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Dialogue entre Krishnamurti et le Dr. Allan W. Anderson.
J. Krishnamurti naquit en Inde du sud
et fut éduqué en Angleterre.
Il donna pendant des décennies
des conférences aux États-Unis,
en Europe, en Inde, Australie et ailleurs dans le monde.
Le travail qu'il effectua durant sa vie
le conduisit à répudier toutes attaches
avec les religions organisées et idéologies,
son unique souci étant de libérer
l'homme absolument et inconditionnellement.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages,
dont l'Eveil de l'Intelligence, le Changement Créateur,
Se Libérer du Connu et le Vol de l'Aigle.
Voici un des dialogues entre
Krishnamurti et le Dr. A. W. Anderson,
professeur de théologie
à l'Université de San Diego,
où il enseigne les Ecritures indiennes et chinoises
et la tradition des oracles.
Le Dr. Anderson, poète reconnu,
est diplômé de l'Université de Columbia
et du Séminaire Théologique de l'Union.
L'Université de Californie l'a honoré en lui
décernant le Prix de l'Enseignement.
A:M. Krishnamurti, lors de notre dernier entretien
j'ai été enchanté
que nous ayons fait une distinction
- à propos du savoir
et de l'auto transformation -
entre d'une part ma relation au monde,
dans le sens où
le monde est moi et je suis le monde,
et d'autre part cette condition inadéquate
selon laquelle, d'après vous,
une personne pense à tort
que la description est la chose décrite.
Il semblerait alors qu'il faille faire quelque chose
pour amener un changement dans l'individu,
et pour revenir à l'usage du mot 'individu'
on pourrait dire que
c'est ici qu'intervient l'observateur.
Dès lors, si l'individu doit éviter l'erreur
de prendre la description pour la chose décrite,
il doit alors se relier en tant qu'observateur
à la chose observée d'une manière
toute autre que celle
qui émanait de sa confusion.
Il m'a semblé que si nous pouvions peut-être
poursuivre dans ce sens, cela ferait un lien
avec ce qui a été dit précédemment.
K:Nous avons dit précédemment,
n'est-ce pas, qu'il faut qu'il y ait une qualité de liberté
à l'égard du connu,
sinon le connu n'est qu'une répétition du passé,
la tradition, l'image, et ainsi de suite.
Assurément, M., le passé est l'observateur.
Le passé est le savoir accumulé
sous la forme du 'moi', du 'nous', 'vous', et 'eux'.
L'observateur est construit par la pensée, c'est-à-dire le passé.
La pensée est le passé.
La pensée n'est jamais libre.
Elle n'est jamais neuve,
car elle est la réponse du passé
en tant que savoir, qu'expérience, que mémoire.
A:Oui, je suis cela.
K:Et l'observateur, quand il observe,
le fait avec les souvenirs, les expériences,
le savoir, les blessures, désespoirs, espoirs,
et à partir de tout ce fond il regarde l'observé.
L'observateur se sépare donc de l'observé.
L'observateur est-il distinct de l'observé?
Nous allons aborder cela plus ***.
Cela conduit à bien d'autres choses.
Ainsi, quand on parle de se libérer du connu,
on parle d'une liberté par rapport à l'observateur.
A:De l'observateur, oui.
K:Et l'observateur est la tradition, le passé,
l'esprit conditionné qui regarde les choses,
se regarde, regarde le monde,
me regarde, et ainsi de suite.
Donc l'observateur divise sans cesse.
L'observateur est le passé
et il ne peut donc observer pleinement.
A:Si la personne se sert du pronom personnel 'je'
en prenant la description pour la chose décrite,
c'est à l'observateur qu'elle se réfère en disant 'je'.
K:'Je' est le passé. A:Je vois.
K:'Je' est toute la structure de ce qui a été :
les remémorations, les souvenirs,
les blessures, les diverses exigences
- tout cela étant rassemblé dans le mot 'je',
qui est l'observateur,
d'où la division :
l'observateur et l'observé;
l'observateur qui se pense chrétien
et observe un non-chrétien, ou un communiste,
cette division, cette attitude de l'esprit qui observe
avec des réactions conditionnées,
des souvenirs, etc. Voilà ce qu'est le connu.
A:Je vois.
K:Je pense qu'il en est logiquement ainsi.
A:Cela découle précisément de ce que vous avez dit.
K:Nous demandons donc : l'esprit - toute sa structure -
peut-il être libéré du connu?
Sinon, l'action répétitive, les attitudes répétitives,
les idéologies répétitives continueront,
modifiées, changées, mais toujours dans la même direction.
A:Poursuivez, j'allais dire quelque chose,
mais j'attendrai que vous ayez
fini de parler.
K:Qu'est-ce alors que cette liberté à l'égard du connu?
Je pense qu'il est très important de le comprendre, car
tout acte créateur...
Je me sers du mot créateur dans son sens originel
et non dans le sens d'une écriture créatrice...
A:Je sais.
K:...de la pâtisserie créatrice, d'un essai créateur,
d'images créatrices.
Au sens profond de ce terme,
créateur signifie la naissance d'une chose totalement neuve.
Sinon, ce n'est pas créateur, mais simplement répétitif,
modifié, changé, ou le passé.
Donc s'il n'y a pas liberté à l'égard du connu,
il ne peut y avoir d'acte créateur.
C'est-à-dire que la liberté implique non pas la négation du connu,
mais la compréhension du connu,
et cette compréhension donne lieu à une intelligence
qui est l'essence même de la liberté.
A:J'aimerais être certain d'avoir compris
votre usage du mot 'créateur'.
Cela me semble très important.
L'usage qu'en font les gens
par rapport au vôtre :
créateur de ceci, de cela, etc... K:C'est l'horreur.
C'est une façon terrible d'user de ce mot.
A:...car ce qu'ils en font
n'est que de l'originalité. K:En effet.
A:Ce n'est pas radicalement neuf, mais original.
K:C'est comme enseigner l'écriture créatrice.
C'est absurde. A:Exactement.
Oui, je crois maintenant saisir précisément
la distinction que vous en avez faite.
Et je suis pleinement d'accord là-dessus.
K:Sans se sentir neuf, on ne peut rien créer de neuf.
A:C'est exact, et la personne qui s'imagine être créative
dans le sens que nous avons indiqué,
est quelqu'un dont le critère d'activité
est celui de l'observateur
qui est lié au passé.
K:C'est exact. A:Donc même si une chose apparaît
comme étant vraiment extraordinairement originale,
ce ne sera jamais qu'original,
et l'on s'illusionne.
K:L'original n'est pas créateur.
L'original n'est que...
A:Et dans notre culture actuelle, il me semble que nous
sommes devenus hystériques là-dessus,
car pour être créatifs
il suffit de se creuser la cervelle
pour produire quelque chose
de suffisamment bizarre pour attirer l'attention.
K:C'est tout : l'attention, le succès.
A:Oui. Cela doit être original au point
que j'en sois bouleversé.
K:L'excentricité, etc. A:Exactement.
Mais si cette tension augmente, alors
au fur et à mesure des générations
la personne est soumise à un stress énorme
pour ne pas céder à la pression de répéter le passé.
K:De le répéter, oui.
K:Voilà pourquoi je dis que la liberté est une chose
et le savoir une autre. Il faut les apparenter
pour voir si l'esprit peut se libérer du savoir.
On vera cela plus ***. Pour moi c'est la vraie méditation.
Vous suivez M.? A:Oui.
K:Car en parlant de méditation
- nous allons y venir -
on voit si le cerveau peut enregistrer
et être libre de ne pas enregistrer,
s'il peut enregistrer et fonctionner quand c'est nécessaire,
dans le champ de la mémoire, du savoir,
et être libre d'observer sans l'observateur.
A:Oh oui, je vois.
Cette distinction me semble absolument nécessaire,
sous peine de ne pas être intelligible.
K:Le savoir nous est donc nécessaire pour agir dans le sens où
il me faut rentrer chez moi.
Le savoir m'est nécessaire.
Il m'en faut pour parler l'anglais.
Il m'en faut pour écrire une lettre,
et ainsi de suite, pour tout.
Le savoir est nécessaire
au fonctionnement mécanique.
Mais si j'utilise ce savoir dans mes rapports avec vous,
un autre être humain,
j'introduis une barrière, une division
entre vous et moi qui suis l'observateur.
Suis-je clair?
A:Dans ce cas précis, je suis observé.
K:Ainsi, le savoir dans une relation,
dans la relation humaine, est destructeur.
Le savoir, c'est-à-dire
la tradition, la mémoire, l'image
que l'esprit s'est faite de vous
au cours de nos échanges, ce savoir est séparateur
et crée par conséquent le conflit dans cette relation.
Comme nous l'avons déjà dit, là où il y a division
il y a forcément conflit.
La division entre l'Inde et le Pakistan,
l'Inde et l'Amérique, la Russie, etc.,
cette activité de division
politique, religieuse, économique, sociale,
dans tous les domaines, engendre forcément
le conflit, d'où la violence.
C'est évident. A:Exactement.
K:Ainsi, quand le savoir s'interpose
dans la relation humaine,
cette relation comporte inévitablement du conflit :
entre mari et femme, garçon et fille,
partout où fonctionne l'observateur
qui est le passé, le savoir,
cette activité comporte la division,
d'où le conflit dans la relation.
A:Dès lors, la question suivante est
celle de la liberté
à l'égard de ce cercle vicieux répétitif.
K:C'est exact. A:Bien.
K:Alors, est-ce possible, M.?
C'est une immense question, car
les êtres humains vivent dans la relation.
Il n'y a pas de vie sans relation.
Vivre signifie être relié.
A:Exactement.
K:Ceux qui se retirent dans un monastère
sont toujours reliés,
quand bien même se plaisent-ils à se croire seuls,
ils sont en fait reliés au passé.
A:Oh oui, en effet.
K:A leur sauveur, leur Christ, leur Bouddha,
- vous suivez? - ils sont reliés au passé.
A:Et à leurs règles. K:Leurs règles, tout cela.
Ils vivent dans le passé
et ce sont donc les gens les plus destructeurs qui soient,
car ils ne sont pas créatifs
au sens le plus profond de ce mot.
A:Non, et dans la mesure où ils font partie
de cette confusion
dont vous avez parlé,
ils ne produisent rien d'original.
Non que cela signifie
quoi que ce soit, mais peut-être...
K:L'original pour un bavard serait d'aller
dans un monastère où règne le silence.
Pour lui, c'est original et il appelle cela un miracle !
A:Exact.
K:Notre problème est donc celui-ci :
quelle est la place du savoir dans la relation humaine?
A:Oui, c'est le problème. K:C'est un des problèmes.
Car la relation entre êtres humains
est de prime importance, évidemment,
car c'est à partir de cette relation
que nous créons la société dans laquelle nous vivons.
Toute notre existence émerge de cette relation.
A:Ceci nous ramènerait à l'énoncé précédent :
je suis le monde et le monde est moi.
Cet énoncé s'applique à la relation.
Il s'applique à bien d'autres choses aussi,
mais en l'occurrence, il concerne la relation.
L'énoncé 'la description n'est pas l'objet décrit'
s'applique à la rupture de la relation...
K:C'est exact. A:...en termes d'activité quotidienne.
K:M., l'activité quotidienne est ma vie, votre vie.
A:Est tout. Oui, précisément.
K:Que je me rende au bureau, à l'usine,
que je conduise un bus, peu importe, c'est vivre.
A:Mais il est intéressant de noter que même
lorsque cette rupture a lieu
à un niveau très destructeur,
nous avons recours
pour la décrire à la pensée,
et l'image se constitue, même déformée.
K:Evidemment. A:De sorte que la déformation
que nous avons appelée 'le savoir'
dans son acception habituelle,
et non tel que vous le définissez
- 'je dois savoir comment aller d'ici à là -
peut empirer encore bien plus
que celle qui nous affecte actuellement,
et nous avons des volumes sur cette pathologie.
N'est-ce pas ? Poursuivez je vous prie.
K:Donc savoir et liberté :
les deux doivent coexister,
pas la liberté distincte du savoir.
C'est l'harmonie entre les deux,
les deux fonctionnant continuellement dans la relation.
A:Le savoir et la liberté en harmonie.
K:En harmonie. Comme s'ils ne pouvaient jamais être séparés.
Si je veux vivre avec vous en grande harmonie,
ce qui est l'amour,
dont nous discuterons plus ***, il faut
qu'il y ait ce sentiment de liberté absolue à votre égard,
pas de dépendance, etc., etc.,
ce sentiment de liberté absolue
tout en fonctionnant simultanément dans le domaine du savoir.
A:Exactement.
Ainsi, en quelque sorte, ce savoir
- si je puis me permettre d'user d'un terme théologique
sans nuire à ce dont nous parlons -
s'il reste en bon équilibre avec cette liberté,
est en quelque sorte continuellement racheté,
il ne fonctionne plus de façon destructrice,
mais en accord avec la liberté dans laquelle je puis vivre,
car n'ayant pas encore cette liberté,
nous ne pouvons que la postuler.
K:Nous avons en quelque sorte analysé, discuté ou ouvert
la question du savoir. A:Oui.
K: Et nous n'avons pas abordé celle de la liberté,
de sa signification.
A:Non, mais nous avons établi quelque chose,
que cette conversation a révélé, je pense,
ce qui est terriblement important,
tout au moins pour les étudiants,
en contribuant à les aider
à ne pas se méprendre sur ce que vous dites.
K:Tout à fait. A:Je sens que
faute de prêter assez d'attention
à ce que vous dites, nombreux sont ceux
qui rejettent certains de vos énoncés comme étant...
K:...impossibles. A:...soit impossibles, soit
qu'ils en apprécient l'esthétique,
mais que cela ne s'applique pas à eux.
Cela paraît merveilleux,
ne serait-ce pas bien si nous pouvions le mettre en pratique.
Mais vous n'avez pas dit cela.
Vous n'avez pas dit ce qu'ils pensent que vous avez dit.
Vous avez parlé du savoir au regard de la pathologie,
et avez dit une chose selon laquelle
le savoir n'est plus destructeur en tant que tel. K:Non.
A:Nous disons donc que le savoir en tant que tel
est mauvais et qu'autre chose est utile.
Je pense qu'il est très important que ceci soit vu,
et il ne serait pas inutile de le répéter sans cesse,
car je sens très fort que c'est facile à comprendre.
K:C'est très important, car le mot religion,
tout au moins dans son vrai sens,
est de rassembler, d'être attentif.
Quel est le véritable sens de ce mot 'religion'.
Je l'ai cherché dans un dictionnaire.
Rassembler toute l'énergie afin d'être attentif;
être attentif, autrement ce n'est pas la religion.
La religion est tout ce qui...
Nous en discuterons le moment venu.
Donc la liberté est un sentiment d'austérité absolue
et d'un refus total de l'observateur.
A:Exactement.
K:L'austérité et tout le reste émanent de cela.
Nous verrons cela plus ***.
A:Mais l'austérité en tant que telle ne produit rien.
K:Non, c'est l'inverse. A:Nous avons donc tout inversé.
K:Le mot austérité vient de
cendre, sec, cassant.
Mais l'austérité
dont nous parlons
est tout autre chose.
C'est la liberté
qui amène cette austérité intérieure.
A:Une belle phrase biblique va dans ce sens,
très brève : 'la beauté pour des cendres',
quand la transformation a lieu.
Et en anglais : 'des cendres plein la bouche',
quand tout a été réduit en cendres.
Mais il y a un changement de la cendre à la beauté.
K:[Il y a] donc une liberté dans le domaine du savoir
et dans celui de la relation humaine,
car celle-ci revêt une importance primordiale
- la relation humaine.
A:Oh oui, oui,
surtout si je suis le monde et le monde est moi.
K:De toute évidence.
K:Quelle est alors la place du savoir dans la relation humaine?
'Savoir' dans le sens de l'expérience passée,
de la tradition, de l'image.
A:Oui.
K:Cet observateur,
qui est-il? Toute cela est l'observateur;
quelle est la place de l'observateur dans la relation humaine?
A:Quelle est la place du savoir,
quelle est la place de l'observateur?
K:L'observateur est le savoir. A:Le savoir.
Mais est-il possible de voir le savoir
pas seulement négativement, mais en corrélation
dans une relation vraie et créatrice.
K:J'ai dit cela. A:Exactement.
K:Pour simplifier, disons que j'ai un lien avec vous.
Je vous suis relié, vous êtes mon frère,
mon mari, ma femme, qui vous voudrez;
quelle place a le savoir en tant qu'observateur,
qui est le passé, le savoir étant le passé,
quelle place cela a-t-il dans notre relation?
A:Si notre relation est créatrice...
K:Elle ne l'est pas.
Pas de 'si', il faut prendre la réalité telle qu'elle est.
Je vous suis lié, je suis marié avec vous,
je suis votre femme ou votre mari, peu importe.
Quelle est la réalité de cette relation?
La réalité, pas une réalité théorique,
la réalité étant que je suis distinct de vous.
A:La réalité veut que nous ne soyons pas divisés.
K:Mais nous le sommes.
J'aurais beau dire que vous êtes mon mari, ma femme,
mais je me préoccupe pourtant de ma réussite, de mon argent,
je me préoccupe de mes ambitions, de mon envie, je suis plein de moi.
A:Oui, je le vois, mais je veux m'assurer de ce que
nous ne faisons pas de confusion ici.
K:Oui, en effet. A:Quand je dis
que la réalité est que nous ne sommes pas distincts,
je ne prétends pas qu'au niveau phénoménal
il se produit une disfonction. J'en suis très conscient.
mais si nous avançons que
le monde est moi et je suis le monde...
K:Nous le disons théoriquement, sans le ressentir.
A:Précisément. Mais si c'est le cas,
que le monde est moi et que je suis le monde,
et il en est effectivement ainsi...
K:Ce ne l'est que si je ne suis pas divisé.
A:Exactement. K:Mais j'ai une division.
A:Si j'ai une division, il n'y a pas de relation
entre l'un et l'autre. K:Par conséquent,
on admet l'idée
que le monde est moi et que je suis le monde.
Ce n'est qu'une idée. Regardez M.
A:Oui, je comprends. Mais si et quand cela arrive...
K:Attendez. Voyez seulement ce qui a lieu dans mon esprit.
Je fais la déclaration suivante :
'le monde est vous et vous êtes le monde.'
L'esprit la traduit alors en une idée, un concept,
et essaie de vivre selon ce concept.
A:Exactement.
K:Cela s'est abstrait de la réalité.
A:C'est le savoir au sens destructeur du terme.
K:Pour moi ce n'est ni destructeur, ni positif.
C'est ce qui a lieu.
A:Disons donc que l'issue en est l'enfer.
K:Oui. Alors, partant de ma relation avec vous,
quelle est la place du savoir, du passé, de l'image,
c'est-à-dire de l'observateur qui est tout cela,
quelle est la place de celui-ci dans notre relation?
En fait, l'observateur est le facteur de division.
A:Bien.
K:Il y a donc conflit entre vous et moi,
c'est ce qui a lieu tous les jours dans le monde.
A:Alors, il me semble qu'il faudrait dire,
pour suivre la conversation point par point,
que la place de l'observateur,
comme vous l'avez indiqué,
détermine le point de non-relation.
K:C'est le point à partir duquel il n'y a en fait
pas la moindre relation.
J'aurai beau coucher avec ma femme, etc.,
il n'y a en fait aucune relation,
parce que j'ai mes propres buts, mes propres ambitions,
tous les particularismes, etc., et elle a les siens
et nous sommes donc toujours séparés
et donc toujours en lutte l'un contre l'autre.
Cela signifie qu'en tant que passé, l'observateur
est le facteur de division.
A:Oui, je voulais simplement m'assurer
que la phrase...
'quelle est la place de l'observateur'
était comprise dans le contexte de ce que nous disons.
Nous avons énoncé qu'une telle chose existe.
K:Oui.
A:Le mot 'place' ne signifie peut-être pas ce que l'on entend
habituellement par 'occuper une place'.
K:Oui. A:Nous parlons plutôt
ici d'une activité profondément désordonnée.
K:M., tant qu'il y a un observateur,
le conflit dans la relation est inévitable.
A:Oui, je suis. K:Attendez, voyez ce qui a lieu.
Je fais une telle déclaration,
et quelqu'un va la traduire en idée,
en concept, et dire 'comment puis-je vivre ce concept?'
Le fait est qu'il ne s'observe pas en tant qu'observateur.
A:C'est exact.
Il est l'observateur qui regarde au dehors,
faisant une distinction entre lui-même...
K:...et la déclaration. A:Exact. Faisant une division.
K:Une division.
L'observateur a-t-il la moindre place dans la relation?
Je dis non : dès l'instant
où il apparaît dans la relation,
il n'y a pas de relation.
A:La relation n'existe pas.
Ce n'est pas une sorte de non-relation.
K:Oui, c'est exact. A:Nous parlons en fait
d'une chose qui n'existe même pas.
K:Par conséquent, il nous faut aborder la question de savoir
pourquoi, dans leur relation
aux autres, les êtres humains sont si violents,
car cela se répand à travers le monde.
L'autre jour, en Inde, une mère est venue me voir,
venant d'une famille brahmane,
très cultivée, et tout le reste.
Son fils de six ans, alors qu'elle
lui demandait de faire quelque chose,
prit un bâton et commença à la frapper.
Du jamais vu. Vous suivez, M.?
L'idée même que vous frappiez votre mère
est traditionnellement incroyable.
Et ce garçon le fit.
J'ai dit : voyons le fait.
Et elle a compris.
Ainsi, comprendre la violence c'est comprendre la division.
A:La division était déjà là. K:Déjà là
A:Sinon, il n'aurait pas ramassé le bâton.
K:La division entre nations, vous suivez, M.
Cette course aux armements
est un des facteurs de violence.
Ainsi, je me prétends Américain,
et il se prétend Russe ou Indien,
ou ce que vous voudrez.
Cette division est le facteur d'une réelle violence et de haine.
Si, ou plutôt quand un esprit voit cela,
il tranche toute division en lui-même.
Il n'est plus Indien, Américain, Russe.
Il est un être humain
avec ses problèmes qu'il essaie de résoudre,
pas en tant qu'Indien, qu'Américain ou que Russe.
Nous en sommes donc au point suivant :
l'esprit peut-il être libre dans la relation,
c'est-à-dire ordonné, non chaotique?
A:Il le faut, sinon
le mot 'relation' n'a pas de sens.
K:Non. Alors l'esprit peut-il être
délivré de l'observateur?
A:Sinon, pas d'espoir. K:C'est toute la question.
A:Sinon, c'est perdu. K:Oui.
Et toutes les fuites, vers d'autres religions,
et toutes sortes de stratagèmes n'ont aucun sens.
Mais ceci demande une grande perception, une vision pénétrant
le fait de notre vie, la façon dont on la vit.
Après tout, philosophie veut dire amour de la vérité,
amour de la sagesse, et non amour d'une abstraction.
A:Oh non, non.
La sagesse est éminemment pratique.
K:Pratique. Donc nous y voilà :
un être humain peut-il vivre en relation dans la liberté,
tout en fonctionnant dans le champ du savoir?
A:Dans le champ du savoir, oui.
K:Et être absolument ordonné.
Sinon, point de liberté,
car l'ordre signifie la vertu.
A:Oui, oui.
K:Ce qui n'existe pas dans le monde d'aujourd'hui.
Le sentiment de vertu n'existe nulle part.
On se contente de répéter.
La vertu est créatrice,
c'est une chose vivante, mouvante.
A:Pendant que vous parliez de vertu, je pensais
qu'elle a vraiment un pouvoir,
c'est-à-dire une réelle aptitude à agir,
et si je vous suis correctement,
ce que vous dites en fait,
et corrigez moi si je me trompe,
ce que vous dites en fait est que
cette aptitude à agir, stricto sensu,
doit être créatrice,
sinon ce n'est pas une action, mais seulement une réaction.
K:Une répétition. A:Une répétition.
Cette aptitude à agir, ou cette vertu,
implique nécessairement l'ordre.
Il n'y a pas d'alternative, me semble-t-il.
Oui, je voulais seulement éclaircir la chose.
K:Alors, puis-je reprendre?
La relation humaine, telle qu'elle existe à présent,
en la regardant telle qu'elle est,
cette relation humaine comporte le conflit,
la violence sexuelle, etc., etc.,
toutes les formes de violence.
Alors, l'homme peut-il vivre dans une paix totale?
Sinon il n'est pas créatif
dans sa relation humaine,
car c'est sur celle-ci que repose toute vie.
A:Je suis très frappé par la façon dont vous avez conduit ceci.
J'ai remarqué que quand nous avons posé
la question 'est-il possible que',
cela recouvre toujours une totalité,
alors qu'on se réfère ici à un fragment,
une fragmentation, ou encore une division.
Vous n'avez jamais dit que
le passage de l'un à l'autre
peut exister en tant que mouvement.
K:Non. Cela ne se peut. A:Vous voyez.
K:Doucement. Absolument.
A:M. Krishnamurti,
je pense que rien n'est aussi
difficile à saisir que ce que vous venez de dire.
Rien de ce qu'on nous enseigne depuis l'enfance
ne nous incite à rendre cela possible,
à en faire un sujet à prendre avec sérieux.
On n'a bien sûr pas envie de développer
de manière exhaustive la méthode selon laquelle
chacun a été éduqué,
mais je vois chez moi-même que l'enfant est amené à accumuler
tout au long de sa scolarité une grande
quantité de ce savoir
dont vous avez parlé.
Pour ma part, je n'ai aucun souvenir d'avoir jamais
rencontré qui que ce soit qui m'ait indiqué un ouvrage
faisant si catégoriquement la distinction
entre l'un et l'autre, en termes de
passage de l'un à l'autre
qui ne soit accessible de la sorte.
K:Non, non, tout à fait.
A:Est-ce que je vous comprend bien, là?
K:Tout à fait.
A:Ce n'est qu'une remarque.
K:Le fragment ne peut devenir le tout.
A:Non. Le fragment ne peut devenir le tout,
en lui-même.
K:Mais le fragment cherche toujours à devenir le tout.
A:Exactement.
Bien entendu, au cours des années de très sérieuses
exploration et de contemplation
que vous avez clairement entreprises avec grande passion,
je suppose qu'il doit vous être apparu
qu'à première vue,
le fait d'être dans la situation de
l'observateur doit susciter une grande frayeur
à la pensée qu'il n'y a aucun passage.
K:Non, mais je n'ai jamais regardé cela ainsi.
A:Veuillez me dire comment vous l'avez regardé.
K:Même enfant, je ne me suis jamais pris pour un Hindou.
A:Je vois.
K:Quand j'ai été éduqué en Angleterre,
je ne me suis jamais considéré comme Européen.
Je ne me suis jamais laissé prendre à ce piège.
J'ignore comment cela a eu lieu,
je n'ai jamais été pris dans ce piège.
A:Eh bien, quand vous étiez petit
et que vos camarades vous disaient
'voyons, tu es un Hindou',
que répondiez-vous? K:Il est probable que je
revêtais les attributs de la tradition brahmane,
mais cela n'a jamais pénétré profondément.
A:Selon l'expression, cela ne vous a jamais atteint.
K:Cela ne m'a jamais atteint, c'est cela.
A:Je vois. C'est vraiment remarquable.
La grande majorité des gens
semble avoir été atteinte par cela.
K:Voilà pourquoi je pense que
la propagande est devenue l'instrument du changement.
A:Oui.
K:La propagande n'est pas la vérité.
La répétition n'est pas la vérité.
A:C'est une forme de violence. K:C'est bien cela.
Donc un esprit qui se contente d'observer
ne réagit pas à ce qu'il observe
selon son conditionnement.
Ce qui signifie qu'à aucun moment il n'y a
d'observateur, donc de division.
Cela m'est arrivé,
j'ignore comment, mais cela a eu lieu.
Et en observant tout cela, j'ai vu que
dans toutes les relations humaines,
quelles qu'elles soient,
il y a cette division, d'où la violence.
Et pour moi, l'essence même de la non relation
est le facteur du 'moi et vous'.
A:J'essayais de revenir sur ma propre histoire
en réfléchissant à mon enfance.
Tout en me sachant différent,
je croyais néanmoins en
l'existence de quelque chose d'autre qui me liait
toujour très, très fermement à un centre
que je considérais comme quelque chose d'ultime.
J'en fis l'expérience en ramant dans une barque,
alors qu'enfant je séjournais en Scandinavie,
et que tous les jours j'allais faire du bateau dans un fjord;
pendant que je ramais,
j'étais prodondément ému par le mouvement de l'eau
créé par l'effet de la rame :
le fait de sortir la rame de l'eau
produisait une séparation de substance
entre l'eau et la rame,
mais l'eau étant un support nécessaire
à l'action de la rame pour propulser ma barque,
elle ne perdait jamais le contact avec elle-même,
faisant intrinsèquement partie d'un tout.
Et je me surprenais parfois à rire de moi, pensant :
si on te voyait regarder l'eau
comme tu le fais,
on penserait que tu as perdu l'esprit.
C'est bien sûr l'observateur qui parle tout seul.
Mais cela m'a fait une telle impression
qu'à mon sens cela pourrait
se définir comme un salut
qui m'a été donné et que je n'ai jamais perdu.
Peut-être y aurait-il un lien entre
cette perception, laquelle,
je pense, a changé mon être,
et ce dont vous parlez en tant que
personne qui n'a jamais éprouvé ce sentiment de séparation.
Oui. Poursuivez, je vous prie.
K:Ceci nous amène donc à demander, n'est-ce-pas M.,
si l'être humain, qui a évolué dans la séparation,
dans la fragmentation...
A:C'est là où en est l'évolution. Oui.
K:...si un tel esprit peut subir une régénération,
qui n'est induite ni par influence,
ni par propagande,
menace ou punition,
car s'il change pour recevoir une récompense, alors...
A:Il n'a pas changé. K:...il n'a pas changé.
Voilà donc une des choses fondamentales
qu'il faut se demander et y répondre en actes, pas en paroles.
A:En actes. Oh oui. K:C'est-à-dire :
mon esprit, l'esprit humain
a évolué dans la contradiction, la dualté
- le 'moi' et le 'non-moi' -
a évolué dans ce clivage, cette division,
cette fragmentation traditionnels.
Alors, cet esprit peut-il observer ce fait,
l'observer sans l'observateur,
et seulement alors y a-t-il régénération.
Tant qu'il y a un observateur qui l'observe,
il y a un conflit.
Je ne sais si je suis clair.
A:Oui. Vous êtes très clair à deux niveaux.
Au niveau du discours
- je sais que ce n'est pas votre souci majeur -
de ce niveau là il découle nécessairement
qu'il faut qu'il en soit ainsi, que cette possibilité existe,
sinon ce discours n'aurait aucun sens.
Mais alors, le tragique de la situation qu'en gros
nous venons de décrire est
que le seul fait que cela puisse être accompli
ou non n'est jamais envisagé
et qu'en cas d'impossibilité,
la répétition continuera indéfiniment
et les choses iront de mal en pis.
K:M., la difficulté est que les gens n' écouteront même pas.
A:Je soupire. Je le sais.
K:N'écouteront pas.
S'ils écoutent, ils le font avec leurs conclusions.
Si je suis un communiste, je vous écouterai partiellement.
Après quoi je ne vous écouterai plus.
Et si je suis légèrement perturbé,
je vous écouterai et traduirai ce que j'entends
selon ma perturbation. A:Exactement.
K:Il faut donc être extraordi- nairement sérieux pour écouter.
Serieux dans le sens où j'écarte mes propres préjugés
et particularismes pour écouter ce que vous dites,
car c'est l'écoute qui est le miracle,
pas ce que je vais faire de ce que vous avez dit.
A:Pas de ce que je vais écouter.
K:Mais de l'acte d'écouter.
A:Mais l'acte même d'écouter.
Nous voilà revenus là où seul existe l'acte d'écouter.
K:Cela requiert que
vous ayez la bonté de m'écouter,
parce que vous voulez découvrir.
Mais la majorité des gens dit 'de quoi parlez-vous,
je veux continuer à m'amuser,
allez donc parler à d'autres.'
Alors, pour créer une atmosphère,
une ambiance,
un sens du formidable sérieux de la vie,
écoutez, mon ami. Il s'agit
de votre vie, ne la gâchez pas, écoutez.
Faire naître un être humain qui voudra écouter
est ce qu'il y a de plus important,
parce que nous ne voulons pas écouter.
C'est trop dérangeant.
A:Je comprends.
J'ai quelque fois essayé de préciser ce point dans ma classe.
Et parfois, j'ai suggéré que nous observions l'animal,
surtout l'animal sauvage
qui, s'il n'écoute pas, risque la mort.
K:La mort, oui M.
A:Il prête cette attention extraordinaire,
et chaque instant de sa vie est une crise.
K:Absolument.
A:Et savez-vous ce qui arrive,
les regards, là-bas, indiquent qu'ils pensent
que je parle de psychologie animale.
Je ne parle nullement de psychologie,
je parle d'une situation de 'soit / ou',
et il n'y a aucun moyen de passer de soit à ou.
Voilà ce que je veux dire. Je crois vous comprendre.
K:En Amérique, il se trouve que,
d'après ce que je vois - je puis me tromper -
on n'est pas sérieux.
On joue avec des nouveautés,
des choses divertissantes, passant de l'une à l'autre,
pensant que c'est de la recherche.
A:De la recherche !
K:Cherchant, s'enquérant,
mais se faisant piéger sur toute la ligne.
Et en fin de compte, il ne reste plus que des cendres.
Il devient donc de plus en plus difficile
pour les êtres humains d'être sérieux, d'écouter,
de voir ce qu'ils sont, pas ce qu'ils devraient être.
A:Ce qu'il en est. K:Ce qui est.
A:Exactement.
K:Ce qui signifie que vous avez bien voulu écouter 5 minutes.
Cette conversation, vous l'écoutez,
car cela vous intéresse, vous voulez découvrir.
Mais en majorité les gens disent 'pour l'amour du ciel,
laissez-moi tranquille, j'ai ma petite maison,
mon épouse, mon auto, mon yacht, peu importe,
pour l'amour du ciel, ne changez rien tant que je vis'.
A:Vous savez, pour revenir à un sujet que je connais,
en l'occurence l'Académie,
c'est là que se situe mon activité quotidienne,
j'ai souvent remarqué qu'assistant à des conférences
où sont lus des papiers, personne n'écoute.
Ce ne sont que longs monologues,
et au bout d'un moment, on sent
que ce n'est vraiment qu'une perte de temps.
Et même en s'asseyant entre les cours
devant un café, la discussion
n'est souvent qu'un simple bavardage
portant sur des choses qui ne sont
pas vraiment intéressantes,
pour passer le temps.
Ici, il s'agit d'un sujet bien plus sérieux qu'une simple
description de ce qui a lieu.
K:C'est pour moi un sujet de vie et de mort.
Si la maison brûle, il me faut agir et pas
me mettre à discuter de qui a mis le feu,
de la couleur de ses cheveux,
qu'elle fut noire, blanche ou pourpre.
Je veux éteindre ce feu.
A:Ou de ce qui aurait pu empêcher
que la maison ne brûle.
En effet. Je sais. K:Et j'en ressens toute l'urgence,
je le vois en Inde, en Europe et en Amérique;
où que j'aille, j'ai cette impression
de grande négligence, vous savez,
de désespoir, de l'inutilité de tout ce qui s'y déroule.
Revenons donc à notre propos :
la relation humaine est de la plus haute importance.
Quand cette relation comporte le conflit,
nous produisons une société qui perpétuera ce conflit,
à travers l'éducation, les souverainetés nationales,
à travers tout ce qui a lieu dans le monde.
Donc un homme sérieux,
dans le sens de quelqu'un qui se sent vraiment concerné,
engagé, doit prêter une attention totale à
cette question de la relation, de la liberté et du savoir.
A:Si je vous ai bien compris,
et je n'entends pas par là les mots que nous avons échangés,
mais si je vous ai vraiment entendu,
ce que j'ai entendu est terrifiant en ce sens que
ce désordre que nous avons partiellement décrit
s'est emmuré dans sa propre nécessité.
Tant qu'il persiste, il ne peut jamais changer.
Jamais. K:Evidemment.
A:Toute modification n'est que... K:Plus de désordre.
A:...plus de la même chose. K:C'est cela.
A:Plus de la même chose.
J'ai l'impression, et j'espère
vous avoir bien compris,
qu'il y a un lien entre
la rigidité de cette nécessité
et le fait qu'il ne peut y avoir de progrès graduel
ou, comme le dirait un philosophe,
quelque chose comme un progrès essentiel,
mais néanmoins, un certain progrès démoniaque
qui intervient dans
ce désordre, qui n'est pas tant un progrès
qu'une prolifération de la même chose. C'est logique.
Est-ce bien ce que vous avez dit?
K:Vous savez, on m'a dit l'autre jour que ce mot 'progrès'
voulait dire pénétration en armes d'un pays ennemi.
A:Vraiment?
Le progrès, c'est pénétrer en armes un pays ennemi.
Grands dieux !
K:M., c'est ce qui a lieu. A:Oh, je sais.
Lors de notre prochain entretien,
j'aimerais beaucoup, si vous le voulez bien,
que nous poursuivions là où nous en sommes arrivés,
notamment cette nécessité, et celle qui a
donné lieu à cette déclaration. K:Oui, entendu.