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Bonjour, mon nom est Julie Gosselin.
Je suis professeure à l'École de psychologie, directrice de laboratoire de
recherche sur la famille recomposée
et psychologue clinicienne et chercheure affiliée au CRSEC.
Je vais vous parler aujourd'hui d'un premier projet utilisant le méthode Photo Voice,
qui est effectué dans notre laboratoire durant la dernière année,
projet qui a été fait en collaboration avec des mères monoparentales
vivant dans un contexte défavorisé en Outaouais.
Mon objectif aujourd'hui avec vous est de parler
de la technique Photo Voice
et qu'est-ce que ça implique, et aussi de
notre choix d'utiliser Photo Voice dans ce projet de recherche-là,
ainsi que des résultats qui sont ressortis du projet qui a été
effectué avec ce groupe de mères.
D'abord, la méthodologie Photo Voice est une méthodologie qui existe depuis
un certain temps et qui
prend de plus en plus d'importance en termes de son utilisation en recherche,
méthodologie qui a été développée par *** et Burris, qui a été utilisé
la première fois dans
une recherche qui a été publiée en 1997 avec un groupe de
mères chinoises, et l'objectif était de pouvoir utiliser des photos
comme données de recherche.
C'est donc une méthodologie qui est utilisée avec des
populations qui pourraient peut-être plus difficilement participer dans
des efforts de recherche traditionnels
qui pourraient utiliser soit des entrevues semi-structurées,
ou des questionnaires papier-crayon.
Donc on peut voir qu'en utilisant Photo Voice, on peut
permettre à des populations qui ont été marginalisées
de par leur niveau de scolarité,
de par toutes sortes d'autres critères aussi,
qu'elles peuvent participer à la recherche dans la mesure où elles sont capables d'utiliser
un appareil photo.
On a choisi d'utiliser
la méthodologie Photo Voice pour notre projet de recherche
justement parce qu'on était mobilisés par cette idée
de pouvoir donner une voix à nos participantes.
On a identifié dans la recherche que la monoparentalité
a été peu étudiée de la perspective des mères qui vivent cette réalité
et que ça va souvent porter davantage sur les mécanismes liés aux risques,
plutôt qu'à la résilience dans ces familles.
Donc notre objectif était aussi de pouvoir permettre à nos participantes
d'être co-constructrices
de la perspective qu'on allait adopter par rapport à leur problématique,
mais aussi co-constructrices
des connaissances qu'on allait
réussir à recueillir à travers ce projet-là.
Ce groupe des mères qui a participé au projet est un groupe particulier.
C'est un groupe de mères
qui participent à un programme qui s'appelle « Vers la réussite »
qui est parrainé par l'Association des familles monoparentales et recomposées
de l'Outaouais, qui est notre partenaire
communautaire de recherche.
C'est un programme qui s'échelonne sur douze semaines
et qui vise à
développer leur niveau d'inclusion sociale,
leur empowerment, leurs compétences parentales,
et les aider à intégrer le milieu de travail.
Les mères qui participent à ce programme-là
non seulement vivent dans un contexte défavorisé, mais
plusieurs d'entre elles ont un historique de toxicomanie,
d'alcoolisme, de violence familiale
et de démêlés avec la DPJ.
On a donc rencontré les participantes au programme Vers la réussite,
on leur a proposé notre projet,
avec les objectifs suivants, c'est-à-dire qu'on est intéressés à mieux
comprendre les enjeux
auxquels elles font face,
témoigner selon leur perspective de la réalité,
identifier aussi des facteurs liés à la résilience chez ces mères-là,
et pouvoir peut-être aussi évaluer les besoins en matière de solidarité
sociale.
Six mères ont décidé de participer au projet Photo Voice,
et dans les semaines qui ont suivi, on a reçu des caméras, on leur a donné de la
formation sur comment prendre des photos
et elles ont été envoyées dans leur communauté pour prendre des photos de
ce qui
représentait le mieux leur réalité.
Suite à la prise de photos, elles ont rencontré
nos chercheurs, notre équipe de recherche, et ensemble elles ont
pu remplir des fiches présentant une trame narrative de ces
ces photos-là,
c'est à dire expliquant un peu pourquoi elles ont pris ces photos-là, qu'est-ce qu'elles
voulaient représenter,
et pourquoi est-ce que c'est important pour elles.
Les données ensuite ont été
transcrites dans le logiciel NVivo 10 et analysées selon
l'approche interprétative phénoménologique.
Donc, quels sont les résultats de cette recherche?
En fait, trois thématiques principales ont émergé de
l'ensemble des photos qui ont été générées par nos participantes.
D'abord une thématique qu'on a surnommée la roue de fortune.
C'est-à-dire que les mères à la fois reconnaissent
qu'elles font face à beaucoup d'adversité, qu'il y a beaucoup de facteurs de risque
dans leur environnement, dans leur
situation de vie,
mais en même temps,
c'était important pour elles de noter la résilience, leur résilience
personnelle, la résilience aussi qui est tributaire du soutien
qu'elles reçoivent
et donc à la fois elle reconnaissent qu'elles vivent au bord du
goufre, c'est-à-dire qu'elles ont l'impression
d'avoir peu de degré de liberté
mais en même temps qu'il est possible de faire face,
et donc la roue de fortune
fait référence à à cette dualité-là.
La deuxième thématique qui est importante c'est celle qui a rapport à l'identité,
c'est-à-dire que la plupart des mères parlent du fait
qu'elles remarquent que leur identité est maintenant forgée dans leur capacité à
se relever.
Ce sont des femmes qui ont vécu énormément d'adversité, dans leur vie
et, en partie on se donnant davantage de compassion,
mais aussi on reconnaissant
le pouvoir lié au fait d'apprendre à se relever, qui
donc fait en sorte d'informer leur identité, qui est moins comme
victime, mais plutôt comme
résiliente, capable de survivre,
et aussi on voyait que c'était très imbriqué cette identité-là
dans le désir d'être un modèle positif pour leurs enfants,
pour essayer de montrer aussi à leurs enfants que
la réussite ce n'est
pas de ne pas avoir avoir de défi mais c'est plutôt
de faire face au défi.
C'est un message très important pour elles.
Finalement, la troisième thématique qui est ressortie était cette idée
qu'il y a un mur qui nous sépare de la société, c'est-à-dire que
ce sont des mères, qui reconnaissent qu'elles
se sentent exclues de la société mais en même temps, elles se sentent sous sa
surveillance.
Elles sont exclues à cause de leurs difficultés financières, des préjugés à
leur endroit,
et aussi des conditions dans lesquelles elles doivent vivre,
incluant les quartiers dans lesquels elles doivent vivre,
mais en même temps, elles ont ce sentiment que autant que la société,
la communauté les exclut
et ça c'est autant au niveau de l'école de leurs enfants,
des organismes communautaires
et des institutions sociales, mais en même temps elles ont l'impression
d'être sous leur surveillance,
aussi parce que souvent elles dépendent
de la société, dépendent entre autres
de programmes pour pouvoir les aider à subvenir aux besoins de leur famille.
Donc on voit que
vraiment, ce qu'elles nous ont rapporté à travers ces résultats-là,
c'est une expérience de dualité à plusieurs niveaux.
Ces résultats-là sont intéressants parce qu'ils
peuvent nous permettre
de poser différentes questions pour l'avenir, par exemple
on sait que ce groupe de femmes-là est un groupe spécial. C'est un
groupe qui a
choisi de participer à un programme pour développer
leurs compétences, un programme qui est difficile à compléter par ce que c'est
un programme à temps plein,
sur 12 semaines.
Donc on peut voir que c'est un groupe vraiment de mères qui a
beaucoup de résilience déjà.
On pourrait se poser la question, est-ce qu'on aurait les mêmes résultats de
recherche avec des groupes de mères
qui ne participeraient pas à ce genre de programme-là,
et aussi comment est-ce que les résultats qu'on obtient ici
peuvent nous aider à contribuer au développement de programmes
justement qui vont être
efficaces pour aider
ces mères-là à composer avec leur réalité, et pouvoir aussi
justement intégrer la communauté davantage.
Également, comment est-ce que ces résultats-là peuvent
nous informer pour aller atteindre ces mères-là qui peut-être ne
participent pas à ce genre de programme-là, et qui pourraient bénéficier de programmes
comme « Vers la réussite »?
Ça m'a fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui,
et je vous remercie.