie, développé et perfectionné la science
du magnétisme animal.
Ravi de faire la connaissance de M. Vogler.
Cette personne
est le pupille et le meilleur élève du M. Vogler,
Monsieur Aman.
Il a fait preuve de talents exceptionnels.
Cette vénérable vieille dame
est la grand-mère de M. Vogler.
Une ancienne chanteuse d'opéra fort appréciée.
Qui ne se souvient pas de la comtesse Agata de Macopazza ?
J'ai un rôle insignifiant dans cette troupe.
Mon humilité a trouvé un sens
au service du grand esprit qui porte le nom
d'Albert Emmanuel Vogler.
M. Vogler veut-il prendre la peine de s'asseoir
afin de discuter des questions afférentes à cette entreprise ?
Je vous en prie, asseyez-vous.
Dr Vogler,
vous avez annoncé votre spectacle dans la gazette de la ville,
en promettant toutes sortes de sensations.
"Époustouflantes
"curiosités totalement inédites.
"Tours de magie
"inspirés de la philosophie orientale.
"Aimants guérisseurs, stimulation nerveuse,
"animation de l'esprit."
C'est bien là votre annonce ?
Monsieur le Préfet, ces formules ostentatoires
n'ont pas été écrites de la main du Dr Vogler.
Nous souhaiterions que le docteur en personne
réponde à la question.
M. Vogler est privé du don de la parole.
Il est muet, messieurs.
M. Aman est-il aussi privé du don de la parole ?
Vous n'avez pas dit un mot.
On ne m'a rien demandé,
monsieur le Préfet.
Vous procédez à des séances de magie ?
Nous n'avons pas dit ça.
Vos amis, M. Tubal...
Nous utilisons des miroirs et des projections.
Tout ceci est simple et sans danger.
Autre question : Guérissez-vous les maladies ?
Nous n'avons pas dit ça.
Récemment, M. Vogler,
sous un autre nom, a fait une tournée au Danemark.
Il s'est fait passer pour médecin et a reçu des patients.
"Les patients ont été magnétisés,
"selon le principe de Mesmer, dans un cabinet sombre.
"Des tremblements et attaques nerveuses
"ont été observés.
"Des patients se sont évanouis."
Pourquoi demander ce que vous savez déjà ?
On observe une étrange dualité
dans les activités de M. Vogler.
Que voulez-vous dire ?
IL y a d'une part le Dr Vogler qui exerce la médecine
en appliquant les méthodes discutables de Mesmer,
et il y a Vogler, l'illusionniste aux activités plus douteuses,
qui fait des tours de passe-passe
avec des formules de son invention.
Si je comprends bien, les activités de Vogler se situent sans scrupules
entre ces deux... extrêmes.
Dites-moi, considérez-vous que vous possédez
des pouvoirs surnaturels ?
Cette question blessante
fait du tort à tout le monde.
Arrêtez-nous, si nous avons violé la loi...
C'est ce que nous voulons savoir.
Pardonnez-moi, je ne savais pas.
Asseyez-vous, mon enfant.
Messieurs, puis-je vous présenter
mon épouse.
M. Vogler,
je regrette.
Ce qui ressort pour l'instant de tout cela
n'inspire pas beaucoup confiance.
Apportez la lampe sur cette table.
Tenez-la comme ceci.
Regardez-moi, M. Vogler.
Pourquoi avez-vous l'air si furieux ?
Vous n'avez pas de raison de me haïr.
Je cherche seulement la vérité.
C'est aussi dans votre intérêt.
Ouvrez la bouche.
Tirez la langue.
Désolé, M. Vogler. Votre mutisme me paraît inexplicable.
Dans votre annonce, il est également stipulé
que vous "provoquez des visions très excitantes
"dans l'assemblée présente."
Monsieur le Préfet, c'est notre "Lanterne Magique".
Un divertissement futile et inoffensif.
Je ne pense pas qu'il s'agisse de cela.
- Provoquez-vous des visions ? - Je proteste !
Et pourquoi ?
Le Dr Vogler est un grand homme.
Un grand homme et un scientifique éminent.
Vous le traitez comme un charlatan.
Son entourage fait du tort à ses qualités scientifiques.
- Vous provoquez des visions ? - Je proteste !
Silence ou je vous fais sortir !
M. Vogler, oui ou non ?
Oui ou non ?
C'est donc oui.
Pouvez-vous provoquer ces réactions chez n'importe qui ?
Moi, par exemple ?
Procédons à une expérience. Je suis à votre disposition.
Ne faites pas ça.
Et pourquoi, Madame Egerman ?
Pardonnez-moi.
Pas d'autres dispositifs ?
Pas d'aimants, pas d'éclairage mystérieux ?
Vous ne jouez pas de l'harmonica
derrière le rideau ?
Que voulez-vous me montrer ?
Quelque chose d'effrayant ou d'excitant ?
IL vous faut des roseaux.
Des roseaux, des âmes faibles.
Vous vous surmenez.
Faites attention, modérez-vous.
Vous pensez que je vous hais ? Erreur.
Une seule chose m'intéresse,
votre physiologie, M. Vogler.
J'aimerais vous autopsier.
Peser votre cerveau,
ouvrir votre cour, examiner en détail
votre système nerveux.
Vous ôter les yeux.
Arrêtez avant que ce ne soit trop *** !
Trop *** ? Pénible, vous voulez dire.
Vous avez échoué,
mais vous devriez vous en réjouir. Vous êtes inoffensif.
Pourquoi mentez-vous ?
Je ne comprends pas.
Nous voyons bien que vous mentez.
Quelque chose vous a effrayé
mais vous n'osez pas dire quoi.
Désolé, Madame Egerman, je n'ai rien à cacher,
aucun prestige à défendre.
Qui sait,
je regrette peut-être de ne rien avoir ressenti ?
Tout est pour le mieux.
Il vous faut juste l'autorisation du préfet
pour pouvoir procéder
à votre "divertissement magnétique".
Monsieur le Préfet...
Monsieur Vogler fera une démonstration en privé
demain matin
dans le salon de M. Egerman.
Pour plus de transparence, à la lumière du jour.
Des objections, M. Tubal ?
Parfait.
Le dîner sera servi dans une heure.
C'est un honneur...
Désolé, M. Vogler et ses amis
seront servis à la cuisine.
Mme Garp vous indiquera vos chambres.
Rustan, emmenez-les à la cuisine.
Nous aurions pu rester en ville.
Le préfet souhaite
que M. Vogler et sa suite soient reçus chez lui.
- Très amusant, ce petit jeu. - Comment cela ?
C'est amusant d'humilier des gens sans défense.
Vous vous méprenez.
Nous avons fait un pari, c'est une question
d'ordre scientifique.
- Vous avez fait un pari ? - Oui, Mme Egerman.
Votre époux est convaincu qu'il existe vraiment
des forces inexplicables.
Et vous niez cette hypothèse ?
Ce serait une catastrophe pour la science.
Une idée grotesque.
Cela nous conduirait obligatoirement à...
Logiquement, cela nous obligerait à croire...
En Dieu !
C'est contraire à la modernité.
La science est plus armée que jamais
pour pénétrer tous les mystères apparents.
- Apparents ? - Tout peut s'expliquer.
Vous êtes optimiste.
L'électricité, la machine à vapeur...
Notre pari tient toujours ?
Nous verrons demain.
Votre épouse me paraît un peu nerveuse.
C'est la mort de son enfant...
Nous devions faire un voyage en automne...
A votre santé, messieurs !
A la troupe magnétique du Dr Vogler !
Une troupe qui semble avoir bien mauvaise conscience.
Il faut se méfier d'eux. Je les trouve affreux.
Tu es trop jeune pour comprendre.
Le magicien est muet, c'est atroce. Il n'a pas dit un mot.
Rustan dit qu'il fait semblant.
C'est encore pire. J'ai très peur.
De toute façon, ils n'ont pas d'argent.
Il ne faut craindre que les riches.
C'est affreux, qu'ils soient pauvres.
Et s'ils nous tuaient pour voler notre maître ?
Bonsoir, petites servantes.
Je m'appelle tout simplement Tubal,
c'est simple comme une chansonnette.
Voyons voir...
Voici Sara et voilà Sanna.
Vous en êtes sûr ?
Je sais. Voici Sanna
- Et Sara. - Vous croyez ?
L'avenir nous le dira.
Pour résumer, nous sommes invités à dîner.
Voilà les plats et voici les convives.
Nous nous asseyons ?
Madame...
Sophia Garp, la cuisinière.
Je suis enchanté, flatté, transporté
et bien entendu, ravi.
Enchanté.
Ravi.
Savez-vous prédire l'avenir ?
Tubal sait prédire l'avenir.
Lisez dans ma main, M. Tubal.
Ma chère enfant.
Vous êtes bien jeune et pleine d'espoir.
Je ne veux pas ternir votre curiosité,
votre joie de vivre, votre foi enfantine.
On sent très bien les pouvoirs surnaturels de M. Tubal.
On dirait, en effet.
C'est un don merveilleux.
Mais difficile à porter, Sofia, et bien sombre...
De grâce, M. Tubal !
Tout cela m'échauffe sous mon corset.
Et me refroidit.
M. Tubal, lisez tout de même dans ma main.
Voici Antonsson,
- le cocher. - Oui, nous nous connaissons.
Bonsoir.
Chut ! IL va me prédire l'avenir.
Silence...
Je vois une lumière.
Elle s'est éteinte. Il fait sombre.
J'entends de doux mots d'amour.
Je ne peux les répéter,
la bienséance m'en empêche.
Un jeune homme...
Il avance au grand galop. C'est merveilleux.
Sara, mon enfant,
avant de vous rendre à ce festin amoureux,
prenez quelques gouttes de notre potion d'amour.
Vous en profiterez sept fois plus.
C'est un cadeau de dame Aphrodite Vénus.
Je me contente de vous la remettre.
- Une potion d'amour ? - Coûte-t-elle cher ?
IL est pratiquement impossible de s'en procurer,
on n'y parvient qu'au prix de terribles efforts.
- Oserez-vous ? - Au nom de la science,
de l'amour...
Puis-je vous en acheter un flacon ?
C'est impossible.
Vos moyens sont bien trop modestes, Sofia.
Seules les princesses peuvent se payer cette potion,
les comtesses ou les grandes comédiennes.
Mais pour vous, Sofia, pour votre beauté
et votre grande hospitalité,
votre courtoisie,
disons 13 shillings.
Deux flacons pour 20 !
Comme l'odeur est forte. Si forte...
C'est le fluide, mon enfant.
La matérialisation du stimulus,
pour dire les choses scientifiquement.
Est-ce bon pour les hommes ?
Oui, et de plus, dame Aphrodite Vénus
effleure leur coeur et là, le diable se déchaîne.
Si ma mère entendait ça !
J'ai très peur.
Il n'y a plus de potion. Que va-t-on utiliser ?
C'est pour les coliques et les ampoules aux pieds.
Seuls comptent la forme du flacon...
et le goût.
Tubal est forcément un escroc.
Bien sûr, Sofia.
Mais j'ai bien quelques talents particuliers, non ?
J'étais en train de me dire que vous feriez un bon pasteur.
Ma foi vacille.
Vous avez peut-être raison, allons parler de cela en privé.
Je vais dans ma chambre,
sortez et contournez la maison par la droite,
il y a une petite porte, je vous ferai entrer.
Quelle femme vous faites, Sofia !
Peut-être. Mon mari est mort il y a huit ans.
Vous n'emportez pas les flacons ?
Gardez-les. Vous pourrez les revendre.
Je vais me marier... avec Sofia !
Alléluia, frères et soeurs !
C'est possible. La puissance compte bien plus que la foi.
Sofia a senti la puissance.
Que puis-je avoir pour un shilling ?
Une nuit d'amour que tu n'oublieras jamais.
Non, c'est de la mort aux rats.
C'est un dur à cuire !
Avale-le d'un trait,
tu sentiras plus de bien-être que Salomon
quand il s'amusait avec ses 1000 concubines.
Pourquoi pleure-t-elle ?
Es-tu une sorcière ?
C'est fort possible.
J'ai si peur de ce qui arrive. Tu es si vieille et si laide.
Quand tu auras près de 200 ans, toi aussi, tu seras laide,
ma petite.
- Tu es si vieille que ça ? - Oui.
Tu peux aussi jeter des sorts ?
Ça m'arrive.
Mais personne ne croit plus en mes secrets,
alors je dois être prudente.
Il ne faut pas tourmenter l'innocence,
on risque de se retrouver à l'hôpital, d'après Tubal.
Comment es-tu devenue sorcière ?
Je ne peux pas le dire.
Tu as vendu ton âme ?
Eh bien, peut-être que oui.
J'ai de nouveau peur !
Va donc dans ton lit,
la sorcière viendra te voir avec un cadeau.
Fais ce que je te dis, ma petite.
Je ne veux que ton bien.
Que regardes-tu ?
En passant devant la lingerie,
j'ai regardé dans l'obscurité.
Un corps pendait dans un coin,
une corde autour du cou.
Je me suis approchée pour voir qui c'était.
Et je l'ai reconnu.
Je n'ai pas peur de toi.
Un assassin pendu à un crochet.
C'est comme ça.
On voit ce que l'on voit,
et on sait ce que l'on sait.
Mais ça ne vaut pas la peine d'en parler.
Quelle vie vous avez, M. Simson !
Les voyages, les représentations, les fêtes.
Tout ce luxe !
Vous devez rencontrer de très belles femmes.
La magie attire les femmes.
Surtout les belles femmes au sang chaud à l'instinct puissant.
Je dois me protéger.
Je me souviens à l'instant d'une princesse russe
aux yeux verts, à la poitrine blanche comme un lys.
Parlons d'autres choses.
On apprend à connaître les femmes.
Un regard suffit à tout comprendre.
Dire que je suis avec M. Simson !
Vous êtes jolie.
Vraiment ?
Je sais de quoi je parle.
Vous avez une jolie bouche, des yeux magnifiques
et un corps très mignon.
Au secours, ma mère !
Pourquoi criez-vous ?
J'ai des sensations étranges.
Surtout au ventre. Je suis peut-être malade.
C'est la potion d'amour.
Vous croyez, M. Simson ?
Que faites-vous ?
Prenons-en une gorgée chacun.
Et dame Vénus Aphrodite viendra nous toucher tous les deux.
C'est la déesse de l'amour, Sara. Tout devient merveilleux.
On sait ce que l'on sait,
comme disait grand-mère.
Vous êtes en train de me tromper.
Pas du tout, mon enfant.
Je nous prépare à tous les deux un grand délice.
Et la princesse russe ?
La poitrine de Sara est-elle moins blanche ?
Je ne crois pas.
Mais elle avait les yeux verts.
Le plus souvent, elle fermait les yeux. Faites-en autant.
Eh bien, buvons.
Que fait-on, maintenant ?
Maintenant.... Nous attendons.
Ici ?
Pas vraiment ici, mais...
Je sais, allons à la lingerie.
- La lingerie ? - Oui.
Il y a des corbeilles blanches pleines de linge propre.
Nous devrions peut-être attendre ici.
Attendre quoi ?
M. Vogler peut avoir besoin de quelque chose. Je croyais que...
Vous êtes tout pâle.
Vous vous sentez mal ?
Je me souviens
que cette potion peut agir différemment selon les gens.
On peut, par exemple, se transformer en lion enragé.
J'ai pratiquement déchiqueté toutes les femmes que j'ai connues.
Quelle horreur !
- Je ne vous ferai pas de mal. - Je suis solide.
Tiens... les choses ne se passent pas comme prévu.
Cela peut aussi rendre malade.
On m'a parlé de gens qui en sont morts.
Je crois que dame Vénus Aphrodite
vient de me toucher de la bonne manière.
Peut-être... mais je suis bien plus sensible que vous.
Que le petit Simson n'aie pas peur,
je ne le mangerai pas.
Ça alors ! IL vient de détaler avec elle.
- Elle qui est si farouche. - Bois un coup, ça ira mieux.
Il fait une chaleur, ici !
Sens-tu cette bonne odeur ?
C'est le linge fraîchement repassé.
Et les pommes d'hiver sont par là.
Il y a un nid à la fenêtre.
Il fait vraiment chaud.
Vous tremblez.
C'est la chaleur.
Retirez votre veste.
Rustan et Antonsson sont toujours à la cuisine.
La chambre de M. Aman et de M. Vogler est éclairée.
Sara !
Où es-tu ? Je ne te vois pas.
Ici, dans la corbeille à linge
où tu avais dit que l'on se retrouverait.
Alors ?
IL serait bien sûr très facile de te séduire.
- Tu crois ? - Tout à fait.
En vieillissant, on devient plus respectueux, comprends-tu ?
En faisant un effort, je devrais y arriver.
On apprend à ne pas se disperser,
à ne pas cueillir toutes les fleurs que l'on voit.
Mais tu peux les sentir.
Je me penche sur leur calice délicat et je poursuis ma route.
Pourquoi parles-tu tant ?
- J'ai peur des orages ! - Calme-toi, je suis là.
Je me sens toute rassurée.
- Que se passe-t-il ? - C'est la potion d'amour.
- Tu la sens vraiment ? - Oui.
Je sue comme un chameau !
Encore des éclairs ! Serre-moi fort.
Les lacets sont très serrés.
Je vais t'aider.
Ne regarde pas.
Il faut aussi défaire ce bouton ?
C'est très compliqué !
Tu n'as pas l'air d'avoir l'habitude, petit Simson.
C'est que j'ai surtout vécu à l'étranger.
Doucement,
ne t'inquiète pas, ma petite.
Tu pourras bientôt t'amuser, toi aussi.
Grand-mère va d'abord te faire un cadeau
pour te réconforter.
C'est une oreille ?
C'est bien une oreille.
Chuchote tous tes désirs dans cette oreille
et ils seront satisfaits.
- Mais à une condition. - Laquelle ?
Tu dois souhaiter que ce qui vit
vive ou existe un jour.
Je ne comprends pas.
Pas pour l'instant, mais ce n'est pas grave.
Tais-toi, ma petite.
Je vais te chanter quelque chose.
Le soldat
se tenait là, son fusil à la main
C'était la guerre, l'ennemi n'était pas loin
Le soleil brillait, le vent soufflait
Le soldat avançait
sur ses jambes fatiguées
L'ennemi a bondi hors de la forêt
Notre homme les a combattus Du mieux qu'il a pu
Les lames étincelaient
Et le sang partout coulait
Beaucoup de guerriers
ont trépassé
Le soldat
dans son regard portait la victoire
La pluie est tombé fort cette nuit-là
Le soldat s'assit seul
et écrivit
IL écrivit à sa bien-aimée
Une longue lettre enflammée
L'amour apporte la paix
L'amour apporte le réconfort
L'amour rend fort
Les coeurs les plus faibles
L'amour est un
IL ne peut jamais être deux
L'amour est ***
IL est si difficile d'être heureux
Tu as entendu, ma petite ?
Je dors presque.
Oui...
Il va y avoir du tonnerre.
Très loin d'ici.
Je n'ai pas peur des éclairs.
Je t'invoque, je t'interpelle,
par-delà les morts,
par-delà les vivants, les vivants et les morts.
Par-delà les mains tendues.
Ce Vogler...
Ces gens-là mériteraient d'être flagellés.
Les illusionnistes ont quelque chose de particulier.
Leur visage est perturbant.
Leur visage ?
Tout à fait.
On devient enragé quand on voit le visage
de quelqu'un comme Vogler.
On a envie de le frapper.
Le visage de Vogler...
Quelque chose d'étrange émane
de ce genre de visages.
Tu comprends ce que je veux dire, Antonsson ?
On devrait les écraser...
les visages comme ceux-là.
Celui de Vogler,
celui de la vieille
et celui d'Aman.
- Un fantôme ! - Ou le Diable en personne.
Où est l'eau-de-vie ?
La jarre a disparu !
Par terre.
- Non. - Où ça ?
Le fantôme a pris l'eau-de-vie !
Que faites-vous ?
Je prépare tout pour demain.
On voit ce que l'on voit et on sait ce que l'on sait.
Ça ne sent pas bon.
C'est de votre faute.
J'espère que vous avez bien dîné à la cuisine.
Je vais défaire ma valise.
Vous vous demandez pourquoi je suis en noir ?
Ma fille est morte au printemps dernier.
M. Vogler,
vous devez leur pardonner. Ils vous ont humilié.
Ils ne vous comprennent pas et vous haïssent. Je vous comprends.
Qui êtes-vous vraiment ?
Je vous ai reconnu tout de suite, j'ai été très choquée.
Pardonnez-moi d'être aussi directe, mais je ne parle jamais.
Je ne pleurerai pas.
Nous n'avons pas de temps pour les larmes.
Je vous ai attendu.
Mes pensées étaient avec vous. J'ai vécu votre vie.
Pourtant, je vous vois pour la première fois.
Vous riez peut-être de moi en silence.
Ce n'est pas grave.
Mon amour est assez fort pour deux.
Je comprends pourquoi vous êtes venu.
Sentez comme mon coeur bat.
Vous me direz pourquoi ma fille est morte.
Ce que Dieu a voulu me dire.
Vous êtes venu pour ça.
Pour consoler mon chagrin
et soulager le fardeau de ma culpabilité.
Mon pauvre mari ne sait rien.
Comment pourrait-il comprendre ?
IL fait très chaud, ce soir.
J'ai vécu tant de tourments.
Mon mari va se coucher dans quelques heures.
Il a le sommeil profond.
J'ai mis un somnifère dans son verre.
Venez me voir à 2 heures.
Ma chambre est en face de celle des invités.
Laissez-moi embrasser vos mains. Non...
Je le veux. Ne bougez pas.
Vous vous êtes blessé.
Nous faisons chambre à part depuis la mort de notre fille.
Je ne suis pas mort.
Mais je suis déjà un revenant.
En fait, je suis bien mieux en fantôme
qu'en être vivant.
Je suis devenu...
convainquant.
Je n'ai jamais été comédien.
L'ombre...
d'une ombre.
Ne vous préoccupez pas de moi.
Je suis déjà en train de me décomposer.
Je ne Lui ai demandé qu'une chose au cours de ma vie :
Utilise-moi, manipule-moi.
Mais Dieu n'a jamais compris
à quel point j'étais devenu un esclave fort et dévoué.
Alors on ne m'a pas utilisé.
Mais c'est aussi un mensonge.
On entre pas après pas, après pas
dans l'obscurité.
C'est le mouvement qui représente la vérité.
Quand je me suis cru mort,
j'étais tourmenté
par d'horribles rêves.
Vous êtes blanc comme un linge.
Vous avez vu un fantôme ?
- Je suis fatigué. - Je comprends.
Bonne nuit, mes hommages à Madame Egerman.
Vous trouverez votre chambre ?
J'ai souvent été reçu dans cette maison.
Buvons encore un verre. Asseyez-vous !
Vous devez obéir
aux ordres du préfet de police.
Quel singulier prodige magnétique.
Je respecte beaucoup le talent du Dr Vogler.
Je suis sa femme.
Pourquoi cette mascarade ?
On nous réclame, nous devons nous déguiser.
Pourquoi n'abandonnez-vous pas tout ça ?
Pour aller où ?
Je vais vous dire un secret.
J'essaye de résister à l'étrange sympathie
que j'ai pour vous et votre mari.
Ça paraît incroyable.
Vous m'avez tout de suite plu.
Votre visage, votre silence, votre dignité naturelle.
J'ose vous dire tout ça car je suis légèrement ivre.
Si vous pensez cela, laissez-nous en paix.
- Je ne peux pas. - Pourquoi ?
Parce que vous représentez ce que je méprise le plus.
L'inexplicable.
Alors arrêtez immédiatement vos poursuites.
Toute notre entreprise est une vaste supercherie.
Une supercherie ?
Tout n'est que dissimulation, fausses promesses, doubles fonds...
Un misérable mensonge de bout en bout.
Nous sommes de ridicules fauteurs de trouble.
Votre mari pense comme vous ?
- Il ne parle pas. - Est-ce vrai ?
Rien n'est vrai.
Il n'a pas de pouvoirs secrets ? Peut-être pas.
Je n'ai ressenti qu'une froide excitation. Il a échoué.
C'est sans importance.
Je n'ai rien à craindre ?
Vous n'avez rien à craindre.
Nous ne faisons qu'étaler nos inepties.
On dirait que vous déplorez les faits.
Comme si vous étiez déçue.
Mais il n'y a pas de miracles.
Ce sont toujours les mécanismes et la parole qui agissent.
C'est la même chose pour les prêtres.
Dieu se tait, ce sont les gens qui parlent.
Juste une fois.
Les gens ne crient qu'une seule fois.
Les non-croyants. Mais la plupart des gens sont croyants.
Juste une fois.
Juste une fois. C'est vrai.
Vous avez peur ?
- Peur de moi aussi ? - Surtout de vous.
C'est flatteur.
Vos manières et votre esprit sont tolérables.
Alors que craignez-vous ?
Votre sourire, votre flegme.
Vous êtes la seule personne sensée de cette troupe.
Pourquoi vous obstiner dans une voie qui vous mènera en prison ?
Les choses n'ont pas toujours été ainsi ?
Non.
Vous avez peut-être cru...
dans le sens ou l'utilité de tout cela ?
IL y a longtemps, oui.
Pourquoi ne pas arrêter à temps ?
Cela n'aurait pas de sens.
- Votre mari... ? - Cela n'aurait pas de sens.
On ne peut ni reculer ni changer de direction.
C'est impossible.
J'ai une proposition à vous faire.
Quand vous serez lasse de vos aimants, venez me voir.
Je vous aiderai.
D'une façon ou d'une autre.
Et mon mari ?
Je vous suis très reconnaissante.
Je vais partir.
Une dernière question : D'autres masques vont-ils tomber ?
Ou le Théâtre Magique du Dr Vogler a épuisé ses ressources ?
Vous me faites un honneur, Docteur.
Votre femme est fidèle à sa folie.
Partez, je vous en prie.
Votre mari veut-il me tuer ?
Voulez-vous me tuer ?
Vous me haïssez, je vous apprécie. C'est très stimulant.
- Ayez la bonté de partir. - Je vais partir.
Bonsoir, Madame.
Bonsoir, Docteur.
Te souviens-tu de cet été à Lyon
où on avait gagné de l'argent et acheté une maison ?
On pensait arrêter de voyager.
Puis on a vendu la propriété et acheté un attelage.
Tu as commencé à faire le muet.
Te souviens-tu du Grand Duc à Köten,
je lui avais tant plu qu'il voulait nous recommander
à sa Majesté de Suède ?
Croyant que je t'avais trahi, tu as roué de coups le duc.
Nous avons passé 2 mois en prison avant qu'il ne nous pardonne.
Il s'est montré très généreux.
Il a maintenu sa promesse de parler de nous à la Cour.
Crois-tu qu'il l'ait fait ?
- Je ne crois pas non plus. - Je les hais.
Je hais leur visage, leur corps.
Leurs mouvements, leur voix.
Et j'ai peur. Je suis sans défense.
Et si je te quittais ?
Pars si tu veux !
Cela ne changera rien.
Albert, Emmanuel...
Vogler.
Vous voilà enfin !
Que vas-tu faire ?
Je suis innocente.
C'est lui qui m'a séduite.
Tu veux me frapper ?
Non, tu n'oses pas me frapper parce que tu es lâche.
Je saigne.
Pardonne-moi. Pardon.
Ne pars pas.
Nous vous remercions
et espérons que nos numéros vous ont plu.
Nous allons maintenant vous montrer
un numéro exceptionnel
où les pouvoirs de M. Vogler et de son assistant
confirment l'insondable confusion qui règne dans le monde.
Une de ces dames veut-elle s'avancer ?
Une dame au coeur pur
ayant de belles pensées.
Madame le Préfet ?
Voici un moment sans précédent
au cours duquel va surgir l'absolue vérité.
Grâce au pouvoir des aimants,
Mme Starbeck sera délivrée de tout artifice.
Toutes les paroles qu'elle dira exprimeront la vérité pure.
Madame Starbeck,
combien d'argent de poche recevez-vous ?
- Je proteste contre ce tour ! - Un moment, monsieur le Préfet.
C'est au nom de la science.
- Quand vous êtes-vous mariée ? - Je ne suis pas mariée.
C'est affreux, je suis trop jeune !
- Vous n'êtes pas mariée ? - M. Starbeck est une carotte !
Cessez immédiatement cette humiliation !
IL va au bordel le samedi, mange comme un porc et pète à table.
Faites-la taire !
M. Starbeck porte une perruque et sent mauvais.
Pense au moins à nos malheureux enfants !
Je me demande lesquels sont de lui !
Même si certains sont stupides et laids.
M. Starbeck est un porc !
Je dois rentrer à la maison, j'ai un rôti au four.
Reste, mon chéri.
Un peu de divertissement ne te fera pas de mal.
Je n'ai pas dit de sottises ?
Ces magiciens sont remarquables.
Au revoir. Rentres-tu pour le dîner ?
Non, mon ami. Je ne suis pas rancunière. Ne crois pas cela.
Ne me raccompagnez pas.
Voici notre dernier numéro : "La chaîne invisible".
Si un de ces messieurs veut bien s'avancer ?
Un homme fort, de préférence.
Antonsson...
- Je ne veux pas. - C'est un ordre !
Bravo, mon bon monsieur.
Il n'y a pas de danger, aucun mal ne vous sera fait.
Respirez normalement.
Messieurs dames, Antonsson est costaud,
mais sa puissance physique n'est rien à côté
du pouvoir spirituel de M. Vogler.
Assistant,
attachez cet homme avec les chaînes invisibles.
Vos mains sont liées,
vos pieds sont également attachés.
La chaîne est fixée au mur.
Il ne fait aucun doute qu'il est mort.
Dans mon rapport, la responsabilité d'Antonsson
apparaîtra comme négligeable.
Aucune pénalité n'est prévue, la famille ne demande pas d'enquête.
Le cas échéant, l'affaire sera de nouveau examinée
et nous ferons tout ce qui s'avérera nécessaire
pour évaluer les dédommagements.
Ils s'élèveront sans doute à des sommes considérables.
Avez-vous des objections ?
Je vous signale que si personne ne conteste
cet acte judiciaire, l'affaire sera classée.
Ce qui veut dire ?
Ce qui veut dire que vous pourrez aller au diable
si ça vous chante, M. Tubal !
Merci du conseil.
Qu'arrivera-t-il à M. Vogler ?
D'après la loi qui régit
les autopsies dans les instituts officiels,
ledit Emmanuel Vogler sera dûment examiné
suite à la décision du conseiller médical
et de moi-même.
L'autopsie aura lieu immédiatement aux frais de la ville
et au nom
- de la science. - Nous vous sommes reconnaissants.
Je savais que vous le seriez.
Il est temps de transporter M. Vogler au grenier
où aura lieu l'autopsie.
Pour des raisons médicales, le conseiller souhaite commencer
aussi vite que possible.
Comme pour une exécution ?
Peut-être.
Vous pouvez le mettre dans le coffre noir où vous êtes assis.
Si madame Vogler rencontre des difficultés,
je peux lui recommander une excellente maison
- où j'ai de l'influence. - Je vous en remercie.
Ma femme a exprimé de curieux fantasmes, non ?
On a transporté le cercueil au grenier
et le conseiller médical est venu avec monsieur le Préfet.
Ils ont hissé le corps de Vogler sur une grande table
et l'ont déshabillé.
Que font-ils ?
Ils découpent son corps et ses entrailles.
Ils ouvrent le crâne et examinent le cerveau.
Le sang coule à flots.
Imagine-toi qu'il se réveille sous l'effet du scalpel,
qu'il se lève de la table et descende l'escalier.
Imagine qu'il entre ici
et nous regarde de ses orbites sanguinolents. Là, à la porte !
Arrête !
N'aie pas peur.
Je te protégerai.
Nous devrions chanter une chanson pour nous en remettre au Seigneur.
Tu as raison, Sofia. Qu'allons-nous chanter ?
Tu as des remords ?
Des remords ? Je ne t'ai rien promis.
Hier soir, tu avais un certain appé***.
Tais-toi, ne me fais pas honte !
Hier, c'était hier. Aujourd'hui, nous sommes dimanche.
"Après autopsie, il n'a pas été trouvé
"de particularités physiologiques ou d'anormalités.
"Nous qualifions donc le phénomène apparu
"en rapport avec ledit Vogler comme passager et anodin.
"Si peu pertinent pour la science
"qu'il ne mérite pas plus ample attention."
- C'est tout ? - C'est tout. Je vous remercie.
J'enverrai un exemplaire du rapport dès qu'il sera terminé.
Vous venez ? J'aimerais que vous le signiez.
- Je passerai demain matin. - Bonjour.
Bonjour.
Alors ? Qu'allez-vous devenir ?
Les petits cochons gras ne devraient pas grogner trop fort.
Ils risquent de se transformer en lard.
Je ne suis pas rancunier, mais j'ai bonne mémoire.
Surtout pour les visages.
"C'est bien la première fois qu'un mouche pète
"sans perdre son derrière",
comme disait ma grand-mère.
Méfiez-vous !
IL existe des asiles et des maisons pour vous et vos semblables !
Vous m'avez compris ?
Oh oui !
Au fait, saluez votre femme pour moi.
Tu peux me rendre un service ?
Arrête la pendule, s'il te plaît.
Tu entends ce silence ?
IL n'y a aucun bruit.
Pourquoi as-tu fait ça ?
Moi ?
Tu as voulu te venger.
Que veux-tu dire ?
Vergérus m'a surpris. Je n'ai dit ni oui ni non.
Tu voulais te venger.
Drôle de revanche, en l'occurrence.
C'est très étrange...
Me venger ?
Je n'en peux plus.
Manda, ne te retourne pas.
Sors et ferme la porte du grenier à clé.
Ne pose pas de question. Fais ce que je te dis.
Il fait très chaud sous le toit.
Une indisposition passagère.
Une sorte d'instrument...
Ou bien c'est un rêve, ou bien je perds la raison.
Je n'ai pas pu perdre la raison, alors j'attends de me réveiller.
En fait, c'est intéressant...
Laisse-le !
Vous avez suscité la peur de la mort.
Rien de plus.
Rien d'autre.
Laisse-le !
Vous me donnez de l'argent ? Nous n'avons rien.
Nous sommes fauchés.
Vous pourriez nous donner quelques sous pour le spectacle.
On dirait que vous ne m'avez jamais vu.
Pourtant nous sommes des âmes soeurs.
Je ne vous ai jamais vu.
Je ne vous connais pas.
J'étais déguisé. Mais quelle importance ?
Demandez à votre mari. Une petite somme suffira.
Ne me touchez pas !
Monsieur le conseiller médical !
Pouvez-vous m'aider ?
Demandez au préfet qu'il nous laisse partir.
Je vous promets que nous ne reviendrons pas.
Alors qui ai-je examiné ?
Un pauvre comédien qui souhaitait plus que tout
être disséqué et vidé.
Vous lui avez donné votre place.
Vous n'êtes jamais mort.
C'était une ruse facile.
Êtes-vous bien Vogler, le magnétiseur ?
- Je crois. - Pas un comédien ou que sais-je ?
Soyez aussi sarcastique que vous voudrez mais aidez-moi.
Vous aviez soi-disant une certaine sympathie...
Je préférais son visage au vôtre.
Déguisez-vous de nouveau pour que je vous reconnaisse,
alors nous pourrons peut-être discuter de votre situation.
Quelle ingratitude, monsieur !
N'ai-je pas déployé tous mes talents
pour vous faire vivre une expérience ?
C'était un piètre spectacle, mais vous devez être payé.
Regardez bien cet homme
et dites-moi si j'ai gagné notre pari.
C'est exact, j'ai perdu.
Simson, attelez les chevaux. Nous partons.
Vous nous aidez à faire les bagages ?
Je reste ici. J'ai décidé de changer de voie.
Il faut mener une vie pieuse, comme dit Sofia.
Avoir de plus hautes aspirations.
Plus de sens et moins d'artifices.
Je ne pars pas avec vous.
Tu regardes ma bourse, hein ?
Et tu te poses peut-être des questions. Regarde donc.
Voici 6000 riksdalar
que grand-mère a collectés
depuis des années et avait mis de côté.
Les médicaments de grand-mère...
Les gens paieraient n'importe quoi pour l'amour.
Tu ne le savais pas ?
Au revoir, Albert. Je pars.
J'ai toujours dit que tu étais borné et négligent.
Il faut connaître ses propres limites.
Aide-moi à descendre.
Les voilà partis. Ils ne me manqueront pas.
- A moi non plus. - A moi non plus.
Viens, Tubal.
Quoi ? Encore, Sofia ? Mais...
D'accord, j'arrive, Sofia.
S'il vous plaît !
Je peux venir ? J'ignore ce qui m'arrive, je dois être folle.
C'est sûrement cette potion d'amour.
Je n'arrive pas à m'en tenir à ma décision.
Va chercher tes affaires ! Vite !
Merci mille fois.
- Simson, je viens avec toi ! - Je vais t'aider !
Que font-ils ?
Nous devons partir.
Il faudrait au moins que l'on quitte la ville.
Il est trop ***.
Vous avez eu de la chance.
Qui êtes-vous ?
Le magnétiseur Emmanuel Vogler,
que l'on a cru examiner il y a quelques heures,
nous a trompés.
M. Vogler est probablement, je dis bien probablement,
devant nous, drapé d'une couverture.
Mes félicitations.
La cour me demande de vous informer de ce qui suit :
Sa Majesté le Roi
a fait savoir qu'il souhaitait assister
à un des divertissements magnétiques de Vogler.
J'ai l'ordre de conduire
ledit Vogler au château de Sa Majesté
afin de procéder aux préparatifs
d'un spectacle en soirée.
Château de Stockholm, le 14 juillet
de l'an 1846. Le chef du protocole.
Je vous conseille de taire ce qui s'est passé.
Dans votre propre intérêt.
Le temps presse. Dépêchez-vous, Dr Vogler.
Rassemblez mes instruments et envoyez-les au château.
Faites attention, ce sont des objets précieux.
- Simson, mon chéri ! - Pas maintenant, ce soir !