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Nous n'avons pas abordé le "débat sur la vaccination" chez SciShow parce qu'il n'y a pas
de débat.
Les vaccins ne provoquent pas l'autisme et ils sauvent des millions de vies chaque année.
Mais pourtant ce débat existe, quand bien même il n'aurait aucun sens
Et de nombreuses personnes ripostent en le ridiculisant, mais nous chez SciShow, on ne juge pas,
nous, on s'intéresse à la science et on s'en sert pour mieux comprendre le monde.
Nous considérons le mouvement anti-vaccin comme étant un phénomène qu'il s'agit de comprendre. Donc au lieu
de se contenter comme tant d'autres de déclarer que, oui, les vaccins sont bénéfiques et que, non, ils ne causent pas
l'autisme, utilisons la science pour comprendre pourquoi de moins en moins de gens font vacciner
leurs enfants.
Je m'appelle Hank Green and ceci est le SciShow.
D'abord examinons comment à la base nous en sommes arrivés à ce lien imaginaire entre vaccination
et autisme.
Les cas d'autismes sont CLAIREMENT en augmentation. Or de nombreux scientifiques croient que ceci est largement
voire complètement dû à un diagnostique plus efficace, ainsi qu'à des changements
dans la façon de signaler le diagnostique.
Ainsi, bien que le nombre de cas diagnostiqués d'autisme soit en augmentation, on ne peut pas affirmer avec certitude
que les cas d'autisme sont en augmentation. Si c'est le cas, ce doit être à cause de certains facteurs environnementaux.
Bon, quand on parle d'autisme, on évoque en fait tout une gamme de troubles du développement,
qui peuvent affecter les capacités d'une personne à communiquer ou voir des gens ou qui peuvent provoquer le développement de types
de comportements qui deviennent assez spécifiques et inflexibles.
La maladie peut se manifester de multiples façons mais vous en avez sans doute entendu parler
réunies sous la seule bannière des Troubles du Spectre Autistique, ou TSA.
Alors qu'on s'est aperçu que les TSA comportaient de forts éléments génétiques, il semble également
qu'ils dépendent aussi de facteurs environnementaux.
Et c'est bien là la racine de la controverse: nous ignorons tout simplement la cause précise
de l'autisme.
Et, en l'absence d'explications, les gens tentent tout seuls d'y voir plus clair. Et la
façon dont notre cerveau effectue cela se fait quasi entièrement sur la base d'un biais cognitif.
Un biais cognitif, ou distorsion cognitive, est en fait à peu près n'importe quoi qui fausse notre traitement et notre interprétation d'une information nouvelle.
Il existe des tas de différentes sortes de biais : certains parti-pris nous font ignorer certaines
données, d'autres nous amènent à trop souligner certaines données. Ils peuvent même nous conduire à
nous concentrer sur des faits qui en réalité n'ont aucune incidence sur ce que nous sommes en train d'observer.
Mais fondamentalement, quand nous entendons une hypothèse et pensons "ouais, c'est logique"
en fait ce que nous devrions dire est "ouais, ça rentre bien dans ma logique."
Et c'est comme ça que les gens accusent toutes sortes de choses d'être responsables de l'autisme... les plastiques, les pesticides, la prise
d'anti-dépresseurs pendant la grossesse, les OGM, le sucre, les bactéries intestinales, et les vaccins. En gros on
part de ce qui semble le plus logique à la personne qui émet l'hypothèse, et ce, quoi que ce soit.
Le début de l'autisme se produit généralement d'une des deux façons suivantes. Soit les parents remarquent un retard
dans l'acquisition du langage, typiquement vers le 1er anniversaire. Ou bien ils remarquent une perte
apparemment soudaine d'acquis existants, perte pouvant se produire jusqu'au 3e
anniversaire.
Or, les humains sont des machines à reconnaitre les modèles. Nous avons besoin de nous faire une idée précise des comportements
et des stratégies qui produiront des résultats positifs.
Mais ce que nous cherchons vraiment, ce sont les choses qui produiront des résultats négatifs.
Cette sur-pondération des résultats négatifs est un effet psychologique bien connu et que l'on appelle
"parti-pris de la négativité"
Bref imaginez que vous vous réveillez un matin et votre voiture ne marche pas. Votre cerveau va
vouloir savoir ce qui s'est passé. Avez-vous laissé les phares allumés? Avez vous roulé dans une énorme
flaque hier qui a peut être provoqué un court-circuit? Il doit BIEN y avoir une raison
à la panne!
D'un autre côté, si vous montez dans une voiture qui a 15 ans et qu'elle démarre au quart de tour après
une mauvaise semaine pendant laquelle elle arrivait à peine à rouler, vous aurez tendance à ne pas vous demander "Qu'est-ce qui s'est passé pour que ça marche?"
Nous utilisons bien plus de ressources cognitives à nous demander pourquoi une chose mauvaise s'est produite
plutôt qu'à essayer de déterminer pourquoi une bonne chose est arrivée.
En psychologie, la quête de ces explications s'appelle "l'attribution explicative" et
différentes personnes ont différents "styles explicatifs".
Certains auront plus tendance à s'accuser eux-mêmes, tandis que d'autres chercheront à blâmer une cause externe.
Mais une chose est claire: nous sommes incapables de ne rien trouver à accuser.
Il n'est pas surprenant que les parents d'enfants autistes, et tout particulièrement les parents qui remarquent
une perte soudaine d'acquis précédents, se mettent à chercher une cause probable.
Et quand l'événement significatif le plus récent dans la santé de l'enfant a été un vaccin,
chose qui se produit à de nombreuses reprises dans la vie d'un jeune américain, il n'est pas impossible que nous identifions alors
ce vaccin en tant que cause potentielle et que nous estimions que ce lien mérite un examen plus approfondi.
Bon, tout cela est parfaitement logique. Le problème est que plus d'une douzaine d'article scientifiques spécialisés sérieux
n'ont trouvé aucune corrélation entre l'autisme et le vaccin Rougeole/Oreillons/Rubéole, ni avec aucun autre vaccin.
d'ailleurs.
Et pourtant, si vous faites une recherche Google sur l'autisme et les vaccins, vous trouverez un grand nombre de résultats qui prétendront
qu'il y a un lien entre les deux, et que ce lien est caché soit pas le gouvernement
soit par les grandes entreprises.
Un parent, qui est déjà en proie à de la frustration devant l'incapacité de la communauté médicale à
leur dire pourquoi cette chose est arrivée à leur enfant, trouvera, sur internet, une
communauté vibrante de gens tout aussi frustrés qui partagent leurs valeurs et leurs expériences.
ces communautés regorgent d'anecdotes qui établissent un lien entre les vaccins et l'autisme.
Et donc, c'est sans surprise que certaines personnes sont alors convaincues qu'elles sont trouvé la cause
du handicap de leur enfant.
Une fois qu'ils en sont arrivés à cette conclusion, les parti-pris de confirmation entrent dans la danse. Le parti-pris de confirmation est tout simplement
notre tendance à prendre pour argent comptant les informations, anecdotes et
visions du monde qui confirment nos propres croyances.
répétons-le: c'est une chose parfaitement normale et que tout le monde fait. En effet, il a été montré qu'essayer de
convaincre quelqu'un qu'une de ses opinions est infondée ne va faire que renforcer
leur affinité avec cette idée.
Et c'est ainsi qu'une communauté est née et que l’innocuité des vaccins est remise en cause. Et une fois que
la vaccination passera du niveau où c'est le médecin qui vous dit que c'est le moment
-- avec 99% des parents qui sont d'accord avec lui car il est allé en fac de médecine --
au niveau où il s'agit d'une question à se poser, les taux de vaccination vont aller diminuant.
une étude publiée en 2011 a montré que les parents qui réfléchissent aux vaccins avant la naissance de leurs enfants
sont 8 fois moins susceptibles de faire vacciner leurs enfants. En fait, lorsqu'ils ont l'occasion de
faire leurs propres recherches sur le sujet, ce qu'ils trouvent est déroutant. Et quand ils sont déroutés,
leur choix par défaut est tout simplement de ne rien faire.
C'est un exemple d'un autre parti-pris qui s'appelle "parti-pris de l'oubli".
Dans les faits, nous considérons les actions nocives comme étant moins acceptables que l'inaction nocive, ou l'omission.
En fait, une étude fréquemment citée a montré que quand le choix de vacciner est vu comme
une action, le parent moyen vaccinera son enfant que si ne pas le vacciner est au moins
DEUX FOIS plus dangereux que le vacciner.
Ceci est lié à la perception que nous avons des regret futurs. les parents disent qu'ils se sentiraient
plus mal s'ils agissaient et que cela faisait du mal à leur enfant plutôt que s'ils n'agissaient pas et
qu'il arrivaient quelque chose à l'enfant à cause de cette inaction.
Cette perception du regret potentiel peut être si puissante que ne serait-ce que soulever la question du choix
entre l'action et l'inaction semble être contre-productif.
une étude de 2013 a montré qu'en fait les tentatives pour convaincre les parents de vacciner leurs enfants
diminuaient le pourcentage de parents qui choisissent la vaccination.
Si la vaccination est présentée comme une choix personnel plutôt qu'une nécessité pour assurer
la santé publique, alors l'inaction potentiellement nocive peut sembler plus morale que l'action,
et les taux de vaccinations baissent. les parents choisissent de "laisser faire la nature"
et, comme on peut s'y attendre, cet effet est bien plus important chez les gens qui ont un parti-pris mesurable en faveur de la naturalité
Il s'agit juste de la tendance à percevoir les choses qui sont naturelles comme étant intrinsèquement
moins menaçantes que les choses que nous inventons nous-mêmes.
Une façon pour les psychologues de mesurer ce biais est de demander au sujet qu'il préfère une substance
extraite d'une plante ou synthétisée en laboratoire même si elles sont identiques chimiquement parlant.
Et, bien sûr, d'autre ont des parti-pris contre un gouvernement central fort ou contre les grandes entreprises, et
ces idées sur la vaccinations s'accordent bien avec ces visions du monde. Grâce à l’œuvre du parti-pris de confirmation.
Mais même les gens qui n'ont pas ces préjugés finissent par être moins susceptibles de vacciner leur enfant
s'ils démarrent leur recherches avant la naissance de leur enfant.
Ceci est dû à une autre des failles du cerveau humain. Nous sommes très mauvais en ce que les psychologies
appellent "perception du risque".
Partant de la plus infime trace de chance que les vaccins puissent provoquer des troubles du développement,
les parents en arrivent à comparer une maladie qu'ils ont vue, l'autisme, avec des maladies qu'ils n'ont jamais
vues.
Depuis les années 70, la rougeole a globalement disparu. La rougeole ne fait plus peut aux gens
de mon âge pour la même raison qu'un écureuil anthropophage géant ne nous effraie pas... nous n'en avons jamais
vu.
La perception du risque est une science à elle seule et nous avons montré que de vagues
dangers à venir, comme la probabilité future d'une maladie, sont bien moins effrayants que
les dangers spécifiques et immédiats comme l’apparition soudaine de l'autisme.
Donc, aussi incroyable que ce soit, le succès des vaccins est une des raisons pour lesquelles les gens ont moins tendance
à vacciner leurs enfants.
donc, oui, il semble bien que les humains soient compliqués et ceci est une problème compliqué. les humains
sont intrinsèquement mauvais quand il s'agit de comprendre les effets de la sélection des échantillons -- comme les forums anti-vaccin
sur internet -- et souvent complètement incapables d'accepter qu'un résultat négatif pourrait réellement être
la conséquence d'une chose qui leur échappe -- et qui n'est pas encore bien comprise.
Ce n'est pas un problème dont sont seuls affligés les militants anti-vaccins, c'est un problème humain
Ceux parmi nous qui font confiance à la science, ou qui ont une certaine compréhension des statistiques et des biais ont tout simplement
eu des vies différentes de ceux qui s'appuient plus fortement sur les anecdotes ou les opinions
de leurs amis, ou d'inconnus qu'ils rencontrent sur internet et qui pensent comme eux.
Alors la prochaine fois que vous vous sentirez frustrés à cause du déclin des vaccinations en Amérique,
rappelez-vous que c'est uniquement à cause de l'incroyable succès des vaccins que nous pouvons seulement penser
avoir ce débat et que ces militants anti-vaccins fonctionnent avec
les mêmes pièges logiques et les mêmes biais cognitifs dont chacun d'entre nous souffre. C'est seulement en comprenant
et en acceptant ces pièges psychologiques auxquels nous sommes tous si sensibles que nous
serons capables de résoudre ce problème. Et c'est ça la science.
Merci d'avoir regardé cet épisode du SciShow où nous avons vraiment essayé d'être objectifs. Et
nous croyons objectivement que l'univers est incroyable et fantastique. et si vous voulez
nous rejoindre pour essayer de le comprendre ainsi que tout ce qu'il y a dedans, y compris nos cerveaux, vous pouvez
aller sur youtube.com/scishow et vous abonner à la chaîne.