Tip:
Highlight text to annotate it
X
- Transcription française -
"Créativité, Femmes, Dissidence" Göteborg - octobre 2011
Je m'appelle Patricia Lorenzoni.
C'est un énorme plaisir d'introduire cette première des quatre lectures sur "révolution et dissidence".
Vous trouverez en ligne, sur le site de "Clandestino" des informations pour accompagner ces lectures.
Aujourd'hui nous invitons Nawal El Saadawi,
et au début du Printemps Arabe nous avons pu la remarquer Place Tahrir, au Caire,
solidaire avec le peuple en masse demandant le changement démocratique,
et le départ du président Moubarak.
Nawal El Saadawi est intensément engagée depuis cinq décennies dans la voie du féminisme, du politique et du social.
Elle est médecin, psychiatre, professeur d'université,
et une écrivaine qui ne mâche jamais ses mots,
s'élevant à l'encontre de la politique, du patriarcat, et l'oppression néo-coloniale.
Plusieurs fois au cours du temps cette voix fut réduite au silence.
En 1972, elle perd son poste au Ministère égyptien de la Santé, après la publication de son livre "Woman and Sex",
qui s'élevait contre la mutilation génitale et les pressions politico-économiques visant les femmes.
Dans les années 80, elle fut emprisonnée par le régime de Sadate,
et dans les années 90 le gouvernement égyptien fit fermer son Association de Solidarité aux Femmes Arabes.
Elle doit passer plusieurs années d'exil pour persécutions politiques et menaces de mort de groupes islamistes radicaux.
Plusieurs fois en Egypte, ses livres furent bannis et la torture pour l'hérésie et l'apostasie fut légalisée.
Elle est auteur de plus de quarante ouvrages, incluant nouvelles, romans, et essais.
Ses livres sont traduits en plus de 13 langues.
Elle a enseigné dans variété d'universités prestigieuses d'Egypte et d'ailleurs.
Elle a recu plusieurs récompenses, dont, en 2004, le prix Nord-Sud du Conseil Européen.
Je ne vois qui pourrait mieux qu'elle parler du thème d'aujourd'hui sur "Créativié, femme et dissidence" :
des mots qui témoignent profondément de son vécu.
C'est un très grand privilège et honneur pour moi d'être assise aujourd'hui à vos cotés.
Souhaitons lui la bienvenue à Göteborg ...
( Avant de lui souhaiter la bienvenue et de l'applaudir, je souhaite vous rappeller, svp, d'éteindre vos portables ... )
Ecoutons maintenant Nawal El Saadawi et ensuite un temps sera consacré aux questions du public .
[ applaudissements ...]
Merci beaucoup ! [ rire ]
Merci beaucoup de m'avoir invitée dans cette magnifique ville de Göteborg que j'aime beaucoup.
Je suis venue ici plusieurs fois ... c'est une ville très renommée ! [ rire ]
Très renommée ... même plus renommée que Stockholm ! [ rire ]
Car les gens viennent ici ... pour l'habituel festival littéraire,
il y a une réelle effervescence intellectuelle à Göteborg,
donc, il y a quelque chose de spécial à Göteborg, je ne sais quoi.
Donc, je suis très heureuse d'être là aujourd'hui, quoique très fatiguée,
mais toujours, quand je parle, mon énergie revient,
et quand je suis assise ici, l'énergie vient.
C'est la communication entre les gens ... et ce dont nous avons besoin, en faite,
particulièrement de nos jours !
La révolution en Egypte n'a pas lieu qu'en Egypte ou Place Tahrir. Elle est universelle !
Partout !
Probablement vous avez lu sur la révolution à New-York,
dans le Wisconsin, à Wall Street, au Square Union, en Espagne, en Italie.
Partout !
Pas seulement en Egypte, en Tunisie au Bahreïn ou à Riyadh !
C'est partout !
Probablement la révolution arrivera à Göteborg et en Suède. [rire]
je l'espère, avec optimisme.
Car nous vivons en un seul monde,
mais en définitive ... ce n'est pas un monde ... ce n'est pas un monde humain !
Ce monde est une jungle ! vraiment ! Nous devons être clair là dessus.
La loi universelle ... n'est pas juste !
Une super-puissance peut partir envahir un pays, comme l'Irak, la Palestine, l'Egypte, ou d'autres.
Nous sommes toujours colonisés !
Et ils peuvent arriver, vous tuer, prendre votre pétrole, vos ressources et être des héros ...
et ils recoivent ensuite un prix Nobel ... pour vous avoir envahis !
Obama a recu un prix Nobel : je ne sais pourquoi ?
Je ne sais pas, il a recu un prix Nobel, Obama.
Donc, ce que je voudrais dire, c'est que nous vivons dans un et seul monde,
dominé par le même système : le système ... capitaliste, patriarcal, militaire, raciste, contre les femmes
et contre les pauvres.
Et nous vivons en ce monde, nous avons donc à nous révolter ensemble.
Je ne suis pas étonnée que la révolution soit partout.
Depuis les Etats-Unis jusqu'au Caire. Partout !
Biensur, le degré d'oppression à Göteborg ou en Suède, n'est pas le degré d'oppression en Egypte,
en relation aux femmes et aux pauvres.
Mais ici en Suède, les immigrants souffrent énormément !
Si nous regardons les lois sur l'immigration, nous pouvons voir que beaucoup en Europe, en Suède, en France, en Angleterre ...
que beaucoup d'immigrés, souffrent !
Economiquement ... sexuellement ... socialement ...
Voilà pourquoi, nous avons à réaliser, que nous sommes TOUS dans le même bateau !
Je ne vous parle pas comme une personne venue d'Egypte, pour parler à une personne de Suède.
Non, nous vivons en ce monde seul, et nous avons à lutter ensemble.
Nous avons à lutter ensemble, nous avons besoin de la révolution ensemble !
Nous avons besoin de nous révolter et changer le système ensemble.
Et sans une mise en commun de nos efforts, impossible de reussir.
C'est pourquoi je suis très optimiste.
Cependant, hier j'étais au Caire, et vous avez certainement lu la situation sur l'Egypte.
Que se passe-t'il ?
Une église en feu ... les meutres de chrétiens ... provenant de l'armée, du pouvoir, etc.
Ce qui se passe en Egypte est une contre-révolution.
Quand nous occupions La Place Tahrir, en janvier, nous étions des millions, hommes et femmes !
Chrétiens et musulmans, enfants et adultes, vivaient rassemblés Place Tahrir.
Installés dans des tentes ... et je me déplaçais parmi elles.
Et nous nous sentions qu'UN !
Pas une seule église brûlée !
Pas une seule fille ou femme n'a été harcelée par des hommes !
Ainsi, nous étions ensemble une communauté très pacifique, sans discrimination de classe, de sexe ou de religion.
Et nous vivions ainsi, jour et nuit ! Jusqu'à ce que Moubarak ait pris la fuite.
Et maintenant? qu'est-ce qu'il se passe ?
Harcèlement de filles par des gangs,
non par nos collègues révolutionnaires, hommes.
Non ! Par des gangs : la police du régime Moubarak.
Ils sont toujours au pouvoir ...
Finalement, nous n'avions réussi qu'à dégager la tête du régime,
c'est-à-dire Moubarak ... mais le corps du régime est toujours en place !
Au sein de l'armée, du gouvernement provisoire, des médias, de l'Education, des ONG.
Même les ONGs egyptiennes sont envahies par le régime de Moubarak, hommes et femmes.
Ce qui se passe en Egypte est très dangereux.
Mais qui est derrière cela ? Qui harcèle les femmes ? Qui isole les femmes ? Nous somme isolées.
Il y a une tendance, de nous exclure des affaires publiques !
Donc, maintenant nous nous réorganisons.
Nous rétablissons l'Union des Femmes Egyptiennes qui a été bannie par le régime Moubarak et sa femme.
Donc, nous sentons le danger, et gagnerons à nous unir. Sans l'unité ? Nous ne pouvons gagner !
Donc nous nous réorganisons en tant qu'hommes et femmes.
Car beaucoup de jeunes hommes qui nous soutenaient Place Tahrir rejoignent maintenant l'Union des Femmes Egyptiennes.
Donc l'essentiel n'est pas dans la différence biologique entre l'homme et la femme.
Quand je dis que je suis une féministe ou que je me bats pour les droits des femmes,
je me bats en faite, pour les Droits de l'Homme, les droits des hommes et des femmes.
Pas seulement pour les femmes,
car au sein de l'Association de Solidarité aux Femmes Arabes, bannie par le gouvernement en 1991,
car nous étions opposé(e)s à la Guerre du Golf, 45 % étaient des hommes.
Et peut-être que dans cette salle 50% sont des hommes. Je ne sais pas ...
Finalement, on ne peut pas diviser le pays ou son peuple, sur le critère biologique du sexe ...
et dire que celui-là est un homme et celle-là une femme
et que les droits des hommes sont différents.
Nous ne pouvons dire cela !
Nombre de femmes sont plus patriarcales et plus agressives, et plus militaires ... que les hommes !
Et vous les connaissez: de Thatcher à Merkel à Hillary Clinton.
Vous connaissez ces femmes : elles ont travaillé pour le patriarcat et pour le capitalisme.
Et il y a beaucoup d'hommes qui se battent contre l'oppression des classes, des sexes ou des races.
Ainsi dans notre Union de Femmes Egyptiennes nous avons beaucoup d'hommes, jeunes ou vieux,
avec nous, dans l'Union de Femmes Egyptiennes !