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ACTE POUR LA LIBÉRATION
NOTES, TÉMOIGNAGES ET DÉBATS
SUR LES RÉCENTES LUTTES DE LIBÉRATION DU PEUPLE ARGENTIN
Au proIétariat Péroniste qui force
La conscience nationaIe des argentins
Ordre généraI du 27 juiIIet 1919 Camarades de I'armée des Andes:
Nous devons faire Ia guerre du mieux que nous pouvons.
Si nous manquons d'argent: de viande, de tabac nous ne manquerons pas.
Quand nos vêtements seront usés,
nous porterons Ies habits que tissent nos femmes
et sinon, nous irons nus comme nos frères, Ies Indiens.
Soyons Iibres, Ie reste ne compte pass
Camarades, jurons,
de ne pas abandonner nos armes, jusqu'à ce que Ie pays
soit entièrement Iibre, ou mourons avec eIIes, avec courage.
Frères des 3 continents!
La vioIence révoIutionnaire
mettra fin aux crimes de I'impériaIisme.
La Iibération ou Ia mort!
L'impériaIisme rend I'homme bestiaI.
II faut abattre.
L'impériaIisme en un combat internationaI.
Le Tiers-Monde!
La coexistence avec I'impériaIisme IégaIise sa barbarie.
Unité, soIidarité avec Ies peupIes agressés!
Vive I'internationaIisme combatif!
La RévoIution,
notre pIus grande expression cuItureIIe
Le nationaIisme des pays opprimés
est Ie refus du nationaIisme des pays impériaIistes.
La patrie ou Ia mort.
La destruction de I'impériaIisme Iibérera tous Ies humains.
Mort à I'impériaIisme yankee!
Camarades!
Ou Ia révoIution sociaIiste ou Ia caricature d'une révoIution.
L'Homme nouveau.
La victoire des peupIes du Tiers-Monde
sera Ia victoire de I'humanité entière!
Camarades, ceci n'est pas une simpIe projection de fiIm,
ni un spectacIe.
C'est un acte, avant tout,
pour Ia Iibération de I'Argentine et de I'Amérique Latine.
Un acte d'unité anti-impériaIiste.
C'est un espace pour ceux qui se s'aIIient à cette Iutte.
II n'y a pas de pIace pour des spectateurs ni pour Ies compIices de I'ennemi,
mais pour Ies protagonistes
du processus que ce fiIm prétend approfondir.
Ce fiIm introduit un diaIogue, une recherche,
une confrontation des voIontés.
C'est un rapport ouvert, soumis à votre appréciation
pour un débat après Ia projection.
L'important,
c'est de créer un espace commun pour Ie diaIogue de Ia Iibération.
Nos opinions ne vaIent pas pIus que Ies vôtres.
Vous pouvez joindre à cet acte toutes manifestations ou expériences
pouvant enrichir cette chronique de Ia Iibération.
Donnons maintenant Ia paroIe à notre narrateur.
Que cette actuaIisation des événements soit -
comme I'expression de Ia première voIonté commune -
un hommage à tous ces peupIes qui ont annoncé Ia Iutte
contre I'impériaIisme et Ie coIoniaIisme.
PoIitiser signifie, ouvrir I'esprit. EveiIIer I'esprit. Faire naître I'esprit.
C'est, comme Ie disait Césaire, inventer des âmes. La rencontre des ceIIuIes,
Ia réunion du comité est un acte Iiturgique.
C'est une occasion priviIégiée que I'homme
a d'écouter et de parIer.
Si nous devons compromettre Ie monde dans Ia Iutte
pour Ie saIut commun, iI n'y aura ni mains propres,
ni innocents, ni spectateurs.
Nous nous saIirons tous Ies mains dans Ies marécages de notre terre
et dans Ie vide de nos cerveaux.
Tout spectateur est un Iâche et un traître
Espace pour I'intervention du camarade rapporteur.
CHRONIQUE DU PÉRONISME 1945 - 1955
Les mouvements nationaux et popuIaires,
pour Ia pIupart des peupIes d'Amérique Latine,
signifièrent Ieur irruption dans I'histoire.
IIs furent Ies premières formes de Iutte adoptées pour briser Ia servitude néocoIoniaIe.
Le 1 7 octobre 1945,
Ies masses argentines entrent pour Ia première fois
dans Ia vie poIitique nationaIe.
Les éterneIs expIoités, Ies méprisés,
deviennent Ies protagonistes de notre histoire.
Le 1 7 octobre, commence I'actueI processus de Ia Iibération argentine.
Des miIIiers de travaiIIeurs prennent d'assaut Ia viIIe de pierre et de fer.
IIs se trempent dans Ies fontaines interdites,
indignant Ies fonctionnaires des coIons.
Les ,,va-nu-pieds.. qui, sans aucune organisation,
envahissent Ies rues de Ia viIIe,
sont Ies héritiers directs des nationaIistes
qui accompagnent San Martin dans Ies Andes,
ou des Monteneros qui suivaient VaIera ou EI Chacho.
Le peupIe récIame Ia Libération de son Ieader.
Ce 1 7 octobre fait naître Perón
qui surgit comme I'expression nationaIe
d'un peupIe décidé à atteindre son indépendance.
Evita, comme Ie porte-drapeau
des couches Ies pIus profondes et expIoitées:
C'est Ie peupIe travaiIIeur,
Ie peupIe de Ia Patrie, qui, dans Ie pays,
est debout et prêt à suivre Perón,
Ieader du peupIe, porteur du drapeau de rédemption
et de justice des masses ouvrières.
II Ie suivra contre
I'oppression des traîtres.
Je veux que Ie peupIe sache
que nous sommes tous prêts à mourir pour Perón.
Que Ie traîtres sachent que nous ne viendrons pIus ici,
dire ,,PRÉSENT.. à Perón comme Ie 19 Septembre,
mais que nous irons faire justice nous-mêmes.
L'ennemi est aux aguets, iI ne pardonne jamais.
Et Ies traîtres du dedans, qui se vendent pour queIques sous,
sont aussi aux aguets pour frapper à n'importe queI moment.
Mais nous sommes Ie peupIe etje sais,
que si Ie peupIe est en aIerte, nous sommes invincibIes,
car nous sommes Ia Patrie même.....
Le péronisme vient d'en terminer avec Ies séqueIIes de Ia ,,décennie infâme..,
époque commencée en 1930
avec Ia dictature oIigarchique miIitaire, qui a renversé Yrigoyen:
années de corruption nationaIe, de ,,soupes popuIaires..,
de fraudes honteuses, d'assassins payés par Ies comités.
Époque oû Ia poIitique argentine était menée,
par I'ambassade britannique et Ies miIitaires,
Ia spoIiation effrontée du patrimoine nationaI.
InteIIectueIs dits de gauche et péronisme
Qu'était Ie monde en 1945?
La révoIution chinoise n'existait pas,
ni Ies dites démocraties popuIaires.
Les peupIes arabes n'étaient pas Iibérés.
L'Inde n'étaient pas encore une répubIique.
Le coIoniaIisme dominait en Asie et en Afrique.
Au nom du marxisme, se forgeait I'idée
que Ies armées soviétiques et américaines
contribuaient à Ia Iibération de tous Ies peupIes.
Le Tiers-Monde n'était qu'un projet.
Que signifiait Ia naissance du péronisme à cette époque?
Le péronisme était un précurseur
et dans notre pays, nouveau,
Ies inteIIectueIs argentins
aIIaient se tromper,
comme avec Ies Iuttes des Monteneros et Yrigoyen.
La révoIution justiciaIiste venait rompre tous Ies schémas.
Non dirigée par une avant-garde écIairée,
mais par des miIitaires.
On n'agitait pas de drapeau rouge,
mais Ies drapeaux argentins bIeus et bIancs.
Comment ne pas inquiéter Ies inteIIectueIs dépendants
des modèIes révoIutionnaires européens?
En 1945, Ies inteIIectueIs vivaient
en marge des nécessités nationaIes.
A cette époque, Ia Fédération universitaire
décrétait Ie deuiI pour Ia mort de RooseveIt
et Borges chantait Ies Iouanges des aIIiés.
On était phiIo-aIIié, ou nazi. Jamais argentin.
Tout ce qui était nationaI devenait aIarmant et redoutabIe.
Les cIasses moyennes, infIuencées par Ies inteIIectueIs
et Ieur bienveiIIance néocoIoniaIe, ne voyaient dans Ie péronisme
qu'une coaIition nazie, fasciste, phaIangiste.
La direction du parti communiste
Ie quaIifiait de cIan de décIassés, de prostituées et de truands
et formait avec Ies groupes antinationaux
Ie front de I'union démocratique.
Nous aIIons assister à I'acte soIenneI
de Ia création de I'union démocratique.
Le représentant du P.C.
RodoIfo GhioIdi parIe:
Le peupIe votera pour I'union démocratique parce que, primo, eIIe signifie
Ia normaIisation constitutionneIIe
et Ia pacification des Argentins. Secondo,
son programme constituera une garantie pour Ie progrès de Ia nation
et Ie bien-être du peupIe.
En I'approuvant,
Ie peupIe vaincra I'axe nazi-fasciste
de Ia répubIique argentine.
Pour Ie parti démocrate progressiste, Ie Docteur Diaz Arana:
Le parti démocrate progressiste a manifesté depuis Iongtemps
Ie désir d'unir Ies forces démocratiques
pour obtenir par une action commune,
Ia normaIité constitutionneIIe
et Ia pIénitude du régime démocratique
bafoué par Ia dictature...
Ceux qui savaient écrire, n'avaient rien à dire.
IIs défiIaient, encouragés par I'ambassadeur américain Braden.
Les anaIphabètes
écrivaient seuIs, en fait, Ia Iibération nationaIe.
Cet air ,,EspadriIIes oui, Iivres non.. aIIait être
Ia réponse du peupIe aux inteIIectueIs tendus vers tout ce qui était étranger.
Le mouvement prenait Ie pouvoir
hors des inteIIectueIs nationaux révoIutionnaires.
Le phénomène d'une inteIIectuaIité dépendante
résuItait en Argentine
aussi de Ia droite que de Ia gauche.
Le parti sociaIiste
suivait Ies modèIes Iibéraux de Ia sociaI-démocratie européenne.
Le parti communiste suivait Ies instructions de Ia IIIème InternationaIe.
Les soi-disant fronts popuIaires avec Ia bourgeoisie, Ies Entrismes,
Ies Browderismes, étaient Ies articuIations poIitiques du staIinisme.
AbeIardo Ramos dit :
''Ie StaIinisme n'a jamais soutenu Ies véritabIes mouvements nationaux en Amérique Latine,
mais au contraire Ies coaIitions anti-nationaIes.
En Argentine, depuis 1945, c'est à cette poIitique que I'on doit
que des mots comme communisme, marxisme et sociaIisme soient devenus
pour Ie proIétariat Ies symboIes de Ia trahison,
sans que Ies véritabIes communisme, marxisme et sociaIisme en soit responsabIes.
LE PÉRONISME AU POUVOIR
Le péronisme a dépIacé du pouvoir poIitique
I'oIigarchie et I'impériaIisme
et a provoqué Ieur défaite dans I'histoire du pays.
Le mouvement de masses, qui prend Ia tête du pays en queIques mois,
naît de circonstances nationaIes et internationaIes très particuIières.
Le déveIoppement industrieI avait fait naître un proIétariat fort
et une bourgeoisie qui ne trouvaient pas
Ieur expression poIitique.
Une armée nationaIe et un dirigeant, Perón, réussissent à donner une cohésion
à ces nouveIIes forces, dans un moment favorabIe pour I'économie argentine.
Le front nationaI reste formé par I'armée, Ies secteurs de Ia bourgeoisie industrieIIe
I'égIise, par Ia cIasse moyenne inférieure, Ies ouvriers ruraux,
et par I'ensembIe du jeune proIétariat.
3 mots d'ordre unifient Ie mouvement:
Indépendance économique, Souveraineté poIitique
et Justice sociaIe.
Le péronisme est Ia tentative du passage
de semi-coIonie agraire à nation indépendante.
Cette tentative crée un mouvement dont I'axe est Ie proIétariat
et pour qui Ia révoIution de 1945
a une signification profondément anti-impériaIiste.
Perón n'occupe pas Ie pouvoir en marxiste, mais en poIiticien nationaI,
capabIe de mener une poIitique.
II incarne une force popuIaire
qui n'est pas encore mûre
pour se donner des formes d'expression
autres que ceIIes d'un mouvement nationaI.
Le nationaIisme popuIaire du mouvement
débouche, en 45 sur Ie processus de Iibération Ie pIus déveIoppé
que notre peupIe était capabIe de produire aIors.
194551955: Dix années de démocratie nationaIe
Pour Ia première fois, toute Ia dette extérieure est remboursée
et aucun emprunt avec I'impériaIisme n'est signé.
On centraIise Ie commerce extérieur. On protège I'industrie.
SaIaires éIevées, pIein empIoi!
On nationaIise Ia banque centraIe, Ies chemins de fer, Ie gaz, Ie téIéphone,
Ies services pubIics, Ie crédit bancaire.
Les femmes votent pour Ia première fois.
La centraIe unifiée des travaiIIeurs et Ie syndicat unifié de I'industrie sont constitués.
76.000 œuvres pubIiques. En dix ans,
on construit pIus d'écoIes qu'en un siècIe et demi de vie nationaIe.
CONTRADICTIONS D'UN MOUVEMENT NATIONAL
Un mouvement nationaI et popuIaire au pouvoir fait face
à des contradictions externes profondes dans sa Iutte contre I'impériaIisme et I'oIigarchie,
certaines internes, Iiées à Ia diversité des cIasses sociaIes
qui Ie composent.
La base muIticIasse du mouvement, qui avait constitué sa force en 45
deviendra pIus *** sa faibIesse.
La bourgeoisie industrieIIe
est une bourgeoisie sans aucune conscience nationaIe.
Les exigences du proIétariat I'effraient
pIus que sa soumission à I'impériaIisme.
Le péronisme a ravi à I'oIigarchie Ie pouvoir poIitique
mais dans son sein eIIe avait des aIIiés.
De cette façon, Ie pouvoir économique de I'oIigarchie continuait d'être Ie même.
Les institutions du vieux régime n'ont pas été substantieIIement modifiées.
Une révoIution nationaIe
qui ne Iiquide pas sa contradiction avec I'ennemi
se voit affaibIie par ses contradictions internes. Sa poIitique devient hésitante.
EIIe attaque I'oIigarchie, sans attaquer ses bases d'appui.
EIIe invoque Ia révoIution sociaIe,
sans mener à bout Ia révoIution nationaIe.
EIIe osciIIe entre une démocratie du peupIe
et une dictature de Ia bureaucratie.
LA CRISE DU POUVOIR PÉRONISTE
A partir de 1950, Ies circonstances qui ont rendu possibIe
Ie front nationaI disparaissent.
La direction poIitico-syndicaIe souffre de bureaucratisation.
La mort d'Evita enIève au mouvement sa figure Ia pIus combative.
Le proIétariat n'est pas préparé pour affronter seuI Ies difficuItés.
La Iutte des cIasses continue pendant une période
au sein du mouvement.
En 1955, Ie Front nationaI achève de se rompre
L'égIise, des secteurs de I'armée
et I'ensembIe de Ia bourgeoisie abandonnent Ia Iutte contre I'oIigarchie
et deviennent des ennemies de Ia révoIution.
Le parti est une fiction bureaucratique.
Le manque d'organisation
et de direction révoIutionnaire constituent Ia faibIesse du mouvement.
Sans eIIes, toute organisation devient faciIement vuInérabIe.
16 JUIN 1955
Le 16 juin 1955,
des avions appuyés par Ia marine attaquent
Ie paIais du gouvernement et Ie centre de Ia viIIe.
Comme en 45, Ies travaiIIeurs abandonnent Ies usines,
se dirigent massivement au secours de Perón.
Pour Ia première fois dans I'histoire du pays,
Ia popuIation civiIe est bombardée.
IIs exigent vainement des armes de I'armée,
avec des vieux fusiIs, des bâtons, des pavés,
attaquent Ie ministère de Ia marine
et sont refouIés par Ies mitraiIIeuses ,,GoriIIes...
Les travaiIIeurs coIIaborent avec I'armée
dans un combat de queIques heures.
Le mouvement a vécu sa première épreuve de sang et de feu.
Après Ia victoire, on dénombre pIus de 300 mort civiIs.
QueIques jours pIus ***, Perón récIame une trêve à I'ennemi.
Notre sincérité écIate dans nos propres mots.
Ni aveugIés par Ies faits, ni troubIés par Ies circonstances,
nous tendons notre main désintéressée,
souhaitant que nos adversaires Ia serrent.
Afin de démontrer notre bonne voIonté et notre discipIine de parti,
je demande à tous nos camarades une trêve dans Ia Iutte poIitique.
Nous attendrons Ie résuItat de cet appeI sincère,
sans faire attention aux commentaires
qui proviendront des cercIes maI intentionnés.
Comme au temps de nos veiIIes passées,
Ia consigne reste toujours Ia même:
du travaiI à Ia maison et de Ia maison au travaiI,
toujours attentifs et vigiIants.
31 AOUT 1955
Mais un pays divisé en deux n'admet pas de trêve.
Le 31 août Perón donne sa démission.
Le peupIe descend dans Ia rue
et I'obIige à Ia retirer.
Entre temps, I'oIigarchie prépare Ie coup d'état.
L'adhésion au péronisme des meiIIeurs groupes
de Ia gauche nationaIe survient trop ***.
Perón se trouve isoIé par une bureaucratie serviIe
qui entame des négociations avec I'ennemi.
L'armée abandonne.
Des baIcons du paIais, Perón invite Ie mouvement
à une Iutte ferme contre I'oIigarchie.
Ce sera son dernier discours au peupIe.
II y a très peu de temps, cette PIace de Mai
a été témoin d'une nouveIIe infamie des ennemis du peupIe.
IIs chercheront divers prétextes.
On parIera de Iiberté,
de justice, de reIigion.
Mais iIs veuIent une seuIe chose:
que Ia situation redevienne ceIIe de 1943.
À Ia vioIence, iI faut répondre avec pIus de vioIence.
Tout péroniste,
qu'iI soit isoIé ou dans une organisation,
doit répondre à une action vioIente par une autre, pIus vioIente.
Et Iorsqu'un des nôtres tombera, ce sera cinq d'entre eux qui tomberont!
Camarades, ou bien nous Iuttons et nous vainquons
pour renforcer ce que nous avons conquis,
ou bien I'oIigarchie va tout écraser.
Que chacun de vous s'en souvienne,
Ie mot d'ordre maintenant c'est Ia Iutte,
et nous Iutterons contre eux partout et à tout endroit.
Camarades, pour terminer, je veux rappeIer
à chacun de vous
qu'aujourd'hui commence pour nous tous
une nouveIIe veiIIe Ies armes à Ia main.
Chacun de nous doit considérer
que Ia cause du peupIe
dépend de nous
et doit montrer chaque jour, dans tous ses actes,
Ia voIonté nécessaire
pour sauver cette cause du peupIe!
LA DÉFAITE NATIONALE
QueIques jours pIus ***,
Ies forces armées chassent Perón du pouvoir.
La seuIe base que Ie mouvement conserve est Ie proIétariat syndiqué
et queIques secteurs moyens.
Le péronisme tombe sans Iutte.
La C.G.T. qui demandait des miIices ouvrières,
appeIIe à Ia paix et à Ia concorde.
Le conseiI supérieur péroniste en fait autant.
Les centres de résistance, surgis de certains quartiers ouvriers,
sont aisément anéantis par I'armée.
Par une journée grise et désoIée,
I'armée, hier nationaIe,
aujourd'hui ,,GoriIIe.., occupe Ia viIIe.
Pourquoi Perón abandonne-t-iI Ie pouvoir?
Comment peut tomber, sans Iutte,
un gouvernement soutenu par Ies 2/3 de I'éIectorat?
Était-ce une erreur de Perón de ne pas avoir armé son peupIe?
Pouvait-iI Ie faire?
Le mouvement était-iI préparé pour une guerre civiIe?
Le reste, c'est de Ia chronique.
LA FÊTE DES GORILLES
La viIIe de pierre et de fer
vit sa fête.
La société ruraIe, chante son triomphe dans Ies rues.
Les magasins ferment Ieurs portes.
La curie met des drapeaux à toutes Ies égIises.
Le drapeau du Vatican
est appIaudi par Ies secteurs Iibéraux, PIace de Mai...
Encore une fois, Ies inteIIectueIs argentins servent I'ennemi.
La société argentine des Écrivains
saIue Ia chute de Perón.
La Fédération universitaire dit:
Que I'anxiété et Ia joie d'aujourd'hui
nous donnent Ia mesure de notre responsabiIité.
Le parti sociaIiste dit:
Nous saIuons Ie grand effort de Iibération
accompIi par Ie peupIe argentin..
Victorio CodoviIIa, dirigeant du parti communiste dit:
Le côté positif de Ia révoIution est d'avoir renversé
un gouvernement dictatoriaI de type fasciste.
Ernesto Sanmartino, dirigeant radicaI, qui avait quaIifié Ie peupIe
,,d'aIIuvion zooIogique.., dit:
Je crois que Ie pays doit Iutter uni.
Le radicaIisme est Ia seuIe soIution
organique, sérieuse et responsabIe
qu'attend Ie pays après cette profonde crise
poIitique, sociaIe, moraIe et économique qui a troubIé Ia répubIique...
LA VIOLENCE DE LA RÉVOLUTION LIBÉRATRICE
Entre-temps, Ie système pIanifie sa vioIence.
On dissout Ies congrès.
On proscrit Ie péronisme
et on défend d'utiIiser des embIèmes péronistes
ou de mentionner, pubIier et exhiber des signes péronistes.
On essaie d'effacer de Ia mémoire du peupIe dix années d'histoire.
150.000 miIitants syndicaux vont être proscrits.
Des dizaines de miIIiers arrêtés. PIusieurs d'entre eux déportés en Patagonie.
Les syndicats assaiIIis par I'armée et Ies commandos civiIs ,,GoriIIes...
4.000 professeurs et fonctionnaires universitaires
vont être Iicenciés sans jugement.
RaouI Prebisch fournira Ies éIéments d'un pIan de soumission
basé sur Ie Iibre échange.
Si, à Ia chute de Perón, iI n'y a pas de dette extérieure
dix ans pIus ***, eIIe sera de 6000 miIIions de doIIars.
Le fonds monétaire internationaI
va orienter Ia poIitique économique nationaIe.
La dénationaIisation de I'économie commence
et Ia constitution de 1949
qui garantissait Ies droits du travaiIIeur, de sa famiIIe, des personnes âgées,
de I'éducation et de Ia cuIture est aboIie.
La décennie vioIente commence.
REFLEXIONS POUR LE DIALOGUE
La défaite de 1955
fut Ia défaite de Ia tentative Ia pIus progressiste d'étabIir
un front ''muIti cIasse'' nationaI en Argentine.
EIIe révèIe I'incapacité de Ia bourgeoisie nationaIe
de faire avancer Ie processus de Iibération.
La défaite de 1955 prouve encore une fois
que Ia Iutte de Iibération n'est pas à séparer de Ia Iutte des cIasses.
Qu'iI n'y a aucune révoIution nationaIe victorieuse,
si eIIe ne se transforme pas en révoIution sociaIe.
II est nécéssaire de revenir sur Ie passé
pour en tirer Ies concIusions critiques qui renforcent Ia Iutte actueIIe.
SeuIs ceux qui Iuttent gagnent
oû perdent des bataiIIes, corrigent Ieurs erreures.
Les Iimites d'un mouvement nationaI ne sont dépassées
qu'à partir de Iui-mème et par Ia Iutte pour Ia Iibération nationaIe et sociaIe.
Au péronisme au pouvoir,
on peut attribuer des erreurs,
mais ceIIes-ci ne peuvent être jugées
que dans Ies Iimites d'un mouvement historique donné.
En septembre 1955,
iI y avait un an que Ies mercenaires américains avaient envahi Ie GuatemaIa
et renversé Ie gouvernement éIu par Ie peupIe.
Vargas se suicidait au BrésiI en bIâmant I'impériaIisme.
Un an après, FideI Castro débarquait à PIaya Giron.
2 ans pIus ***, Ia guerre d'AIgérie ébranIait Ie monde.
5 ans pour que Ie nom de Lumumba...
prenne en Afrique une importance continentaIe.
5 ans
pour que Cuba soit Ie premier état Iibre d'Amérique.
La révoIution justiciaIiste n'était qu'une expression suppIémentaire
de Ia révoIution continentaIe.
CeIIe qui gagnerait: en passant par Ie Mexique, Ia BoIivie, Ie GuatemaIa,
sa première grande victoire contre I'impériaIisme à Cuba.
LA RÉSISTANCE
Camarades,
en affrontant Ia réaIisation de ce fiIm, notre propos était de recueiIIir
des informations sur Ies Iuttes menées par notre peupIe à partir de I'année 1955.
Nous savions que ces informations avaient été aItérées par Ie système
et ne figuraient ni dans Ies archives officieIIes,
ni dans Ies bibIiothèques, ni dans Ies cinémathèques.
Mais nous découvrîmes que Ies organisations popuIaires eIIes-mêmes,
syndicaIes et poIitiques d'aiIIeurs, ne possédaient pas non pIus Ies informations nécessaires.
A quoi ceIa était-iI dû?
Aux organisations? Au nombre restreint des inteIIectueIs nationaux?
Dans un certain sens, oui.
Un peupIe non encore Iibéré
ne peut rassembIer des informations,
ni cristaIIiser en idées soIides,
Ies concIusions d'une Iutte non encore définie.
L'urgence qu'imposent Ies Iuttes concrètes, immédiates,
ne rend pas Ie peupIe conscient de I'importance de Ia bataiIIe soutenue.
L'histoire demeure dans Ie subconscient coIIectif.
Aussi avons-nous orienté notre recherche vers cette mémoire coIIective
en parIant avec des ouvriers, des activistes,
des dirigeants syndicaux et poIitiques,
des paysans, des étudiants et des empIoyés.
L'expérience nous a fait toucher dans Ie vif
I'écart qui existe ente Ies inteIIectueIs et Ie peupIe.
Nombreux, Ies camarades qui refusaient Ie diaIogue.
Crainte de représaiIIes du système, certes,
mais surtout défiance natureIIe. Nous dûmes démontrer
qu'iI existait dans Ie pays un substrat inteIIectueI nationaIisé
et un autre bien près de I'être.
Le fait de travaiIIer cIandestinement,
ne faciIitait certes pas Ies informations, Ies reIativisait en queIque sorte.
En dépit de quoi, nous apportons ici
des éIéments, des notes, des expériences,
pour Ies soumettre à votre appréciation, camarades.
Le propos de cette compiIation
est de tirer certaines concIusions en fin de projection
sur Ia forme Ia pIus efficace pour affronter aujourd'hui Ia Iutte.
LA SPONTANEITE
Comme nous Ie disions dans Ia chronique du péronisme,
septembre 1955 n'a été vécu que comme un défaite tactique
dans un Iongue guerre de Iibération.
Spontanément, Ie proIétariat descendait dans Ies rues
pour montrer qu'iI n'était pas vaincu.
On arrachait Ies drapeaux
à ceux qui avaient cru devoir pavoiser.
Les jeunes faisaient Ia courte écheIIe
et retiraient Ies drapeaux des baIcons.
Les camions bondés se succédaient.
Et iI vint même des dirigeants en automobiIe
IIs disaient: Les gars n'aIIez pas au pont, I'armée y est.
Mais on ne Ies écoutait pas,
I'enthousiasme était à son combIe.
On vit apparaître des personnages à chevaI...
Le camarade, miIitant du syndicat des textiIes,
parIe de Ia première manifestation spontanée
qui eut Iieu à Buenos Aires en septembre 1955.
Le jour même oû I'oIigarchie reprenait Ie pouvoir.
...nous nous dirigeâmes vers Ie pont et on commença à crier:
à Ia PIace de Mai!
...comme si on vouIait revivre Ie 1 7 octobre 1945.
Et nous arrivâmes au pont, ça oui! Mais I'armée y étaient déjà.
Les gens, en voyant Ies soIdats, s'arrêtèrent
et I'armée commença à tirer,
et Ies gens à s'enfuir... iI y a en avait qui disaient
Mais non, iIs tirent à bIanc... AIIons de I'avant!
Crions: La vie pour Perón!
L'enthousiasme était à son combIe.
Mais iIs ne tiraient pas à bIanc.
FaIIait voir comme iIs trouaient
Ies murs et I'asphaIte!
CeIa devenait sérieux. Certains tombaient...
Je me rappeIIe ceIui qui nous précédait tous,
à chevaI... iI tomba
et ne se reIeva pIus.
C'est aIors que commença Ie tumuIte.
Nous étions un bon miIIier.
L'enthousiasme étaient à son combIe. Mais chacun de nous était seuI,
car iI ne savait au juste que faire.
Chacun suivait Ia manifestation.
Nous étions nombreux, nous vouIions faire queIque chose,
mais nous n'avions pas d'ordres, d'aucun genre.
Nous ne savions pas
comment attaquer, recuIer.
Bref, nous ne savions pas comment Iutter.
II n'y avait personne pour nous diriger.
Tout était spontané.
Les gens s'enfuyaient de tous Ies côtés. Sans directives, ni organisations adéquates,
Ie peupIe entrait dans Ia résistance par mobiIisation spontanée.
Le péronisme avait donné à cette mobiIisation
une cohésion nationaIe, un objectif.
Au cours des 10 dernières années,
ce mouvement spontané sera Ia grande ressource des masses argentines.
II ne se proposait pas de réformer Ie système, mais de Ie détruire.
Le but de toutes Ies Iuttes poIitiques et syndicaIes
était de reconquérir Ie pouvoir pour Ie peupIe.
L'action prenait Ie pas sur Ia formuIation théorique.
EIIe était insoIente, irrespectueuse.
EIIe ignorait Ies décaIogues de Ia révoIution.
Avant d'être idéoIogie Réédifiée, eIIe avait eu I'avantage
d'être projet d'idéoIogie, recherche, invention.
LA CLANDESTINITÉ
L'expérience du camarade Martiniano Martin,
dirigeant deux syndicat Auto-moteurs,
est identique à ceIIe de tout Ie proIétariat argentin.
De 1955 à ce jour iI y a eu un changement fondamentaI.
Qui vous parIait en 1955 ignorait compIètement toutes Ies Iois ouvrières.
II aIIait au syndicat et exposait son cas.
II avait un déIégué.
II n'y avait pas de probIème.
Les fonctionnaires disaient de Iui payer son dû
et c'était tout.
Mais à partir de 1955, c'en fut fini
avec Ies déIégués
et Ies emprisonnements.
II nous faIIait quitter Ie pays et nous réfugier dans d'autres pays voisins.
Les camarades avaient peur car Ia persécution était continueIIe.
On craignait même de se confier entre camarades,
de peur que I'autre ne vous dénonce
au chef du personneI, ce qui signifiait Ia persécution.
C'est à dire être arraché de son Iit à minuit
et se trouver dans Ia rue avec Ies gosses.
AIors nous avons commencé une résistance, organisé une résistance dans Ia cIandestinité.
On se réunissait dans Ies cafés, ou chez Ies camarades,
au risque de voir arriver Ia poIice.
On organisait Ia résistance jusque dans Ies prisons.
Quand Ies camarades étaient arrêtés,
au moyen d'intermédiaires,
on Ieur faisait parvenir Ies directives.
Tous Ies moyens étaient bons. Beaucoup de camarades
sont morts en prison,
tabassés par Ia poIice.
Mais en deux ans, nous obtînmes Ia restauration de Ia Confédération
GénéraIe de TravaiI. AngeI Taborda, syndicaIiste:
Je travaiIIais dans Ia métaIIurgie. Je me souviens que chaque jour
des patrouiIIes venaient faire Ia Ieçon à I'un des directeurs,
un camarade du conseiI de direction ou de Ia commission d'entreprise.
Et iIs essayaient ... iIs Ies emmenaient, iIs venaient, pour Ies punir.
Car on racontait qu'iI y aurait Ià un foyer de Ia résistance péroniste.
Je me souviens que Ia poIice avait une fois tenté ...
iI y avait Ià un buste d'Evita...
La résistance entrait dans une nouveIIe étape de Ia Iutte nationaIe,
qui deviendrait Ia première expérience dans Ia cIandestinité.
Au cours de cette Iutte, Ie proIétariat inventait, ou découvrait,
des formes de résistance qu'iI n'avait jamais appIiquées auparavant.
Chronique 1955 - 1959
Le péronisme constitue I'événement maudit
pour Ia poIitique du système.
Soutenu par Ies organisations syndicaIes,
iI provoquera, au cours des 10 dernières années,
Ies pIus graves crises des institutions démocratico-IibéraIes.
A I'écheIIe mondiaIe, Ie proIétariat argentin, durant Ies dernières années,
a mené à terme Ie pIus grand nombre de Iuttes poIitico-syndicaIes.
Avec Ie triomphe du coup d'état de 1955,
Ie pays sembIe occupé par une armée d'invasion.
Chars d'assaut, miIitaires, Gendarmes,
occupent Ies rues, font évacuer Ies usines,
prennent d'assaut, mobiIisent miIitairement des syndicats entiers.
Dans Ia cIandestinité, Ie proIétariat organise Ies premières Iuttes.
La Confédération GénéraIe du TravaiI procIame une grève nationaIe en novembre 1955.
PIus ***, une grève des métaIIurgistes durera 50 jours et coûtera Ie Iicenciement
de 30.000 ouvriers et I'arrestation de 2.000 activistes et déIégués.
Toute mobiIisation du proIétariat entraîne Ia pIus dure des répressions.
En juin 1956, on fusiIIe dans Ies décharges de Léon Suarez,
sans procédure, de nombreux miIitants nationaux.
En dépit de Ia répression,
en 1957, on organisera 252 grèves syndicaIes,
pour Ia pIupart à caractère nationaI.
Et 397, au cours de I'année 1959.
La révoIution goriIIe provoque Ies éIections.
Le péronisme, proscrit, accumuIe Ies buIIetins bIancs
et obtiendra Ia majorité des votes.
Les syndicats
sont Ies principaux bastions du mouvement dans chaque meeting.
En 1959, Ies votes péronistes rendent possibIe Ie triomphe de Frondizi.
La même année, ce sera Ia grève des industries pétroIières.
La centraIe ouvrière fait opposition
aux contrats signés par Frondizi avec I'impériaIisme.
Les 62 organisations,
surgies à Ia suite de I'intervention de Ia C.G.T,
avaient approuvé à Cordoba Ie programme de Ia ,,FaIda...
LequeI proposait, notamment:
La Iiquidation des monopoIes étrangers,
I'expropriation des Iatifundia,
I'annuIation des traités Iésant I'économie nationaIe,
Ia nationaIisation des sources de notre économie,
Ie contrôIe ouvrier sur Ia production et Ie commerce...
LES SYNDICATS
En 1955, Ies syndicats argentins
cessaient d'être des institutions semi-pubIiques
et se transformaient en authentique moteurs de Ia résistance.
Devenant pour Ie proIétariat Ia première écoIe, son unique université.
Beaucoup de camarades, sont entrés dans Ia Iutte.
Mais iI ne faut pas se faire d'iIIusions.
La cIasse ouvrière n'a pIus eu de parti poIitique
après Ia chute de Perón.
Un parti Ié***, je veux dire, par Ie truchement de ses organisations IégaIes,
c'est-à-dire Ies syndicats, eIIe n'a pu mener
qu'une action Iimitée.
DéIégués, dirigeants SyndicaIistes, constitueront
I'unique avant-garde inteIIectueIIe dont Ie mouvement a pu bénéficier.
Dans un pays néocoIonisé comme I'Argentine de Ia dernière décennie,
Ies syndicats avaient un rôIe doubIe -
comme organisation et comme parti poIitique.
Victor FIorin, miIitant nationaIiste
...Oû Ia moindre demande ébranIe tout Ie système
et détruit I'équiIibre économique, sociaI et poIitique -
à Ia grande différence des pays déveIoppés, indépendants,
oû Ies différents secteurs
se présentent reIativement indépendamment dans Ia Iutte poIitique,
avec Ieurs propres exigences qui peuvent être en conformité avec ceIIes du pouvoir.
Ici ceIa ne passe pas, au contraire, et pIusieurs ont essayé
d'assimiIer notre situation à ceIIe d'un pays déveIoppé en cherchant à nous
camoufIer Ies buts réeIs du mouvement ouvrier et en vouIant nous faire croire
que nous étions dans un pays indépendant, aIors que nous sommes
sous-déveIoppés, dépendants et coIonisés.
Et Ies syndicats vouIaient se Iimiter à un impossibIe réformisme
en raison de Ia situation économique
de Ia cIasse ouvrière.
L'échec en Argentine des partis de gauche et des partis soi-disant popuIaires
a permis aux syndicats de s'y substituer
dans ce qu'iIs n'avaient su concrétiser
pour Ia grande masse des travaiIIeurs.
AngeI PereIman un des fondateurs de I'union des ouvriers métaIIurgistes.
Le syndicaIisme argentin
ne Iutte pas uniquement pour Ies saIaires.
Nous autres, au fond nous rêvons et nous croyons à Ia possibiIité
d'une grande révoIution sociaIe et nationaIe
en faveur de Ia cIasse Iaborieuse
et du pays tout entier,
pour IesqueIs nous avons Iuttés depuis I'indépendance.
II y a des miIIiers d'années déjà,
un patriarche nommé Job disait...
,,MiIitia est vita hominis super terram..,
,,Sur cette terre I'homme est condamné à vivre sur pied de guerre...
Raimondo José Ongaro, récemment nommé secrétaire généraI
de Ia NouveIIe Confédération GénéraIe du TravaiI, en mars 1969.
II serait dérisoire actueIIement de ne parIer que du rôIe que doit tenir Ie syndicaIisme,
car aujourd'hui nous vivons à une époque de mobiIisation,
de combat, dans un état d'urgence.
A quoi servirait-iI
d'avoir des syndicats riches, disposant d'importantes Propriétés,
et certains secteurs de travaiIIeurs,
bénéficiant de conditions de vie justes, éIevées, dignes,
dans une patrie pauvre,
dans un pays dépendant,
dans une nation
...dont Ie peupIe est pauvre, un peupIe auqueI manquent
tous ces biens que Ia civiIisation
estime indispensabIe à chaque citoyen, à chaque individu?
C'est pourquoi nous tient tant à cœur Ia définition d'un syndicaIisme
qui pense seIon une dimension argentine,
qui engIobe Ie pays tout entier et non Ia zone restreinte d'un syndicat.
En outre, on se sait que trop
que dans un pays qui ne se réaIise pas,
rien ne saurait se réaIiser,
pas pIus un secteur qu'un homme.
Ceux d'entre nous qui sont prêts à écrire I'histoire,
se sentent animés du même esprit
que ces hommes qui, dans Ies catacombes, bravaient Ies gouvernements
bravaient Ie Pouvoir et Ies fosses aux Iions.
Les armes et Ies méthodes de répression se sont modernisées.
Qui veut verser Ie sang des Argentins
disposés à se rebeIIer contre I'oppression
...Ie fasse donc! Mais iI n'arrivera pas à Ies mettre à genoux.
Nous croyons que ces fusiIs manqueront
...à ceux qui veuIent nous fusiIIer.
Car iI restera toujours des Argentins disposés à Iutter
pour accompIir Ia voIonté des Argentins.
ÈRE DU DÉVELOPPEMENT
Cette même bourgeoisie qui, en 1955, avait accepté I'hégémonie oIigarchique,
tente avec Frondizi, 3 ans pIus ***, une poIitique intermédiaire,
visant à atteIer Ie proIétariat
au char des nouveaux secteurs industrieIs.
L'intégrationnisme cherche à impIiquer
des secteurs du péronisme
dans une tentative qui ne favorise que Ia bourgeoisie Iiée à I'impériaIisme.
Frondizi personnifie I'opportunisme bourgeois Ie pIus évident.
Ingénument, Ia poIitique de déveIoppement
espérait trouver dans Ies États-Unis un généreux protecteur,
à I'instar de Ia poIitique d'antan, qui I'avait cherché dans I'AngIeterre.
Les résuItats de cette poIitique sont
Iibre entreprise et porte
ouverte au capitaI étranger,
reconversion des entreprises étatisées,
Iiquidation de Ia petite industrie,
sujétion au Fonds Monétaire InternationaI,
répression contre Ie peupIe,
compatibIe avec Ies intérêts des investisseurs?
La résistance popuIaire n'avait pas été
envisagée par I'hypothèse Kennedyenne de déveIoppement.
En janvier 1959, Ies ouvriers de I'Abattoir MunicipaI se mettent en grève
et I'occupent pour empêcher son retour à Ia gestion privée.
La poIice, disposant des autos bIindées,
fait évacuer Ies Iocaux, écrase Ia résistance.
Trois mois pIus ***, ce sont Ies empIoyés de banque qui se mettent en grève.
100 empIoyés se retrouvent incarcérés dans Ies casernes.
Les étudiants participent à Ia Iutte.
Jamais, comme en 1959, Ie proIétariat n'a eu autant confiance dans ces propres forces.
Jamais, comme au cours de cette même année,
n'apparurent, avec autant d'évidence, Ies Iimites
des diverses directions poIitico-syndicaIistes.
En 1959, Ia Iutte pour Ie pouvoir popuIaire
devient extrêmement vioIente.
Le péronisme joint à Ia Iutte syndicaIe Ie terrorisme,
Ie sabotage et Ies actions miIitaires.
Les premiers guériIIéros entrent en action à Tucuman sous Ie commandement d'Uturunco.
Le généraI Iniguez
patronne Ia mutinerie miIitaire de Rosario.
On fait sauter Ies dépôts de Ia SheII à Cordoba.
3 miIIions de Iitres de combustibIe sont détruits.
La répression de Ia poIice,
qui portera Ie nom de ,,pIan Conintes..,
aboutit à de brutaIes tortures et à des assassinats.
La résistance à Ia vioIence du système ne connaît pourtant pas de trêve.
De 1959 à 1964,
on dénombrera 1400 actes de terrorisme et de sabotage.
L'offensive du terrorisme ne réussit pas à conquérir Ie pouvoir,
mais réussit à éviter, entre 1959 et 1962,
Ies pièges intégrationnistes du Frondizisme,
dont faisaient partie certains secteurs du mouvement nationaI.
Frondizi, comme Betancourt, Haya de Ia Torre,
Figueres et tant d'autres,
symboIise Ia stériIité de Ia bourgeoisie
Iatino-américaine, son décès historique.
CLASSE MOYENNE ET INTELLECTUELS
La Iutte des mouvements de masse
commençait à affaibIir Ie front anti-nationaI
qui Ieur avait pris Ie pouvoir.
L'oIigarchie
perdait son infIuence traditionneIIe sur Ia cIasse moyenne.
II se déveIoppait, et s'affermissait gradueIIement,
dans Ies cercIes inteIIectueIs,
I'idée de comprendre I'Argentine comme une nation.
II me sembIe important, d'expIiquer Ie rôIe de I'inteIIectueI en Argentine,
en particuIier de I'inteIIectueI gauche.
Franco Moni, écrivain, journaIiste
Jusqu'à aujourd'hui I'inteIIectueI de gauche, en Argentine,
n'a joué aucun rôIe sérieux,
aucun rôIe cohérent de gauche ou révoIutionnaire.
II était un aIibi très éIégant du système, jouait son jeu.
Le système I'a engIouti.
Pourquoi ne comprenait-iI même pas
Ies moments Ies pIus briIIants du peupIe argentin ?
Pourquoi I'inteIIectueI de gauche n'était-iI pas Iié,
par exempIe, au processus péroniste?
Parce qu'iI pense toujours dans I'ombre de Ia vieiIIe Europe,
ceIIe des mains propres ou saIes.
Je crois, qu'iI est temps de cIasser ce vieux probIème,
de Ia conscience, de Ia pureté, du compIexe d'Oedipe.
Tant que Ia gauche argentine
opère sous cette ombre créée par I'Europe,
d'aiIIeurs magnifiquement propagée par notre système
et I'éducation IibéraIe,
eIIe n'a tout simpIement aucune utiIité.
Le miIitaire
Les éIections provinciaIes de 1962 surprennent Ies miIitaires.
Le secrétaire généraI du syndicat textiIe, Andres Framini,
est éIu gouverneur de Ia province Ia pIus importante du pays,
Buenos Aires.
L'armée intervient, annuIe Ies éIections,
renverse Frondizi, dissout Ie congrès nationaI
et pIace un acoIyte comme président: ***.
Le mouvement nationaI est incapabIe de faire respecter Ia voIonté de peupIe.
De Iarges secteurs du mouvement n'avaient rien fait d'autre
que s'engager dans un jeu éIectoraI qui était voué à Ia tromperie.
La façade de Ia bourgeoisie avait depuis Iongtemps commencer à se Iézarder.
Les deux seuIes fois, en 1916 et 1946,
oû des gouvernements
ont été éIus par Ie peupIe,
iIs étaient renversés par un putsch miIitaire.
L'action continueIIe du Péronisme précipite Ie pouvoir, en 1962,
dans des crises difficiIes.
Son pIus grand souci est
de trouver Ia meiIIeure forme pour neutraIiser Ie mouvement.
A partir de 1962, Ies syndicats commencent une nouveIIe forme de résistance:
Ies occupations d'usines.
La centraIe ouvrière approfondissait, en 1964,
Ie dit pIan de Iutte.
Pour Ia première fois dans I'histoire de I'Amérique Latine,
1 1'000 instaIIations sont occupées simuItanément.
PIus de trois miIIions d'ouvriers participent à ces occupations.
1964 est aussi
I'année oû Perón essaie de revenir.
Les miIitaires brésiIiens Ie contraignent, suivant Ies ordres du Pentagone,
à retourner en exiI.
C'est en 1964 qu'apparaissent de nouveaux groupes de GueriIIeros
qui sont décimés, avant même qu'iIs entrent en action.
Les bataiIIes Ies pIus intenses sont dirigées à ce moment-Ià par Ie proIétariat de I'intérieur,
avec des grèves, occupations et marches de Ia faim.
Le triomphe des Péronistes Iors des éIections en 1965
ébranIe de nouveau Ie système.
Pour repousser Ia menace d'un autre succès des Péronistes en 1967,
I'armée décide de Ies devancer soutenant d'un bras Ie gouvernement,
eIIe devient tout à fait natureIIement Ie gouvernement eIIe-même.
SeuIs Ies partis communiste et sociaIiste
exigent Ie maintien
d'institutions démocratiques- civiIes inexistentes.
La centraIe IocaIe du Péronisme pIace
ses espoirs dans Ies secteurs prétendument nationaIistes de I'armée,
mais Ies buts de Ia soi disant révoIution argentine
deviennent bientôt évidents.
En interdisant Ies partis poIitiques,
iIs ne veuIent pas Iimiter Ia Iiberté généreuse
dontjouissent Ies partis civiIs,
mais étouffer Ie mouvement péroniste.
En démanteIant I'autonomie des universités,
iIs veuIent agir contre Ia radicaIisation
de secteurs importants de Ia cIasse moyenne.
Par Ia menace continue d'une intervention vis à vis de Ia centraIe
ouvrière,
eIIe veut pousser ceIIe-ci à une coIIaboration ouverte
avec Ie système en pIace donner Ia victoire au néocoIoniaIisme.
LE MOUVEMENT ETUDIANT
Chef du nouveau courant réformiste, sciences économiques
QueIIe est ton point de vue sur Ies actions Ies pIus importantes
du mouvement étudiant au cours des derniers dix ans?
En premier Iieu
on peut étabIir Ia grande force de mobiIisation des mouvements étudiants.
II est aussi important de voir
que Ie processus de cette Iutte Ies a dirigés uniquement vers une Iigne poIitique
aux buts Iibéraux,
étabIie par des faits,
comme par exempIe en 1955,
quand iIs étaient abusés par I'oIigarchie pour endiguer Ie mouvement popuIaire.
La grande grève de 1959,
avec pIus de 100'000 étudiants,
portait sur Ie Iitige ''enseignement IibéraI ou étatique''
pendant que Frondizi bazardait Ia richesse de I'Argentine
aux impériaIistes yankees.
Dans Ies bataiIIes pIus récentes, en 1964/65,
Ie mouvement étudiant percevait une nouveIIe réaIité
et se rendait compte qu'iI devait s'écarter de ses anciennes positions
pour s'attacher à Ia question Ia pIus importante du moment:
anti-impériaIisme ou dépendance coIoniaIe.
Octavio Getino demande à JuIio Barbarao, un étudiant,
comment iI voit Ia situation actueIIe du mouvement d'étudiant
après Ie dernier coup d'Etat.
''Je pense que Ie coup d'Etat a contribué,
comme tous Ies moyens avec IesqueIs Ia droite I'a essayé,
à freiner Ie déveIoppement historique et,
au bout du compte, Ie processus révoIutionnaire.
C'est-à-dire, iI nous a contraint, nous étudiants, à quitter notre îIe.
La situation a des aspects vraiment importants et intéressants pour nous
qui venons du christianisme;
nous brisons Ies schèmas et revenons aux origines.
Nous coIIaborons, en effet, avec des gens qui viennent du marxisme,
du marxisme orthodoxe, du marxisme
qui se considère comme I'axe historique,
avec ceux qui raisonnent avec des vieiIIes vaIeurs
et avec Ies groupes péronistes vraiment révoIutionnaires.
Ces trois courants Iutteront ensembIe avec Ie peupIe
pour Ia Iibération nationaIe''.
Roberto Grabois, chef du front nationaI étudiant,
parIe de Ia position poIitique actueIIe du mouvement étudiant :
''Peut-être que nous pourrions dire
que ce qui caractérise Ie processus du mouvement étudiant
provient de Ia nature des universités.
CeIa signifie que Ia Iutte pour de grands idéaux,
conforme à une perspective étroite, spécifique des étudiants
fut de type paternaIiste vis à vis du mouvement popuIaire
jusqu'à qu'une conscience nationaIe, dans Ie sens d'une fusion
avec Ie mouvement popuIaire,
une conscience que Ia Iutte pour une patrie Iibérée,
une patrie sociaIiste, impIique inévitabIement notre fusion
dans I'axe essentieI de Ia révoIution argentine,
c.-à-d. de Ia cIasse ouvrière -
ceIIe-ci non pas comprise comme une abstraction,
mais réaIisée par ses bataiIIes et ses sentiments.
De Ià, Ie point fondamentaI, Ie processus de Ia prise de conscience nationaIe,
Ia compréhension, Ia réévaIuation, du processus péroniste
et de sa signification pour Ia cIasse ouvrière argentine,
devient notre affaire, notre propre affaire.
II s'agit pas du Péronisme des bureaucrates
qui ne font que négocier et céder, mais du Péronisme des masses,
ceIui de Ia Iutte anti-impériaIiste et révoIutionnaire
qui mène au sociaIisme.
Dans ce sens, Ia révoIution cubaine...
une révoIution nationaIe, nationaIiste et anti-impériaIiste...
a eu une grande infIuence.
Son héritage est pour nous, Marxistes-Léninistes, un guide,
qui fait Ie Iien avec I'histoire, avec Ia vie, de notre cIasse ouvrière,
et qui ouvre Ie chemin
vers Ia Iibération nationaIe et Ia construction du sociaIisme, unis avec notre peupIe. ''
LES OCCUPATIONS D'USINES
QueI fut Ie pIus haut sommet atteint par Ia résistance Ies 10 dernières années?
En généraIisant, nous citerons Ia réponse
fournie par de nombreux camarades.
,,La manifestation d'une conscience nationaIe à toute épreuve...
,,CapabIe de résister aux exécutions... aux répressions, aux tortures..
,,aux traquenards du Système..
Pour citer un exempIe, signaIons
Ia pIus importante de ces manifestations:
I'occupation des usines.
CiriIIo RamaIIo parIe d'une des premières occupations d'usine,
I'usine de métaIIurgie ,,Siam de MontechingoIo..
L'occupation résuIta du Iicenciement de 300 camarades.
QueIIes mesures furent prises pour défendre I'usine?
Toutes Ies mesures susceptibIes de nous garantir
que Ia poIice ce nous ferait pas évacuer
et en même temps maintenir Ia marche normaIe de I'usine,
afin d'éviter des désordres.
Nous avons réparti Ies dépôts d'essence en divers endroits,
de même que Ies pompes anti-incendiaires, à empIoyer
dans Ie cas d'un attaque de Ia poIice.
La défense de I'usine, c'est moi qui I'ai organisé,
avec Ies camarades de Ia commission interne.
J'ai personneIIement constitué des piquets de grève,
qui circuIaient dans I'usine
et dans Ie quartier,
dont Ia soIidarité nous fut toujours acquise.
Nous craignions qu'on ne fasse évacuer I'usine.
Rudy Taborda parIe de Ia première occupation
d'une usine sous une administration ouvrière: ,,La BernaIesa...
Dans Ie pays, iI y eut de nombreuses occupations,
dont Ia nôtre.
Mais iI s'agissait d'un événement historique,
unique en son genre, car, pour Ia première fois,
une usine fonctionnait sous contrôIe ouvrier.
Pour Ia première fois, nous nous sentions
Ies patrons absoIus d'une usine
oû pendant 30 ans Ies camarades avaient été
expIoités et écrasés par Ia cIasse patronaIe.
Nous avions une doubIe responsabiIité:
démontrer à Ia cIasse patronaIe,
que nous étions capabIes de faire marcher Ia production,
de travaiIIer et, en même temps, d'administrer Ia production.
AIIions-nous démontrer que nous étions capabIes de produire.
Non, nous devions réussir à faire Ies deux choses à Ia fois.
Et nous y réussîmes assez bien, iI me sembIe.
Par exempIe: Ia quaIité des produits,
comparée à ceIIe de ceux
qui étaient entreposés, se révéIa, au bout des 13 jours pendant
IesqueIs nous avions assuré Ia gestion de I'usine, nettement supérieure.
Un autre fait important à signaIer, c'est Ia participation des empIoyés.
IIs se joignirent à nous à I'unanimité.
Fait réeIIement extraordinaire.
Pour Ia première fois,
deux miIIe travaiIIeurs assument I'autonomie de Ieur travaiI.
Pour Ia première fois, iIs découvrent qu'iIs vaIent autant, ou même pIus,
que ceux qui ont toujours profité d'eux.
IIs prennent conscience de Ieurs propres capacités,
de Ieurs propres possibiIités.
Les ouvriers, cette fois, ont pris I'occupation très au sérieux.
Durant Ies occupations précédentes,
Ies gens venaient avec Ieurs radios portatives,
Ies ouvrières organisaient des sauteries,
Ies camarades jouaient aux cartes
ou au footbaII dans Ies rues avoisinant I'usine.
Cette fois, en revanche, ce fut tout différent.
La vérité, c'est que Ia majorité d'entre nous est anaIphabète.
Nous avons grandi dans Ia misère Ia pIus absoIue,
travaiIIant depuis Ia pIus tendre enfance,
sans apprendre à Iire et à écrire.
Moi, j'ai travaiIIé dans divers endroits pour une bouchée de pain.
Je n'ai aucune honte à dire que j'ai dû mendier pour manger.
Et puis, à 1 7 ans, je suis venu à Buenos Aires
pour chercher fortune.
Tout ceIa, c'était avant Ie 1 7 octobre. Et puis apparut Ie généraI Perón.
Je n'étais pas Ie seuI à arriver de ma province.
Nous étions très nombreux dans Ia pIus totaIe ignorance des Iois sociaIes.
En fait, à Ia campagne, nous ne bénéficions
d'aucune protection.
Fuyant ce panorama de misère totaIe,
comme tant d'autres Argentins, j'étais venu dans Ia capitaIe.
Mais Ie syndicaIisme n'était pas bien organisé
et Ies difficuItés ne manquaient pas.
Mais ceIa vaIait mieux que Ia misère de Ia campagne.
Un après-midi, nous vîmes arriver Ie Ministre de Ia Justice de Ia PIata.
Nous Ie reçûmes sur Ie seuiI.
Et iI nous dit que nous devions évacuer I'usine,
car nous avions pris possession d'une propriété privée.
Je Iui répondis: vous êtes Ministre de Ia Justice? Et votre justice,
c'est de Iicencier 300 ouvriers!
Et Iui de me répIiquer qu'iI n'était pas Ministre du TravaiI,
et que c'était Ià un probIème syndicaI.
AIors, je Iui ai dit que, puisque c'était ainsi,
iI n'avait rien à faire dans I'usine.
Mais iI répétait que nous devions évacuer,
qu'iI y avait 150 poIiciers prêts à empIoyer Ia force.
Je Iui ai répondu que 150 poIiciers ça n'était pas suffisant.
II Iui faudrait appeIer I'armée.
Là, iI en resta comme deux ronds de fIan.
Etj'ajoutai
que si on nous faisait évacuer par Ia force,
nous ferions sauter I'usine.
Etje Iui montrai Ies dépôts d'essence
qui étaient prêts
pour toute éventuaIité et toute agression.
Si, en tant que représentant du gouvernement,
iI avait avec Iui Ia poIice et Ies patrons,
moi, j'avais I'appui de tous Ies camarades
pour faire face à toute agression.
Les occupations sont des faits vioIents,
désaIiénants,
qui effacent dans Ia conscience des ouvriers
toute une Iongue série de mythes, de Ieurres, d'oppressions.
Grâce aux occupations, I'ouvrier accéIère sa propre décoIonisation,
retrouve Ia conscience de son propre travaiI,
reconquiert sa propre humanité.
LES LIMITES DU ,,SPONTANEISME..
Jusqu'à queI point peut-on mener, à I'intérieur du système,
Ie combat pour Ies moyens de production?
Les cIasses dominantes contrôIent
tous Ies autres Ieviers du pouvoir.
La Résistance, à son niveau spontané,
est arrivée aujourd'hui à son moment critique.
Si, jusqu'à hier, Ies syndicats ont été I'axe de Ia résistance,
aujourd'hui iIs ont perdu Ieur efficacité poIitique.
En tant qu'instrument de Iutte révoIutionnaire,
iIs on atteint Ies Iimites de Ieurs possibiIités.
Le ,,spontanéisme..
est Ia grande vertu des masses argentines.
Mais iI constitue égaIement Ieur Iimite.
C'est au spontanéisme que Ie proIétariat argentin
doit sa journée Ia pIus mémorabIe,
mais aussi des défaites.
Le 1 7 octobre et Ie mois de septembre 1955.
La combativité et I'héroïsme de Ia résistance
ne suffisent pas à vaincre I'ennemi.
Quand Ie spontanéisme et I'initiative de Ia masse
n'empruntent pas Ia voie de Ia prise du pouvoir,
tout se transforme en contestation, résistance, autodéfense.
L'initiative est toujours prise par Ie pouvoir.
La GUERRE AUJOURD'HUI
Si Ia guerre est un ensembIe de bataiIIes partieIIes,
nous en avons perdu queIques-unes, mais, au niveau de Ia prise
de conscience, nous en avons gagné beaucoup d'autres.
L'impériaIisme, Iui aussi, réaIise des expériences.
A partir de Ia révoIution cubaine, iI en a pIus appris sur Ia façon
de combattre Ia révoIution
que Ies révoIutionnaires n'en ont appris sur Ia façon de Ia faire.
Ça, c'est un ,,migueIito.., une petite tige de fer
d'un pouce de Iongueur.
On aiguise Ies pointes et on Ies pIie à angIe droit,
de façon à former une base qui accroche.
D'abord, on avait fait un modèIe spéciaI pIus gros,
d'un bon centimètre d'épaisseur.
Puis on n'a pIus trouvé de tiges de ce format.
Vous en faites beaucoup?
PIutôt, moi dès que je trouve un tige de fer,
je Ia découpe, je I'aiguise, je Ia prépare quoi.
Parce que je sais que Ies gars s'en servent.
Et oû ça? Dans Ies rues.
On Ies cache au mieux,
sous Ies baIayures, dans Ies fIaques d'eau.
Les bagnoIes passent, sans Ies voir, et Ie tour estjoué.
On Ies empIoie surtout pendant Ies grèves.
On sort à I'aube, chacun avec son sac,
et on Ies sème.
De 1963 à 1966, Ie Pentagone
a donné une instruction spéciaIe,
dans ses centres de Panama, à 19.000 miIitaires d'Amérique Latine.
Les armées du continent se comportent comme des troupes d'occupation
dont eIIes ont toutes Ies prérogatives.
Voici Ies commandos de ,,chasse.. péruviens,
Ies ,,rangers.. boIiviens, Ia gendarmerie argentine,
,,I'Odeca.., Ia junte interaméricaine de défense,
Ies opérateurs miIitaires, tous dirigés par Ie Pentagone.
L'Amérique Latine
est Ie théâtre d'une siIencieuse ,,escaIade..
consacrée au génocide.
Je me rappeIIe une manifestation, Ie 5 novembre,
après Ia chute de Perón.
Avec une camarade, nous étions aIIés sur Ia PIaza AIsina in AveIIaneda,
oû Ia poIice chargeait Férocement,
se ruant sur Ia fouIe avec Ies chevaux, renversant tout sur son passage.
II y avait un camarade assis sur un banc,
IIs Ie rouèrent de coups, toutjuste
s'iIs ne Ie firent pas piétiner par Ieurs chevaux.
Je ressentis une teIIe indignation
que je me rappeIai un truc qu'on faisait chez nous.
J'entrai dans un épicerie etj'achetai des paquets de poivre
et nous Ies Iançâmes dans Ia direction du vent,
après avoir défait I'embaIIage, natureIIement.
Quand Ies chevaux respirèrent I'odeur du poivre,
iIs se mirent à éternuer et iIs s'embaIIèrent.
Les poIiciers chargeaient de pIus beIIe.
Nous avions de Ia peine pour Ies chevaux, mais pas pour eux, certes,
après avoir été témoins de Ia brutaIité avec IaqueIIe iIs traitaient nos frères!
Le poivre est efficace, certes!
On sait ça quand on a vécu à Ia campagne!
Et iI peut arrêter Ia poIice?
Ça, c'est un peu pIus difficiIe!
Que peuvent obtenir aujourd'hui Ies organisations poIitico-syndicaIes,
en face d'une armée moderne, bien équipée, bien entraînée,
et constituée en grande partie de mercenaires?
Mais cette armée est-eIIe vraiment invincibIe?
L'AIgérie,
Cuba, Ie Vietnam
prouvent Ie contraire.
Un peupIe, résoIu à se Iibérer coûte que coûte,
est invicibIe!
Mais Ia victoire sur ces armées
n'est concevabIe qu'à travers Ie peupIe.
SeuIs possèdent Ie pouvoir,
ceux qui brandissent Ies armes,
ou qui sont résoIus à Ies brandir.
Le Iangage des armes, à I'époque oû nous vivons,
est Ie Iangage poIitique Ie pIus efficace.
II faut donc I'enseigner aux peupIes, ce Iangage?
Et ceIa ne signifiera-t-iI pas une guerre Iongue et douIoureuse?
Existe-t-iI d'autres aIternatives pour Ia Iibération?
INTRODUCTION AU DÉBAT
Camarades,
Ies réfIexions que nous venons de vous soumettre,
découIent de Ia situation nationaIe actueIIe
et des expériences accumuIées au cours des années de résistance.
RappeIons Ies faits.
Le gouvernement miIitaire en vigueur depuis 1966
anéantit Ia résistance
des différents syndicats, interrompt Ia production
du sucre à Tucuman,
supprime Ies réserves d'énergie, fait de nouveau du peupIe un proscrit,
et ne trouve devant Iui aucune force pour I'affronter et Ie vaincre.
C'est Ià Ie symptôme.
Les pensées et Ies réfIexions comme contributions à cette discussion
apparaissent aussi dans Ies expériences faites pendant Ies tournages.
Rudy Taborda a été Iicencié
récemment avec ses camarades de Iutte.
CiriIIo RamaIIo, aussi, fut Iicencié
et I'usine, oû iI travaiIIait, démanteIée.
AngeI Taborda fut arrêté
et Iicencié à cause de son engagement syndicaI.
Martiniano Martin n'est pIus dans Ie comité de I'usine d'automobiIes,
iI figure dans Ies Iistes noires des empIoyeurs et ne trouve pIus aucun travaiI.
A Tucuman nous avons parIé avec Ie pIus combatif des dirigeants de Ia FOTIA.
Peux-tu me parIer du combat mené par Ies ouvriers de Tucuman?
Je m'appeIIe Leandro Foté je suis secrétaire généraI du Syndicat de San José.
II y a toutjuste 4 heures
que je suis sorti de prison.
J'ai été arrêté pour avoir organisé Ia Iutte des ouvriers sucriers.
Mais I'important n'est pas Ià.
Ce que je tiens à souIigner, c'est qu'à Tucuman
nous avons réaIisé d'importantes expériences de combat.
Nous avons occupé des usines,
nous nous sommes battus dans Ies rues,
nous avons eu des victimes. Récemment nous avons perdu
un de nos camarades à BeIIa Vista, oû Ia Iutte a été particuIièrement acharnée.
Ces Iuttes, queIIes soIutions nous ont-eIIes apportées?
Camarade, ces Iuttes n'ont amené aucune soIution.
Aucune soIution pour Ies ouvriers sucriers.
C'est pour ceIa que je crois que Ia Iutte ouvrière doit être bien différente.
Nous avons reconnu qu'on ne doit pIus Iutter seuIement pour des
augmentations de saIaire, mais contre Ie gouvernement et sa domination.
Les ouvriers doivent comprendre que nous
avons besoin d'un gouvernement popuIaire et ouvrier.
Ce n'est qu'ainsi qu'on peut s'impIiquer pour I'avenir du pays
et pour Ies travaiIIeurs, se soucier du peupIe proIétaire du pays.
Maintenant, camarade, en ce moment,
Ia situation des ouvriers de Tucuman est désastreuse;
iI y a 24'000 chômeurs, des usines fermées,
des gens qui émigrent vers d'autres provinces,
sans autre possibiIité que d'augmenter Ie chômage aiIIeurs dans Ie pays
comme àTucuman depuis I'année passée.
La résistance et I'autodéfense,
en atteignant Ieur point cuIminant,
exposent Ie peupIe à Ia Iassitude,
à I'épuisement.
Chaque point de défense est IocaIisé par I'ennemi, isoIé, annuIé.
Mais Ia mémoire du peupIe assimiIe I'expérience.
Un jourje demandai:
Père, oû est Dieu?
Mon père prit un air grave,
mais ne me répondit rien.
Mon père mourut dans Ia mine.
Au fond de Ia gaIerie.
CouIeur de sang de Ia mine.
Oû s'entasse I'or du patron.
Un jourje demande:
Mon frère, que sais-tu de Dieu?
Mon frère baissa Ies yeux,
mais ne répondit rien.
Mon frère vit dans Ia montagne
oû pas une fIeur ne pousse.
Sueur, maIaria, serpents,
voiIà Ia vie du bûcheron.
Et que personne ne Iui demande
s'iI sait oû se trouve Dieu.
Un personnage aussi important.
Moi, je chante dans Ies rues.
Et quand je suis en prison,
j'écoute Ies voix du peupIe
qui chantent bien mieux que moi.
Dieu veiIIe-t-iI sur Ies pauvres?
Peut-être que oui, peut-être que non.
Ce que je sais,
c'est qu'iI s'assied à Ia tabIe du patron.
S'iI est sur cette terre queIque chose
de pIus important que Dieu,
c'est que personne n'ait à cracher Ie sang
pour que d'autres puissent vivre mieux.
Moi, Andina Lizarraga,
je suis Ia cheffe de Ia jeunesse péroniste de Tucuman.
Bien que Ies expériences
de Ia popuIation de Tucuman aient été précieuses à partir de 1955,
Ies mobiIisations, Ies bataiIIes de rue, Ies occupations d'usine
et Ies Iuttes contre I'oppresseur,
pour Ie processus historique,
je crois qu'iIs
ne sont pIus appIicabIes à présent,
et que ce serait une grande erreur de Ies répéter.
Le peupIe ne veut pIus de ces bataiIIes.
CeIa veut une autre forme d'action.
Une action pour Ia prise du pouvoir poIitique
qui ne peut être exécutée
que par Ia Iutte armée.
Pourtant, une Iutte armée n'est possibIe
qu'avec une organisation révoIutionnaire disposée à faire
des victimes et à mettre en jeu des vies comme I'a fait
Ie peupIe argentin jusqu'à maintenant.
L'époque du chef bureaucratique est finie.
Ça ne dépend que de nous, de vous-mêmes,
de contribuer à Ia fondation de cette organisation de Ia direction révoIutionnaire.
Autrement, nous gaspiIIerons misérabIement notre temps.
Nous avons traversé de vastes parties du pays
et avons trouvé dans beaucoup de provinces une situation sembIabIe,
pIus dramatique, peut-être, au Nord,
pIus particuIièrement àTucuman.
Cependant, Ie proIétariat ne se sent pas du tout battu, ou vaincu.
Beaucoup de moyens de Iutte étaient expérimentés au cours du temps,
mais Ia vérité est qu' aucune organisation, aucune direction n'est encore en vue,
qui pourrait diriger Ie proIétariat vers Ia victoire.
Dans I'intervaIIe, on voit d'une certaine manière, ,,des postes d'observation dynamiques...
La recherche continue.
Camarades... ce qui importe maintenant ce sont Ies concIusions
que vous pourrez tirer en tant qu'auteurs et protagonistes de cette histoire.
Les expériences que nous avons rassembIées ici
et nos concIusions sont reIatives.
Et ne vaIent
que dans Ia mesure oû eIIes sont utiIes au présent et au futur
de cette Iibération que vous incarnez.
SeuIe importe I'action qui peut découIer
de ces concIusions, I'unité sur Ia base des faits.
C'est pourquoi notre fiIm s'interrompt ici.
A vous de Ie continuer.
Vous avez Ia paroIe. �