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« Entre deux bulles »
J'aime définir une bulle
comme quelque chose de sûr et familier,
où les points de vue de votre communauté
sont réfléchis.
Mais quand on vit dans un tel endroit,
quand on est pas mis à l'épreuve une fois ou deux,
on s'habitue à son propre point de vue.
Parfois, il est bon de sortir,
de se percevoir autrement.
Ça m'est arrivé.
J'ai grandi à South Central Los Angeles,
et le travail de ma famille était d'accueillir
des étudiants d'échange du monde entier.
Ils venaient nous enseigner leur culture,
on leur apprenait la culture américaine et l'anglais.
C'était une façon simple et personnelle
de découvrir le monde.
C'était comme avoir
un morceau de chaque pays dans ma maison.
Je ne me sentais pas protégée
ou éloignée de ce qui m'entourait.
Je vivais dans l'Historic West Adams,
une zone aux magnifiques maisons de style Craftsman.
Il y avait un jardin public, en bas de la rue,
tout le monde pouvait y faire
un petit jardin de la victoire.
Ma mère connaît les noms
des enfants du quartier, même des ados.
Ils font signe et disent bonjour.
Ça semblait être une communauté
où je serais exposée aux choses
que je devais savoir.
Historiquement, c'était afro-américain,
mais penchant du côté latino,
et à cause de la proximité de l'USC,
des gens du monde entier s'y trouvaient.
Les seules fois où je quittais cette communauté,
j'allais au temple, dans la vallée.
Mais ce n'était qu'une à deux fois par semaine.
Ça changeait rien.
Car, pour un temple, c'était diversifié.
J'avance un peu.
Je suis entrée en troisième
dans une école privée du quartier
plutôt bien réputée.
Mais pas académiquement rigoureuse, pour moi.
Là-bas, tout le monde avait sa façon de se reconnaître.
Je me reconnaissais à mon étiquette,
« l'intello ».
C'était mon truc, j'étais l'intello.
Pas besoin de s'identifier racialement,
à cause de la diversité du quartier,
même si certains gamins le faisaient,
la plupart s'identifiait par étiquette, comme moi.
Certains étaient « le comique »,
d'autres étaient « l'artiste ».
J'étais l'intello, et en tant que telle,
je m'ennuyais vraiment.
Je voulais aller quelque part
plus sévère, académiquement parlant.
J'ai saisi l'occasion
de regarder les écoles privées,
et me voilà ici, à Milken.
Le défi m'avait enthousiasmée,
mais Milken n'était pas ce à quoi je m'attendais.
En entrant en seconde,
je me suis vite fait des amis.
Mais j'étais surprise de découvrir
que personne ne pouvait imaginer
un Juive noire.
Ça les estomaquait.
Ils ne comprenaient pas.
On me posait toujours des questions
sur des stéréotypes de la culture noire.
Du genre : « Y a des gangsters, là-bas ? »
Ou : « Tu vis dans le ghetto ? »
Je me sentais comme les gangsters du coin,
du genre : « Un des trucs est pas comme les autres. »
Et...
Et cette perception est énorme, pour moi,
je ne comprenais pas
pourquoi on me mettait dans cette position.
Je suis l'intello.
Et, d'un coup, l'intello avait disparu.
J'étais la Noire.
Je m'étais jamais perçue comme ça.
J'avais pas besoin de me regarder
par le biais de la race.
Tout comme mes anciens camarades de classe.
Ils me voyaient plutôt...
Le meilleur exemple que je puisse choisir,
le cours d’espagnol.
On y parlait de camping.
Un gamin, Sheekam, un Noir,
a décidé pour se débarrasser du projet
qu'il dirait que les Noirs ne vont pas camper.
Le prof a dit : « C'est ridicule.
J'ai vu des Noirs camper. »
En désignant une fille à côté de moi,
à la peau plus foncée, il a dit :
« Ils étaient Noirs comme Michaela ? »
puis, me désignant : « Ou comme Robyn ? »
Le prof a répondu : « Comme Robyn. »
Sheekam a ajouté : « Normal.
Les Noirs comme Robyn vont camper. »
Je n'avais pas besoin de penser à moi en ces termes.
Personne ne pensait à moi comme ça.
Donc, quand j'expliquais mon héritage,
je disais être Jamaïcaine,
euro-jamaïcaine, afro-américaine, amérindienne.
J'étais un mélange, pas juste Noire.
C'était différent, pour moi,
de me percevoir comme ça.
Alors que la seconde se terminait,
que l'étiquette de la Noire s'effaçait
et que celle de l'Intello était toujours hors sujet,
il était temps pour une réévaluation.
Je devais me percevoir holistiquement.
J'étais plus, j'ai découvert,
que ces deux étiquettes.
Je n'étais pas que l'Intello,
ni que la Noire.
J'étais beaucoup de choses.
Une écrivain, une artiste, une amie.
J'ai pu me réévaluer,
car on me percevait différemment.
J'étais dans une zone
où les gens ne me percevaient pas
comme je me percevais.
Ils avaient un regard neuf,
et ça peut faire toute la différence.
En venant ici, à Milken,
ce n'est pas un endroit merveilleux magique.
Milken est simplement différent.
Milken est sa propre bulle,
remplie de gens se connaissant depuis longtemps,
qui sont allés aux mêmes écoles,
faisant les courses dans les mêmes magasins,
voyageant dans les mêmes cercles sociaux
et partageant les mêmes activités culturelles.
Ils ne sont pas mieux ou plus ouverts
que là d'où je viens.
Ils sont simplement différents.
Chaque endroit est sa propre bulle,
peu importe où l'on va,
la différence, c'est nous.
On est ce qui le rend différent.
La question n'est pas
comment l'endroit va nous changer,
mais comment on va changer l'endroit.
Quand on arrive dans un nouvel endroit,
on emporte les forces, les relations,
et les idées apprises
des endroits d'où l'on vient.
En entrant dans cette nouvelle bulle,
on les apporte avec soi.
On peut en apprendre sur soi,
et la bulle peut en apprendre sur vous.
La connaissance de votre foyer, ces relations,
en les emportant, on trouve qu'on aime la bulle,
celle qu'on découvre, on l'aime plus et on reste là,
ou on rentre à la maison,
en ramenant ce qu'on a appris
là où on était avant,
enrichissant notre propre bulle.
Faisant d'une bulle un univers géant de nouvelles idées.
Merci.