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Tu montes l'escalier, et là, tu te retournes...
- Mais... - Fais comme je te dis.
On peut descendre la caméra ?
Jacob !
On pourrait avoir le silence ?
Arrêtez cette scie !
Qu'on garde le silence.
Bonjour, Martin.
Mais... monsieur le professeur ?
C'est bien moi.
M. Paul, vous n'étiez pas à la réunion des anciens ?
J'ai été malade...
Rien de grave, j'espère ?
À vrai dire, j'ai été interné à l'asile.
- Mais je suis guéri ! - Qu'est-ce qui vous amène ?
- Vous semblez bien étonné ! - Oui... Enfin, non.
J'ai une idée de film.
Une idée de film ?
J'aimerais bien vous en raconter le contenu.
- Eh bien... - C'est l'heure du déjeuner.
Allons déjeuner ensemble
et vous me raconterez.
Déjeuner !
Nous y voilà...
Donnez-moi votre manteau.
Monsieur était mon professeur de mathématiques.
L'idée du film est très simple.
Elle n'en est pas pour autant risible !
Je voudrais que tu fasses un film sur l'Enfer.
C'est un sujet difficile, non ?
Le film commencerait par une proclamation du Diable.
"Prenant en ce jour possession du monde,
"je tiens à faire savoir ceci.
"J'ordonne que tout redevienne comme autrefois.
"La bombe atomique doit être interdite.
"Ne croyez pas pouvoir vous en tirer si facilement...
"Celui qui lâcha la bombe sur Hiroshima doit être jugé
"et doit être exécuté en tant qu'ennemi de l'humanité".
Et notre génération ? Nous n'avons même pas de chaos.
- Tels des lapins dans un chapeau. - À vous, je donnerai un conseil...
L'essentiel est de savoir qu'après la vie vient la mort.
Celui qui est sentimental ou craintif peut se tourner vers l'Église.
Celui qui est fatigué ou indifférent peut se suicider.
L'Église ne sera donc pas interdite ?
Au contraire, le Diable encouragera la Religion et l'Église
sans qui il n'aurait pas pu vaincre.
Toutes notions de Bien et de Mal seraient bannies d'un tel film.
Il n'a jamais été question de retirer aux gens de tels points de repères.
Le Diable, quel est son programme ?
Il n'en a pas, d'où son succès.
Et son ennemi a sans doute perdu pour en avoir trop eu.
- C'est donc cela le secret du Mal ? - Pourquoi l'appeler le Mal ?
Les gens savent qu'il veut leur bien.
Tous ses agissements ont pour but de satisfaire leurs désirs.
- Quelqu'un a bien créé ces désirs ?
Lui, bien sûr.
Dieu a été supprimé ?
Dieu est mort...
ou anéanti.
Avouez que cela simplifie tout.
Oh... Je deviens ironique.
La vie est telle une courbe,
cruelle mais voluptueuse
de la naissance à la mort. Un chef d'œuvre rieur.
Sans pitié ni raison.
Et le Diable, bien sûr, mais il a plutôt un rôle symbolique.
Le Diable,
prince de l'Enfer qu'est la terre...
Bonne idée de film, Martin... Très bonne idée, non ?
Le bonhomme finit par en devenir lui-même le Diable.
- Un Diable doux... - Un fou...
- Normal, il t'a eu comme élève. - Toi et ta vision simpliste...
Comment vois-tu les choses, toi ?
Je l'ai cru.
Il considère vraiment la terre comme un Enfer.
Il veut qu'on en ait conscience.
- Quelle horreur... - Ça te dérange, n'est-ce pas ?
- Tu vas le faire, ce film ? - Je pars aux Antilles.
- Ça te dit ? - Moi ?
Pas toi ! Sofie, bien sûr...
Que deviendrais-je sans ma femme ?
Ça ne m'inquiète pas !
Je sombrerais dans l'alcoolisme.
- Moi, je pourrais écrire sur l'Enfer ! - Sans aucun doute !
Où est l'article sur cette femme dont je t'ai parlé ?
Thomas ! Pas maintenant. Nous étions si bien ici.
Sofie l'a caché. Elle est jalouse.
N'importe quoi !
- Tu es même très jalouse... - Bien sûr, tu as été chez elle...
Tu as là le personnage principal d'un film sur l'Enfer sur terre.
- Je pensais en faire un article. - Très intéressant.
Mais je n'en ai rien fait.
- Ah bon ? - Hé non...
Ses idées géniales n'aboutissent jamais,
car il est trop alcoolique !
- C'est nul, d'ailleurs... - Ta gueule, je lis.
"Nous avons conclu l'affaire..." C'est mal écrit...
- Une autre fois... - Non, maintenant !
- "Elle habitait un appartement..." - Quelle adresse ?
"meublé sans originalité. Elle mangeait une pomme."
- Une pomme ? Tu veux un verre ? - Non, merci.
Tant mieux. Je n'ai rien à offrir.
Comment vous appelez-vous ?
Oui, je ne viens pas pour les mêmes raisons
que vos autres... invités.
- Ah ? - Oui.
- Ah ? - Je viens poser quelques questions.
Je compte écrire un article sur la vie nocturne à Stockholm.
- On y parlera de moi ? - Oui, probablement.
- Avec photos et tout ? - Personne ne saura qui vous êtes.
- Pour les questions... - Allez-y.
- Votre âge ? - 19 ans.
- Ça m'étonnerait ! - 18... 17.
Vos parents sont en vie ? Sont-ils au courant de votre vie ?
- Quelle vie ? - La nuit.
- Le fait que tu invites des gens... - J'invite aussi mes parents.
Ce n'est pas ce que je veux dire.
Avez-vous un travail de jour ? Pourquoi faire ce que vous faites ?
- Le fait que tu invites des gens. - C'est interdit ?
Vous êtes payée pour coucher avec.
C'est interdit et vous le savez.
- Je sais. - Pourquoi le faites-vous ?
- Quoi donc ? - Vous faire payer pour coucher !
C'est ce que j'aimerais comprendre.
Tu parles !
- Ça vous dérange si je fume ?
Rien ne te dérange, donc...
- D'ailleurs, je suis fiancée. - Intéressant !
Que dit-il de vos fréquentations ?
Ça l'amuse. Je lui donne l'argent.
C'est lui qui en a eu l'idée ? Il vous a forcée ?
- Pardon ? - Le fait de ramener des hommes.
- Comment ça ? - Je veux dire...
peut-être vous aimez faire cela ?
Bien sûr que j'aime ça.
- Qu'est-ce que j'ai soif. - C'est tout ?
- Je n'ai pas réussi à en faire plus. - Oh, Tais-toi...
Pas vraiment de quoi faire un film.
C'est en tout cas une idée.
Elle s'appelle Birgitta Carolina Söderberg.
Et elle a menti, elle est orpheline.
Mais elle a une sœur, Linnéa.
- Une honnête femme. - Son fiancé, tu l'as rencontré ?
Ordinaire, mais pas mal, 24 ans. Assez attirant, un peu comme moi.
Nous venons de voir le prologue du film qui débute ici.
Nous sommes en décembre. Il est midi, les gens sont pressés.
Le film s'intitule "La Prison". Producteur : Lorens Marmstedt.
Il a été enregistré aux studios Sandrew.
Il est écrit et réalisé par Ingmar Bergman.
Acteurs : Doris Svedlund, Birger Malmsten,
Eva Henning, Hasse Ekman,
Stig Olin, Irma Christensson,
Anders Henrikson, Marianne Löfgren,
Bibbi Lindkvist, Curt Masreliez.
Photo : Göran Strindberg. Production : Allan Ekelund.
Architecte : P.A. Lundgren. Musique : Erland von Koch.
Son : Olle Jacobsson. Montage : Lennart Wallén.
Six mois se sont écoulés depuis le prologue.
Tiens, voilà Birgitta Carolina.
- Comment vas-tu ? - Ça va...
- Idiote ! Chiale pas ! - Je ne pleure pas...
Des larmes partout !
Il faut faire quelque chose.
- Tu veux vraiment garder l'enfant ? - Oui...
- Pas terrible, cette enfant. - C'est notre enfant !
Qui me dit que c'est la mienne, bordel !
- Tu es méchant... - Chiale pas, j'ai dit !
Tu n'aurais jamais dû avoir cette gamine
c'est mal et c'est parfaitement contre nature !
Si tu n'avais pas été si bornée,
tu n'aurais jamais gardé cet enfant.
- Mais je t'aime ! - C'est gentil...
Mais si tu m'aimais vraiment,
tu penserais d'abord à moi !
Que veux-tu dire ?
Hein ? Ce que j'ai dit...
C'est Linnéa et moi qui devrions nous occuper de l'enfant.
Ah non ! Moi, je ne m'en mêle pas !
À chacun ses problèmes !
Tu ne te rends pas compte.
Il faut déclarer la naissance de l'enfant.
Il vont te demander plein de choses !
Qui est le père, ce qu'il fait...
Ils vont te trouver trop jeune et tu seras enfermée.
Tu m'as déjà dit tout ça.
Mais cette fois, c'est sérieux !
Ils nous enfermeront. Tous les deux !
Nous ne nous reverrions plus jamais !
Finie la belle vie.
Que comptes-tu faire d'elle ?
Rien.
- Rien ? - Non, rien.
- Mais alors... - Je compte seulement
m'en occuper et la faire disparaître.
C'est pour le mieux.
- Je ne m'en séparerai jamais ! - Les autorités t'y forceront.
Qu'est-ce que tu crois ?
Je me cacherai
là où l'on ne me trouvera jamais !
Tu sous-estimes la police.
Sois raisonnable.
Tu sais combien je t'aime.
Quand on sera dans une meilleure situation,
on se mariera.
Alors, tu pourras avoir autant d'enfants que tu veux.
- Fais comme tu veux. - Ma chérie.
On peut commencer avec un plan d'ensemble...
Un studio est le temple du ridicule !
Et toi, Martin, en es le grand prêtre.
- Et une salle de rédaction ? - Le cœur du temps.
J'ai percé tout ton bluff !
Impossible ! Car ce n'est pas un bluff.
- Et plus dangereux que le tien... - Comme tu es belle, Greta.
Tu es belle comme un ciel la nuit au mois d'août.
- Puis-je l'interviewer ? - Oui, si tu ne vas pas trop loin.
- Tu te plais, ici ? - Oui, mais...
Viens ici un instant, Sofie.
Je désire te parler. Ce ne sera pas long.
Ta relation avec Thomas semble dégénérer.
Non, pourquoi ?
C'est intéressant, un studio...
Vous semblez fous tous les deux.
Tous les amoureux semblent fous.
Son alcoolisme est une façade. Il y a quelque chose derrière tout ça.
- On fait ce travelling ? - Non, on laisse tomber.
Tout en lui n'est qu'illusion.
Il aurait besoin d'un choc ou d'un emploi pour tout oublier.
Pourquoi ne le quittes-tu pas ?
- Ça te regarde ? - Non, évidemment.
Mais avoue que tu as peur.
Martin,
t'es-tu rendu compte que l'on se perd peu à peu ?
Ce qui est nôtre,
ce que l'on a accumulé dans son enfance...
Tout simplement
l'âme.
Tu veux dire que Thomas...
Thomas et moi,
nous usons ce que nous avons en commun.
C'est pour cela qu'il se dé***.
Et moi aussi, d'ailleurs.
Crois-tu qu'il pourrait se suicider ?
Non, il n'a jamais évoqué cela.
Justement...
Vous devriez voir un neurologue.
Un docteur pour fous
ne peut rendre une âme...
Martin ! C'est prêt.
Bon, on tourne... Silence !
Démarrez la transparence !
Pas trop de ventilo.
Silence ! Cette scène est difficile.
Allez-y.
Un beau jour, l'amour prend fin.
Fin, non... Il devient autre...
Plus merveilleux encore, peut-être...
Je suis bien comme ça.
Ce qui ne change pas... meurt.
J'ai l'impression que ma vie vient de commencer.
Ne ris pas.
C'est comme si j'avais enfin une âme.
Merde ! Mon texte...
Stop ! On reprend.
- Qui a pondu cette saloperie ? - Moi.
Tu as beaucoup à apprendre.
Fatiguée ?
Non.
- Soûle ? - Non.
Alors, je ne vois pas.
Je n'en peux plus.
Moi, je ne suis pas fatigué.
Pas dans ce sens.
Drôle de soirée.
Cette lumière, les cloches...
Les pigeons peureux, immobiles...
Les gosses dans la rue.
Leurs cris plein de haine...
À quoi jouent-ils ?
Aucune idée.
On dirait le Jugement Dernier.
Peut-être c'est le cas mais on a oublié de nous avertir.
- On fait un tour dehors ? - Allons, pas d'hystérie.
Qu'est-ce que tu écris ?
Une lettre.
Une lettre ?
Oui.
Une lettre qui explique notre suicide à tous les curieux.
- Ça va pas, non ? - Très bien !
Nous allons mourir ensemble. Ça te surprend ?
Et si je ne veux pas ?
Mais si, tu veux.
On se tue tôt ou ***, si on se donne le temps de réfléchir.
Moi aussi, j'avais peur de mourir avant.
Puis, j'ai compris que c'était l'instant de mort que je craignais
et la chose est devenue moins impressionnante.
On ne sait pas ce qui nous attend.
Sans doute.
Tu crois que ça peut être plus merdique qu'ici ?
Ce sera probablement le néant.
Un de mes amis a dit que le suicide n'est pas un acte,
c'est une maladie mortelle.
Si tu me tues, c'est un meurtre.
Non... de l'amour.
c'est de l'amour pur...
Et avec la conviction que tu ne sais pas où est ton bien.
- C'est pour quoi ? - Police !
Mlle Söderberg, c'est ici ?
- Non... Oui... - Décidez-vous !
- Oui, c'est ici. - Peut-on lui parler ?
- Elle est sortie. - Où est-elle ?
- Dehors. - Pas possible !
- Entrez, je vais la chercher. - Très aimable.
Mais, sans vous commander
- allons-y ensemble. - Hein ?
Enfin, pour la chercher.
Que lui voulez-vous ?
On pense qu'elle dort trop peu la nuit.
- Pas compris ? - Je me plaindrai au commissaire !
- Vous êtes bien Mlle Söderberg ? - C'est la police.
Je m'occupe de ce jeune homme...
- Pourquoi est-elle partie ? - Je n'en sais rien.
- Elle a mauvaise conscience ? - Qui n'en a pas devant les flics ?
- Ça va mieux ? - Ça donne des rhumatismes !
Pas pour des fainéants...
- On y voit rien. - Quel boucan !
Papa m'a grondé...
Je veux qu'il me croient mort.
Ils voulaient me prendre mon poignard d'indien.
Il coupe bien.
Papa ne veut pas que j'aie de pareils jouets...
Des "jouets" !
Je le cache ici. Ne me dénonce pas, hein ?
Emprunte-le, si tu veux.
Lasse ? Tu es là ?
Je sais que tu es là.
Tu dois avoir faim.
Oui...
On va bavarder.
Veuillez me suivre sans histoires.
J'ai tué ma femme. C'est vrai !
Je l'ai pendue dans la penderie.
- Et la fille ? - Je reviens dans 10 minutes.
Donnez-lui du café, j'ai un meurtre.
Oubliez le café !
Ma fiancée est une honnête employée de magasin !
Certes,
mais on vous a trop vus dans certaines rues.
Mais !
Il y a du café pour vous aussi si vous êtes sage.
La justice de ce pays de merde !
Attention à ce que vous dites !
Ça vous va bien, à la police, l'accent du sud.
- Ça veut dire ? - C'est un compliment, merde !
Toi, tu te tais. Les gens comme toi devraient la fermer.
Ce café, tu en veux ou pas ?
À chaque jour suffit sa peine.
Le Seigneur m'attend !
Excusez-moi. J'ai été "serré".
Je le répète :
C'est un triste concours de circonstances.
C'est ici.
Racontez-moi tout.
On a bu, je devais la suicider. Et elle m'a tapé dessus.
Voici la bouteille... et ma blessure.
Alors je l'ai étranglée et je l'ai mise dans la penderie.
Je vois.
Il n'y a pas une autre penderie ?
Non.
Elle a dû se traîner au dehors.
Je ne pense pas... écoutez :
"Mon cher Thomas,
"il vaut mieux nous séparer pour quelque temps.
"Navrée de t'avoir tapé dessus.
"J'espère ne pas t'avoir fait mal.
"Signé : Sofie."
- Excusez le dérangement. - Pas de quoi.
On est payé pour ça.
Au revoir.
Très aimable, le commissaire.
J'ai su lui parler.
Mais ça aurait pu mal se terminer.
Sans moi, c'était foutu, ma pauvre petite.
Ça ne va pas ?
Vous avez une cigarette ?
Bien sûr ! Tiens-moi ça.
C'est Birgitta Carolina qui offre.
Tiens, mais c'est toi !
Et l'article sur Birgitta Carolina ?
- Je suis désolé. - Ça se voit !
Tu as besoin d'un verre et d'amitié !
Je vais chercher un taxi.
Viens lui parler.
Ma saucisse... Allez, parlez !
- Tu as froid. - Toi aussi.
Drôlement efficace, ton jules.
- Vous vous êtes mariés ? - Pas précisément.
Je n'irai pas chez vous.
- Pas mon genre. - Le mien non plus.
Comment ?
- Ça fait mal ! - Tu saignes !
- T'occupe ! - Je veux quitter Peter.
Partons avant qu'il revienne. Viens !
- Où ça ? - N'importe où. Viens !
Puisque tu insistes.
PENSION BOHLIN
- Excusez-moi. Je suis Thomas... - Et alors ?
Neveu de Mme von Stang.
Elle est morte depuis 10 ans !
Ma fiancée et moi n'avons pas de toit.
On vous fera la vaisselle, la cuisine, n'importe quoi !
Et je suis assez fort en comptabilité et sur la nouvelle loi fiscale !
On peut amuser vos pensionnaires.
Lecture, leçons de piano...
Vous avez l'air assez misérables, mais comprenez-moi.
Si je loge n'importe qui, la police fermera ma pension
et je mourrai ruinée.
Donnez-nous une chance.
Juste 24 heures !
J'ai une chambre de bonne au grenier.
Comme il n'y a plus de bonnes, ça me sert de débarras.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Attention, vous pourriez vous tuer. Le plancher est dans un état...
Il y a 10 ans, quelqu'un a mis le feu.
Puis la maison a été condamnée,
et personne n'a voulu réparer.
Voilà !
Propre, mais sans élégance.
Au printemps, on voit le soleil se coucher.
Nous verrons le reste demain. Bonne nuit !
Tu l'auras voulu.
Tu souffres plus que moi.
La dernière fois, tes yeux
étaient étonnamment bleus.
Le bleu est parti.
Est-ce pour avoir trop pleuré ?
J'ai de la tendresse pour toi.
"Tendresse".
Drôle de mot !
Ça fait bizarre à dire...
"Tendresse".
- Il y a du café pour mademoiselle ! - Merci.
Vous avez peur ? Je ne vous mangerai pas.
Entrez !
Voici Anna, ma nièce.
- Birgitta Carolina. - La fiancée de Thomas.
- Le neveu de Mme von Stang. - Ah bon ?
Servez-vous.
Plus de chemises propres !
Fallait les donner à laver.
Ecoute, Signe...
Je ne suis pas blanchisseuse.
Je chante ce soir à Ste Marie. Ça n'ira pas sans chemise !
Impossible !
Je ne lave pas, même pour l'Empereur de Chine.
Lui s'achèterait une chemise.
C'est vrai !
D'ailleurs, je t'ai prêté 35 couronnes la semaine dernière...
Quelle mesquinerie, merde !
- Pas devant les enfants ! - Je devrais déménager...
Magnus n'arrête pas de dire ça.
Le Seigneur dit : "Donnez à vos frères..."
- Tu n'es pas mon frère. - Et ça se prétend croyante !
- Harpie ! - Comment oses-tu ?
Tu me déçois. Je n'oublierai pas.
Attends, mon petit Magnus !
Attends !
La vieille est partie ?
Entre, je te sers un café.
Elle est avec Magnus.
Salut ! Tu habites ici ?
- Je ne sais pas... - Décide-toi !
On s'est pas déjà vus ?
Vous vous connaissez ?
J'ai dû me tromper.
Ça m'a coupé le hoquet.
- J'ai reçu la réponse. - Et ?
Je n'ai pas osé l'ouvrir.
- Tu l'as où ? - Ici.
Je vais le lire.
Alors ?
Quel charabia...
C'est ce qu'on pensait, hein ?
Qu'est-ce qu'on va faire ?
On n'a pas de logement...
On se marie quand même !
C'est si bête... Arrête de hoqueter !
- Je suis content. - Pas moi.
C'est moi qui vais accoucher.
Pleure pas,
sois heureuse !
Moi, je suis content.
Tu verras, tu le seras aussi.
Merde ! Presque tous les gosses
naissent 4 mois après le mariage.
Écoute, je ferai un très gentil mari.
Mercredi, je laisse tomber le match de boxe.
On arrosera le moutard à la place.
Ça te va comme ça ? Hein ?
Je t'aime, merde !
Quand je venais ici avec ma tante, je jouais avec.
- C'est quoi ? - Un projecteur de cinéma.
- J'ai aussi trouvé mon dada. - Il est très beau.
C'est parti.
C'est étrange.
Les choses surgissent, puis disparaissent.
C'est comme moi,
disparu, je remonte à la surface.
C'est toi qui en as le mérite.
Si mérite il y a.
Moi ?
J'oublie parfois tes 17 ans.
J'ai toujours été tellement seule.
Pas toi ?
Autour de moi, il y a eu du tapage !
- Je suis marié. - Tu l'aimes ?
Oui, mais je m'aime encore plus.
Pourquoi l'as-tu quittée ?
Ben, on s'entretuait.
- On en parle plus, d'accord ? - N'en parlons plus.
C'est drôle...
Ça me rappelle mon enfance.
Pourquoi ?
Ça me fait tout chaud.
- J'ai fait un rêve cette nuit. - Un beau rêve ?
- Le plus beau de ma vie. - Raconte.
- Je ne peux pas. - Mais si !
- Je n'ai pas l'habitude. - Essaie toujours.
Tu ne riras pas et tu ne me regarderas pas.
Au début, c'est effrayant.
J'avais l'impression de marcher dans une forêt sombre.
À la place des arbres, il y avait des gens.
Puis le vent a chassé l'obscurité.
Dans un grand parc, le soleil brillait entre les arbres nus.
Par terre, des feuilles mortes...
Là, je me suis sentie si heureuse.
J'ai vu une fille en deuil derrière un arbre.
Elle m'a fait signe d'approcher.
Elle m'a donné une boîte
contenant une magnifique pierre.
J'ai failli mourir de bonheur.
Tellement heureuse
que j'en souffrais...
Et puis ?
C'est tout.
Et ça signifie quoi ?
Qu'on m'avait donné ce qu'il y a de plus beau.
Une chose fragile
qu'il faut se garder de perdre.
N'aie pas peur... Entre dans la forêt.
Ce n'est qu'un rêve sans danger.
Continue...
Je ne te quitte pas.
- Qui es-tu ? - C'est moi...
ta maman.
- Allons voir Thomas. - Où est-il ?
Là. À côté du Malheur.
Tu as l'air triste.
- Ils ont abîmé mon dada. - Mon pauvre Thomas !
Je suis là ! Laisse-moi te consoler.
Tu ne vois pas que c'est un désastre ?
Oh, mon chéri...
Ceci est un rêve, alors j'ose tout te dire.
Réveillée, je n'oserais pas.
Je t'aime, Thomas.
Je veux être avec toi.
Je serai douce et obéissante. Tu pourras me battre,
mais tu ne le feras pas.
Quand tu auras bu, je te porterai.
Si tu es triste, je te ferai rire.
Plus jamais je ne serai seule.
Quand tu en auras assez de moi, je partirai à jamais.
Jamais je ne te ferai du chagrin.
Tu m'entends ?
Qu'y a-t-il ?
- Je peux t'aider ? - Personne ne peut rien.
- Un mauvais souvenir ? - Il faut que tu me dises !
Laisse-moi !
- Birgitta ! Ça peut nous sauver ! - Je ne peux pas !
- Malade ? - Oui...
Depuis longtemps ?
Ça t'a prise brusquement ?
- Le noir... - Pourquoi ?
- Je ne sais pas. - Tout à l'heure, tu savais pourquoi !
- J'ai perdu... - Quoi ?
Dis-moi ce que tu as perdu !
Peter l'a ramassé,
puis lui et Linnéa m'ont laissée seule.
Tu l'avais perdu exprès ?
Je voulais la garder. Je le voulais !
Je le voulais !
Ton enfant ?
Oui... mon enfant.
Que Peter et Linnéa t'ont enlevé ?
Tu voulais oublier...
Je ne peux pas oublier.
Que vais-je faire ?
Petite sotte.
Ça ne change rien.
Mais il est bon que je le sache.
Linnéa, je suis debout !
Tiens, le journal.
Qu'est-ce qu'il y a ?
- C'est foutu ! - N'exagère pas.
Je le savais. Tu es une incapable !
Ils vont me donner quoi ? Trois ans ?
- Ils ne t'ont pas encore pris ! - Moi ?
Qui en a eu l'idée ? Qui a parlé d'éliminer un fardeau ?
Qui a dit qu'une mère-pute de 17 ans est foutue ?
Ton œuf, combien de minutes ?
Quatre.
Je l'ai fait rien que pour elle.
Rien que pour elle.
C'est moi le père, j'ai aussi souffert !
Mon enfant...
Une fois le cadavre trouvé, ils chercheront la mère.
Et ils savent chercher !
- Il nous faut un plan. - Un plan !
- Je m'embarque sur un cargo ! - Et puis quoi encore ?
- Pas la trouille, toi ? - Je ne suis pas une mauviette !
Ce plan, je l'ai.
Nous devons la trouver.
Seule, elle avouera tout
et nous mettra dans le pétrin.
Mais si elle est chez nous, ce sera plus simple...
...de lui faire garder le silence.
Sofie, dépêche-toi !
Un taxi au 7 de la Jungfrugatan...
Merci.
Bonsoir à vous.
Je ne vous dérange pas ?
Si, nous allons au cinéma.
- Voulez-vous savoir où est Thomas ? - Dites ce que vous savez !
- Il a besoin de vous, il est malade. - Comment le savez-vous ?
- J'en viens juste. - Où est-il ?
Ce n'est pas si simple... Je ne tiens pas à me laisser marcher dessus.
Bon, ça vient ?
Soyez courtois,
autrement, je ne vous dirai rien !
Eh bien, veuillez m'excusez...
Chose étrange que l'amour...
Aimez-vous Thomas ?
Oui.
Celle que j'aime m'a aussi quitté.
Et alors ?
- Vous me méprisez, tous les deux. - Mais non. Racontez tout.
Un cadavre d'enfant attend sa mère.
Intéressant, hein ?
La police est très intéressée.
Vous voulez Thomas ?
Je veux Birgitta Carolina.
Vous seule pouvez nous aider.
Parlez à Thomas.
S'il ne quitte pas Birgitta Carolina,
elle sera dénoncée pour meurtre.
Il est délicat, il revient vers vous. Elle m'appartient, elle revient vers moi.
On oublie l'enfant. La police aussi. Elle dé*** les embêtements.
Et tout est pour le mieux !
L'adresse de Thomas.
Vous me trouvez peut-être sans scrupule,
mais je l'aime vraiment.
J'ai longtemps voulu m'excuser, Sofie.
Et j'allais le faire.
Quel gentleman !
Cette nuit-là a marqué un tournant.
J'y ai trouvé quelqu'un à aimer.
Moi aussi,
mais tu trouvais alors de tels sentiments "inopportuns".
Tu te rappelles ?
- C'est cette fille ? - Oui ! C'est cette fille.
Je me sens revivre.
- Elle signifie tout pour moi. - C'est de la pitié ?
On confond parfois pitié et attirance avec l'amour.
Que comptes-tu faire ?
Résoudre les problèmes de Birgitta Carolina.
- Tu es donc au courant ? - Oui, je suis au courant.
J'ai beau essayer, je ne te comprends pas,
mais je sais que tu essaies d'agir...
pour le mieux.
Mais admets qu'on s'est bien amusé.
Il vaut mieux que nous partions.
Est-ce que Birgitta Carolina est là ?
Elle avait promis de m'aider.
Dans sa chambre ?
Je viens d'aller voir.
Elle est probablement sortie, son manteau n'est pas là.
Qu'est-ce que j'ai dit ?
Entrez, n'importe qui peut vous voir.
Alors, tu reviens ? Je savais que tu finirais par te lasser.
Il était trop gentil...
- Le frigo est réparé ? - Oui.
Mais il ne marche pas quand même !
Nous avons de la visite.
Ma petite Birgitta !
- Tu as froid ? - Oui.
Attends, j'ai un cognac d'enfer !
- Du café, plutôt... - Je m'en charge.
- Une cigarette ? - Non, merci.
Comme je dis toujours
on ne peut rien comprendre à l'amour.
C'est tellemnt complexe.
Tu retournes chez Linnéa et moi car nous sommes gentils avec toi.
C'est bien ça, non ?
- Thomas, c'est autre chose. - Il est plus craintif.
Et l'enfant ?
C'était comme noyer un chaton.
D'ailleurs, elle était morte avant.
- Tu es quand même une femme ! - Mais j'ai pu le faire.
- Tu peux être reconnaissante. - Je le suis.
- C'est quand même assez effrayant. - Hé bien...
Il faut y penser froidement.
Alors,
tu l'aimais, ce Thomas ?
J'ai beaucoup réfléchi, tu sais...
C'est lui.
Tu vas ouvrir ? Tu n'as rien à craindre.
Je reste ici.
Ce sont mes amis et j'y suis bien.
Vous avez entendu ce qu'elle a dit ?
Elle reste avec nous.
Mais pas vous. Veuillez sortir.
Elle est revenue car nous avons beaucoup en commun.
POURQUOI ES-TU PARTI ?
Tu reconnais Alf ? Ce bon vieux Alf !
Ça marche bien pour lui. Si tu voyais sa voiture !
Linnéa est par ici.
- Salut, Linnéa. - Salut. Pas de bruit cette fois-ci !
Ne t'inquiète pas !
J'ai une idée ! Demain, on va en pique-nique.
On déjeune ensemble. Ça te dit ?
Marrant, non ?
Birgitta Carolina m'a à peine dit bonjour.
- Elle est silencieuse ces jours-ci. - Elle a l'air triste.
L'amour, peut-être ?
Hein, Peter ?
On s'est bien amusé, nous deux.
Souris...
Allez, souris !
La cicatrice sur mon bras, c'est un souvenir de toi.
Elle a bien changé, la petite.
On dirait.
Hein, Peter ?
Je vous laisse. Je vais me pieuter.
- Peur de moi ? - De tous les hommes
écœurants dont je me souvienne,
tu es le pire.
- Charmant prélude à nos ébats. - Ah, tu crois ?
Dis-moi, des comme toi...
ça y prend plaisir ?
Ça dépend.
- Moi, tu m'aimes bien. - Je te hais.
Pas en général,
- mais pour la chose. - Encore moins.
- Ne sois pas arrogante. - Tu me provoques.
- Ça ne vient pas de toi, ça ! - Je sais bien ce que tu es.
Moi, je sais comment on traite les gens de ta sorte.
- Viens par ici. - Non.
Ne me touche pas.
Crie, alors...
Ne me touche pas, ne me touche pas !
Birgitta !
Qu'est-ce qu'il y a ?
Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
Oh, merde !
- Comment il a fait ça ? - Avec une cigarette, idiot !
C'est fini.
C'est fini, c'est fini.
Ne pleure pas.
Il ne viendra plus ici ! Je te le promets !
Il ne te touchera plus jamais !
- Peter ! - Oui ?
- Qu'avons-nous fait ? - N'y pense plus.
N'y pense pas.
Je ne veux plus jamais avoir d'enfant !
Plus jamais, tu m'entends ?
Oui, c'est promis...
Ça ne fait pas mal...
C'est pas grave...
Thomas...
Thomas...
Oui, Birgitta.
J'ai beaucoup de tendresse pour toi.
Je ne veux pas !
Birgitta !
Birgitta !
Je suis de retour.
Peut-être... si tu le veux,
on peut recommencer à zéro ?
Il faut essayer...
si... tu le veux.
Si seulement je pouvais te dire non.
Je comprends.
- Tu as froid ? - Non.
Sofie...
Je vais te préparer quelque chose de chaud.
Tu as l'air malade.
Non, pas ça Thomas.
Je me suis habituée à ton absence.
Il me faudra du temps.
Oui. C'est bon. Et la 46, là-bas.
Merci d'être venus répéter.
- Fatigués ? - Non, pas trop.
- On va dîner ensemble ? - Non.
Il me faut dormir pour être belle.
- C'est quoi ce boucan ? - C'est Pelle qui mixe le son.
C'était effrayant !
C'est lugubre, un studio la nuit.
On s'attend à voir des spectres !
- Je te raccompagne ? - Non, c'est bon.
- Tu n'es pas bientôt prêt ? - Si, si... après on prend un taxi.
- Tu es au courant ? - Non.
Thomas est revenu chez Sofie.
- Et toi, que Birgitta s'est suicidée ? - Ah bon ? Non, je n'en savais rien.
Eh oui, c'est comme ça.
De quoi faire un film !
Un film sur l'Enfer qu'est la terre, peut-être ?
- Tu es bien ironique. - Et toi, bien sérieux...
Je pense à M. Paul...
La vie est telle une courbe,
cruelle mais voluptueuse.
C'est peut-être vrai pour certains.
Bonsoir, Martin.
Bonsoir, Paul.
Le fou du roi est là, lui aussi.
Mais plus vraiment d'humeur.
C'est quoi tous ces rires cruels qui nous entourent ?
Il sont bien là pour quelque chose.
- Martin, as-tu réfléchi à mon idée ? - Irréalisable.
On ne peut pas faire de film qui se termine en question angoissante.
- Une question ? - Oui.
Une question sur notre planète, sur vous, moi, Birgitta,
nous tous...
À qui poserait-on cette question ?
C'est ça qui est macabre.
Il n'y a personne à qui demander.
Si... Si l'on croit en Dieu.
Et ce n'est pas le cas.
N'est-ce pas ?
Non, c'est impossible.
Ce serait trop simple.
Dans ce cas,
il n'y a rien à faire.
On éteint !
On s'en va.
Bonne nuit !